Numéro 2 - Février 2024

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2024

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE

Soc., 7 février 2024, n° 22-20.258, n° 22-20.321, (B), FS

Rejet

Licenciement – Indemnités – Ouverture du droit – Conditions – Rupture des relations contractuelles après l'expiration d'une mission – Rupture à l'initiative de l'entreprise utilisatrice – Indifférence de la signature d'un contrat à durée indéterminée intérimaire – Portée

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 22-20.258 et 22-20.321 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 16 juin 2022), la société Adecco France (l'entreprise de travail temporaire) a mis Mme [C] à la disposition de la société Petzl distribution, en qualité d'opératrice d'assemblage, suivant contrats de mission temporaire entre les 8 avril et 23 décembre 2015.

3. Le 13 janvier 2016, l'entreprise de travail temporaire et la salariée ont conclu un contrat à durée indéterminée intérimaire.

4. En exécution de ce contrat, l'entreprise de travail temporaire a mis la salariée à la disposition des sociétés :

 - Petzl distribution (l'entreprise utilisatrice), entre le 13 janvier 2016 et le 31 mai 2019, en qualité d'opératrice,

 - Hager Security, entre les 5 juin et 12 juillet 2019, en qualité d'agent de production,

 - Araymond France, entre les 29 juillet et 30 août 2019, en qualité de manutentionnaire.

5. La salariée a saisi la juridiction prud'homale le 26 septembre 2019 à l'effet d'obtenir la requalification de ses missions d'intérim en contrat à durée indéterminée auprès de la société Petzl distribution et de contester la rupture de la relation de travail avec cette dernière.

6. Le 26 novembre 2019, elle a été licenciée par l'entreprise de travail temporaire.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal de l'entreprise de travail temporaire et le moyen du pourvoi incident de la salariée dans le dossier n° 22-20.258

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur les moyens du pourvoi de l'entreprise utilisatrice dans le dossier n° 22-20.321, réunis

Enoncé des moyens

8. Par son premier moyen, l'entreprise utilisatrice fait grief à l'arrêt de requalifier les missions d'intérim à son égard en contrat à durée indéterminée à compter du 8 avril 2015, de dire qu'elle a licencié la salariée sans cause réelle et sérieuse le 31 mai 2019 et de la condamner à payer à cette dernière diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, d'indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :

« 1°/ que le contrat de travail à durée indéterminée intérimaire est régi par les dispositions du contrat de travail relatives au contrat à durée indéterminée ; que, si les missions effectuées par le salarié dans ce cadre sont régies par les articles L. 1251-5 à L. 1251-63 du code du travail, à l'exception de certaines dispositions parmi lesquelles ne sont pas mentionnées celles de l'article L. 1251-40 du code du travail, la requalification avec l'entreprise utilisatrice est nécessairement exclue dans la mesure où le salarié intérimaire ne peut être lié, pour une même prestation de travail, par deux contrats à durée indéterminée distincts ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que Mme [C] avait été mise à la disposition, par la société Adecco France, de la société Petzl distribution, entre le 8 avril 2015 et le 23 décembre 2015 ; que le 13 janvier 2016, la salariée avait conclu un contrat à durée indéterminée intérimaire avec la société Adecco France et que, dans le cadre de ce contrat, elle avait été mise à disposition de la société Petzl distribution entre le 13 janvier 2016 et le 31 mai 2019, de la société Hager Security entre le 5 juin 2019 et le 12 juillet 2019, et de la SAS Araymond France du 29 juillet 2019 au 30 août 2019 ; qu'elle avait fait l'objet d'un licenciement pour faute grave, le 26 avril 2019, par la société Adecco France ; que, pour dire que la relation contractuelle entre la société Petzl distribution et Mme [C] devait être requalifiée en un contrat à durée indéterminée à compter du 8 avril 2015, que cette société avait licencié sans cause réelle et sérieuse Mme [C] le 31 mai 2019, et la condamner au paiement de sommes à titre d'indemnité de préavis, congés payés afférents, indemnité de licenciement et dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, la cour d'appel a considéré que les dispositions légales relatives au contrat à durée indéterminée intérimaire n'excluaient pas la requalification auprès de l'entreprise utilisatrice, et que dès lors qu'il n'était pas justifié du motif du recours au travail temporaire pour la période antérieure à 2016, les missions effectuées pour le compte la société Petzl distribution devaient être requalifiées en contrat à durée indéterminée à compter de la première d'entre elles ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 56 de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi, ensemble les articles L. 1251-58-1 à L. 1251-58-5 du code du travail, ainsi que les articles L. 1251-5, L. 1251-6, et L. 1251-40 du même code ;

