Numéro 2 - Février 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2023

SECURITE SOCIALE

2e Civ., 16 février 2023, n° 21-17.207, (B), FS

Cassation partielle

Caisse – Union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) – Contrôle – Opérations de contrôle – Avis – Mention du caractère concerté du contrôle – Défaut – Portée

L'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale n'exige pas que l'avis préalable qu'il prévoit mentionne le caractère concerté du contrôle. Dès lors, c'est à bon droit que la cour d'appel, sans encourir les griefs du moyen, a dit que la circonstance que l'avis préalable ne fasse pas mention que le contrôle s'inscrivait dans le cadre d'un contrôle concerté, décidé par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, était sans incidence sur sa régularité (1er moyen).

Aux termes de l'article L. 243-7-2 du code de la sécurité sociale, afin d'en restituer le véritable caractère, les organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-1 sont en droit d'écarter, comme ne leur étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes aient un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'aient pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les contributions et cotisations sociales d'origine légale ou conventionnelle auxquelles le cotisant est tenu au titre de la législation sociale ou que le cotisant, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles.

Lorsque l'organisme de sécurité sociale écarte un acte juridique dans les conditions ci-dessus, il se place nécessairement sur le terrain de l'abus de droit. Il en résulte qu'il doit se conformer à la procédure prévue par le texte précité et les articles R. 243-60-1 et R. 243-60-3 du code de la sécurité sociale et qu'à défaut de ce faire, les opérations de contrôle et celles, subséquentes, de recouvrement sont entachées de nullité.

Viole ces textes, dans leur rédaction applicable au litige, la cour d'appel qui, alors qu'elle constatait que l'organisme de recouvrement avait écarté la convention litigieuse au motif qu'elle avait pour seul objet d'éluder le paiement des cotisations sociales, ce dont il résultait qu'il s'était implicitement placé sur le terrain de l'abus de droit pour opérer le redressement, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations (2e moyen).

Caisse – URSSAF – Contrôle – Procédure – Avis préalable adressé à l'employeur – Mention du caractère concerté du contrôle – Nécessité (non)

Caisse – URSSAF – Contrôle – Procédure d'abus de droit – Mise en oeuvre – Obligation – Acte juridique écarté

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 26 mars 2021), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2013 à 2015, l'URSSAF de Midi-Pyrénées (l'URSSAF) a notifié à la société anonyme sportive professionnelle [9] (la société) une lettre d'observations du 14 octobre 2016, puis une mise en demeure du 22 décembre 2016.

2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors :

