Numéro 2 - Février 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2023

VENTE

3e Civ., 8 février 2023, n° 22-10.743, (B), FS

Cassation partielle

Garantie – Vices cachés – Action estimatoire – Réparation du vice par un tiers – Absence d'influence

La réparation par un tiers du vice caché affectant la chose vendue, qui n'a pas d'incidence sur les rapports contractuels entre vendeur et acquéreur, ne supprime pas l'action estimatoire de l'acquéreur.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 octobre 2021), par acte authentique de vente du 9 mars 2016, la société Guigal (le vendeur) a vendu à M. [R] (l'acquéreur) un appartement dans un immeuble en copropriété.

2. Le 7 décembre 2017, la préfecture a mis en oeuvre une procédure de péril ordinaire concernant cet immeuble.

3. Ayant constaté des désordres affectant les planchers hauts et bas de l'appartement, dus à la présence d'insectes xylophages, l'acquéreur a assigné le vendeur pour obtenir, sur le fondement de la garantie des vices cachés, la réduction du prix de vente et des dommages-intérêts.

4. Le vendeur a appelé le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] (le syndicat des copropriétaires) en garantie sur le fondement des articles 14 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 et 1242 du code civil.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. L'acquéreur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en restitution du prix, alors « que seule la réparation de la chose par le vendeur, non par un tiers, acceptée par l'acquéreur et qui fait disparaître le vice caché empêche l'acheteur d'exercer l'action rédhibitoire ou estimatoire ; qu'en déboutant M. [R] de son action estimatoire au motif qu'il avait accepté que le bien soit remis en état par le syndicat des copropriétaires, que le vice avait disparu et qu'il importait peu que la réparation n'ait pas été effectuée par la venderesse, la société Guigal, mais par la copropriété, la cour d'appel a violé les articles 1641 et 1644 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1641 et 1644 du code civil :

6. Aux termes du premier de ces textes, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus.

7. Selon le second, dans ce cas, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.

8. En application de ces textes, il est jugé que l'acheteur d'une chose comportant un vice caché qui accepte que le vendeur procède à la remise en état de ce bien ne peut plus invoquer l'action en garantie dès lors que le vice originaire a disparu (Com., 1er février 2011, pourvoi n° 10-11.269, Bull. 2011, IV, n° 15).

9. L'acquéreur, qui a seul le choix des actions prévues par la loi en cas de mise en jeu de la garantie du vendeur pour vice caché, peut accepter que celui-ci procède, par une remise en état à ses frais, à une réparation en nature qui fait disparaître le vice et rétablit l'équilibre contractuel voulu par les parties.

10. Cette solution ne peut pas être étendue à la réparation du vice caché par un tiers, laquelle, n'ayant pas d'incidence sur les rapports contractuels entre l'acquéreur et le vendeur, ne peut supprimer l'action estimatoire permettant à l'acquéreur d'obtenir la restitution du prix à hauteur du coût des travaux mis à sa charge pour remédier au vice.

11. Pour rejeter la demande en restitution de partie du prix, l'arrêt retient qu'ayant accepté que le syndicat des copropriétaires procède aux travaux de remise en état du bien affecté du vice caché, l'acquéreur ne peut plus exercer l'action estimatoire dès lors que le vice a disparu, peu important que la remise en état ait été effectuée par le syndicat et non par le vendeur.

12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

13. La cassation du chef de dispositif rejetant la demande de M. [R] en restitution du prix sur le fondement de l'action estimatoire entraîne, par voie de conséquence l'annulation de celui rejetant les demandes en dommages-intérêts, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [R] de sa demande en restitution du prix et de ses demandes en paiement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 15 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : Mme Farrenq-Nési - Avocat général : M. Burgaud - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Articles 1641 et 1644 du code civil.

Rapprochement(s) :

Com., 1er février 2011, pourvoi n° 10-11.269, Bull. 2011, IV, n° 15 (rejet).

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