Numéro 2 - Février 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2023

URBANISME

3e Civ., 15 février 2023, n° 22-10.187, (B), FS

Rejet

Logements – Changement d'affectation – Article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation – Domaine d'application – Sous-location temporaire à une clientèle de passage n'y élisant pas domicile

Le locataire qui sous-loue un local meublé destiné à l'habitation en méconnaissance des dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation est passible d'une condamnation au paiement de l'amende civile prévue à l'article L. 651-2 du même code.

Logements – Changement d'affectation – Article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation – Local à usage d'habitation – Affectation à d'autres fins – Autorisation administrative préalable – Défaut – Cas – Sous-location temporaire des locaux à une clientèle de passage n'y élisant pas domicile – Effets – Amende civile

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 septembre 2021), la Ville de [Localité 5] a assigné devant le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés, sur le fondement des articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, les sociétés JLP Fidji et Habitat parisien, respectivement propriétaire et locataire d'un local à usage d'habitation situé à [Localité 5], afin de les voir condamner au paiement d'une amende civile, pour en avoir changé l'usage en le louant de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage n'y élisant pas domicile.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

3. La société Habitat parisien fait grief à l'arrêt de la condamner au paiement d'une amende civile de 50 000 euros, alors :

« 1°/ qu'est passible de l'amende prévue à l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation toute personne qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article ; que lorsqu'un contrat de bail autorise le locataire à sous-louer le local de manière temporaire à une clientèle de passage n'y élisant pas domicile, c'est au bailleur qu'il appartient d'obtenir l'autorisation prévue par l'article L. 631-7 de ce code, tout particulièrement lorsque celle-ci est subordonnée à une compensation ; que le locataire, auquel le bailleur a garanti la possibilité de procéder à de telles sous-locations et la licéité de celles-ci, ne peut être tenu responsable d'un éventuel changement d'usage des locaux effectué sans autorisation préalable ; qu'en relevant, au contraire, pour juger que, malgré sa qualité de locataire, la société Habitat parisien serait passible de l'amende prévue à l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, que cette société ne pouvait ignorer la réglementation applicable au regard des dispositions régissant le changement d'usage, notamment au sens du dernier alinéa de l'article L. 631-7, qu'il appartenait tant au propriétaire qu'au locataire chargé de louer le bien pour de courtes durées de s'assurer de l'obtention des autorisations personnelles de changement d'usage, nonobstant l'attestation sur l'honneur du bailleur inopérante et que la société Habitat parisien aurait ainsi enfreint les règles régissant la location touristique de courte durée, la cour d'appel a violé les articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

2°/ en toute hypothèse, que le contrat de bail conclu entre la société JLP Fidji et la société Habitat parisien prévoyait l'autorisation expresse que le locataire puisse sous-louer, prêter, de manière temporaire ce logement ; qu'en affirmant que le modèle de bail imposé par la société Habitat parisien ne ferait pas même référence à des locations touristiques de courte durée mais seulement à des locations meublées pour des périodes déterminées, de sorte que la SARL Habitat parisien avait toute latitude pour mettre en place une location conforme ou non aux textes, cependant que la clause précitée autorisait précisément le locataire à louer le local de manière temporaire à une clientèle de passage n'y élisant pas domicile, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, en violation des articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

3°/ que la cassation qui sera prononcée sur ce moyen entraînera également la cassation, par voie de conséquence, du chef de l'arrêt ayant rejeté la demande de condamnation de la société JLP Fidji à garantir la société Habitat parisien de toute éventuelle condamnation prononcée à son encontre, et ce par application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. En premier lieu, selon l'article L. 631-7, alinéa 1, du code de la construction et de l'habitation, dans certaines communes, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est soumis à autorisation préalable.

5. Aux termes de l'alinéa 6 du même article, le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage au sens de cet article.

6. Selon l'article L. 651-2 du même code, toute personne, qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application de cet article, est condamnée à une amende civile.

7. Dès lors, est passible d'une condamnation au paiement d'une telle amende civile, le locataire qui sous-loue un local meublé destiné à l'habitation en méconnaissance des dispositions de l'article L. 631-7 précité.

8. Ayant relevé, à bon droit, qu'il appartenait à la société Habitat parisien de s'assurer de l'autorisation du changement d'usage, la cour d'appel en a exactement déduit que l'avenant au contrat de location, selon lequel la société JLP Fidji lui aurait garanti la licéité de « la location meublée de courtes durées », ne pouvait l'exonérer de sa responsabilité.

9. Ayant constaté que la locataire avait, sans autorisation de changement d'usage, sous-loué le local meublé destiné à l'habitation, de manière répétée pour de courtes durées, à une clientèle de passage qui n'y élisait pas domicile, la cour d'appel a pu la condamner au paiement d'une amende civile.

10. En second lieu, la cassation n'étant pas prononcée sur les première et deuxième branches, le grief, tiré d'une annulation par voie de conséquence, est devenu sans portée.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

12. La société Habitat parisien fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de condamnation de la société JLP Fidji à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre, alors :

« 1°/ que le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée ; qu'il incombe au bailleur de délivrer un local conforme à sa destination contractuelle tout au long du contrat ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt, d'une part, que le contrat de bail conclu entre la société JLP Fidji et la société Habitat parisien prévoyait que cette dernière était autorisée à sous-louer et à prêter de manière temporaire le logement et, d'autre part, que par avenant du 2 octobre 2017, le bailleur, à la suite de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 (dite loi ALUR), a indiqué garantir sur l'honneur l'absence d'obstacles et la licéité de la location meublée de courtes durées ; qu'en rejetant l'appel en garantie formé par la société Habitat parisien à l'encontre de la société JLP Fidji, cependant que cette société était tenue, au titre de son obligation de délivrance, de garantir à son locataire, la société Habitat parisien, la possibilité d'exercer, dans le local loué, une activité de location saisonnière conformément à la destination convenue dans le bail, la cour d'appel a violé les articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ensemble l'article 1719 du code civil ;

2°/ qu'en toute hypothèse, qu'en affirmant que la tromperie alléguée ne serait pas démontrée, quand elle relevait elle-même que la société JLP Fidji avait autorisé la société Habitat parisien à sous-louer de manière temporaire le logement et qu'elle avait ensuite garanti sur l'honneur l'absence d'obstacles et la licéité de la location meublée de courtes durées, ce dont il résultait que la société JLP Fidji avait ainsi laissé croire à sa locataire qu'aucun obstacle légal ne s'opposait à ce qu'elle exerce une activité de location saisonnière dans le local litigieux, la cour d'appel a violé les articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation. »

Réponse de la Cour

13. Ayant relevé, au terme d'une interprétation souveraine du contrat du 5 novembre 2012, que la société Habitat parisien avait toute latitude pour mettre en place une location conforme aux textes, la cour d'appel a pu déduire de ce seul motif que la garantie de délivrance de la bailleresse ne pouvait l'exonérer de sa responsabilité de ce chef.

14. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : Mme Gallet - Avocat général : Mme Morel-Coujard - Avocat(s) : SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier ; SCP Foussard et Froger ; SARL Le Prado - Gilbert -

Textes visés :

Articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 12 juillet 2018, pourvoi n° 17-20.654, Bull. 2018, III, n° 91 (rejet).

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