Numéro 2 - Février 2024

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2024

IMPOTS ET TAXES

Com., 14 février 2024, n° 22-17.541, (B), FRH

Rejet

Enregistrement – Droits de mutation – Mutation à titre onéreux d'immeubles – Exonération – Achat en vue de la revente – Engagement de revendre – Délai – Point de départ – Détermination – Date de l'acquisition de l'immeuble

Le délai prévu à l'article 1115 du code général des impôts pour l'application de l'engagement de revendre, qu'il s'agisse du délai de cinq ans prévu au premier alinéa de ce texte ou du délai ramené à deux ans prévu au dernier alinéa, court à compter de l'acquisition de l'immeuble.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 avril 2022), le 30 septembre 2010, la société [Adresse 3] (la société [Adresse 3]), qui exerce l'activité de marchand de biens, a acquis un ensemble immobilier en exonération des droits de mutation en se plaçant sous le régime de faveur prévu à l'article 1115 du code général des impôts.

2. Le 15 avril 2013, l'administration fiscale a notifié à la société [Adresse 3] une proposition de rectification remettant pour partie en cause ce régime de faveur au motif que l'engagement de revendre n'avait été que partiellement respecté.

3. Après le rejet de sa réclamation contentieuse, la société [Adresse 3] a assigné l'administration fiscale en décharge des droits mis en recouvrement.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La société [Adresse 3] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes de décharge des droits d'enregistrement auxquels elle a été assujettie, alors :

« 1°/ que, pour les reventes consistant en des ventes par lots déclenchant le droit de préemption prévu par l'article 10 de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975 relative à la protection des occupants de locaux à usage d'habitation, le délai dans lequel le bien doit être revendu pour que son acquisition soit exonérée de droits et taxe de mutation est ramené à deux années ; que ni le fait de se placer sous le régime de l'article 115 du code général des impôts ni la division de l'immeuble ne déclenchent en eux-mêmes le droit de préemption des locataires qui occupent l'immeuble au moment de l'acquisition de l'immeuble ; que seule la qualité de locataire ou d'occupant de bonne foi d'un local à usage d'habitation au moment de la décision de revendre l'immeuble après division déclenche ce droit ; qu'en jugeant qu'il fallait se placer au moment de l'acquisition de l'immeuble pour apprécier la condition du droit de préemption, et donc de l'application du délai de deux années, la cour d'appel a violé l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975 ;

2°/ que, pour les reventes consistant en des ventes par lots déclenchant le droit de préemption prévu par l'article 10 de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975 relative à la protection des occupants de locaux à usage d'habitation, le délai dans lequel le bien doit être revendu pour que son acquisition soit exonérée de droits et taxe de mutation est ramené à deux années ; que ce délai court à compter de la date à laquelle les locataires des locaux d'habitation disposent d'un droit de préemption sur leur lot dont la revente a été décidée ; qu'en l'espèce, il résulte des propres mentions de l'arrêt attaqué que le droit de préemption des locataires a été déclenché par les offres de vente notifiées les 28 juin et 28 juillet 2011, après division de l'ensemble en lots de copropriété, de sorte qu'à compter de ces dates, la société [Adresse 3] disposait d'un délai de deux années expirant les 28 juin et 28 juillet 2013 pour les revendre ; qu'en jugeant que le 30 septembre 2012, soit deux années après leur acquisition, certains lots pour lesquels ce droit de préemption avait été déclenché n'étaient pas encore revendus, de sorte que le délai de deux années n'avait pas été respecté, la cour d'appel a violé l'article 1115 du code général des impôts. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article 1115, alinéa 1er, du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010, applicable au litige, sous réserve des dispositions de l'article 1020 du même code, les acquisitions d'immeubles réalisées par des personnes assujetties, au sens de l'article 256 A dudit code, sont exonérées des droits et taxes de mutation quand l'acquéreur prend l'engagement de revendre dans un délai de cinq ans.

6. Selon le dernier alinéa du même texte, pour les reventes consistant en des ventes par lots déclenchant le droit de préemption prévu à l'article 10 de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975 relative à la protection des occupants de locaux à usage d'habitation ou celui prévu à l'article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, le délai prévu pour l'application de l'engagement de revendre est ramené à deux ans.

7. Le délai prévu pour l'application de l'engagement de revendre, qu'il s'agisse du délai de cinq ans prévu au premier alinéa de l'article 1115 du code général des impôts ou du délai ramené à deux ans prévu au dernier alinéa de ce texte, court à compter de l'acquisition de l'immeuble.

