Numéro 2 - Février 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2023

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL

Soc., 8 février 2023, n° 21-15.314, (B), FS

Cassation

Conventions collectives – Conventions diverses – Crédit agricole – Convention nationale – Licenciement – Obligations de l'employeur – Consultation des délégués du personnel – Moment – Détermination – Portée

L'avis des délégués du personnel prévu par l'article 14 de la convention collective nationale du Crédit agricole, dans sa rédaction antérieure à l'avenant du 21 décembre 2018, n'a pas à être préalable à l'entretien préalable au licenciement, mais uniquement à la prise de décision de licencier par l'employeur.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 05 mars 2021), Mme [Y], engagée en qualité de guichetière le 16 mars 1982 par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Centre-Loire, a été licenciée le 30 janvier 2017 pour inaptitude consécutive à une maladie ou un accident non professionnel et impossibilité de reclassement.

2. La convention collective nationale du Crédit agricole du 4 novembre 1987 est applicable à la relation de travail.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement de la salariée dénué de cause réelle et sérieuse, de le condamner à lui verser diverses sommes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents et à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de le condamner à lui remettre un bulletin de paie et une attestation Pôle emploi rectifiés et de le condamner à rembourser aux organismes concernés de tout ou partie des indemnités de chômage payées à la salariée du jour de son licenciement au jour du jugement dans la limite de six mois d'indemnité de chômage, alors « que selon l'article 14 de la convention collective nationale du Crédit agricole, « le licenciement pour un motif autre que disciplinaire ne peut être effectué qu'après avis des délégués du personnel du collège auquel appartient l'intéressé » ; que ce texte impose donc seulement que l'avis des délégués du personnel soit recueilli avant la notification du licenciement non disciplinaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'inaptitude étant d'origine non professionnelle, aucune consultation des délégués du personnel n'était légalement obligatoire en l'état des textes alors applicables, et que la consultation prévue par l'article 14 de la convention collective avait été réalisée avant le licenciement de Mme [R] ; qu'en énonçant que la consultation des délégués du personnel prévue par ce texte conventionnel devait intervenir après la constatation de l'inaptitude par le médecin du travail, avant la proposition effective d'un poste de reclassement et avant la convocation de la salariée à l'entretien préalable, et en jugeant le licenciement sans cause réelle et sérieuse parce que la consultation des délégués du personnel avait été réalisée après cette convocation à l'entretien préalable et quelques jours avant le licenciement, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 14 de la convention collective nationale du Crédit agricole, dans sa rédaction antérieure à l'avenant du 21 décembre 2018 :

4. Une convention collective, si elle manque de clarté, doit être interprétée comme la loi, c'est à dire d'abord en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d'un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l'objectif social du texte.

5. Selon l'article 14 de la convention collective nationale du Crédit agricole, le licenciement pour un motif autre que disciplinaire ne peut être effectué qu'après avis des délégués du personnel du collège auquel appartient l'intéressé.

6. Il résulte de cette disposition que l'avis des délégués du personnel n'a pas à être préalable à l'entretien préalable, mais uniquement à la prise de décision par l'employeur de licencier.

7. Pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur à payer à la salariée diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, l'arrêt, après avoir constaté que l'inaptitude n'était pas d'origine professionnelle et que les dispositions de l'article L. 1226-2 du code du travail, dans leur version applicable en la présente espèce, ne prévoyaient pas la consultation préalable des délégués du personnel, retient d'abord qu'en application de l'article 14 de la convention collective nationale du Crédit agricole précité, s'agissant d'un licenciement pour inaptitude médicalement constatée, la consultation des délégués du personnel devait intervenir après constatation de l'inaptitude par le médecin du travail, avant la proposition effective d'un poste de reclassement approprié à ses capacités, et en tout état de cause, avant la convocation de la salariée à l'entretien préalable et qu'à défaut, l'article 14 précité était privé de toute portée.

8. Il retient ensuite qu'en engageant la procédure de licenciement par convocation du 3 janvier 2017 à un entretien préalable prévu le 11 janvier 2017, soit avant d'avoir procédé à la consultation des délégués du personnel, laquelle n'est intervenue que le 25 janvier 2017 et en procédant au licenciement de la salariée seulement quelques jours après cette consultation, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Centre Loire a privé de toute substance ladite consultation.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte sus-visé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 05 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Pecqueur - Avocat général : M. Juan - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Article 14 de la convention collective nationale du Crédit agricole, dans sa rédaction antérieure à l'avenant du 21 décembre 2018.

