Numéro 2 - Février 2024

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2024

PROCEDURE CIVILE

2e Civ., 8 février 2024, n° 21-25.957, (B), FRH

Rejet

Acte de procédure – Nullité – Irrégularité de fond – Intervention volontaire – Régularisation – Conditions – Détermination

Selon l'article 468, alinéa 3, du code civil, l'assistance du curateur est requise pour introduire une action en justice ou y défendre.

Aux termes de l'article 121 du code de procédure civile, dans les cas où elle est susceptible d'être couverte, la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.

Il résulte de l'article 2241, alinéa 2, du code civil que l'acte de saisine de la juridiction, même entaché d'un vice de procédure, interrompt le délai de prescription comme de forclusion.

Il résulte de ces textes que si la déclaration d'appel qui intime le seul majeur sous curatelle peut être régularisée, même après l'expiration du délai d'appel, l'intervention volontaire du curateur à l'effet de faire sanctionner l'irrégularité tirée de l'omission de l'intimer dans la déclaration d'appel, ne peut valoir régularisation de l'acte d'appel.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 28 octobre 2021), dans un litige l'opposant à M. [U], placé sous curatelle, la caisse de mutualité sociale agricole du Poitou (la caisse) qui a relevé appel d'un jugement du 17 décembre 2018 d'un tribunal des affaires de sécurité sociale, n'a intimé que M. [U].

2. La curatrice de ce dernier est intervenue volontairement en cours d'instance.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La caisse fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa déclaration d'appel formée par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 février 2019, alors « que le délai d'appel est un délai de forclusion ; qu'il est interrompu par la déclaration d'appel, même si celle-ci est entachée d'une irrégularité, de forme ou de fond ; que cette irrégularité peut être régularisée jusqu'au jour où le juge statue ; que la déclaration d'appel intimant un majeur en curatelle peut être régularisée par l'intervention volontaire du curateur avant que le juge statue ; qu'en l'espèce, la CMSA Poitou n'a certes intimé que M. [U], mais la curatrice de ce dernier est intervenue volontairement à l'instance ; qu'il en résulte que celle-ci a été régularisée ; qu'en affirmant cependant que la CMSA ne pouvait régulariser la procédure que durant le délai d'appel en intimant la curatrice, la cour d'appel a violé les articles 117 et 121 du code de procédure civile, ainsi que les articles 467 et 2241 du code civil. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article 468, alinéa 3, du code civil, l'assistance du curateur est requise pour introduire une action en justice ou y défendre.

5. Aux termes de l'article 121 du code de procédure civile, dans les cas où elle est susceptible d'être couverte, la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.

6. Il résulte de l'article 2241, alinéa 2, du code civil que l'acte de saisine de la juridiction, même entaché d'un vice de procédure, interrompt le délai de prescription comme de forclusion.

7. Il en découle que si une régularisation demeure possible, même après l'expiration du délai d'appel, l'intervention volontaire du curateur à l'effet de faire sanctionner l'irrégularité tirée de l'omission de l'intimer dans la déclaration d'appel ne peut valoir régularisation.

8. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt, qui a déclaré irrecevable la déclaration d'appel, se trouve légalement justifié.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : Mme Vendryes - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Duhamel -

Textes visés :

Articles 468, alinéa 3, et 2241, alinéa 2, du code civil ; article 121 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 6 février 1996, pourvoi n° 93-21.053, Bull. 1996, I, n° 65 (cassation sans renvoi) ; 2e Civ., 16 octobre 2014, pourvoi n° 13-22.088, Bull. 2014, II, n° 215 (cassation) ; 2e Civ., 1 juin 2017, pourvoi n° 16-14.300, Bull. 2017, II, n° 116 (cassation).

Soc., 28 février 2024, n° 23-10.295, (B), FRH

Cassation partielle

Conclusions – Conclusions d'appel – Premières conclusions – Obligation de concentration des prétentions au fond – Défaut – Effets – Irrecevabilité de la demande – Applications diverses – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 9 novembre 2022), Mme [N] a été engagée en qualité de conducteur receveur de transport en commun le 13 novembre 2003 par la société Keolis [Localité 3].

