Numéro 2 - Février 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2023

STATUTS PROFESSIONNELS PARTICULIERS

Soc., 8 février 2023, n° 21-10.270, (B), FS

Cassation partielle

Journaliste professionnel – Statut – Dépassement du nombre annuel de jours travaillés – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 décembre 2020), Mme [D], épouse [T], a été engagée en qualité de journaliste pigiste, à compter du mois de septembre 1997, par la société France 2 puis par la société France télévisions (la société) suivant plusieurs contrats à durée déterminée d'usage.

2. Le 20 février 2015, elle a saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir la requalification de ses contrats en contrat à durée indéterminée à temps plein avec reprise d'ancienneté depuis septembre 1997.

Examen des moyens

Sur les premier et troisième moyens, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le deuxième moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement d'une certaine somme à titre de rappel de salaire en raison du dépassement du nombre annuel de jours travaillés, outre les congés payés afférents, alors :

« 1°/ qu'aux termes de l'article 3.1.1 du titre 2 du livre 3 de l'accord collectif France télévisions du 28 mai 2013 fixant la durée de travail des journalistes à 197 jours annuels : « Les journalistes dont la durée annuelle du travail est exprimée dans le cadre d'un décompte annuel en jours peuvent, à leur demande et, en accord avec leur hiérarchie, dépasser le volume de temps de travail fixé dans leur décompte annuel en jours travaillés dans la limite de 15 jours par an.

Les jours de travail effectués au-delà du décompte annuel en jours travaillés sont indemnisés à 125 % du salaire journalier du collaborateur concerné » ; qu'en l'espèce, il n'était pas contesté que la salariée avait travaillé en plus des 197 jours conventionnellement prévus, 145 jours en 2014, 82 jours en 2015, et 89 jours en 2016 ; qu'en retenant qu'il était établi que « La salariée a travaillé certaines années pour un volume supérieur à 197 jours par an » et en la déboutant néanmoins de sa demande en rappel de salaire pour dépassement du nombre annuel de jours travaillés et de congés payés y afférents, aux motifs inopérants que sa rémunération perçue au titre des contrats de travail à durée déterminée était bien supérieure à celle versée aux journalistes permanents et que sur la période réclamée de 2014 à 2016, elle avait perçu au titre de ses piges une rémunération supérieure à celle à laquelle elle aurait pu prétendre si elle avait travaillé en qualité de journaliste permanent, même avec un dépassement du forfait de 197 jours, de sorte qu'elle était déjà remplie de ses droits, la cour d'appel a violé l'article 3.1.1 du titre 2 du livre 3 de l'accord collectif France télévisions du 28 mai 2013 ;

2°/ que les sommes versées au salarié en contrepartie de son travail à durée déterminée, destinées à compenser la situation dans laquelle il était placé du fait de son contrat à durée déterminée, lui restent acquises nonobstant une requalification ultérieure en contrat à durée indéterminée ; qu'en retenant qu'il était établi que « La salariée a travaillé certaines années pour un volume supérieur à 197 jours par an » et en déboutant néanmoins l'intéressée de sa demande en rappel de salaire pour dépassement du nombre annuel de jours travaillés et de congés payés y afférents, aux motifs tirés de ce que sa rémunération perçue au titre des contrats de travail à durée déterminée était bien supérieure à celle versée aux journalistes permanents et que sur la période réclamée de 2014 à 2016, elle avait perçu au titre de ses piges une rémunération supérieure à celle à laquelle elle aurait pu prétendre si elle avait travaillé en qualité de journaliste permanent, même avec un dépassement du forfait de jours, de sorte qu'elle était déjà remplie de ses droits, la cour d'appel a violé l'article 3.1.1 du titre 2 du livre 3 de l'accord collectif France télévisions du 28 mai 2013. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1245-1, L. 1221-1 du code du travail et l'article 3.1.1 du titre 3 du livre 3 de l'accord collectif France télévisions du 28 mai 2013 :

5. Il résulte des deux premiers textes que la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée qui confère au salarié le statut de travailleur permanent de l'entreprise a pour effet de replacer ce dernier dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée. Il s'ensuit que les sommes qui ont pu lui être versées et étaient destinées à compenser la situation dans laquelle il était placé du fait de son contrat à durée déterminée, lui restent acquises nonobstant une requalification ultérieure en contrat à durée indéterminée.