Soc., 8 février 2023, n° 21-10.270, (B), FS

Cassation partielle

Conventions et accords collectifs – Accords collectifs – Accord d'entreprise – Accord collectif France Télévisions du 28 mai 2013 – Livre III, article 3.1.1 – Dépassement du nombre annuel de jours travaillés – Applications diverses – Requalification par le juge de contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 décembre 2020), Mme [D], épouse [T], a été engagée en qualité de journaliste pigiste, à compter du mois de septembre 1997, par la société France 2 puis par la société France télévisions (la société) suivant plusieurs contrats à durée déterminée d'usage.

2. Le 20 février 2015, elle a saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir la requalification de ses contrats en contrat à durée indéterminée à temps plein avec reprise d'ancienneté depuis septembre 1997.

Examen des moyens

Sur les premier et troisième moyens, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le deuxième moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement d'une certaine somme à titre de rappel de salaire en raison du dépassement du nombre annuel de jours travaillés, outre les congés payés afférents, alors :

« 1°/ qu'aux termes de l'article 3.1.1 du titre 2 du livre 3 de l'accord collectif France télévisions du 28 mai 2013 fixant la durée de travail des journalistes à 197 jours annuels : « Les journalistes dont la durée annuelle du travail est exprimée dans le cadre d'un décompte annuel en jours peuvent, à leur demande et, en accord avec leur hiérarchie, dépasser le volume de temps de travail fixé dans leur décompte annuel en jours travaillés dans la limite de 15 jours par an.

Les jours de travail effectués au-delà du décompte annuel en jours travaillés sont indemnisés à 125 % du salaire journalier du collaborateur concerné » ; qu'en l'espèce, il n'était pas contesté que la salariée avait travaillé en plus des 197 jours conventionnellement prévus, 145 jours en 2014, 82 jours en 2015, et 89 jours en 2016 ; qu'en retenant qu'il était établi que « La salariée a travaillé certaines années pour un volume supérieur à 197 jours par an » et en la déboutant néanmoins de sa demande en rappel de salaire pour dépassement du nombre annuel de jours travaillés et de congés payés y afférents, aux motifs inopérants que sa rémunération perçue au titre des contrats de travail à durée déterminée était bien supérieure à celle versée aux journalistes permanents et que sur la période réclamée de 2014 à 2016, elle avait perçu au titre de ses piges une rémunération supérieure à celle à laquelle elle aurait pu prétendre si elle avait travaillé en qualité de journaliste permanent, même avec un dépassement du forfait de 197 jours, de sorte qu'elle était déjà remplie de ses droits, la cour d'appel a violé l'article 3.1.1 du titre 2 du livre 3 de l'accord collectif France télévisions du 28 mai 2013 ;

2°/ que les sommes versées au salarié en contrepartie de son travail à durée déterminée, destinées à compenser la situation dans laquelle il était placé du fait de son contrat à durée déterminée, lui restent acquises nonobstant une requalification ultérieure en contrat à durée indéterminée ; qu'en retenant qu'il était établi que « La salariée a travaillé certaines années pour un volume supérieur à 197 jours par an » et en déboutant néanmoins l'intéressée de sa demande en rappel de salaire pour dépassement du nombre annuel de jours travaillés et de congés payés y afférents, aux motifs tirés de ce que sa rémunération perçue au titre des contrats de travail à durée déterminée était bien supérieure à celle versée aux journalistes permanents et que sur la période réclamée de 2014 à 2016, elle avait perçu au titre de ses piges une rémunération supérieure à celle à laquelle elle aurait pu prétendre si elle avait travaillé en qualité de journaliste permanent, même avec un dépassement du forfait de jours, de sorte qu'elle était déjà remplie de ses droits, la cour d'appel a violé l'article 3.1.1 du titre 2 du livre 3 de l'accord collectif France télévisions du 28 mai 2013. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1245-1, L. 1221-1 du code du travail et l'article 3.1.1 du titre 3 du livre 3 de l'accord collectif France télévisions du 28 mai 2013 :

5. Il résulte des deux premiers textes que la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée qui confère au salarié le statut de travailleur permanent de l'entreprise a pour effet de replacer ce dernier dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée. Il s'ensuit que les sommes qui ont pu lui être versées et étaient destinées à compenser la situation dans laquelle il était placé du fait de son contrat à durée déterminée, lui restent acquises nonobstant une requalification ultérieure en contrat à durée indéterminée.

6. Selon le troisième de ces textes, le nombre annuel de jours travaillés des journalistes permanents, qu'ils soient en contrat à durée déterminée ou contrat à durée indéterminée, à l'exception des cadres dirigeants, est fixé à 197, les jours de travail effectués au-delà du décompte annuel en jours travaillés étant indemnisés à 125 % du salaire journalier du collaborateur concerné.