8. Le moyen, qui postule le contraire en sa seconde branche et qui, en sa première branche, critique des motifs erronés mais surabondants dès lors que la cour d'appel a constaté que le droit de préemption des locataires occupant les lots litigieux avait été déclenché par la notification des offres de vente au mois de juin 2011, n'est, en conséquence, pas fondé.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

9. La société [Adresse 3] fait le même grief à l'arrêt, alors « que pour les reventes consistant en des ventes par lots déclenchant le droit de préemption prévu par l'article 10 de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975 relative à la protection des occupants de locaux à usage d'habitation, le délai dans lequel le bien doit être revendu pour que son acquisition soit exonérée de droits et taxe de mutation est ramené à deux années ; que le droit de préemption est réservé aux locataires, et occupants de bonne foi au sens de l'article 4 de la loi du 1er septembre 1948, occupant effectivement les lieux ; qu'en jugeant que tous les locataires d'un local à usage d'habitation bénéficiaient d'un droit de préemption, que ledit local soit leur résidence principale ou secondaire, sans rechercher si le locataire d'un lot constitutif de sa résidence secondaire devait être regardé comme l'occupant effectivement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975, 1er du décret d'application n° 77-742 du 30 juin 1977, et 1115 du code général des impôts. »

Réponse de la Cour

10. L'exercice du droit de préemption institué à l'article 10 de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975 au profit des locataires et des occupants de bonne foi de locaux à usage d'habitation, est subordonné, en application des dispositions de l'article 1er du décret n° 77-742 du 30 juin 1977, à la condition d'occuper effectivement les lieux.

11. Ayant exactement énoncé que la notion de résidence principale n'est pas visée à l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975, qui retient la qualité d'occupant ou de locataire de bonne foi, et que la référence, par la société requérante, à la loi du 1er septembre 1948 pour l'appréciation de la condition d'occupation effective n'est pas pertinente, dès lors que celle-ci a pour objet le maintien dans les lieux et non l'octroi d'un droit de préemption, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

12. La société [Adresse 3] fait le même grief à l'arrêt, alors « que l'administration fiscale, commentant les dispositions de l'article 1115 du code général des impôts, a, dans son instruction du 18 avril 2011, 7 C-2-11 n° 14, reprise à l'identique sous la référence BOI-ENR-DMTOI-10-50 n° 110, 22-3-2013, publiée au Bofip, énoncé que, « lorsqu'à l'échéance du délai de cinq ans, l'engagement de revendre n'est respecté que pour une fraction du bien sur lequel il portait, l'acquéreur est redevable des droits dont il a été dispensé, ainsi que des frais et intérêts de retard qui en résultent, à hauteur de la différence entre le prix auquel il avait acquis le bien et le prix auquel a été vendu la (ou les) fraction du bien pour laquelle l'engagement a été respecté. Cette solution s'applique par parcelle ou lot lorsque leur prix d'acquisition a été distingué dans l'acte » ; que ce commentaire a été suivi d'un exemple dans lequel ont été envisagés le cas où l'acte d'acquisition ne distinguait pas le prix par lot, et celui où l'acte ventilait le prix par lot ; qu'il en résulte que l'interprétation de l'article 1115 donnée par l'administration fiscale, dont la société [Adresse 3] s'est prévalue, n'est pas subordonnée à la condition que l'acte d'acquisition ventile le prix par lot, cette hypothèse n'étant qu'un cas de figure particulier par rapport à un principe plus général exposé par la doctrine administrative ; qu'en jugeant que cette doctrine ne s'appliquait que par parcelle ou lot lorsque leur prix d'acquisition avait été distingué dans l'acte, ce qui n'était pas le cas en l'espèce, la cour d'appel a méconnu le sens clair et précis et a violé l'interdiction de dénaturer les documents de la cause. »

Réponse de la Cour

13. Aux termes de l'article L.80 A, alinéa 2, du livre des procédures fiscales, lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, celle-ci ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente.

La doctrine formellement admise par l'administration ne peut cependant être invoquée que selon ses termes et sa teneur en vigueur à l'époque des impositions litigieuses.

14. Le fait générateur des droits d'enregistrement est l'acte de mutation. Il en résulte que l'inobservation de l'engagement de revente, en considération duquel le paiement de ces droits a été différé, entraîne la déchéance du régime de faveur prévu à l'article 1115 du code général des impôts et que cette déchéance rend exigibles les droits de mutation qui auraient été dus au jour de la présentation de l'acte à la formalité.

