Numéro 2 - Février 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2023

UNION EUROPEENNE

Com., 1 février 2023, n° 21-15.221, (B), FP

Rejet

Propriété industrielle – Certificat complémentaire de protection pour les médicaments – Règlement (CE) n° 469/2009 du Parlement européen et du Conseil du 6 mai 2009 – Produit – Preuve – Désignation d'une substance comme principe actif dans une autorisation de mise sur le marché – Portée – Présomption réfragable

L'absence de désignation d'une substance comme principe actif dans une autorisation de mise sur le marché constitue une présomption réfragable qu'il ne s'agit pas d'un produit au sens de l'article 1 du règlement (CE) n° 469/2009 du Palement européen et du Conseil du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 décembre 2020), le 20 juillet 2015, la société Halozyme Inc., laboratoire américain de biotechnologie qui développe des thérapies innovantes contre le cancer, a déposé une demande de certificat complémentaire de protection n° 15C0053 (CCP n° 053) pour le produit « trastuzumab et hyaluronidase humaine recombinante ». Cette demande mentionne la partie française du brevet européen déposé le 5 mars 2004, publié sous le n° EP 2163643 (EP 643) sous le titre « Glycoprotéine d'hyaluronidase soluble, son procédé de préparation, utilisations et compositions pharmaceutiques le comportant », délivré le 21 janvier 2015, dont la revendication n° 18 couvre une combinaison de polypeptide hyaluronidase substantiellement purifié et d'un agent anticancéreux et dont la revendication n° 21 couvre une telle composition pour une utilisation dans le traitement du cancer du sein, dans laquelle l'anticancéreux est un anticorps monoclonal.

2. Le 20 juillet 2015, sur le fondement de la partie française du brevet EP 643 et d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) communautaire délivrée le 26 août 2013 à la société Roche Registration Limited (la société Roche) pour la formulation sous-cutanée d'un médicament anticancéreux dénommé « Herceptin », constituée de la combinaison de trastuzumab, anticorps monoclonal présenté dans l'AMM comme le « principe actif », et de hyaluronidase humaine recombinante, présentée comme un « excipient », la société Halozyme a déposé une demande de certificat complémentaire de protection (CCP) pour le produit « trastuzumab et hyaluronidase humaine recombinante. »

3. La société Roche avait déjà obtenu, le 28 août 2000, une AMM communautaire pour la formulation intraveineuse de « Herceptin », laquelle ne contient pas de hyaluronidase humaine recombinante.

4. Par décision du 7 mars 2018, le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (l'INPI) a rejeté la demande de CCP aux motifs que la hyaluronidase humaine recombinante n'est pas un principe actif ayant un effet thérapeutique propre mais constitue un excipient, ainsi qu'il résulte du résumé des caractéristiques du produit se rapportant à l'AMM du 26 août 2013, et que le produit, objet du CCP demandé, ne peut être que le principe actif apparaissant dans l'AMM, soit le trastuzumab, lequel fait l'objet d'une AMM antérieure du 28 août 2000.

5. La société Halozyme a formé un recours contre cette décision.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexé

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

7. La société Halozyme fait grief à l'arrêt de rejeter son recours formé contre la décision du directeur général de l'INPI du 7 mars 2018, rejetant la demande de CCP n° 053, portant sur la partie française du brevet EP 643, pour le produit « trastuzumab et hyaluronidase humaine recombinante », alors :

« 1°/ qu'une substance présentée dans l'AMM comme un excipient, mais dont il est démontré qu'elle a un effet pharmacologique, immunologique ou métabolique propre sur l'organisme des patients lorsqu'elle est associée à une autre substance présentée comme un principe actif, doit elle-même être considérée comme un « principe actif » au sens de l'article 1, b), du règlement (CE) n° 469/2009 du Parlement européen et du Conseil du 6 mai 2009 ; qu'en l'espèce, comme le soutenait l'exposante et ainsi que le relevait la décision du directeur de l'INPI entreprise, la hyaluronidase, présentée comme un excipient dans l'AMM, agit directement sur l'organisme des patients atteints d'un cancer du sein en modifiant leurs tissus cellulaires pour permettre une meilleure assimilation du trastuzumab, anticorps monoclonal, et son administration plus ciblée, par voie sous-cutanée plutôt qu'intraveineuse ; qu'il en résulte que l'interaction des deux composants chimiques produit des effets spécifiques propres à la hyaluronidase et que, conjuguée au trastuzumab, cette substance est dotée d'un effet pharmacologique, immunologique ou métabolique propre justifiant de l'assimiler à un « principe actif » au sens de l'article 1, b), du règlement (CE) n° 469/2009 du Parlement européen et du Conseil du 6 mai 2009 ; qu'en jugeant cependant que la hyaluronidase, seule ou combinée avec le trastuzumab, était dépourvue d'effet pharmacologique, immunologique ou métabolique propre, sans se prononcer sur l'effet physiologique propre de la hyaluronidase, agissant directement sur les tissus cellulaires des patients auxquels elle était administrée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1, 2, 3 et 4 de ce règlement ;