6. Selon le troisième de ces textes, le nombre annuel de jours travaillés des journalistes permanents, qu'ils soient en contrat à durée déterminée ou contrat à durée indéterminée, à l'exception des cadres dirigeants, est fixé à 197, les jours de travail effectués au-delà du décompte annuel en jours travaillés étant indemnisés à 125 % du salaire journalier du collaborateur concerné.

7. Pour rejeter la demande de la salariée en paiement d'un rappel de salaire au titre des dépassements du nombre annuel de jours travaillés, outre congés payés afférents, l'arrêt retient que s'il est établi que la salariée a travaillé certaines années pour un volume supérieur à 197 jours par an, il ressort également des fiches de paie versées aux débats et du tableau relatif au salaire moyen de référence des permanents de l'entreprise au 31 décembre 2014 que la rémunération perçue au titre des contrats de travail à durée déterminée était bien supérieure à celle versée aux journalistes permanents. Il constate que sur la période réclamée de 2014 à 2016, la salariée a perçu au titre de ses piges une rémunération supérieure à celle à laquelle elle aurait pu prétendre si elle avait travaillé en qualité de journaliste permanent, même avec un dépassement du forfait de 197 jours. Il en déduit que la salariée est d'ores et déjà remplie de ses droits.

8. En statuant ainsi, alors que la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée qui conférait à la salariée le statut de travailleur permanent de la société avait pour effet de replacer cette dernière dans la situation qui aurait été la sienne si elle avait été recrutée depuis l'origine dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée et que les sommes qui avaient pu lui être versées, en sa qualité de pigiste, destinées à compenser la situation dans laquelle elle était placée du fait de ses contrats à durée déterminée, lui restaient acquises nonobstant une requalification ultérieure en contrat à durée indéterminée, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes afférentes au dépassement du nombre annuel de jours travaillés, l'arrêt rendu le 10 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Monge - Avocat général : M. Halem - Avocat(s) : SARL Ortscheidt ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Articles L. 1245-1 et L. 1221-1 du code du travail ; article 3.1.1 du titre 3 du livre 3 de l'accord collectif France télévisions du 28 mai 2013.

Rapprochement(s) :

Sur les effets sur le salaire et les avantages salariaux de la requalification des contrats à durée déterminée d'un intermittent en contrat à durée indéterminée, à rapprocher : Soc., 8 juillet 2020, pourvoi n° 18-21.942, (cassation partielle) ; Soc., 8 juillet 2020, pourvoi n° 18-23.148, (rejet).

Soc., 8 février 2023, n° 20-10.515, (B), FS

Cassation partielle

Voyageur représentant placier – Rémunération – Rémunération minimale forfaitaire – Attribution – Conditions – Dispositions contractuelles – Représentant engagé à titre exclusif – Définition – Portée

Selon l'article L. 7313-6 du code du travail, le contrat de travail peut, pour sa durée, prévoir l'interdiction pour le voyageur, représentant ou placier, de représenter des entreprises ou des produits déterminés.

Selon l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975, la fixation de la rémunération relève du libre accord des représentants de commerce et de leurs employeurs. Néanmoins, lorsqu'un représentant de commerce réalisant des ventes, au sens de la loi du 22 décembre 1972, est engagé à titre exclusif par un seul employeur, il aura droit, au titre de chaque trimestre d'emploi à plein temps, à une ressource minimale forfaitaire.

Il en résulte que seul le représentant engagé à titre exclusif par un seul employeur a droit à une ressource minimale forfaitaire. Le caractère exclusif de l'engagement du représentant s'apprécie au regard des dispositions contractuelles.