15. L'arrêt constate que la société [Adresse 3] a, le 30 septembre 2010, acquis l'ensemble immobilier litigieux au titre duquel elle a bénéficié du régime de faveur prévu à l'article 1115 du code général des impôts.

16. Il en résulte que l'instruction du 18 avril 2011 n° 7 C-2-11, qui est postérieure au fait générateur de l'imposition en litige, ne peut être invoquée par la société [Adresse 3] au soutien de sa contestation de cette imposition.

17. Par ce motif de pur droit, suggéré par la défense, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par l'article 620, alinéa 1er, du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Vigneras - Avocat(s) : SARL Le Prado - Gilbert ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article 1115 du code général des impôts.

Rapprochement(s) :

Sur le délai prévu à l'article 1115 du code général des impôts, à rapprocher : Com., 7 juillet 2015, pourvoi n° 13-23.366, Bull. 2015, IV,n° 118 (rejet).

Com., 14 février 2024, n° 22-14.080, (B), FRH

Rejet

Impôt de solidarité sur la fortune – Exclusion – Biens professionnels – Obligations remboursables en actions (ORA) (non)

Il résulte de l'article L. 213-5 du code monétaire et financier que les obligations sont des titres de créance négociables qui, dans une même émission, confèrent les mêmes droits de créance pour une même valeur nominale.

Les obligations remboursables en actions (ORA), instruments financiers hybrides, sont, jusqu'à leur remboursement, des obligations. Elles ne peuvent être qualifiées de biens professionnels.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 janvier 2022) et les productions, M. [X] [S] est l'associé unique de la société holding de droit belge Forestheir, laquelle a souscrit des obligations remboursables en actions (ORA) émises par la société par action simplifiée Groupe petit [S], anciennement dénommée Sylve Invest (la société [S]), dont M. [S] est directeur général.

2. Le 25 novembre 2015, l'administration fiscale a notifié à M. et Mme [S] une proposition de rectification au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) pour les années 2009 à 2013 et de contribution exceptionnelle sur la fortune au titre de l'année 2012, remettant en cause l'exonération, au titre des biens professionnels, de la valeur des titres de la société Forestheir à concurrence de la valeur réelle de l'actif brut de cette société correspondant aux ORA qu'elle avait souscrites auprès de la société [S].

3. Après avis de mise en recouvrement (AMR) et rejet de leur réclamation, M. et Mme [S] ont saisi le tribunal judiciaire afin d'obtenir l'annulation de l'AMR et de la décision de rejet de leur réclamation.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

5. M. et Mme [S] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors :

« 1°/ qu'en vertu de l'article 885 N du code général des impôts, sont des biens professionnels ceux qui sont nécessaires à l'exercice, à titre principal, par leur propriétaire, d'une profession industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale ; qu'en vertu de l'article 885 O bis 2° du code général des impôts, entrent notamment dans la catégorie des biens professionnels, à certaines conditions, les titres détenus par le contribuable dans une société possédant une participation dans la société dans laquelle celui-ci exerce ses fonctions, la valeur des titres qui sont la propriété du contribuable étant exonérée à concurrence de la valeur réelle de l'actif brut de la société qui correspond à [s]a participation [dans la société] dans laquelle le contribuable exerce ses fonctions ; que, pour juger que M. et Mme [S] avaient déduit à tort de l'actif brut de la société Forestheir dont M. [S] était actionnaire, et qui détenait elle-même des actions de la société [S] dans laquelle M. [S] exerçait des fonctions de direction, les ORA souscrites par la société Forestheir auprès de la société [S], la cour d'appel a énoncé, par motifs propres et adoptés, que les ORA ont pour caractéristiques d'être remboursées par la remise d'actions au terme prévu, selon une parité définie dans le contrat d'émission, qu'elles constituent une forme différée d'augmentation de capital et que, dans la comptabilité de la société émettrice des obligations, ces dernières doivent être comptabilisées comme des fonds propres ; qu'en statuant comme elle l'a fait, cependant qu'il résultait de ses propres énonciations que les ORA ont inéluctablement vocation à se transformer en actions de la société émettrice, de sorte que, d'un point de vue comptable et économique, elles s'analysent comme une participation, certes différée mais certaine, au capital de la société émettrice, indépendamment de leur qualification juridique comme obligation, et que le porteur des ORA supporte dès l'origine un risque d'actionnaire en raison de la fixation initiale de la parité entre les obligations et les actions qui seront émises à son profit, ce dont il résultait que les ORA souscrites par la société Forestheir auprès de la société [S] constituaient, pour M. [S], un élément de patrimoine exclusivement affecté à l'activité professionnelle qu'il exerçait au sein de la société [S], de sorte qu'elles devaient être regardées comme des biens professionnels et prises en compte pour déterminer le montant exonéré correspondant à la valeur, dans l'actif brut de la société Forestheir, de la participation que celle-ci détenait dans la société [S], la cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres énonciations, violant ainsi les dispositions de l'article 885 N et 885 O bis du code général des impôts ;