2°/ qu'il appartient aux juges du fond de vérifier, au regard de l'ensemble des circonstances de fait caractérisant le litige, si un composant présenté comme un excipient dans une AMM est doté d'un effet pharmacologique, immunologique ou métabolique propre lorsqu'il est conjugué avec un autre principe actif, peu important que l'AMM ne mentionne pas expressément les effets propres de la substance ; qu'en se bornant néanmoins à affirmer que la société Halozyme produisait uniquement des pièces rédigées en anglais ne permettant pas d'identifier l'effet pharmacologique, immunologique et métabolique propre de la hyaluronidase pour le traitement du cancer du sein, ce qui ne révélait rien sur les effets de l'enzyme lorsqu'elle est combinée au trastuzumab, et que l'AMM, assimilant la hyaluronidase à un excipient, ne concluait pas à l'existence d'un effet pharmacologique, immunologique ou métabolique propre à ce composant « dans son association avec le trastuzumab », la cour d'appel a donc statué par des motifs tout à la fois insuffisants et impropres pour retenir, au regard de l'ensemble des circonstances de fait du litige, que la hyaluronidase n'avait pas un effet pharmacologique, immunologique ou métabolique propre dans son association avec le trastuzumab, violant ainsi les articles 1, 2, 3 et 4 du règlement (CE) n° 469/2009 du Parlement européen et du Conseil du 6 mai 2009. »

Réponse de la Cour

8. Dans son arrêt du 15 janvier 2015 (CJUE, arrêt du 15 janvier 2015, Forsgren, C-631/13), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que « l'article 1, sous b), du règlement (CE) n° 469/2009 du Parlement européen et du Conseil du 6 mai 2009 doit être interprété en ce sens qu'une protéine vectrice conjuguée à un antigène polysaccharidique au moyen d'une liaison covalente ne peut être qualifiée de « principe actif », au sens de cette disposition, que s'il est établi que celle-ci produit un effet pharmacologique, immunologique ou métabolique propre couvert par les indications thérapeutiques de l'autorisation de mise sur le marché, ce qu'il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier au regard de l'ensemble des circonstances de fait caractérisant le litige au principal. »

9. Il en résulte que lorsque l'AMM ne qualifie pas une substance de « principe actif », il est présumé de façon réfragable que cette substance ne produit pas d'effet pharmacologique, immunologique ou métabolique propre couvert par les indications thérapeutiques visées par cette AMM.

10. Après avoir exactement énoncé que l'appréciation de l'effet pharmacologique, immunologique ou métabolique propre couvert par les indications thérapeutiques de la hyalorunidase humaine recombinante devait s'effectuer au regard du contenu de l'AMM, l'arrêt relève que celle-ci ne vise comme principe actif que le seul trastuzumab et ne cite la hyalorunidase humaine recombinante que comme l'un des excipients de la composition, et retient qu'aucun élément contenu dans l'AMM ni dans un document externe ne justifie d'un effet propre à la hyarolunidase seule, ou dans son association avec le trastuzumab, pour les indications thérapeutiques de l'AMM.

11. En l'état de ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a fait ressortir que la hyaluronidase recombinante humaine était présumée être un excipient au regard des mentions de l'AMM et de ses documents préparatoires, et a retenu qu'aucune preuve contraire n'était rapportée a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation plénière de chambre.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Bessaud - Avocat général : M. Douvreleur - Avocat(s) : SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre ; SARL Le Prado - Gilbert -

Textes visés :

Article 1 du règlement (CE) n° 469/2009 du Parlement européen et du Conseil du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments.