« 1°/ qu'en vertu de l'article R. 243-59, premier alinéa, du code de la sécurité sociale, tout contrôle effectué en application de l'article L. 243-7 du même code est précédé de l'envoi par l'organisme chargé du recouvrement des cotisations d'un avis adressé à l'employeur ; que l'absence d'une mention non prévue par le code de la sécurité sociale au sein de l'avis de contrôle entraîne la nullité du redressement mis en oeuvre dès lors que cette situation constitue intrinsèquement une violation des droits de la défense du cotisant ; que selon les articles L. 225-1-1 quinquies et D. 213-1-2 du code de la sécurité sociale, l'ACOSS peut requérir des URSSAF qu'elles opèrent des actions concertées de contrôle et de recouvrement ; que par application combinée de ces textes, l'avis adressé à l'employeur préalablement au contrôle doit préciser qu'il est engagé dans le cadre d'un contrôle concerté décidé par l'ACOSS en vertu de l'article L. 225-1-1 du code de la sécurité sociale lorsque c'est le cas ; que la société a invoqué, dans ses conclusions d'appel, l'irrégularité de l'avis de contrôle et, subséquemment, la nullité des opérations de contrôle et de redressement, dès lors que cet avis ne mentionnait pas que le contrôle avait été diligenté dans le cadre d'un contrôle concerté et ne visait pas l'article L. 225-1-1 du code de la sécurité sociale ; que pour écarter ce moyen la cour d'appel a retenu que, bien qu'il ne fasse mention ni d'un contrôle concerté ni de l'article L. 225-1-1 du code de la sécurité sociale, l'avis de contrôle comprenait les mentions explicitement visées à l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, qu'il « précise la nature des documents et éléments chiffrés concernés par les opérations de vérification, rappelle la possibilité d'assistance par un conseil de son choix et fait état de la charte du cotisant en indiquant le site où elle peut être consultée » et que « la circonstance qu'il ne fasse pas mention que le contrôle s'inscrit dans le cadre d'un contrôle concerté, décidé par l'agence centrale des organismes de sécurité sociale, est sans incidence sur le respect des droits de la défense dès lors que la nature du contrôle et la procédure de contrôle en elle-même sont en tout état de cause identiques » ; qu'en statuant ainsi quand l'obligation de motivation conforme de l'avis de contrôle, qui est d'ordre public, est méconnue en présence, comme en l'espèce, d'un avis n'informant pas le cotisant que le contrôle dont il fait l'objet est mis en oeuvre dans le cadre d'un contrôle concerté décidé par l'ACOSS, ce peu important que la mention dans l'avis du caractère concerté du contrôle ne soit pas expressément visée par l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel a violé les articles L. 225-1-1, R. 243-59 et D. 213-1-2 du code de la sécurité sociale pris en leur version applicable, ensemble l'article 6 § 1 de la CESDH ;

2°/ que l'avis adressé à l'employeur préalablement au contrôle doit préciser qu'il est engagé dans le cadre d'un contrôle concerté décidé par l'ACOSS en vertu de l'article L. 225-1-1 du code de la sécurité sociale lorsque c'est le cas ; que l'irrégularité des documents exigés lors de la procédure de redressement entache la procédure de redressement de nullité, sans que le cotisant n'ait à démontrer l'existence d'un grief ; que la société a invoqué, dans ses conclusions d'appel, l'irrégularité de l'avis de contrôle et, subséquemment, la nullité des opérations de contrôle et de redressement, dès lors que l'avis qui lui a été adressé ne mentionnait pas que le contrôle avait été diligenté dans le cadre d'un contrôle concerté et ne visait pas l'article L. 225-1-1 du code de la sécurité sociale ; que pour écarter ce moyen la cour d'appel a encore retenu que l'avis de contrôle a été adressé « dans un délai suffisant pour lui permettre d'organiser sa défense y compris en prenant attache, si elle le juge utile, avec [8], avisée un mois au préalable de l'existence d'un contrôle concerté, de la période concernée par le contrôle », que « [8] ayant été informée un mois auparavant, par l'agence centrale des organismes de sécurité sociale, de l'inscription au plan national des URSSAF pour 2016 de contrôles concertés pour les clubs de rugby du Top 14 et de la désignation de l'URSSAF Midi-Pyrénées pour « piloter » ce contrôle, ce dernier s'inscrit dans le cadre d'un respect loyal des droits de la défense » et que « la société... a bien eu la possibilité, si elle l'estimait utile, de se concerter avec les autres clubs de rugby professionnel, pour organiser sa défense préalablement à la première visite de l'inspecteur du recouvrement » ; qu'en statuant ainsi cependant que l'obligation de motivation conforme de l'avis de contrôle est d'ordre public en ce qu'elle conditionne le respect des droits de la défense du cotisant de sorte que sa mise en oeuvre est impérative à peine de nullité du redressement subséquent sans que ne soit exigée la preuve d'un préjudice en découlant pour le cotisant, ce dont il résulte que l'URSSAF avait l'obligation de préciser dans l'avis que le contrôle était mis en oeuvre dans le cadre d'un contrôle concerté quelle que soit l'information donnée parallèlement par l'URSSAF à [8], la cour d'appel a violé les articles L. 225-1-1, R. 243-59 et D. 213-1-2 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 6 § 1 de la CESDH. »

Réponse de la Cour

4. L'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale n'exige pas que l'avis préalable qu'il prévoit mentionne le caractère concerté du contrôle.