2°/ qu'il est loisible au contribuable de bonne foi de demander, dans le délai légal, la correction des conséquences fiscales de toute erreur procédant d'une méconnaissance involontaire d'une prescription comptable ou fiscale obligatoire n'offrant aucun choix ni aucune option, constatée dans chacun des bilans clos durant la période soumise au droit de vérification de l'administration fiscale ; que, pour juger que M. et Mme [S] avaient déduit à tort de l'actif brut de la société Forestheir dont M. [S] était actionnaire, et qui détenait elle-même des actions de la société [S] dans laquelle M. [S] exerçait des fonctions de direction, des ORA souscrites par la société Forestheir auprès de la société [S], la cour a énoncé que la société Forestheir avait inscrit les ORA en comptabilité dans un compte « autres immobilisations financières », c'est-à-dire comme des valeurs mobilières de placement ; qu'en statuant ainsi, en énonçant le fait même qui était invoqué pour soutenir que le classement comptable retenu par la société Forestheir procédait d'une erreur comptable involontaire, sans rechercher si les enregistrements comptables retenus procédaient de la méconnaissance d'une prescription comptable ou fiscale obligatoire n'offrant aucun choix ni aucune option, et si la société n'aurait pas dû, comme M. et Mme [S] le soutenaient, enregistrer les ORA dans un compte « autres actions et parts », la cour a privé sa décision de base légale au regard des articles 885 N et 885 O bis du code général des impôts. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article 885 E du code général des impôts, alors applicable, l'assiette de l'ISF est constituée par la valeur nette au 1er janvier de l'année, de l'ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant aux personnes visées à l'article 885 A du même code.

7. Il résulte des articles 885 A et 885 O bis, 2°, du code général des impôts, alors applicables, que sont considérés comme des biens professionnels exonérés d'ISF les parts et actions d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés dans laquelle le redevable exerce l'une des fonctions énumérées au 1° de ce texte, à condition que le redevable possède 25 % au moins des droits de vote attachés aux titres émis par la société, directement ou par l'intermédiaire de son conjoint ou de leurs ascendants ou descendants ou de leurs frères et soeurs.

Les titres détenus dans les mêmes conditions dans une société possédant une participation dans la société dans laquelle le redevable exerce ses fonctions sont pris en compte dans la proportion de cette participation ; la valeur de ces titres qui sont la propriété personnelle du redevable est exonérée à concurrence de la valeur réelle de l'actif brut de la société qui correspond à la participation dans la société dans laquelle le redevable exerce ses fonctions.

8. Il résulte de l'article L. 213-5 du code monétaire et financier que les obligations sont des titres de créance négociables qui, dans une même émission, confèrent les mêmes droits de créance pour une même valeur nominale.

9. Après avoir exactement énoncé que les ORA, instruments financiers hybrides, sont, jusqu'à leur remboursement, des obligations, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, qu'un porteur d'ORA est titulaire d'une créance d'attribution d'actions automatiquement souscrites par le remboursement des ORA. Il retient encore que la société Forestheir, qui a souscrit en 2007 des ORA émises par la société [S] qui ont été remboursées par anticipation en 2012, détenait une créance d'attribution d'actions.

10. L'arrêt, qui ne constate pas que l'administration a été saisie de la rectification d'une erreur comptable, relève également que la société Forestheir, a enregistré les ORA en tant que valeurs mobilières de placement au compte 27 intitulé « autres immobilisations financières » qui regroupe les droits de créances.

11. De ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d'appel a exactement déduit que les ORA détenues par la société Forestheir ne pouvaient être qualifiées de biens professionnels et être exclues du total de l'actif brut de la société Forestheir mentionné par M. et Mme [S] dans leurs déclarations d'ISF.

12. Le moyen, inopérant en sa seconde branche, n'est donc pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Daubigney - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article L. 213-5 du code monétaire et financier.