2. La salariée a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 26 février 2016.

3. Soutenant que son licenciement serait dépourvu de cause réelle et sérieuse, elle a avec le syndicat CGT TCL saisi la juridiction prud'homale le 16 mars 2016.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement de la salariée était nul au motif d'une discrimination en raison de son état de santé et de le condamner au paiement de dommages-intérêts à ce titre, alors « que selon l'article 910-4 du code de procédure civile, les parties doivent, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, présenter l'ensemble de leurs prétentions sur le fond dès les premières conclusions déposées devant la cour d'appel telles que mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910 du même code ; que la demande en nullité d'un licenciement pour discrimination et la demande visant uniquement à la reconnaissance d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse constituent des prétentions distinctes ; qu'en l'espèce, pour accueillir les demandes formées par Mme [N] au titre de la nullité de son licenciement du fait d'une discrimination en raison de son état de santé, la cour d'appel a jugé que ''les demandes formées par la salariée au titre d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, puis d'un licenciement nul, tendent à l'indemnisation des conséquences de son licenciement qu'elle estime injustifié'', que ''ces demandes poursuivent par conséquent les mêmes fins, de sorte que la demande de nullité du licenciement est recevable'' et ''[qu'] il est indifférent que la salariée n'ait pas visé la nullité du licenciement dans ses premières écritures d'intimée dès lors que, si l'article 910-4 du code de procédure civile exige que les parties présentent l'ensemble de leurs prétentions sur le fond dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, cette exigence ne s'applique pas aux moyens qu'elle développent à l'appui de leurs prétentions'' ; qu'en statuant ainsi, quand la demande en reconnaissance de l'absence de cause réelle et sérieuse d'un licenciement et la demande en nullité de la rupture pour discrimination ne constituent pas une même prétention et qu'elle constatait que dans ses premières écritures d'intimée, la salariée n'avait pas demandé la nullité de son licenciement, ce dont il résultait que cette prétention était irrecevable, la cour d'appel n'a pas tiré le conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 910-4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 910-4 du code de procédure civile :

5. Selon ce texte, à peine d'irrecevabilité, les parties doivent présenter, dès les premières conclusions, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond.

6. Pour déclarer recevable et fondée la demande de nullité du licenciement, l'arrêt retient que les demandes formées par la salariée au titre d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, puis d'un licenciement nul, tendent à l'indemnisation des conséquences de son licenciement qu'elle estime injustifié. Il ajoute que ces demandes poursuivent par conséquent les mêmes fins, de sorte que la demande de nullité du licenciement est recevable et qu'il est indifférent que la salariée n'ait pas visé la nullité du licenciement dans ses premières écritures d'intimée dès lors que, si l'article 910-4 du code de procédure civile exige que les parties présentent l'ensemble de leurs prétentions sur le fond dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910 du même code, cette exigence ne s'applique pas aux moyens qu'elles développent à l'appui de leurs prétentions.

7. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que dans ses premières conclusions du 31 mars 2020, la salariée n'avait pas demandé la nullité de son licenciement, de sorte que cette prétention était irrecevable, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de dommages-intérêts au titre de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession formée par le syndicat CGT TCL, débouté Mme [N] de sa demande de rappel d'indemnités journalières, condamné la société Keolis [Localité 3] à payer à Mme [N] la somme de 3 397,61 euros au titre des rappels de congés payés du 29 octobre au 8 décembre 2015, outre celle de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure ainsi qu'aux dépens, l'arrêt rendu le 9 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Capitaine (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Salomon - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SARL Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Article 910-4 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Sur l'obligation de concentration des prétentions au fond dans les premières conclusions d'appel, à rapprocher : 2e Civ., 20 octobre 2022, pourvoi n° 21-16.907, Bull., (cassation partielle).

2e Civ., 8 février 2024, n° 21-25.928, (B), FRH

Rejet

Décision de refus de rétractation – Décision prononçant la caducité d'une citation – Conséquences – Audience – Absence de motif légitime – Absence de comparution du demandeur – Cas

Selon l'article 468 du code de procédure civile, si, sans motif légitime, le demandeur ne comparaît pas, le défendeur peut requérir un jugement sur le fond qui sera contradictoire, sauf la faculté du juge de renvoyer l'affaire à une audience ultérieure. Le juge peut aussi, même d'office, déclarer la citation caduque. La déclaration de caducité peut être rapportée si le demandeur fait connaître au greffe dans un délai de quinze jours le motif légitime qu'il n'aurait pas été en mesure d'invoquer en temps utile.