5. Dès lors, c'est à bon droit que la cour d'appel, sans encourir les griefs du moyen, a dit que la circonstance que l'avis préalable ne fasse pas mention que le contrôle s'inscrivait dans le cadre d'un contrôle concerté, décidé par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, était sans incidence sur sa régularité.

6. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

7. La société fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ qu'il résulte des articles 480 du code de procédure civile et 1351, devenu 1355, du code civil, que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement et a été tranché dans son dispositif ; que l'autorité de la chose jugée ne peut être invoquée qu'en cas de triple identité de parties, de cause et d'objet entre l'action définitivement jugée et la nouvelle demande ; que le jugement statuant sur un redressement distinct, ayant donné lieu à une lettre d'observations et une mise en demeure distinctes, ne statue pas sur le même objet et n'est donc revêtu d'aucune autorité de la chose jugée relativement aux redressements ultérieurs intervenus par lettre d'observations et lettre de mise en demeure distinctes et portant sur une autre période ; qu'en conséquence les observations pour l'avenir effectuées au titre d'une pratique lors d'un précédent redressement ne rendent pas le cotisant irrecevable à contester le redressement infligé au titre de cette même pratique lors d'un contrôle ultérieur ; qu'en décidant au contraire que dès lors que la société avait fait l'objet d'une observation sur l'avenir dans une lettre d'observations du 25 septembre 2009 au titre de la requalification en contrat de travail de l'intervention du personnel médical et paramédical, elle était irrecevable à contester le chef de redressement n° 18 afférent à l'assujettissement et à l'affiliation au régime général du staff médical et paramédical au titre des années 2013, 2014 et 2015, la cour d'appel a violé les articles 480 du code de procédure civile et 1355 du code civil ;

2°/ que la notification à un cotisant d'une observation pour l'avenir, confirmée en justice, ne le rend pas irrecevable à contester en justice le redressement intervenu ultérieurement dans le cadre d'un contrôle URSSAF sur un même fondement ; qu'en décidant au contraire que dès lors que la société avait fait l'objet d'une observation sur l'avenir dans une lettre d'observations du 25 septembre 2009 au titre de la requalification en contrat de travail de l'interventions du personnel médical, elle était irrecevable à contester le chef de redressement n° 18 afférent à l'assujettissement et à l'affiliation au régime général du staff médical et paramédical au titre des années 2013, 2014 et 2015, la cour d'appel a violé les articles L. 244-2, L. 243-7 et L. 243-12-4 du code de la sécurité sociale dans leur version applicable au jour de l'exigibilité des cotisations ;

3°/ que les juges ne peuvent statuer sur le fond après avoir déclaré une action irrecevable ; qu'en l'espèce ayant déclaré la société irrecevable à contester le chef de redressement n° 18 afférent à l'assujettissement et à l'affiliation au régime général du staff médical et paramédical au titre des années 2013, 2014 et 2015, la cour d'appel ne pouvait, dans le même temps, statuer au fond et décider que le chef de redressement est justifié pour son entier montant compte tenu du lien de subordination existant entre le club et les intervenant médicaux et paramédicaux ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a en conséquence violé l'article 122 du code de procédure civile ;