Com., 8 février 2023, n° 21-17.763, (B) (R), FS

Cassation

Protection des consommateurs – Directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 – Article 7, § 1 – Clauses abusives – Contrat conclu entre un professionnel et un consommateur – Mesure d'exécution forcée – Titre exécutoire – Autorité relative de la chose jugée – Pouvoirs du juge en matière de clauses abusives – Etendue

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 3 décembre 2020), par deux actes notariés du 30 juillet 2004, la société BNP Paribas (la banque) a consenti à M. [T] des prêts destinés à l'acquisition d'un immeuble constituant sa résidence principale et garantis par un privilège de prêteur de deniers ainsi qu'une hypothèque conventionnelle.

2. Par un acte notarié du 15 mai 2009, M. [T] a effectué une déclaration d'insaisissabilité de cet immeuble, qui a été publiée.

3. La banque a prononcé la déchéance du terme des prêts le 17 octobre 2011.

4. Les 10 mai et 7 juin 2012, M. [T] a été mis en redressement puis liquidation judiciaires.

Le 12 juin 2012, la banque a déclaré au passif ses créances au titre des prêts. Ces créances ont été admises par des ordonnances du 7 novembre 2013.

5. La banque a délivré à M. [T] un commandement de payer valant saisie immobilière le 8 août 2014, puis l'a assigné à l'audience d'orientation devant le juge de l'exécution, afin que soit ordonnée la vente forcée de l'immeuble.

6. M. [T] s'est opposé à cette mesure d'exécution forcée en soulevant, à titre principal, la prescription de l'action de la banque et, subsidiairement, le caractère non exigible de la créance, en se prévalant, notamment, du caractère abusif de la clause d'exigibilité anticipée stipulée dans les prêts.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

7. M. [T] fait grief à l'arrêt de rejeter sa contestation relative à la prescription des créances de la banque et, en conséquence, de fixer le montant des créances de cette dernière aux sommes de 135 949,62 et 17 930,35 euros, outre les intérêts, et d'ordonner la poursuite de la procédure de saisie immobilière, alors :

« 1°/ que la déclaration d'une créance au passif d'une procédure collective qui a un effet interruptif de la prescription de l'action en paiement sur le gage commun, est sans effet sur la prescription applicable au créancier en ce qu'il entend exercer ses droits sur l'immeuble objet de la déclaration d'insaisissabilité qui ne lui est pas opposable, en marge de la procédure collective de l'entrepreneur individuel, selon la procédure de droit commun de la saisie immobilière ; qu'en jugeant au contraire que la déclaration de ses créances au passif de la procédure collective de M. [T], effectuée par la BNP Paribas le 12 juin 2012, avait interrompu la prescription de l'action que la banque pouvait engager, en marge de la procédure collective, selon la procédure de droit commun de la saisie immobilière, sur la résidence principale de M. [T], objet d'une déclaration d'insaisissabilité qui ne lui était pas opposable, la cour d'appel a violé les articles L. 137-2, devenu L. 281-2, du code de la consommation, 2234 et 2241 du code civil, et L. 526-1 et L. 622-24 du code de commerce ;

2°/ que dès lors qu'il peut agir sur l'immeuble objet de la déclaration d'insaisissabilité qui lui est inopposable, qu'il peut saisir en marge de la procédure collective, et que ses droits sur cet immeuble sont indépendants de ses droits dans la procédure collective, le créancier ne peut bénéficier d'aucune interruption et suspension de la prescription de son action sur cet immeuble du fait de sa déclaration de créance ; qu'en jugeant au contraire que la prescription de l'action de la BNP Paribas sur l'immeuble de M. [T] objet de la déclaration d'insaisissabilité qui lui était inopposable était interrompue par la déclaration de créances de la banque le 12 juin 2012 puis suspendue jusqu'à la décision d'admission des créances le 7 novembre 2013, de sorte que la prescription n'était pas acquise lors de la délivrance du commandement valant saisie le 8 août 2014, la cour d'appel a violé les articles L. 137-2, devenu L. 281-2, du code de la consommation, 2234 et 2241 du code civil, et L. 526-1 et L. 622-24 du code de commerce ;