Dans ce cas, les parties sont convoquées à une audience ultérieure.

Cette règle de procédure, dont la portée est générale et concerne toutes les audiences, sauf texte contraire, poursuit un but légitime au sens de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en l'occurrence la célérité et l'efficacité de la procédure. Elle ne constitue pas un excès de formalisme, la partie demanderesse non comparante pouvant demander le rapport de la déclaration de caducité en justifiant d'un motif légitime de n'avoir pu comparaître, et ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge d'appel, un rapport raisonnable de proportionnalité existant entre les moyens employés et le but visé.

C'est dès lors, sans encourir les griefs du moyen, qu'une cour d'appel, qui constate que l'appelante, qui n'a pas comparu à une audience de mise en état et n'établit pas avoir sollicité et obtenu l'autorisation de formuler ses prétentions et ses moyens par écrit sans se présenter à cette audience, conformément à l'article 446-1 du code de procédure civile auquel renvoie l'article R.142-10-4 du code de la sécurité sociale, relève que l'éloignement géographique du conseil du demandeur ne pouvait constituer un empêchement légitime de comparaître à l'audience et confirme l'ordonnance ayant refusé de rapporter la décision de caducité de son recours.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 28 octobre 2021), saisi le 13 juillet 2017 par l'UGECAM Auvergne, Limousin, Poitou Charentes (l'UGECAM) d'un recours contre la décision d'une commission de recours amiable ayant refusé d'annuler un contrôle réalisé par l'URSSAF du Limousin (l'URSSAF), le président d'un tribunal de grande instance, pôle social, a prononcé, le 14 mai 2019, la radiation de l'instance du rôle, l'UGECAM n'ayant pas comparu à l'audience de mise en état.

2. A la suite de la réinscription au rôle de l'affaire à la demande de l'UGECAM, le président du tribunal a prononcé, le 18 juillet 2019, la caducité du recours en raison de son défaut de comparution à l'audience de mise en état du même jour.

3. L'UGECAM a ensuite été déboutée de sa demande tendant à la réinscription au rôle de l'affaire et à voir rapporter la caducité, par ordonnance du 26 mai 2020, dont elle a relevé appel.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa quatrième branche

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. L'UGECAM fait grief à l'arrêt de confirmer dans toutes ses dispositions l'ordonnance prononcée le 18 juillet 2019 par le pôle social du tribunal judiciaire de Limoges qui a déclaré caduc le recours du 13 juillet 2017 formé et réinscrit le 21 mai 2019 par l'UGECAM, alors « que lorsque le juge déclare caduque une citation en justice, la voie de l'appel n'est ouverte qu'à l'égard de la décision par laquelle le juge refuse de rétracter sa première décision (2e Civ., 17 juin 1998, pourvoi n° 95-12.810, Bull. 1998, n° 193) ; qu'il s'ensuit que la cour d'appel ne peut confirmer ou infirmer que la décision par laquelle le juge a refusé de rétracter sa décision déclarant la caducité, mais non la décision sur la caducité elle-même ; que la déclaration d'appel n° 20/01080 a été formée « à l'encontre de l'ordonnance rendue par le tribunal judiciaire pôle social de Limoges le 26 mai 2020 RG n° 19/00622 » par laquelle la demande de rapport de caducité a été rejetée ; que la cour d'appel a « confirmé dans toutes ses dispositions l'ordonnance prononcée le 18 juillet 2019 par le Pôle social du tribunal judiciaire de Limoges » par laquelle la caducité du recours a été prononcée ; que la cour d'appel a ainsi violé l'article 468 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. La cour d'appel ayant mentionné que l'appel était interjeté contre l'ordonnance du 26 mai 2020 et décidé dans ses motifs qu'il convenait de confirmer l'ordonnance attaquée, le fait qu'elle ait confirmé dans le dispositif de l'arrêt, l'ordonnance prononcée le 18 juillet 2019 et non celle prononcée le 26 mai 2020, procède d'une erreur purement matérielle qui ne saurait donner ouverture à cassation.