4°/ que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur, qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que pour déduire l'existence d'un tel lien de subordination entre le club de rugby et les intervenants médicaux et paramédicaux, la cour d'appel s'est bornée à relever « l'existence d'un service organisé par la société... au sein duquel interviennent des médecins, des masseurs-kinésithérapeutes et un ostéopathe », service coordonné par deux médecins salariés, que les intervenants médicaux et paramédicaux ont l'obligation d'être présents lors des matchs, que l'activité médicale est exercée dans les locaux du club avec les moyens et matériels du club, que les intervenants reçoivent des honoraires mensuels, l'existence d'une « hiérarchisation des intervenants », ainsi que « la cosignature des conventions d'honoraires » ; qu'en statuant ainsi par des motifs insusceptibles d'établir un pouvoir de direction, de contrôle et sanction du club de rugby à l'égard des intervenants médicaux et paramédicaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 242-1, L. 311-2 et L. 311-11 du code de la sécurité sociale et de l'article L. 1221-1 du code du travail pris en leur version applicable à la date d'exigibilité des cotisations sociales ;

5°/ que sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des URSSAF pour le recouvrement des cotisations d'allocations familiales ; que la société exposante faisait valoir, en l'espèce, que les intervenants médicaux et paramédicaux devaient se voir appliquer la présomption de non-salariat au regard de leur activité libérale en qualité d'indépendant inscrit auprès de l'URSSAF ; qu'en énonçant au contraire que « la circonstance que les autres médecins et intervenants paramédicaux disposent d'un cabinet médical ou paramédical avec une patientèle propre n'est pas exclusive de l'existence d'un lien de subordination lors de leurs participations au service de soins organisé au sein de la société alors que la présomption de non-salariat ne peut concerner que leur activité libérale dans leurs propres cabinets », cependant que dès lors que ces intervenant médicaux et paramédicaux avaient le statut d'indépendant inscrit auprès de l'URSSAF la présomption de non salariat devait s'appliquer peu important que leur activité se déroule ou non dans leur cabinet médicaux, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les articles L. 8221-6 I 3° et L. 8221-6-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

8. Selon l'article L. 8221-6, I, du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations et contributions litigieuses, les personnes physiques, dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation aux registres ou répertoires que ce texte énumère, sont présumées ne pas être liées avec le donneur d'ordre par un contrat de travail.

L'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque ces personnes fournissent des prestations dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard du donneur d'ordre.

9. Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné, le travail au sein d'un service organisé pouvant constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail.

10. L'arrêt relève qu'il résulte des constatations des inspecteurs de recouvrement que le docteur [J], médecin généraliste, qui a sous sa responsabilité les différents intervenants en charge du suivi médical des sportifs de l'équipe professionnelle, est, à ce titre, directement rattaché à la direction générale de la société, qu'il cosigne avec le président de la société les conventions d'honoraires des intervenants paramédicaux et a été embauché en qualité de salarié à compter de la saison sportive 2014/2015 en vue d'occuper les mêmes fonctions que celles qui lui étaient dévolues lors des saisons sportives précédentes, que seul M. [M] a été déclaré en qualité de salarié sur cette période, qu'à compter de la saison 2014/2015, M. [E] a été engagé comme salarié, en sa qualité de masseur-kinésithérapeute, préparateur physique et coordinateur des services médicaux et sportifs de l'équipe professionnelle, que le docteur [J] participe à la coordination de l'ensemble des activités des autres membres du staff encore rémunérés en honoraires.

11. L'arrêt ajoute que le règlement de la Ligue nationale impose aux clubs la présence de l'encadrement médical pendant les entraînements et les matchs, que l'activité médicale et paramédicale est exercée dans les locaux du club où évoluent les joueurs et comprend également la couverture des matchs tant à domicile qu'à l'extérieur, les « mises au vert », les « décrassages » ainsi que les stages, que les moyens matériels et produits consommables nécessaires et suffisants aux actes médicaux et paramédicaux sont directement et intégralement pris en charge par le club et qu'il en est de même des frais de déplacement nécessaires au bon déroulement de l'activité des intéressés, que le staff médical et paramédical est rémunéré mensuellement selon un forfait en application d'une convention conclue lors de chaque saison sportive pour une durée de douze mois, les intervenants médicaux n'établissant pas de feuille de soins nominative et ne percevant pas d'honoraires de clientèle, les montants forfaitaires perçus ayant été déclarés en tant qu'honoraires par chaque bénéficiaire au titre d'une activité libérale indépendante et non en tant qu'éléments d'une rémunération par la société au titre d'une activité salariée.