Com., 14 février 2024, n° 21-25.616, (B), FRH

Rejet

Recouvrement (règles communes) – Avis à tiers détenteur – Effets – Etendue – Valeur de rachat des droits résultant du contrat d'assurance – Valeur supérieure au montant cumulé des versements effectués – Absence d'influence

L'avis à tiers détenteur notifié, en application de l'article L. 263-0 A du livre des procédures fiscales, par le comptable chargé du recouvrement saisit la valeur de rachat des droits résultant du contrat d'assurance rachetable auquel le redevable a souscrit ou dont il est adhérent, quand bien même cette valeur serait supérieure au montant cumulé des versements effectués par le redevable.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 4 novembre 2021) et les productions, le 15 septembre 2017, le comptable public, responsable du pôle de recouvrement spécialisé des Alpes-Maritimes, a délivré un avis à tiers détenteur (ATD), portant sur la valeur de rachat de deux contrats d'assurance-vie rachetables souscrits le 20 mars 2013 par Mme [G] auprès de la société MMA vie, pour le recouvrement d'une créance de 181 076,02 euros, en vertu d'un avis de mise en recouvrement du 31 décembre 2013 portant sur des impositions relatives aux revenus des années 2012 et 2013, des taxes foncières et des redressements fiscaux de 2009.

2. Après rejet de sa réclamation, Mme [G] a assigné le comptable public devant le juge de l'exécution aux fins d'annulation de l'ATD.

Recevabilité du pourvoi contestée par la défense

3. Le comptable public déclare renoncer purement et simplement au bénéfice de l'arrêt de la cour d'appel du 4 novembre 2021 et du jugement du juge de l'exécution du 13 décembre 2018, ayant rejeté la demande de Mme [G] tendant à l'annulation de l'ATD, et soutient que le pourvoi est devenu sans objet.

4. La renonciation du comptable public à se prévaloir de la disposition critiquée par le pourvoi, par laquelle la cour d'appel a rejeté la demande d'annulation de l'ATD, laisse subsister le litige sur les modalités de restitution des sommes appréhendées en vertu de l'ATD, la fixation des intérêts moratoires, les dommages et intérêts auxquels Mme [G] pourrait prétendre, les frais irrépétibles et dépens occasionnés par la procédure.

5. Le pourvoi est donc recevable.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. Mme [G] fait grief à l'arrêt de confirmer en toutes ses dispositions le jugement du juge de l'exécution ayant rejeté sa demande de nullité de l'ATD, alors « que ne peuvent faire l'objet d'un avis à tiers détendeur par le comptable chargé du recouvrement que les sommes versées par un redevable souscripteur ou adhérent d'un contrat d'assurance rachetable dans la limite de la valeur de rachat des droits à la date de la notification de l'avis à tiers détenteur ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que le comptable chargé du recouvrement s'était borné à verser aux débats un document attestant du rachat total [des] contrat[s] souscrit[s] par Mme [G] et une attestation de l'assureur selon laquelle il avait versé à ce dernier la valeur de rachat à hauteur de l'épargne atteinte au moment de la saisie ; qu'en estimant qu'il résultait de ces documents que c'est bien dans la limite des sommes versées que l'ATD a rendu indisponibles les sommes objet des contrats d'assurance-vie rachetables, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant l'article L. 263-0 A du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

7. Il ressort des travaux parlementaires ayant conduit à l'adoption de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale, laquelle, a introduit, à l'article L. 263-0 A du livre des procédures fiscales, la possibilité pour les comptables publics de procéder à la saisie des sommes versées par un redevable souscripteur ou adhérent d'un contrat d'assurance rachetable, que le législateur a entendu que la saisie porte sur la part rachetable des contrats d'assurance-vie.

8. Il s'ensuit que l'avis à tiers détenteur notifié, en application de l'article L. 263-0 A du livre des procédures fiscales, par le comptable chargé du recouvrement saisit la valeur de rachat des droits résultant du contrat d'assurance rachetable auquel le redevable a souscrit ou dont il est adhérent, quand bien même cette valeur serait supérieure au montant cumulé des versements effectués par le redevable.

9. L'arrêt retient qu'un courriel du groupe MMA vie atteste qu'a été réglée entre les mains du comptable public la valeur de rachat à hauteur de l'épargne atteinte au moment de la saisie.

10. Il en résulte que, conformément à l'article L. 263-0 A du livre des procédures fiscales, a été valablement saisie la valeur de rachat, à la date de la notification de l'ATD, des droits résultant des deux contrats d'assurance-vie souscrits par Mme [G].

11. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : M. Maigret - Avocat(s) : Me Guermonprez ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article L. 263-0 A du livre des procédures fiscales.

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