7. Le moyen est, dès lors, irrecevable.

Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

8. L'UGECAM fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 2°/ que, selon l'article R. 142-10-5 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable issue du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, pour l'instruction de l'affaire, le président de la formation de jugement exerce les missions et dispose des pouvoirs reconnus au juge de la mise en état par les articles 763 à 781 du code de procédure civile ; que, selon l'article 764 du code de procédure civile, dans sa version applicable issue du décret n° 2017-892 du 6 mai 2017, le juge de la mise en état peut, après avoir recueilli l'avis des avocats, fixer un calendrier de la mise en état ; qu'il s'ensuit que l'absence de comparution du demandeur à l'audience de la mise en l'état pour la mise en place d'un calendrier de procédure n'est pas sanctionnée par la caducité du recours mais par le fait que le calendrier de procédure est établi sans tenir compte de l'avis de ce justiciable ; qu'en effet, l'audience de la mise en l'état pour l'établissement d'un calendrier de procédure a pour seul objet la détermination de ce calendrier ; que, même dans l'hypothèse, où le conseiller de la mise en l'état estimerait l'affaire en état d'être jugée, il ne pourrait que renvoyer à une audience ultérieure pour les plaidoiries ; qu'en aucun cas, sauf un excès de pouvoir, une audience de la mise en l'état pour la détermination d'un calendrier de procédure ne pourrait donner lieu à une audience de plaidoiries au fond ; que, pour déclarer le recours caduc, la cour d'appel a confirmé l'ordonnance du 18 juillet 2019 de laquelle il ressort que l'affaire a été appelée à l'audience de mise en l'état du 18 juillet 2019 pour mise en place d'un calendrier de procédure ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article R. 142-10-5 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable issue du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, et l'article 468 du code de procédure civile et l'article 764 du même code, dans sa version applicable issue du décret n° 2017-892 du 6 mai 2017 ;

3°/ que le droit d'accès à un tribunal doit être concret et effectif ; que, s'il n'est pas absolu et peut faire l'objet de limitations, celles-ci ne doivent pas restreindre ou réduire l'accès laissé à l'individu de manière à ce que l'essence même du droit ne soit pas altérée ; que le droit d'accès à un tribunal se trouve atteint dans sa substance lorsque sa réglementation cesse de servir les buts de la sécurité juridique et de la bonne administration de la justice et constitue un formalisme excessif et une barrière qui empêche le justiciable de voir son litige tranché au fond par la juridiction compétente ; que constitue une barrière procédurale et un formalisme excessif le prononcé de la caducité d'un recours en raison de l'absence de comparution du demandeur à une audience de la mise en l'état pour la mise en place d'un calendrier de procédure ; que la sanction justifiée et proportionnée - conforme au but de sécurité juridique et de bonne administration de la justice - consiste en ce que l'absence de comparution du demandeur à cette audience conduit à ce que le calendrier de procédure soit établi sans tenir compte de son avis ; qu'en effet, l'audience de la mise en l'état pour l'établissement d'un calendrier de procédure a pour seul objet la détermination de ce calendrier ; que, même dans l'hypothèse, où le conseiller de la mise en l'état estimerait l'affaire en état d'être jugée, il ne pourrait que renvoyer à une audience ultérieure pour les plaidoiries ; qu'en aucun cas, une audience de la mise en l'état pour la détermination d'un calendrier de procédure ne pourrait donner lieu à une audience de plaidoiries au fond ; que, pour déclarer le recours caduc, la cour d'appel a confirmé l'ordonnance du 18 juillet 2019 de laquelle il ressort que l'affaire a été appelée à l'audience de mise en l'état du 18 juillet 2019 pour mise en place d'un calendrier de procédure ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 6-1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

9. Selon l'article 468 du code de procédure civile, si, sans motif légitime, le demandeur ne comparaît pas, le défendeur peut requérir un jugement sur le fond qui sera contradictoire, sauf la faculté du juge de renvoyer l'affaire à une audience ultérieure.

Le juge peut aussi, même d'office, déclarer la citation caduque.

La déclaration de caducité peut être rapportée si le demandeur fait connaître au greffe dans un délai de quinze jours le motif légitime qu'il n'aurait pas été en mesure d'invoquer en temps utile. Dans ce cas, les parties sont convoquées à une audience ultérieure.