2°/ que le contrat de travail à durée indéterminée intérimaire est régi par les dispositions du contrat de travail relatives au contrat à durée indéterminée ; qu'à admettre que le salarié lié à l'entreprise de travail temporaire par un contrat de travail à durée indéterminée temporaire intérimaire puisse solliciter la requalification auprès de l'entreprise utilisatrice, le fait, pour celle-ci, de cesser de fournir du travail au salarié au terme d'une mission conclue dans le cadre d'un tel contrat ne peut s'assimiler à une rupture produisant les effets d'un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ; que, pour dire que la relation contractuelle entre la société Petzl distribution et Mme [C] devait être requalifiée en un contrat à durée indéterminée à compter du 8 avril 2015, que cette société avait licencié sans cause réelle et sérieuse Mme [C] le 31 mai 2019, et la condamner au paiement de sommes à titre d'indemnité de préavis, congés payés afférents, indemnité de licenciement et dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, la cour d'appel, après avoir procédé à la requalification des missions effectuées pour le compte la société Petzl distribution en un contrat à durée indéterminée, a retenu que dès lors que celle-ci avait cessé de fournir du travail à Mme [C] après le 31 mai 2019, elle avait rompu le contrat sans observation d'une procédure de licenciement, ce qui s'analysait en un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ; qu'en statuant ainsi, quand le fait, pour l'entreprise utilisatrice d'avoir, à l'issue d'une mission confiée dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée intérimaire, cessé de fournir du travail à la salariée, ne pouvait s'analyser en une rupture du contrat à durée indéterminée issu de la requalification à laquelle avait procédé, et moins encore en une rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ce d'autant qu'au cas présent la salariée, en exécution de son contrat à durée intérimaire avec l'entreprise de travail temporaire, s'était immédiatement vue confier de nouvelles missions avec d'autres entreprises utilisatrices, la cour d'appel a violé l'article 56 de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi, ensemble les articles L. 1251-58-1 à L. 1251-58-5 du code du travail, ainsi que les articles L. 1251-5, L. 1251-6, et L. 1251-40 du même code »

9. Par son second moyen, elle fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la salariée diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, d'indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de condamner l'entreprise de travail temporaire au paiement d'autres sommes de ces mêmes chefs, alors « que le salarié lié par un contrat à durée indéterminée intérimaire avec l'entreprise de travail temporaire ne peut obtenir, à la fois auprès de l'entreprise temporaire et de l'entreprise utilisatrice, les indemnités de rupture et dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, à raison des mêmes missions effectuées au sein de l'entreprise utilisatrice ; qu'en l'espèce, après avoir requalifié les missions effectuées par Mme [C] entre le 8 avril 2015 et le 31 mai 2019 auprès de la société Petzl distribution, en contrat à durée indéterminée qu'elle a estimé rompu par l'absence de fourniture d'une nouvelle mission après cette date, et retenu que le contrat à durée indéterminée intérimaire du 13 janvier 2016 conclu entre Mme [C] et la société Adecco France, rompu par un licenciement du 26 novembre 2019 selon elle injustifié, la cour d'appel a condamné, tant la Petzl distribution que la société Adecco France au paiement d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, la première au titre de la période du 8 avril 2015 au 31 mai 2019, et la seconde au titre de la période du 13 janvier 2016 au 26 novembre 2019 ; qu'en prononçant de telles condamnations, sur le fondement de missions effectuées au sein de la société Petzl distribution entre le 13 janvier 2016 et le 31 mai 2016, qui n'étaient pas susceptibles de générer au bénéfice de la salariée une double indemnisation, la cour d'appel a violé l'article 56 de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi, les articles L. 1251-58-1 à L. 1251-58-5 du code du travail, les articles L. 1251-5, L. 1251-6 L. 1251-40, ensemble le principe de réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime. »

Réponse de la Cour

10. Selon l'article 56 de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi, une entreprise de travail temporaire peut conclure avec le salarié un contrat à durée indéterminée pour l'exécution de missions successives. Chaque mission donne lieu à la conclusion d'un contrat de mise à disposition entre l'entreprise de travail temporaire et le client utilisateur, dit entreprise utilisatrice, et à l'établissement, par l'entreprise de travail temporaire, d'une lettre de mission.