3°/ dans un mémoire distinct et motivé, M. [T] a contesté la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de la portée effective conférée aux articles L. 137-2, devenu L. 281-2, du code de la consommation, 2234 et 2241 du code civil, et L. 526-1 et L. 622-24 du code de commerce, par l'interprétation jurisprudentielle selon laquelle l'effet interruptif, attaché à la déclaration de créance, de la prescription de l'action du créancier à qui la déclaration d'insaisissabilité est inopposable sur l'immeuble objet de cette déclaration, se prolonge jusqu'à la date de la décision ayant statué sur la demande d'admission ou, lorsque aucune décision n'a statué sur cette demande d'admission, jusqu'à la clôture de la procédure collective, ce qui porte atteinte au principe constitutionnel d'égalité devant la loi consacré par les dispositions de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; que la déclaration d'inconstitutionnalité que prononcera le Conseil constitutionnel sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution du 4 octobre 1958, entraînera par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêt attaqué pour perte de fondement juridique. »

Réponse de la Cour

8. En premier lieu, contrairement à ce que postule le moyen en ses première et deuxième branches, il résulte des articles L. 526-1, alinéa 1, du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2010-638 du 10 juin 2010 applicable en la cause, et L. 622-24 de ce code que, si un créancier inscrit à qui est inopposable la déclaration d'insaisissabilité d'un immeuble appartenant à son débiteur peut faire procéder à la vente sur saisie de cet immeuble et use de la faculté de déclarer sa créance au passif de la procédure collective du débiteur, il bénéficie de l'effet interruptif de prescription attaché à sa déclaration de créance, cet effet interruptif se prolongeant jusqu'à la date de la décision ayant statué sur la demande d'admission, dès lors que ce créancier n'est pas dans l'impossibilité d'agir sur l'immeuble au sens de l'article 2234 du code civil.

9. En second lieu, la Cour de cassation ayant, par un arrêt du 8 décembre 2021 (Com., 8 décembre 2021, QPC n° 21-17.763), dit n'y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. [T], le moyen, pris en sa troisième branche, est sans portée.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

11. M. [T] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses contestations relatives aux créances de la banque et, en conséquence, de fixer le montant des créances de cette dernière aux sommes de 135 949,62 et 17 930,35 euros, outre les intérêts, et d'ordonner la poursuite de la procédure de saisie immobilière, alors « que les droits du créancier auquel une déclaration d'insaisissabilité d'un immeuble est inopposable étant indépendants de ses droits dans la procédure collective du propriétaire de cet immeuble, la décision d'admission ou de rejet de la créance de ce créancier au passif de la procédure collective n'a pas autorité de la chose jugée dans la procédure de saisie immobilière conduite en marge de la procédure collective et dans le cadre de laquelle il appartient au juge de l'exécution de fixer le montant de la créance du poursuivant en principal, frais, intérêts et autres accessoires ; qu'en retenant néanmoins que M. [T] était irrecevable à contester le montant des créances de la banque au motif que "(l)es décisions (d'admission des créances de la BNP Paribas au passif de la procédure de liquidation judiciaire de M. [T]) (avaient) autorité de la chose jugée à l'égard de M. [T] relativement aux créances qu'elles fix(aient), la procédure de saisie immobilière ayant à cet égard le même objet de fixation de la créance du poursuivant », la cour d'appel a violé les articles L. 526-1 du code de commerce et L. 213-6, R. 322-15 et R. 322-18 du code des procédures civiles d'exécution. »

Réponse de la Cour

12. La décision d'admission d'une créance au passif de la procédure collective d'un débiteur a, en principe, autorité de la chose jugée sur l'existence, la nature et le montant de la créance admise. Cette autorité s'impose en particulier au juge de l'exécution statuant à l'audience d'orientation qui se tient en cas de saisie immobilière initiée par un créancier auquel est inopposable la déclaration d'insaisissabilité d'un immeuble appartenant à son débiteur et qui peut donc faire procéder à la vente sur saisie de cet immeuble, l'audience d'orientation ayant notamment pour objet, à l'instar de la procédure d'admission, de constater le principe de la créance du créancier poursuivant et d'en mentionner le montant retenu.

13. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche

14. Il est statué sur ce moyen après avis de la deuxième chambre civile, sollicité en application de l'article 1015-1 du code de procédure civile.