7. Pour rejeter la demande de la salariée en paiement d'un rappel de salaire au titre des dépassements du nombre annuel de jours travaillés, outre congés payés afférents, l'arrêt retient que s'il est établi que la salariée a travaillé certaines années pour un volume supérieur à 197 jours par an, il ressort également des fiches de paie versées aux débats et du tableau relatif au salaire moyen de référence des permanents de l'entreprise au 31 décembre 2014 que la rémunération perçue au titre des contrats de travail à durée déterminée était bien supérieure à celle versée aux journalistes permanents. Il constate que sur la période réclamée de 2014 à 2016, la salariée a perçu au titre de ses piges une rémunération supérieure à celle à laquelle elle aurait pu prétendre si elle avait travaillé en qualité de journaliste permanent, même avec un dépassement du forfait de 197 jours. Il en déduit que la salariée est d'ores et déjà remplie de ses droits.

8. En statuant ainsi, alors que la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée qui conférait à la salariée le statut de travailleur permanent de la société avait pour effet de replacer cette dernière dans la situation qui aurait été la sienne si elle avait été recrutée depuis l'origine dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée et que les sommes qui avaient pu lui être versées, en sa qualité de pigiste, destinées à compenser la situation dans laquelle elle était placée du fait de ses contrats à durée déterminée, lui restaient acquises nonobstant une requalification ultérieure en contrat à durée indéterminée, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes afférentes au dépassement du nombre annuel de jours travaillés, l'arrêt rendu le 10 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Monge - Avocat général : M. Halem - Avocat(s) : SARL Ortscheidt ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Articles L. 1245-1 et L. 1221-1 du code du travail ; article 3.1.1 du titre 3 du livre 3 de l'accord collectif France télévisions du 28 mai 2013.

Rapprochement(s) :

Sur les effets sur le salaire et les avantages salariaux de la requalification des contrats à durée déterminée d'un intermittent en contrat à durée indéterminée, à rapprocher : Soc., 8 juillet 2020, pourvoi n° 18-21.942, (cassation partielle) ; Soc., 8 juillet 2020, pourvoi n° 18-23.148, (rejet).

Soc., 1 février 2023, n° 21-10.546, (B), FS

Cassation partielle sans renvoi

Conventions et accords collectifs – Conventions diverses – Convention collective nationale des établissements médico-sociaux de l'union intersyndicale des secteurs sanitaires et sociaux (UNISSS) du 26 août 1965 – Article 32 – Indemnités de départ à la retraite – Bénéfice – Exclusion – Cas – Maîtres agréés des établissements d'enseignement privés sous contrat simple – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 19 novembre 2020), rendu après cassation (Soc., 26 juin 2019, pourvoi n° 17-31.111), M. [P], instituteur agréé depuis le 1er septembre 1998 exerçant dans un institut médico-éducatif, établissement d'enseignement privé géré par l'association pour la réadaptation et le traitement des enfants et adultes inadaptés (l'association), elle-même liée à l'Etat par un contrat simple, a fait valoir ses droits à la retraite à compter du 1er septembre 2012.

2. Le 12 novembre 2012, il a saisi la juridiction prud'homale pour solliciter le paiement d'une indemnité de départ à la retraite.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. L'association fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. [P] une certaine somme à titre d'indemnité de départ à la retraite, alors « que le maître agréé exerçant dans un établissement privé lié à l'Etat par un contrat simple, parti à la retraite après le 31 décembre 2010, ne peut pas prétendre à une indemnité de départ à la retraite versée par son employeur, au titre des fonctions pour lesquelles il était rémunéré par l'Etat ; qu'en jugeant que M. [P], maître agréé exerçant dans un établissement privé lié à l'Etat par un contrat simple, parti à la retraite le 1er septembre 2012, était en droit de réclamer à l'association l'indemnité de départ à la retraite prévue par la convention collective nationale des secteurs sanitaires, sociaux et médico-sociaux du 26 août 1965, la cour d'appel a violé par refus d'application les articles L. 914-1 et R. 914-96 du code de l'éducation, ensemble les articles 3 et 4 de la loi n° 2005-5 du 5 janvier 2005. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

4. Le salarié conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que l'employeur invite la Cour de cassation à revenir sur la doctrine de son précédent arrêt, alors que la juridiction de renvoi s'y est conformée.

5. Cependant, la cassation partielle a été prononcée le 26 juin 2019, au seul visa des articles 4 et 5 du code de procédure civile, pour méconnaissance des termes du litige.

6. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 3, I et IV, et 4 de la loi n° 2005-5 du 5 janvier 2005 relative à la situation des maîtres des établissements d'enseignement privés sous contrat et l'article L. 914-1, alinéa 1, du code de l'éducation :

7. Aux termes de l'article 3, I et IV, de la loi n° 2005-5 du 5 janvier 2005, il est institué un régime public de retraite additionnel obligatoire ouvert :

1° Aux personnels enseignants et de documentation mentionnés aux articles L. 914-1 du code de l'éducation et L. 813-8 du code rural et de la pêche maritime ;

2° A leurs conjoints survivants ainsi qu'à leurs orphelins.

Ce régime, par répartition provisionnée, est destiné à permettre l'acquisition de droits additionnels à la retraite.

IV-Les dispositions du présent article sont applicables aux enseignants admis à la retraite ou au bénéfice d'un avantage temporaire de retraite servi par l'Etat postérieurement au 31 août 2005.

8. Aux termes de l'article L. 914-1, alinéa 1, du code de l'éducation, les règles générales qui déterminent les conditions de service et de cessation d'activité des maîtres titulaires de l'enseignement public, ainsi que les mesures sociales et les possibilités de formation dont ils bénéficient, sont applicables également et simultanément aux maîtres justifiant du même niveau de qualification, habilités par agrément ou par contrat à exercer leur fonction dans des établissements d'enseignement privés liés à l'Etat par contrat. Ces maîtres bénéficient également des mesures de promotion et d'avancement prises en faveur des maîtres de l'enseignement public.

9. Aux termes de l'article 4 de la loi du 5 janvier 2005 précitée, les modalités selon lesquelles les personnels enseignants et de documentation mentionnés aux articles L. 914-1 du code de l'éducation et L. 813-8 du code rural et de la pêche maritime, admis à la retraite ou au bénéfice d'un avantage temporaire de retraite servi par l'Etat, perçoivent, à titre transitoire, de manière dégressive à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi, une indemnité de départ à la retraite, sont déterminées par voie de conventions. Ces conventions seront étendues par arrêté des ministres chargés de l'éducation nationale et de l'agriculture à l'ensemble des partenaires sociaux compris dans leur champ d'application.

10. Le principe d'assimilation et d'équivalence de la rémunération des maîtres agréés des établissements d'enseignement privés sous contrat simple avec celle des instituteurs de l'enseignement public concerne les traitements, avantages et indemnités attribués par l'Etat.

11. Il en résulte que les maîtres agréés exerçant dans un établissement d'enseignement privé lié à l'Etat par contrat simple, bénéficiaires de la retraite additionnelle de la fonction publique instaurée par l'article 3 de la loi n° 2005-5 du 5 janvier 2005 précitée, ne sont pas en droit de percevoir également l'indemnité de départ à la retraite prévue par l'article 32 de la convention collective nationale des secteurs sanitaires, sociaux et médico-sociaux du 26 août 1965.

12. Pour accueillir la demande du salarié, l'arrêt retient qu'un maître agréé, exerçant dans un établissement d'enseignement privé lié à l'Etat par contrat simple, peut se prévaloir des dispositions d'une convention collective prévoyant le bénéfice d'une indemnité de départ à la retraite pour les salariés.

13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

14. La cassation emporte cassation par voie de conséquence des chefs de dispositif condamnant l'association aux dépens et à payer à M. [P] une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

15. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

16. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne l'association Arteai à payer à M. [P] la somme de 7 876 euros, dit que cette condamnation est productive d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation, ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 devenu 1343-2, du code civil, condamne l'association Arteai aux dépens et la condamne à payer à M. [P] une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 19 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déboute M. [P] de sa demande d'indemnité de départ à la retraite.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : M. Rinuy - Avocat général : Mme Laulom - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Articles 3, I et IV, et 4 de la loi n° 2005-5 du 5 janvier 2005 relative à la situation des maîtres des établissements d'enseignement privés sous contrat ; article L. 914-1, alinéa 1, du code de l'éducation.

Rapprochement(s) :

Sur l'étendue du principe d'assimilation et d'équivalence de la rémunération des maîtres agréés des établissements d'enseignement privés sous contrat simple avec celle des instituteurs de l'enseignement public, à rapprocher : Soc., 28 septembre 2011, pourvoi n° 10-21.931, Bull. 2011, V, n° 204 (cassation partielle), et les arrêts cités.