Le contrat de travail est régi par les dispositions du code du travail relatives au contrat à durée indéterminée, sous réserve des dispositions du présent article.

Les missions effectuées par le salarié lié par un contrat de travail à durée indéterminée avec l'entreprise de travail temporaire sont régies notamment par les articles L. 1251-5, L. 1251-6 et L. 1251-40 du code du travail. Pour l'application des dispositions de l'article L. 1251-5, les mots : « contrat de mission » sont remplacés par les mots : « lettre de mission ».

11. Aux termes de l'article L. 1251-5 du code du travail, le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.

12. Selon l'article L. 1251-6 du même code, sous réserve des dispositions de l'article L. 1251-7, il ne peut être fait appel à un salarié temporaire que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dénommée « mission » et seulement dans les cas énumérés, parmi lesquels l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise.

13. Selon l'article L. 1251-40 du même code, lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions, notamment, des articles L. 1251-5 et L. 1251-6, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.

14. Il résulte de ces textes que, lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en violation des dispositions visées par l'article L. 1251-40, le salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa première mission irrégulière, y compris lorsqu'il a conclu avec l'entreprise de travail temporaire un contrat à durée indéterminée intérimaire.

15. Il en résulte en outre que, nonobstant l'existence d'un contrat à durée indéterminée intérimaire, la rupture des relations contractuelles à l'expiration d'une mission à l'initiative de l'entreprise utilisatrice s'analyse, si le contrat est requalifié à son égard en contrat à durée indéterminée, en un licenciement qui ouvre droit, le cas échéant, à des indemnités de rupture.

16. La cour d'appel a d'abord énoncé à bon droit que, nonobstant la signature d'un contrat à durée indéterminée intérimaire par le salarié, ce dernier peut solliciter, d'une part, la requalification des missions qui lui sont confiées en contrat à durée indéterminée de droit commun à l'égard de l'entreprise utilisatrice, au motif qu'elles ont eu pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de celle-ci, d'autre part, à l'égard de l'entreprise utilisatrice, par suite de cette requalification, comme de l'entreprise de travail temporaire en raison de son licenciement dans le cadre du contrat à durée indéterminée intérimaire, diverses sommes au titre des deux ruptures injustifiées, dès lors que l'objet des contrats n'est pas le même, y compris lorsque les ruptures interviennent à des périodes concomitantes après la fin d'une mission auprès de l'entreprise utilisatrice.

17. Ensuite, après avoir constaté que le motif de recours n'était pas justifié pour la période antérieure à l'année 2016, la cour d'appel a exactement retenu que les missions exercées par la salariée auprès de l'entreprise utilisatrice devaient être requalifiées en contrat à durée indéterminée à compter du 8 avril 2015.

18. Enfin, après avoir relevé que l'entreprise utilisatrice avait mis fin aux relations contractuelles le 31 mai 2019, elle a exactement décidé que la rupture du contrat de travail, intervenue sans procédure de licenciement, s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse justifiant que soient allouées à la salariée des sommes au titre des indemnités de rupture et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

19. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Techer - Avocat général : M. Halem - Avocat(s) : SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet ; SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article 56 de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi ; articles L. 1251-5, L. 1251-6 et L. 1251-40 du code du travail.

Soc., 28 février 2024, n° 22-15.624, (B), FRH

Cassation partielle

Résiliation judiciaire – Action intentée par le salarié – Manquements reprochés à l'employeur – Obligation de sécurité – Preuve – Charge – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 30 avril 2020), M. [M] a été engagé par la société Cevi (la société) le 3 juillet 2000, et exerçait en dernier lieu les fonctions de technicien confirmé mécanique véhicules industriels.

2. Il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes le 26 novembre 2015.

3. La société a été placée en redressement judiciaire le 28 juin 2016 par le tribunal de commerce de Tours, puis est redevenue in bonis.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes de rappel de primes mensuelles, de rappel de salaire et de congés payés afférents, alors « que la cour d'appel, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, ne peut sans appel incident valable réformer la décision des premiers juges dans un sens défavorable à l'appelant ; qu'en déboutant le salarié de ses demandes de rappel de primes mensuelles allouées par les premiers juges alors même que l'intéressé avait seul valablement relevé appel du jugement entrepris, les conclusions de l'employeur ayant été déclarées irrecevables comme tardives par ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 19 décembre 2018 et le CGEA de [Localité 4] n'ayant pas formé appel incident en son nom, ayant au surplus été mis hors de cause, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 4, 542, 909 et 914 du code de procédure civile ».