Enoncé du moyen

15. M. [T] fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'en toute hypothèse, le juge est tenu d'examiner, au besoin d'office, les clauses dont le caractère abusif est allégué ; qu'en retenant que l'autorité de chose jugée attachée aux décisions d'admission des créances de la BNP Paribas au passif de la procédure collective de M. [T] l'empêchaient d'examiner le caractère abusif de la clause d'exigibilité anticipée du contrat de prêt servant de fondement aux poursuites, quand elle était tenue d'examiner cette question sur laquelle le juge-commissaire ne s'était pas prononcé, la cour d'appel a violé les articles R. 632-1 du code de la consommation, issu de la directive 93/13 du 5 avril 1993, et L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 7, § 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, L. 132-1, alinéa 1er, devenu L. 212-1, alinéa 1er, du code de la consommation :

16. Aux termes du premier de ces textes, les États membres veillent à ce que, dans l'intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l'utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel.

17. Selon le second de ces textes, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

18. Par un arrêt du 26 janvier 2017, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que, dans l'hypothèse où, lors d'un précédent examen d'un contrat litigieux ayant abouti à l'adoption d'une décision revêtue de l'autorité de la chose jugée, le juge national s'est limité à examiner d'office, au regard de la directive 93/13 susvisée, une seule ou certaines des clauses de ce contrat, cette directive impose à un juge national d'apprécier, à la demande des parties ou d'office dès lors qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet, le caractère éventuellement abusif des autres clauses dudit contrat (CJUE, arrêt du 26 janvier 2017, Banco Primus, C-421/14).

19. En outre, par un arrêt du 4 juin 2020, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit qu'il appartient aux juridictions nationales, en tenant compte de l'ensemble des règles du droit national et en application des méthodes d'interprétation reconnues par celui-ci, de décider si et dans quelle mesure une disposition nationale est susceptible d'être interprétée en conformité avec la directive 93/13 sans procéder à une interprétation contra legem de cette disposition nationale. À défaut de pouvoir procéder à une interprétation et à une application de la réglementation nationale conformes aux exigences de cette directive, les juridictions nationales ont l'obligation d'examiner d'office si les stipulations convenues entre les parties présentent un caractère abusif et, à cette fin, de prendre les mesures d'instruction nécessaires, en laissant au besoin inappliquées toutes dispositions ou jurisprudence nationales qui s'opposent à un tel examen (CJUE, arrêt du 4 juin 2020, Kancelaria Medius, C-495/19).

20. Il résulte d'un arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne en grande chambre le 17 mai 2022, que l'article 6, paragraphe 1, et l'article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une législation nationale qui, en raison de l'effet de l'autorité de la chose jugée et de la forclusion, ne permet ni au juge d'examiner d'office le caractère abusif de clauses contractuelles dans le cadre d'une procédure d'exécution hypothécaire ni au consommateur, après l'expiration du délai pour former opposition, d'invoquer le caractère abusif de ces clauses dans cette procédure ou dans une procédure déclarative subséquente, lorsque lesdites clauses ont déjà fait l'objet, lors de l'ouverture de la procédure d'exécution hypothécaire, d'un examen d'office par le juge de leur caractère éventuellement abusif, mais que la décision juridictionnelle autorisant l'exécution hypothécaire ne comporte aucun motif, même sommaire, attestant de l'existence de cet examen ni n'indique que l'appréciation portée par ce juge à l'issue dudit examen ne pourra plus être remise en cause en l'absence d'opposition formée dans ledit délai (CJUE, arrêt du 17 mai 2022, C-600/19 Ibercaja Banco).

21. Il résulte en outre d'un arrêt rendu le même jour que ces mêmes dispositions doivent être interprétées en ce sens qu'elles s'opposent à une réglementation nationale qui prévoit que, lorsqu'une injonction de payer prononcée par un juge à la demande d'un créancier n'a pas fait l'objet d'une opposition formée par le débiteur, le juge de l'exécution ne peut pas, au motif que l'autorité de la chose jugée dont cette injonction est revêtue couvre implicitement la validité de ces clauses, excluant tout examen de la validité de ces dernières, ultérieurement, contrôler l'éventuel caractère abusif des clauses du contrat qui ont servi de fondement à ladite injonction (CJUE, arrêt du 17 mai 2022, SPV Project 1503, C-693/19 et C-831/19).

22. Il s'en déduit que l'autorité de la chose jugée d'une décision du juge-commissaire admettant des créances au passif d'une procédure collective, résultant de l'article 1355 du code civil et de l'article 480 du code de procédure civile, ne doit pas être susceptible de vider de sa substance l'obligation incombant au juge national de procéder à un examen d'office du caractère éventuellement abusif des clauses contractuelles.