Soc., 8 février 2023, n° 21-16.805, (B), FS

Cassation partielle

Conventions et accords collectifs – Conventions diverses – Métallurgie – Convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 – Article 16 – Absence pour maladie ou accident – Garantie d'emploi – Domaine d'application – Détermination – Portée

L'article 16 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 n'interdit pas le licenciement du salarié pendant la suspension du contrat de travail pour maladie pour d'autres causes que la maladie, la garantie d'emploi pour une durée déterminée n'étant prévue que pour le licenciement à la suite d'une absence pour maladie et nécessité de remplacement et prévoit les conditions de l'attribution de l'indemnité de préavis en l'étendant pour certains licenciements spécifiques.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 18 mars 2021), M. [H] a été engagé en qualité de cadre commercial le 26 février 2001 par la société Novisia.

2. Le contrat de travail a été transféré le 1er janvier 2016 à la société BBGR, soumise à la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972.

3. Le salarié a été placé en arrêt de travail le 20 octobre 2017 et licencié pour insuffisance professionnelle le 25 octobre 2017.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une somme à titre d'indemnité pour licenciement abusif et au remboursement aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d'indemnités de chômage, alors « que l'article 16 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 n'interdit pas à l'employeur de licencier le salarié, dont le contrat de travail est suspendu pour cause de maladie non professionnelle, pour un motif tiré de son insuffisance professionnelle ; qu'en affirmant en l'espèce que ce texte offrait « une véritable garantie d'emploi en réservant la possibilité de licencier [un salarié absent pour cause de maladie] aux seuls cas justifiés par un motif économique (si licenciement collectif), ou par la suppression du poste occupé par le salarié malade, ou encore par la nécessité de procéder au remplacement du salarié absent à l'expiration de la durée d'indemnisation à plein tarif » pour en déduire que le licenciement de M. [H], prononcé pour insuffisance professionnelle alors qu'il était en congé maladie depuis le jour de l'entretien préalable, était sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé l'article 16 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16, 1°, de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 :

5. Une convention collective, si elle manque de clarté, doit être interprétée comme la loi, c'est-à-dire d'abord en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d'un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l'objectif social du texte.

6. Selon l'article susvisé, les absences relevant de maladie ou d'accident, y compris les accidents du travail, et justifiées dès que possible par certificat médical pouvant donner lieu à contre-visite, à la demande de l'entreprise, ne constituent pas une rupture du contrat de travail.

À l'issue de la durée d'indemnisation à plein tarif, l'employeur pourra prendre acte de la rupture par force majeure du contrat de travail par nécessité de remplacement effectif. Dans ce cas, la notification du constat de la rupture sera faite à l'intéressé par lettre recommandée.

Lorsque l'employeur aura pris acte de la rupture du contrat de travail, il devra verser à l'intéressé une indemnité égale à celle que celui-ci aurait perçue s'il avait été licencié sans que le délai-congé ait été observé. (...)

Au cours de l'absence de l'ingénieur ou cadre pour maladie ou accident, l'employeur peut rompre le contrat de travail en cas de licenciement collectif ou de suppression de poste, à charge pour lui de verser à l'ingénieur ou cadre licencié l'indemnité de préavis en tenant compte des dispositions des alinéas 4 et 5 du présent article, et de régler l'indemnité de congédiement, le cas échéant. (...)

7. Ces dispositions conventionnelles n'interdisent pas le licenciement du salarié pendant la suspension de son contrat de travail pour maladie pour d'autres causes que la maladie, la garantie d'emploi pour une durée déterminée n'étant prévue que pour le licenciement à la suite d'une absence pour maladie et nécessité de remplacement et prévoient les conditions de l'attribution de l'indemnité de préavis en l'étendant pour certains licenciements spécifiques.

8. Pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur à payer au salarié une somme à titre d'indemnité pour licenciement abusif, l'arrêt retient que ces dispositions, qui n'ont pas pour seul objet de déterminer l'indemnisation due au salarié malade, offrent aussi une véritable garantie d'emploi en réservant la possibilité de licencier aux seuls cas justifiés par un motif économique (si licenciement collectif), ou par la suppression du poste occupé par le salarié malade, ou encore par la nécessité de procéder au remplacement du salarié absent à l'expiration de la durée d'indemnisation à plein tarif, qu'il est constant que le salarié a été licencié non pour l'un des trois motifs visés par la convention collective, ni même pour un motif disciplinaire ou pour inaptitude physique, mais pour insuffisance professionnelle, et que le licenciement prononcé en violation d'une garantie conventionnelle d'emploi est abusif.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. [H] de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'inopposabilité de sa clause de forfait annuel en heures et de sa demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, l'arrêt rendu le 18 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Angers.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Laplume - Avocat général : M. Juan - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SARL Corlay -

Textes visés :

Article 16, 1°, de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.