Doit être censurée la cour d'appel qui requalifie le contrat de travail de VRP non exclusif en contrat de VRP exclusif, alors qu'elle avait constaté que le contrat de travail du salarié ne comportait pas de clause d'exclusivité et qu'en son article 3, il autorisait l'intéressé à travailler pour un autre employeur dès lors qu'il ne s'agissait pas d'une entreprise concurrente, ce dont il résultait que le salarié n'était pas soumis à une clause d'exclusivité.

Voyageur représentant placier – Contrat de représentation – Clause d'exclusivité – Défaut – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 13 septembre 2019), M. [Z] a été engagé par la société France distrib (la société) en qualité de voyageur représentant placier (VRP) non exclusif à compter du 28 octobre 2014.

2. Le 9 juillet 2015, les parties ont signé une convention de rupture du contrat de travail.

3. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale, le 6 avril 2016, afin de solliciter la requalification de son contrat en un contrat de VRP exclusif à temps complet ainsi que le paiement de diverses sommes.

4. Par jugement du 2 février 2022, une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l'égard de la société et la société Ekip', désignée en qualité de liquidatrice, a régulièrement repris l'instance.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief à l'arrêt de requalifier le contrat de travail de VRP non exclusif du salarié en contrat de travail de VRP exclusif et de le condamner à payer au salarié des sommes à titre de rappel de salaire sur la base du minimum garanti, de congés payés afférents et de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral, alors « que le voyageur représentant placier qui n'est pas lié à l'employeur par une clause d'exclusivité ne peut prétendre au statut de voyageur représentant placier exclusif et, en conséquence, au bénéfice de la ressource minimale forfaitaire prévue par l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975 ; qu'en énonçant que M. [Z] était « soumis de fait » par la société France Distrib à une clause d'exclusivité, et, en conséquence, qu'il pouvait prétendre à la requalification de son contrat de travail en contrat de voyageur représentant placier exclusif et au bénéfice de la ressource minimale forfaitaire prévue par l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975, après avoir pourtant relevé les stipulations de l'article 3 du contrat de travail, « le VRP non exclusif est autorisé pendant toute la durée du contrat à commercialiser d'autres cartes que celles fournies par la Société France Distrib et/ou à exercer en complément, une activité entrant dans le champ d'application du statut professionnel », exclusives de toute clause d'exclusivité, la cour d'appel a violé l'article L. 7313-6 du code du travail, ensemble l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 7313-6 du code du travail et 5-1 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975 :

6. Selon le premier de ces textes, le contrat de travail peut, pour sa durée, prévoir l'interdiction pour le voyageur, représentant ou placier, de représenter des entreprises ou des produits déterminés.

7. Selon le second, la fixation de la rémunération relève du libre accord des représentants de commerce et de leurs employeurs. Néanmoins, lorsqu'un représentant de commerce réalisant des ventes, au sens de la loi du 22 décembre 1972, est engagé à titre exclusif par un seul employeur, il aura droit, au titre de chaque trimestre d'emploi à plein temps, à une ressource minimale forfaitaire.

8. Il en résulte que seul le représentant engagé à titre exclusif par un seul employeur a droit à une ressource minimale forfaitaire.

Le caractère exclusif de l'engagement du représentant s'apprécie au regard des dispositions contractuelles.

9. Pour requalifier le contrat de travail de VRP non exclusif du salarié en contrat de travail de VRP exclusif et condamner l'employeur à payer au salarié des sommes à titre de rappel de salaire sur la base du minimum garanti, l'arrêt retient qu'il se déduit des pièces produites par le salarié et de l'économie générale du contrat que le représentant devait consacrer tout son temps de travail à son activité pour le compte de son employeur et qu'il était dans l'impossibilité de travailler pour un autre employeur, et ce d'autant plus qu'il était chargé de véhiculer les autres VRP sur leur lieu de travail et de les ramener en fin de journée. Il était donc soumis de fait par son unique employeur à une clause d'exclusivité.

10. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le contrat de travail du salarié ne comportait pas de clause d'exclusivité et qu'en son article 3, il autorisait l'intéressé à travailler pour un autre employeur dès lors qu'il ne s'agissait pas d'une entreprise concurrente, ce dont il résultait que le salarié n'était pas soumis à une clause d'exclusivité et ne pouvait prétendre au bénéfice de la rémunération minimale forfaitaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il requalifie le contrat de travail de VRP non exclusif de M. [Z] en contrat de travail de VRP exclusif et condamne la société France distrib à lui payer les sommes de 2 505,46 euros à titre de rappel de salaire sur la base du minimum garanti, 918,91 euros pour les congés payés afférents et 1 000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral, et en ce qu'il condamne la société France distrib aux dépens ainsi qu'à payer à M. [Z] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles, l'arrêt rendu le 13 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Thomas-Davost - Avocat général : M. Halem - Avocat(s) : SCP Krivine et Viaud ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Articles L. 7313-6 du code du travail ; article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975.

Rapprochement(s) :

Sur l'effet d'une clause d'exclusivité prévue dans le contrat de travail du voyageur représentant placier, à rapprocher : Soc., 23 septembre 2003, pourvoi n° 01-43.636, Bull. 2003, V, n° 243 (rejet), et les arrêts cités ; Soc., 8 février 2023, pourvoi n° 20-23.661, Bull., (rejet).

Soc., 8 février 2023, n° 20-23.661, (B), FS

Rejet

Voyageur représentant placier – Rémunération – Rémunération minimale forfaitaire – Attribution – Conditions – Dispositions contractuelles – Voyageur représentant placier multicartes – Conditions effectives d'exercice de son activité – Exclusivité de l'engagement – Pluralité de sociétés constituant un seul et même employeur – Portée

Selon l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975, la fixation de la rémunération relève du libre accord des représentants de commerce et de leurs employeurs. Néanmoins, lorsqu'un représentant de commerce réalisant des ventes, au sens de la loi du 22 décembre 1972, est engagé à titre exclusif par un seul employeur, il aura droit, au titre de chaque trimestre d'emploi à plein temps, à une ressource minimale forfaitaire.

Il en résulte que seul le représentant engagé à titre exclusif par un seul employeur a droit à une ressource minimale forfaitaire. Le caractère exclusif de l'engagement du représentant s'apprécie au regard des dispositions contractuelles.

Doit, en conséquence, être approuvée une cour d'appel, qui, ayant constaté que trois sociétés constituaient en réalité le seul et même employeur d'une salariée et fait ressortir que l'activité de l'intéressée, qui l'occupait à temps plein, excluait toute activité pour un autre employeur, a décidé que la salariée pouvait solliciter le bénéfice de la ressource minimale forfaitaire prévue à l'article 5-1 de l'accord du 3 octobre 1975.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 22 octobre 2020), Mme [T] a été engagée, en qualité de voyageur représentant placier (VRP) multicartes, le 1er juin 2017, par la société Infocom-édition, le 17 juillet 2017 par la société Groupe des éditions municipales de France, le 30 octobre 2017 par la société Groupe Média plus communication.

2. La salariée a saisi la juridiction prud'homale, le 19 juin 2018, d'une demande de résiliation judiciaire de ses contrats de travail et de condamnation solidaire de ses employeurs à lui verser un rappel de ressource minimale forfaitaire ainsi que diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail.

3. Elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail à l'égard de chacun de ses employeurs le 19 octobre 2018.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. Les employeurs font grief à l'arrêt de dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par la salariée produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de les condamner solidairement à verser à la salariée certaines sommes à titre de ressource minimale forfaitaire outre les congés payés afférents, d'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel, alors :

« 1°/ que la garantie de ressource minimale forfaitaire prévue par l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers (ANI) du 3 octobre 1975 suppose que le salarié, embauché comme VRP, soit tenu à l'égard de son unique employeur ou de ses coemployeurs à une obligation d'exclusivité ; que l'obligation d'exclusivité à la charge des VRP à l'égard de leur employeur s'apprécie exclusivement au regard des stipulations contractuelles ; qu'en retenant néanmoins que Mme [T] était bien fondée à se prévaloir de la garantie de ressource minimale forfaitaire, motif pris de ce que l'activité de cette dernière était exclusivement dédiée aux sociétés GMPC, GEMF et IFE, peu important l'absence de clause contractuelle d'exclusivité, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 5-1 de l'ANI du 3 octobre 1975 ;

2°/ qu'à supposer que l'obligation d'exclusivité ne s'apprécie pas exclusivement au regard des stipulations contractuelles, elle ne peut alors se déduire que de contraintes imposées au VRP par l'employeur ou les coemployeurs faisant obstacle à l'exercice par l'intéressé de son activité au profit d'autres employeurs ; qu'en se bornant à relever, pour considérer que l'activité de Mme [T] l'occupait à temps plein et à titre exclusif, le niveau d'objectif assigné à la salariée en terme de chiffre d'affaires mensuel, les comptes rendus hebdomadaires sur son activité sollicités par les sociétés employeurs et le fait que les revenus de la salariée provenait de son activité pour ces dernières sociétés, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser les contraintes auxquelles aurait été soumise Mme [T] et l'empêchant de solliciter d'autres employeurs, a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 5-1 de l'ANI du 3 octobre 1975 ;

3°/ qu'en se bornant à relever, pour considérer que l'activité de Mme [T] l'occupait à temps plein et à titre exclusif, le niveau d'objectif assigné à la salariée en terme de chiffre d'affaires mensuel, les comptes rendus hebdomadaires sur son activité sollicités par les sociétés employeurs et le fait que les revenus de la salariée provenait de son activité pour ces dernières sociétés, sans répondre au moyen de nature à écarter toute obligation d'exclusivité, par lequel les sociétés GMPC, GEMF et IFE faisaient valoir qu'elles n'exerçaient aucune contrainte sur leur salariée, en n'exigeant aucune justification de l'organisation de ses journées de travail, de sorte que Mme [T] disposait d'une complète liberté d'action, dans les moyens et le temps pour gérer son activité professionnelle, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975, la fixation de la rémunération relève du libre accord des représentants de commerce et de leurs employeurs. Néanmoins, lorsqu'un représentant de commerce réalisant des ventes, au sens de la loi du 22 décembre 1972, est engagé à titre exclusif par un seul employeur, il aura droit, au titre de chaque trimestre d'emploi à plein temps, à une ressource minimale forfaitaire.

7. Il en résulte que seul le représentant engagé à titre exclusif par un seul employeur a droit à une ressource minimale forfaitaire.

Le caractère exclusif de l'engagement du représentant s'apprécie au regard des dispositions contractuelles.

8. Appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve produits par les parties, la cour d'appel, qui a constaté que les trois sociétés constituaient en réalité le seul et même employeur de la salariée et qui a fait ressortir que l'activité de l'intéressée, qui l'occupait à temps plein, excluait toute activité pour un autre employeur, a pu décider, sans être tenue de procéder à des recherches inopérantes, ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, que la salariée pouvait solliciter le bénéfice de la ressource minimale forfaitaire prévue à l'article 5-1 de l'accord du 3 octobre 1975.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Thomas-Davost - Avocat général : M. Halem - Avocat(s) : SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre ; SARL Cabinet Rousseau et Tapie -

Textes visés :

Article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975.

Rapprochement(s) :

Sur l'effet d'une clause d'exclusivité prévue dans le contrat de travail du voyageur représentant placier, à rapprocher : Soc., 23 septembre 2003, pourvoi n° 01-43.636, Bull. 2003, V, n° 243 (rejet), et les arrêts cités ; Soc., 8 février 2023, pourvoi n° 20-10.515, Bull., (cassation partielle).

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