23. Il en découle que le juge de l'exécution, statuant lors de l'audience d'orientation, à la demande d'une partie ou d'office, est tenu d'apprécier, y compris pour la première fois, le caractère éventuellement abusif des clauses contractuelles qui servent de fondement aux poursuites, sauf lorsqu'il ressort de l'ensemble de la décision revêtue de l'autorité de la chose jugée que le juge s'est livré à cet examen.

24. Il en résulte qu'un débiteur soumis à une procédure collective contre lequel a été rendue une décision, irrévocable, admettant à son passif une créance au titre d'un prêt immobilier, qu'il avait souscrit antérieurement en qualité de consommateur, peut, à l'occasion de la procédure de saisie immobilière d'un bien appartenant à ce débiteur, mise en oeuvre par le créancier auquel la déclaration d'insaisissabilité de l'immeuble constituant la résidence principale du débiteur est inopposable, nonobstant l'autorité de la chose jugée attachée à cette décision, soulever, à l'audience d'orientation devant le juge de l'exécution, une contestation portant sur le caractère abusif d'une ou plusieurs clauses de l'acte de prêt notarié dès lors qu'il ressort de la décision revêtue de l'autorité de la chose jugée que le juge ne s'est pas livré à cet examen.

25. Pour rejeter la contestation de M. [T], qui soutenait que la créance de la banque n'était pas liquide et exigible, au motif que la clause d'exigibilité anticipée stipulée dans chacun des prêts était abusive, au sens des articles L. 212-1 et R. 212-1 du code de la consommation, l'arrêt retient que, les décisions d'admission des créances du 7 novembre 2013 ont autorité de la chose jugée à l'égard de M. [T] relativement aux créances qu'elles fixent, que celui-ci, débiteur convoqué à l'audience du juge-commissaire pour qu'il soit statué sur ses contestations, se présente en la même qualité devant le juge de l'exécution statuant en saisie immobilière que devant le juge-commissaire, et il relève que, devant ce juge, le débiteur n'a formulé aucune observation concernant la première créance et qu'il n'a pas davantage contesté la seconde.

L'arrêt en déduit que les moyens développés par M. [T] pour contester la validité de certaines clauses des contrats de prêts, en particulier celle portant exigibilité anticipée de ceux-ci, sont inefficaces pour remettre en cause la procédure de saisie immobilière.

26. En statuant ainsi, après avoir constaté que, dans ses décisions d'admission, le juge-commissaire n'avait pas examiné, à la demande de M. [T] ou d'office, le caractère abusif de la clause d'exigibilité anticipée des prêts notariés fondant la saisie immobilière litigieuse, de sorte qu'il appartenait au juge de l'exécution, saisi d'une contestation formée sur ce point pour la première fois devant lui par M. [T] lors de l'audience d'orientation, de procéder à cet examen, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Barbot - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Lévis -

Textes visés :

Article 7, § 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 ; article L. 132-1, alinéa 1, devenu L. 212-1, alinéa 1, du code de la consommation.

Com., 8 février 2023, n° 21-13.536, (B), FS

Cassation

Règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 – Article 7, 1), b) – Compétence territoriale – Détermination – Lieu stipulé au contrat

Selon l'article 7, 1, b), du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, en matière de vente de marchandises, une personne domiciliée sur le territoire d'un Etat membre peut être attraite devant le tribunal du lieu où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées.

Il en résulte qu'en cas de divergence entre le lieu stipulé au contrat et le lieu matériel effectif de livraison, c'est le premier qui doit prévaloir.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 18 novembre 2020), par une offre du 14 avril 2015 acceptée le 30 juin 2015, la société Travaux ferroviaires français (la société TFF) a commandé à la société de droit allemand Kirow Adelt GmbH (la société Kirow) une grue ferroviaire.

2. Par une lettre du 7 juillet 2015, la société Kirow a accepté les termes de cette commande. Cette « confirmation de commande » comportait la mention suivante : « Conditions de livraison : les prix indiqués ci-avant s'entendent sur la base de livraison EXW Leipzig suivant les conditions Incoterms 2010, hors TVA. »

3. Pour financer l'achat de la grue, la société TFF a souscrit, le 23 septembre 2016, un contrat de crédit-bail auprès de la société Deutsche Leasing France (la société Deutsche LF), lequel se référait à cette « confirmation de commande. »

4. Le 22 décembre 2016, la société Deutsche LF (le crédit-bailleur) a adressé une « confirmation de commande » au vendeur, la société Kirow. Y figuraient les mentions suivantes : « Nous vous passons ainsi commande de ce matériel en vue de sa livraison à notre locataire conformément aux dispositions et aux conditions ci-après.