10. Cette règle de procédure, dont la portée est générale et concerne toutes les audiences, sauf texte contraire, poursuit un but légitime au sens de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en l'occurrence la célérité et l'efficacité de la procédure. Elle ne constitue pas un excès de formalisme, la partie demanderesse non comparante pouvant demander le rapport de la déclaration de caducité en justifiant d'un motif légitime de n'avoir pu comparaître, et ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge d'appel, un rapport raisonnable de proportionnalité existant entre les moyens employés et le but visé.

11. La cour d'appel relève, par motifs propres et adoptés, que l'UGECAM ne produisait aucun élément permettant d'établir qu'elle avait sollicité et obtenu l'autorisation de formuler ses prétentions et ses moyens par écrit sans se présenter à l'audience du 18 juillet 2019, conformément à l'article 446-1 du code de procédure civile auquel renvoie l'article R. 142-10-4 du code de la sécurité sociale.

12. Elle rappelle que le caractère oral de la procédure obligeait le demandeur à être présent ou représenté sauf dispense de présentation et que le dossier avait déjà fait l'objet d'une radiation pour défaut de comparution sans motif du demandeur.

13. Elle ajoute que l'éloignement géographique du conseil du demandeur ne pouvait constituer un empêchement légitime de comparaître à l'audience.

14. De ses constatations et énonciations, la cour d'appel a déduit, sans encourir les griefs du moyen, que la décision entreprise devait être confirmée.

15. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : Mme Caillard - Avocat général : M. Adida-Canac - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Articles 446-1 et 468 du code de procédure civile ; article R. 142-10-4 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 12 juillet 2001, pourvoi n° 00-17.239, Bull. 2001, II, n° 140 (déchéance).

3e Civ., 8 février 2024, n° 22-22.301, (B), FS

Rejet

Fin de non-recevoir – Définition – Bail commercial – Bail révisé ou renouvelé – Mémoire préalable – Défaut de notification antérieure à l'assignation – Régularisation – Possibilité (non)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 5 octobre 2022), le 1er août 1992, la société Fontcouverte (la bailleresse) a donné un local à bail commercial à la société L'Odyssée (la locataire) pour une durée de neuf années.

2. Le 28 septembre 2016, la bailleresse a signifié à la locataire un congé, à effet au 31 mars 2017, avec offre de renouvellement moyennant un nouveau loyer.

3. Le 25 mars 2019, la bailleresse a assigné la locataire en fixation du prix du bail renouvelé devant le juge des loyers commerciaux, sans avoir notifié de mémoire préalable.

4. Par lettres recommandées avec demande d'avis de réception des 7 mai 2020 et 26 mai 2020, la bailleresse a notifié un mémoire à la locataire.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. La bailleresse fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son action en fixation du prix du bail renouvelé, alors :

« 1°/ que le délai de la prescription biennale de l'action en fixation du prix d'un bail commercial renouvelé court à compter de la date d'effet du congé ; que l'assignation délivrée au locataire interrompt la prescription de cette action pour toute la durée de l'instance ; qu'en déclarant l'action en fixation du loyer du bail renouvelé intentée par la société Fontcouverte irrecevable et éteinte, quand cette dernière avait assigné la société L'Odyssée devant le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire d'Avignon par exploit du 25 mars 2019, soit dans le délai de deux ans à compter de la date d'effet du congé fixée au 31 mars 2017, de sorte que le délai de prescription biennale avait été interrompu pour toute la durée de l'instance, la cour d'appel a violé les articles L. 145-60 et R. 145-23 et suivants du code de commerce ;

2°/ que la notification, avant que le juge ne statue, d'un mémoire par courrier recommandé avec accusé de réception, régularise la procédure en fixation du prix d'un bail commercial renouvelé ; qu'en déclarant l'action en fixation du loyer du bail renouvelé intentée par la société Fontcouverte irrecevable et éteinte, quand cette dernière avait notifié à la société L'Odyssée un mémoire par courriers recommandés avec accusé de réception des 7 et 26 mai 2020, soit cinq mois avant le jugement du 26 octobre 2020, de sorte que l'irrégularité affectant la procédure avait été couverte, la cour d'appel a violé les articles 121 du code de procédure civile et R. 145-23 et suivants du code de commerce.»

Réponse de la Cour

6. Aux termes de l'article 126, alinéa 1er, du code de procédure civile, dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.

