Numéro 2 - Février 2024

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2024

APPEL CIVIL

2e Civ., 8 février 2024, n° 21-25.957, (B), FRH

Rejet

Acte d'appel – Nullité – Vice de forme – Régularisation – Moment – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 28 octobre 2021), dans un litige l'opposant à M. [U], placé sous curatelle, la caisse de mutualité sociale agricole du Poitou (la caisse) qui a relevé appel d'un jugement du 17 décembre 2018 d'un tribunal des affaires de sécurité sociale, n'a intimé que M. [U].

2. La curatrice de ce dernier est intervenue volontairement en cours d'instance.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La caisse fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa déclaration d'appel formée par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 février 2019, alors « que le délai d'appel est un délai de forclusion ; qu'il est interrompu par la déclaration d'appel, même si celle-ci est entachée d'une irrégularité, de forme ou de fond ; que cette irrégularité peut être régularisée jusqu'au jour où le juge statue ; que la déclaration d'appel intimant un majeur en curatelle peut être régularisée par l'intervention volontaire du curateur avant que le juge statue ; qu'en l'espèce, la CMSA Poitou n'a certes intimé que M. [U], mais la curatrice de ce dernier est intervenue volontairement à l'instance ; qu'il en résulte que celle-ci a été régularisée ; qu'en affirmant cependant que la CMSA ne pouvait régulariser la procédure que durant le délai d'appel en intimant la curatrice, la cour d'appel a violé les articles 117 et 121 du code de procédure civile, ainsi que les articles 467 et 2241 du code civil. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article 468, alinéa 3, du code civil, l'assistance du curateur est requise pour introduire une action en justice ou y défendre.

5. Aux termes de l'article 121 du code de procédure civile, dans les cas où elle est susceptible d'être couverte, la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.

6. Il résulte de l'article 2241, alinéa 2, du code civil que l'acte de saisine de la juridiction, même entaché d'un vice de procédure, interrompt le délai de prescription comme de forclusion.

7. Il en découle que si une régularisation demeure possible, même après l'expiration du délai d'appel, l'intervention volontaire du curateur à l'effet de faire sanctionner l'irrégularité tirée de l'omission de l'intimer dans la déclaration d'appel ne peut valoir régularisation.

8. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt, qui a déclaré irrecevable la déclaration d'appel, se trouve légalement justifié.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : Mme Vendryes - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Duhamel -

Textes visés :

Articles 468, alinéa 3, et 2241, alinéa 2, du code civil ; article 121 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 6 février 1996, pourvoi n° 93-21.053, Bull. 1996, I, n° 65 (cassation sans renvoi) ; 2e Civ., 16 octobre 2014, pourvoi n° 13-22.088, Bull. 2014, II, n° 215 (cassation) ; 2e Civ., 1 juin 2017, pourvoi n° 16-14.300, Bull. 2017, II, n° 116 (cassation).

Soc., 28 février 2024, n° 23-10.295, (B), FRH

Cassation partielle

Procédure avec représentation obligatoire – Conclusions – Premières conclusions – Obligation de concentration des prétentions au fond – Défaut – Effets – Irrecevabilité de la demande – Applications diverses – Portée

Selon l'article 910-4 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité, les parties doivent présenter, dès les premières conclusions, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond.

Viole cette disposition la cour d'appel qui accueille une demande de nullité d'un licenciement aux motifs qu'elle tend aux mêmes fins que celle formée au titre d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et que l'obligation faite aux parties de présenter l'ensemble de leurs prétentions sur le fond dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910 de ce code ne s'applique pas aux moyens qu'elles développent à l'appui de leurs prétentions, alors qu'elle constate que cette demande n'était pas présentée dans les premières conclusions du salarié.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 9 novembre 2022), Mme [N] a été engagée en qualité de conducteur receveur de transport en commun le 13 novembre 2003 par la société Keolis [Localité 3].

2. La salariée a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 26 février 2016.

3. Soutenant que son licenciement serait dépourvu de cause réelle et sérieuse, elle a avec le syndicat CGT TCL saisi la juridiction prud'homale le 16 mars 2016.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement de la salariée était nul au motif d'une discrimination en raison de son état de santé et de le condamner au paiement de dommages-intérêts à ce titre, alors « que selon l'article 910-4 du code de procédure civile, les parties doivent, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, présenter l'ensemble de leurs prétentions sur le fond dès les premières conclusions déposées devant la cour d'appel telles que mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910 du même code ; que la demande en nullité d'un licenciement pour discrimination et la demande visant uniquement à la reconnaissance d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse constituent des prétentions distinctes ; qu'en l'espèce, pour accueillir les demandes formées par Mme [N] au titre de la nullité de son licenciement du fait d'une discrimination en raison de son état de santé, la cour d'appel a jugé que ''les demandes formées par la salariée au titre d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, puis d'un licenciement nul, tendent à l'indemnisation des conséquences de son licenciement qu'elle estime injustifié'', que ''ces demandes poursuivent par conséquent les mêmes fins, de sorte que la demande de nullité du licenciement est recevable'' et ''[qu'] il est indifférent que la salariée n'ait pas visé la nullité du licenciement dans ses premières écritures d'intimée dès lors que, si l'article 910-4 du code de procédure civile exige que les parties présentent l'ensemble de leurs prétentions sur le fond dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, cette exigence ne s'applique pas aux moyens qu'elle développent à l'appui de leurs prétentions'' ; qu'en statuant ainsi, quand la demande en reconnaissance de l'absence de cause réelle et sérieuse d'un licenciement et la demande en nullité de la rupture pour discrimination ne constituent pas une même prétention et qu'elle constatait que dans ses premières écritures d'intimée, la salariée n'avait pas demandé la nullité de son licenciement, ce dont il résultait que cette prétention était irrecevable, la cour d'appel n'a pas tiré le conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 910-4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 910-4 du code de procédure civile :

5. Selon ce texte, à peine d'irrecevabilité, les parties doivent présenter, dès les premières conclusions, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond.

6. Pour déclarer recevable et fondée la demande de nullité du licenciement, l'arrêt retient que les demandes formées par la salariée au titre d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, puis d'un licenciement nul, tendent à l'indemnisation des conséquences de son licenciement qu'elle estime injustifié. Il ajoute que ces demandes poursuivent par conséquent les mêmes fins, de sorte que la demande de nullité du licenciement est recevable et qu'il est indifférent que la salariée n'ait pas visé la nullité du licenciement dans ses premières écritures d'intimée dès lors que, si l'article 910-4 du code de procédure civile exige que les parties présentent l'ensemble de leurs prétentions sur le fond dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910 du même code, cette exigence ne s'applique pas aux moyens qu'elles développent à l'appui de leurs prétentions.

7. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que dans ses premières conclusions du 31 mars 2020, la salariée n'avait pas demandé la nullité de son licenciement, de sorte que cette prétention était irrecevable, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de dommages-intérêts au titre de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession formée par le syndicat CGT TCL, débouté Mme [N] de sa demande de rappel d'indemnités journalières, condamné la société Keolis [Localité 3] à payer à Mme [N] la somme de 3 397,61 euros au titre des rappels de congés payés du 29 octobre au 8 décembre 2015, outre celle de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure ainsi qu'aux dépens, l'arrêt rendu le 9 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Capitaine (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Salomon - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SARL Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Article 910-4 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Sur l'obligation de concentration des prétentions au fond dans les premières conclusions d'appel, à rapprocher : 2e Civ., 20 octobre 2022, pourvoi n° 21-16.907, Bull., (cassation partielle).

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