L'acceptation sans réserve de ces conditions nonobstant toutes clauses contraires de vente conditionne la validité de la présente commande. » et « Délai de livraison : la livraison du matériel s'entend de sa réception par le locataire dans ses locaux. Sauf dérogation expresse et écrite, la date limite de livraison prévue est impérative. »

5. La grue a été livrée en mars 2017 et la société Kirow a établi une facture à l'ordre de la société Deutsche LF le 30 mars 2017.

6. Alléguant un défaut de conformité aux normes de sécurité constaté après le basculement de la grue lors de son utilisation sur un chantier, la société TFF, bénéficiant contractuellement d'un mandat conféré par le crédit-bailleur, a assigné la société Kirow, en présence de la société Deutsche LF, devant le tribunal de commerce de Val de Briey, aux fins de prononcer la résolution judiciaire de la vente et de condamner la société Kirow au remboursement intégral du prix, au paiement de l'indemnité forfaitaire de 10 % du prix d'achat prévue au contrat de crédit-bail et de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

7. La société Kirow a soulevé l'incompétence de la juridiction saisie au profit des juridictions allemandes.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche, ci-après annexé

8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Et sur ce moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

9. La société Kirow fait grief à l'arrêt de rejeter l'exception d'incompétence du tribunal de commerce de Val de Briey pour connaître du litige l'opposant aux sociétés Deutsche LF et TFF et de confirmer la compétence de ce tribunal pour en connaître, alors « qu'une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite dans un autre État membre, en matière contractuelle, s'agissant d'une vente de marchandises, devant le tribunal du lieu d'un État membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées ; que si ce lieu est en principe celui stipulé au contrat liant les parties, en cas de divergence avec le lieu matériel effectif de livraison, ce dernier doit prévaloir ; qu'en l'espèce, en estimant que le lieu de livraison du contrat de vente entre la société Kirow et la société Deutsche Leasing France était le siège social de la société TFF dans la mesure où la confirmation de commande définissait « la livraison comme la réception par le locataire en ses locaux, ce qui implique que le lieu de livraison « en vertu du contrat » est situé au siège de la société TFF », tout en constatant que la « livraison [av]ait été matériellement réalisée en un autre lieu, la grue ayant en effet été acheminée à [Localité 3], puis à [Localité 5] et enfin à [Localité 4]" (op. cit. loc. cit.), la cour d'appel a violé l'article 7, 1, b), du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale. »

Réponse de la Cour

10. Selon l'article 7, 1, b), du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, en matière de vente de marchandises, une personne domiciliée sur le territoire d'un Etat membre peut être attraite devant le tribunal du lieu où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées.

11. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne qu'en cas de vente à distance, le lieu où les marchandises ont été ou auraient dû être livrées en vertu du contrat doit être déterminé sur la base des dispositions de ce contrat, qu'afin de vérifier si le lieu de livraison est déterminé « en vertu du contrat », la juridiction nationale saisie doit prendre en compte tous les termes et toutes les clauses pertinents de ce contrat qui sont de nature à désigner de manière claire ce lieu, y compris les termes et les clauses généralement reconnus et consacrés par les usages du commerce international, tels que les Incoterms (« international commercial terms »), élaborés par la Chambre de commerce internationale (CCI), que s'il est impossible de déterminer le lieu de livraison sur cette base sans se référer au droit matériel applicable au contrat, ce lieu est alors celui de la remise matérielle des marchandises par laquelle l'acheteur a acquis ou aurait dû acquérir le pouvoir de disposer effectivement de ces marchandises à la destination finale de l'opération de vente. (CJUE, arrêt du 25 février 2010, Car Trim, C-381/08 et CJUE, arrêt du 9 juin 2011, Electrosteel Europe, C-87/10).

12. En conséquence, le moyen, qui repose sur le postulat erroné selon lequel, en cas de divergence entre le lieu de livraison stipulé au contrat liant les parties et le lieu matériel effectif de livraison, ce dernier doit prévaloir, n'est pas fondé.