7. Selon l'article R. 145-27 du code de commerce, le juge des loyers commerciaux ne peut, à peine d'irrecevabilité, être saisi avant l'expiration d'un délai d'un mois suivant la réception par son destinataire du premier mémoire établi.

8. En application de l'article R. 145-25 du même code, ce mémoire en demande contient une copie de la demande en fixation de prix, l'indication des autres prétentions et les explications de droit et de fait de nature à justifier les prétentions de leur auteur.

9. Il en résulte que le défaut de notification d'un mémoire avant la saisine du juge des loyers commerciaux donne lieu à une fin de non-recevoir (3e Civ., 3 juillet 2013, pourvoi n° 12-13.780, Bull. 2013, III, n° 9) et que cette situation n'est pas susceptible d'être régularisée par la notification d'un mémoire postérieurement à la remise au greffe d'une copie de l'assignation.

10. La cour d'appel a, d'abord, exactement énoncé qu'à défaut d'accord des parties sur le loyer renouvelé, la procédure en fixation du loyer s'imposait à elles et qu'une action introduite devant le juge des loyers commerciaux par assignation sans mémoire préalable était irrecevable.

11. Elle a, ensuite, constaté que, le 25 mars 2019, la bailleresse avait assigné la locataire devant le juge des loyers commerciaux en fixation du prix du bail renouvelé sans lui avoir préalablement notifié de mémoire.

12. Dès lors que la situation ne pouvait être régularisée par la notification d'un mémoire postérieurement à la saisine du juge des loyers commerciaux, elle en a déduit, à bon droit, que l'action intentée par la bailleresse était irrecevable.

13. Le moyen, qui manque en droit en sa seconde branche, et est inopérant en sa première branche, n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : Mme Aldigé - Avocat général : Mme Guilguet-Pauthe - Avocat(s) : SCP Bénabent ; SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés -

Textes visés :

Article 126, alinéa 1, du code de procédure civile ; article R. 145-27 du code de commerce.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 14 septembre 2011, pourvoi n° 10-10.032, Bull. 2011, III, n° 148 (cassation partielle sans renvoi) ; 3e Civ., 3 juillet 2013, pourvoi n° 12-13.780, Bull. 2013, III, n° 91 (cassation sans renvoi), et l'arrêt cité.

2e Civ., 8 février 2024, n° 21-23.752, (B), FRH

Cassation

Parties – Représentation – Mandat – Dispense (non) – Défenseur syndical

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 22 juin 2021), M. [S], représenté par un défenseur syndical, a relevé appel le 23 janvier 2020 d'un jugement d'un conseil de prud'hommes dans un litige l'opposant à son employeur, la société Saica Pack France.

2. Un conseiller de la mise en état a débouté la société Saica Pack France d'un incident tendant à constater la caducité et l'irrecevabilité de l'appel par une ordonnance du 19 janvier 2021 déférée à la cour d'appel.

Examen des moyens

Sur le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

3. En application de l'article 1014, alinéa 1, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. M. [S] fait grief à l'arrêt de dire que le mandat produit par le défenseur syndical était irrégulier au sens de l'article 117 du code de procédure civile, de dire que la déclaration d'appel était nulle pour défaut de pouvoir du défenseur syndical assurant sa représentation et de dire qu'il était irrecevable en son appel, alors « que si, en application de l'article R. 1453-2 du code du travail, le défenseur syndical représentant une partie doit justifier d'un pouvoir spécial, dès lors qu'il n'est pas avocat, ce texte n'est applicable que devant le conseil de prud'hommes et non devant la cour d'appel ; que s'agissant de l'appel, où la procédure est soumise à représentation obligatoire, il ne résulte ni des articles R. 1461-1 et R. 1461-2 du code du travail, ni des articles 900 à 930-3 du code de procédure civile, ni d'aucun autre texte, que le défenseur syndical représentant une partie doive justifier d'un pouvoir spécial pour faire appel ; qu'au cas d'espèce, en jugeant que la déclaration d'appel formée par le défenseur syndical de M. [S] était nulle et que l'appel était irrecevable, faute pour le défenseur syndical de disposer d'un mandat valable, quand il n'était pas tenu de justifier d'un tel mandat pour faire appel dès lors qu'il n'était pas contesté qu'il disposait bien d'un pouvoir en première instance, la cour d'appel a violé les articles R. 1453-2, R. 1461-1 et R. 1461-2 du code du travail, 901 et 930-2 du code de procédure civile, ensemble les articles 411 du même code et 1984 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. Aux termes de l'article 416 du code de procédure civile, quiconque entend représenter ou assister une partie doit justifier qu'il en a reçu le mandat ou la mission.