Réponse de la Cour

Vu l'article 562 du code de procédure civile :

6. Il résulte de ce texte que les juges du fond ne peuvent aggraver le sort de l'appelant sur son seul appel, en l'absence d'appel incident.

7. L'arrêt infirme le jugement en ce qu'il a fixé les créances du salarié au passif de la société à titre de rappel de primes mensuelles d'avril 2012 à 2015 et des congés payés afférents, et déboute l'intéressé de ses demandes.

8. En statuant ainsi, alors d'une part qu'elle avait constaté que les conclusions de l'employeur avaient été déclarées irrecevables, d'autre part qu'aucun appel incident n'avait été formé, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

9. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes de résiliation judiciaire de son contrat de travail, d'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents et de dommages-intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, alors « que lorsque le salarié invoque, à l'appui d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, une inobservation des règles de prévention et de sécurité par son employeur, il incombe à ce dernier de démontrer que la survenance de cet accident est étrangère à tout manquement à son obligation de sécurité, et notamment à son obligation de prévention des risques ; que dès lors, en déboutant le salarié de sa demande de résiliation judiciaire aux motifs que la charge de la preuve du manquement reproché à l'employeur incombe au salarié et que cette preuve n'est pas établie, les circonstances de l'accident du travail étant inconnues, alors que le salarié invoquait à l'appui de sa demande la survenance d'un accident du travail causé par l'absence de fourniture des équipements de protection individuelle, la cour d'appel a violé les articles L. 1235-3-2, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, ensemble l'article 1353, alinéa 2, du code civil ».

Réponse de la Cour

Vu l'article 1353 du code civil, dans sa version issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, dans leur version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017 :

10. Il résulte de ces textes que lorsque le salarié invoque un manquement de l'employeur aux règles de prévention et de sécurité à l'origine de l'accident du travail dont il a été victime, il appartient à l'employeur de justifier avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

11. Pour débouter le salarié de sa demande de résiliation judiciaire pour manquement à l'obligation de sécurité, l'arrêt retient que l'intéressé justifie avoir été hospitalisé le 28 février 2018 en raison d'une plaie pulpaire au troisième rayon de la main gauche, puis avoir été en arrêt de travail du 1er au 25 mars 2018, qu'il n'explique pas les circonstances dans lesquelles il a été blessé sur son lieu de travail et que c'est de manière totalement inopérante qu'il met en avant qu'il revient à l'employeur de prouver qu'il a satisfait à son obligation de sécurité puisqu'au contraire, c'est à lui, qui sollicite la résiliation de son contrat de travail, de démontrer la réalité des manquements qu'il invoque.

12. Qu'en statuant ainsi, alors qu'il appartenait à l'employeur de démontrer qu'il avait pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé du salarié, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

13. La cassation prononcée sur le premier moyen ne s'étend pas au chef de dispositif déboutant le salarié de sa demande de rappel de salaire de base et congés afférents, visé par le moyen.

14. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt déboutant le salarié de ses demandes de rappel de primes mensuelles d'avril 2012 à 2015 entraîne la cassation du chef de dispositif déboutant le salarié de sa demande de remise de bulletins de salaire et documents de fin de contrat qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [M] de sa demande en paiement d'un rappel de primes mensuelles d'avril 2012 à 2015 et des congés payés afférents, en ce qu'il le déboute de ses demandes de résiliation judiciaire du contrat de travail, d'indemnité légale de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, de remise de bulletins de salaire et documents de fin de contrat et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 30 avril 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bourges.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Capitaine (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Valéry - Avocat(s) : Me Brouchot ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article 1353 du code civil, dans sa version issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, dans leur version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017.

Rapprochement(s) :

Sur la preuve relative à un manquement à l'obligation de sécurité en cas de survenue d'un accident du travail, à rapprocher : Soc., 5 juillet 2017, pourvoi n° 15-23.572, (cassation partielle) ; Soc., 23 janvier 2019, pourvoi n° 17-18.771, (cassation partielle).

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