Mais sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

13. La société Kirow fait le même grief à l'arrêt, alors « que le contrat est formé par la rencontre d'une offre et d'une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s'engager ; qu'en l'espèce, dans ses écritures d'appel, la société Kirow contestait être liée par la « confirmation de commande » du 22 décembre 2016 invoquée par la société Deutsche Leasing, dès lors qu'elle ne l'avait pas signée ; en outre, elle rappelait que le contrat de crédit-bail faisait expressément référence à la commande initiale passée entre la société TFF et la société Kirow et stipulait que le crédit-preneur choisissait librement notamment les conditions de livraison et enfin, elle faisait valoir que la facture adressée à la société Deutsche Leasing France comportait l'incoterm EXW Leipzig ; qu'en décidant néanmoins que la société Kirow était liée par les termes de la « confirmation de commande » du 22 décembre 2016 relatifs au « délai de livraison », énonçant que « la livraison du matériel s'entend de sa réception par le locataire dans ses locaux » et comportant uniquement la signature de la société Deutsche Leasing France, aux seuls motifs qu'elle aurait « expressément accepté la substitution de débiteur, en signant, le 30 mars 2017, avec les sociétés intimées la délégation imparfaite de paiement, en application de l'article 1275 ancien du code civil, jointe à cette confirmation de commande, aux termes de laquelle elle a notamment accepté la substitution de la société Deutsche Leasing France à la société TFF dans son obligation de paiement du prix, et d'autre part, elle a exécuté le contrat en livrant le matériel et en adressant, le 30 mars 2017, sa facture à la société Deutsche Leasing France », la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs impropres à caractériser le consentement de la société Kirow à une fixation du lieu de livraison de la grue au siège social de la société TFF, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1113 du code civil dans sa version issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1113 du code civil :

14. Aux termes de ce texte, le contrat est formé par la rencontre d'une offre et d'une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s'engager. Cette volonté peut résulter d'une déclaration ou d'un comportement non équivoque de son auteur.

15. Pour rejeter l'exception d'incompétence soulevée par la société Kirow, l'arrêt relève qu'à la suite de l'offre de vente du 14 avril 2015 ayant fait l'objet d'une commande émise par la société TFF le 30 juin 2015 et acceptée par la société Kirow le 7 juillet 2015, la société TFF a ensuite souscrit auprès de la société Deutsche LF un contrat de crédit-bail faisant expressément référence à cette commande C/15.06/SL/Kirov01 du 30 juin 2015.

16. Il constate encore que, par une lettre du 22 décembre 2016 intitulée « confirmation de commande », le crédit-bailleur a informé la société Kirow qu'il se substituait à la société TFF pour l'acquisition de la grue ferroviaire et lui a passé commande du matériel.

17. Il retient qu'aux termes de cette « confirmation de commande », qui stipulait expressément que sa validité était conditionnée à une acceptation sans réserve de ses conditions, y compris celles différant des conditions initialement convenues avec la société TFF, la livraison du matériel s'entendait de sa réception par le locataire dans ses locaux et que la société Kirow a expressément accepté la substitution de débiteur en signant, le 30 mars 2017, la délégation imparfaite de paiement jointe à cette « confirmation de commande » et en exécutant le contrat, par la livraison du matériel et l'envoi, le 30 mars 2017, de sa facture à la société Deutsche LF.

18. Il en déduit que toutes les dispositions et conditions de la commande du 22 décembre 2016 sont opposables à la société Kirow et qu'en conséquence le lieu de livraison « en vertu du contrat » est situé au siège de la société TFF.

19. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'acceptation par le vendeur de la clause intitulée « délai de livraison » figurant dans un document non signé par lui, tout en constatant que le contrat de crédit-bail se référait expressément à la commande initiale ayant lié le vendeur et la société TFF et que la facture de la société Kirow reprenait la mention de l'incoterm EXW figurant dans le document « acceptation de la commande » envoyé à la société TFF par la société Kirow le 7 juillet 2015, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Fontaine - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh ; SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés -

Textes visés :

Article 7, 1), b), du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale.

Rapprochement(s) :

Sur la compétence en matière de vente internationale de marchandises, cf : CJUE, arrêt du 25 février 2010, Car Trim, C-381/08 ; CJUE, arrêt du 9 juin 2011, Electrosteel Europe, C-87/10.

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