L'avocat est toutefois dispensé d'en justifier.

Le commissaire de justice bénéficie de la même dispense dans les cas où il est habilité à représenter ou assister les parties.

6. Selon l'article R. 451-1 du code du travail, sous réserve des dispositions du présent code, la procédure devant les juridictions prud'homales est régie par les dispositions du livre premier du code de procédure civile.

7. Il résulte de l'article R. 1453-2 du code du travail, que les personnes habilitées à assister ou à représenter les parties sont :

1° Les salariés ou les employeurs appartenant à la même branche d'activité ;

2° Les défenseurs syndicaux ;

3° Le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin ;

4° Les avocats.

L'employeur peut également se faire assister ou représenter par un membre de l'entreprise ou de l'établissement fondé de pouvoir ou habilité à cet effet.

Le représentant, s'il n'est pas avocat, doit justifier d'un pouvoir spécial. Devant le bureau de conciliation et d'orientation, cet écrit doit l'autoriser à concilier au nom et pour le compte du mandant, et à prendre part aux mesures d'orientation.

8. Il résulte de l'article R. 1461-1, alinéa 2, du code du travail qu'à défaut d'être représentées en appel par un défenseur syndical, les parties sont tenues de constituer avocat.

9. Il en découle que seul l'avocat étant dispensé de justifier d'un mandat de représentation, le défenseur syndical doit justifier d'un tel mandat aussi bien devant les juridictions prud'homales de première instance que devant les cours d'appel, saisies de l'appel de leurs décisions.

10. Dès lors, le moyen manque en droit.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

11. M. [S] fait le même grief à l'arrêt, alors « que n'est pas affectée d'une irrégularité de fond la déclaration d'appel émanant d'un défenseur syndical se prévalant d'un pouvoir spécial affecté d'une simple erreur matérielle ; qu'au cas d'espèce, en jugeant nulle la déclaration d'appel émanant du défenseur syndical de M. [S], au motif que le pouvoir spécial dont il se prévalait visait un jugement du conseil de prud'hommes de Soissons du 13 juin 2019 (et non du 19 décembre 2019) et sous un autre numéro de répertoire général, quand il ne pouvait s'agir que d'une erreur matérielle en l'absence d'autre jugement rendu entre les parties, la cour d'appel a violé les articles 901 du code de procédure civile, 117 du même code, R. 1453-2 du code du travail, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 117 du code de procédure civile :

12. Selon l'article 117 du code de procédure civile, constitue une irrégularité de fond le défaut de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice.

13. Pour déclarer irrecevable l'appel formé par M. [S], l'arrêt retient que la déclaration d'appel était nulle pour défaut de pouvoir du défenseur syndical en ce que celui ci avait reçu mandat de faire appel du jugement prud'homal : « RG n° 19/0021 du 13 juin 2019 rendu par la section industrie du conseil des prud'hommes de 02200 Soissons » tandis que le jugement prud'homal rendu était le suivant : « RG n° F 18/00184 du 19 décembre 2019 ».

14. En statuant ainsi, alors que seul le jugement du 19 décembre 2019 du conseil de prud'hommes de Soissons, section industrie, avait été rendu entre les parties et que la déclaration d'appel se rapportait sans ambiguïté au pouvoir donné au défenseur syndical de représenter M. [S] du fait de l'appel interjeté de ce jugement, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : Mme Vendryes - Avocat général : M. Adida-Canac - Avocat(s) : SCP Krivine et Viaud ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article 416 du code de procédure civile ; articles R. 1451-1, R. 1453-2 et R. 1461-1, alinéa 1, du code du travail.

Rapprochement(s) :

Avis de la Cour de cassation, 8 septembre 2014, n° 14-70.005, Bull. 2014, Avis, n° 5 ; Soc., 10 juin 2015, pourvoi n° 14-11.814, Bull. 2015, V, n° 120 (rejet) ; 2e Civ., 8 décembre 2022, pourvoi n° 21-16.186, Bull. (rejet).

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