Numéro 2 - Février 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2023

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL

2e Civ., 16 février 2023, n° 21-16.168, (B), FRH

Rejet

Faute inexcusable de l'employeur – Procédure – Action de la victime – Effets – Interruption de la prescription à l'égard de toute autre action procédant d'un même fait dommageable

Il résulte de la combinaison des articles L. 431-2 du code de la sécurité sociale et 2241 du code civil que l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur interrompt la prescription à l'égard de toute autre action procédant du même fait dommageable.

Dès lors, c'est à bon droit qu'une cour d'appel, ayant constaté que l'action en reconnaissance de faute inexcusable engagée par la victime contre son dernier employeur avait été introduite dans le délai de prescription de deux ans, en a déduit que cette action avait eu pour effet d'interrompre la prescription à l'égard d'un précédent employeur au service duquel le salarié avait également été exposé au risque, de sorte que son action était recevable.

Faute inexcusable de l'employeur – Procédure – Action de la victime – Prescription – Interruption – Etendue – Application à un précédent employeur

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 10 mars 2021), M. [C], marin (la victime), a été employé par la [5], aux droits de laquelle vient la société [4] (la société) du 2 septembre 1959 au 9 août 1966. Il a ensuite travaillé du 1er juin 1978 au 15 juillet 1998 en qualité de mécanicien pour le compte du [8].

2. Ayant été reconnu atteint d'une maladie professionnelle du tableau n° 30 B, par décision du directeur de l'ENIM du 20 août 2012, la victime a saisi le 15 avril 2013 une juridiction de sécurité sociale d'une demande en reconnaissance de la faute inexcusable du [8].

Le 16 octobre 2015, il a mis en cause la société [4] devant cette même juridiction et a sollicité la mise hors de cause du [8].

3. Le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le FIVA) est intervenu en la cause.

Examen des moyens

Sur les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. La société fait grief à l'arrêt de déclarer les actions de la victime et du FIVA non prescrites, alors « que pour avoir un effet interruptif de prescription, la demande en justice doit être adressée à l'encontre de celui qu'on veut empêcher de prescrire et non à un tiers ; qu'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur n'a pour effet d'interrompre la prescription qu'à l'égard des actions procédant du même fait dommageable ; que le fait dommageable est le fait générateur, c'est-à-dire l'acte ou l'événement ayant donné lieu aux dommages subis par la victime ; qu'en l'espèce, M. [C], après avoir agi en reconnaissance de la faute inexcusable du [8] pour le compte duquel il a travaillé du 1er juin 1978 au 15 juillet 1998, a agi en reconnaissance de la faute inexcusable de la [4], venant aux droits de la [5] qui l'a employé du 2 septembre 1959 au 9 août 1966 en sollicitant la mise hors de cause du [8] ; qu'il en résulte que les deux actions introduites à l'encontre de l'un puis de l'autre ne procédaient pas d'un fait dommageable unique mais relevaient de périodes d'exposition au risque distinctes à plusieurs années d'intervalle dans des circonstances différentes ; qu'en estimant néanmoins que l'action en reconnaissance de la faute inexcusable introduite à l'encontre du [8] avait eu pour effet d'interrompre la prescription de l'action introduite contre la société [4], la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 431-2 du code de la sécurité sociale et 2241 du code civil. »

Réponse de la Cour

6. Il résulte de la combinaison des articles L. 431-2 du code de la sécurité sociale et 2241 du code civil que l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur interrompt la prescription à l'égard de toute autre action procédant du même fait dommageable.

7. Ayant constaté que le caractère professionnel de la pathologie présentée par la victime avait été reconnu le 20 août 2012, de sorte que l'action en reconnaissance de faute inexcusable engagée contre le [8] le 15 avril 2013 avait été introduite dans le délai de prescription de deux ans, la cour d'appel en a déduit à bon droit que cette action avait eu pour effet d'interrompre la prescription à l'égard de la société au service de laquelle le salarié avait été exposé au risque, de sorte que son action était recevable.

8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

9. La société fait grief à l'arrêt de prononcer la mise hors de cause du [8], alors « qu'en cas d'exposition au risque au sein de plusieurs entreprises, l'employeur qui fait l'objet d'une action en reconnaissance de sa faute inexcusable est recevable à rechercher, devant la juridiction de sécurité sociale, pour obtenir leur garantie, la faute inexcusable des autres employeurs au service desquels la victime a été exposée au même risque ; qu'en confirmant la mise hors de cause du [8] au seul motif que la faute inexcusable de la société [4] a été reconnue sans statuer, comme elle était invitée à le faire par la société [4], sur la responsabilité du [8] en qualité de dernier employeur chez lequel M. [C] a été exposé pendant vingt ans au risque de l'amiante, la cour d'appel a violé les articles L 452-1, L. 452-4 et 331 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

10. Il ne ressort ni de l'arrêt ni de la procédure que la société ait appelé en garantie le [8].

11. Le moyen, qui manque en fait n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Coutou - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SARL Cabinet Briard ; SCP Claire Leduc et Solange Vigand ; SCP Foussard et Froger ; SARL Le Prado - Gilbert -

Textes visés :

Article L. 431-2 du code de la sécurité sociale ; article 2241 du code civil.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 19 décembre 2019, pourvoi n° 18-25.333, Bull., (cassation) ; Soc., 23 janvier 2003, pourvoi n° 01-20.945, Bull. 2003, V, n° 20 (rejet).

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