12. L'arrêt précise que les constatations des inspecteurs sont de même nature que celles faites dans le cadre de l'observation pour l'avenir contenue dans la lettre d'observations du 25 septembre 2009, les docteurs [V] et [J] y étant mentionnés comme chargés du « management du service », et qu'elles mettent en évidence l'existence d'un service organisé par la société au sein duquel interviennent des médecins, des masseurs-kinésithérapeutes et un ostéopathe, que ce service est coordonné et organisé par le docteur [J], dans les liens d'un contrat de travail avec la société depuis la dernière année contrôlée.

13. De ces constatations et énonciations relevant de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, la cour d'appel, sans encourir aucun des griefs du moyen, faisant ressortir l'existence d'un lien de subordination juridique permanente entre les intéressés et la société, en a exactement déduit que les sommes qui leur étaient versées étaient assujetties aux cotisations sociales.

14. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

15. La société fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ que selon l'article L. 243-7-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009, afin d'en restituer le véritable caractère, les URSSAF « sont en droit d'écarter, comme ne leur étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes aient un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'aient pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les contributions et cotisations sociales d'origine légale ou conventionnelle auxquelles le cotisant est tenu au titre de la législation sociale ou que le cotisant, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles » ; qu'en cas de redressement fondé sur l'abus de droit reproché au cotisant l'URSSAF doit appliquer la procédure afférente ; qu'elle doit notamment, à la demande du cotisant et en cas de désaccord sur les rectifications, soumettre la procédure à l'avis du comité des abus de droit ; qu'en l'espèce, tel qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt, le chef de redressement n° 6 infligé à la société tient à la prétendue manoeuvre reprochée au club de rugby ayant consisté à rémunérer en partie l'un de ses joueurs, M. [O] [H], sous la forme de versements d'honoraires pour droit à l'image à une société « en contrepartie de la prétendue exploitation de l'image individuelle du joueur » et ce afin, selon la lettre d'observations, « d'éluder le paiement des cotisations sociales sur la partie du salaire réglée sous forme de droits à l'image considérés comme des revenus mobiliers » ; que ce motif de redressement tiré du reproche fait au club de rugby d'avoir entendu « éluder le paiement des cotisations sociales » en contrepartie de la « prétendue exploitation de l'image individuelle » du joueur répond clairement à la définition de l'abus de droit tel que découlant de la loi ; qu'en écartant néanmoins l'application de cette procédure aux motifs impropres que « ces termes de la lettre d'observations ne sont pas de nature à induire que les inspecteurs du recouvrement ont retenu l'existence d'un acte fictif comme allégué par la société. Ils ne peuvent être interprétés comme signifiant que cet acte a pu n'être inspiré par aucun autre motif que celui d'éluder les cotisations et contributions sociales dues, puisque ce chef de redressement ne porte que sur le droit à l'image individuel d'un seul joueur (M. [O] [H]) et pour une seule année (2013).

La référence aux droits éludés correspond donc en réalité au constat que les cotisations et contributions sociales n'ont pas été payées, ce qui est le cas de tout redressement, et que le seul qualificatif de « prétendue » est insuffisant pour permettre à la cour de considérer que les inspecteurs du recouvrement se sont placés sur le terrain d'un abus de droit pour procéder à ce chef de redressement, alors qu'ils ont ensuite développés un argumentaire, notamment en lien avec un précédent contrôle, qui doit être examiné lors de l'examen sur le fond de ce chef de redressement et qui est de nature à expliciter le qualificatif inapproprié utilisé au stade des constatations que la cour a reprises », la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations desquelles il ressortait que le chef redressement était fondé sur la volonté de la société exposante « d'éluder le paiement des cotisations sociales » par l'entremise d'une « prétendue exploitation de l'image individuelle du joueur » ce qui correspond juridiquement à la définition de l'abus de droit du cotisant, a violé les articles L. 243-7-2 et R. 243-60-1 du code de la sécurité sociale dans leur version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 243-7-2, R. 243-60-1 et R. 243-60-3 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige :

16. Aux termes du premier de ces textes, afin d'en restituer le véritable caractère, les organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-1 sont en droit d'écarter, comme ne leur étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes aient un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'aient pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les contributions et cotisations sociales d'origine légale ou conventionnelle auxquelles le cotisant est tenu au titre de la législation sociale ou que le cotisant, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles.

17. Lorsque l'organisme de sécurité sociale écarte un acte juridique dans les conditions ci-dessus, il se place nécessairement sur le terrain de l'abus de droit. Il en résulte qu'il doit se conformer à la procédure prévue par les textes susvisés et qu'à défaut de ce faire, les opérations de contrôle et celles, subséquentes, de recouvrement sont entachées de nullité.

18. L'arrêt relève que les inspecteurs du recouvrement ont considéré que le versement d'honoraires par la société à la société [7], en contrepartie de l'exploitation de l'image individuelle du joueur du club, constituait un complément de rémunération comme découlant de l'exécution normale du contrat de travail liant le joueur professionnel à la société. Il retient que les termes de la lettre d'observations ne sont pas de nature à induire que les inspecteurs du recouvrement ont retenu l'existence d'un acte fictif et ne peuvent pas être interprétés comme signifiant que cet acte a pu n'être inspiré par aucun autre motif que celui d'éluder les cotisations et contributions sociales dues. Il ajoute que la référence aux droits éludés correspond au constat que les cotisations et contributions sociales n'ont pas été payées, ce qui est le cas de tout redressement, et que le seul qualificatif de « prétendue exploitation de l'image individuelle du joueur » est insuffisant pour permettre de considérer que les inspecteurs du recouvrement se sont placés sur le terrain d'un abus de droit pour procéder au redressement, alors qu'ils ont ensuite développé un argumentaire sur le fond, notamment en lien avec un précédent contrôle.

19. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que l'organisme de recouvrement avait écarté la convention litigieuse au motif qu'elle avait pour seul objet d'éluder le paiement des cotisations sociales, ce dont il résultait qu'il s'était implicitement placé sur le terrain de l'abus de droit pour opérer le redressement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que la contrainte est régulière et valide l'observation pour l'avenir, l'arrêt rendu le 26 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Rovinski - Avocat général : Mme Tuffreau - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Articles L. 213-1, L. 243-7-2 et L. 752-1, R. 243-59, R. 243-60-1 et R. 243-60-3 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 16 février 2023, pourvoi n° 21-18.322, Bull. (rejet) ; 2e Civ., 16 février 2023, pourvoi n° 21-11.600, Bull. (cassation partielle).

2e Civ., 16 février 2023, n° 21-11.600, n° 21-12.005, (B), FS

Cassation partielle

Caisse – Union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) – Contrôle – Procédure d'abus de droit – Mise en oeuvre – Obligation – Acte juridique écarté

Aux termes de l'article L. 243-7-2 du code de la sécurité sociale, afin d'en restituer le véritable caractère, les organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-1 sont en droit d'écarter, comme ne leur étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes aient un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'aient pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les contributions et cotisations sociales d'origine légale ou conventionnelle auxquelles le cotisant est tenu au titre de la législation sociale ou que le cotisant, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles.

Lorsque l'organisme de sécurité sociale écarte un acte juridique dans les conditions ci-dessus, il se place nécessairement sur le terrain de l'abus de droit.

Il en résulte qu'il doit se conformer à la procédure prévue par le texte précité et les articles R. 243-60-1 et R. 243-60-3 du code de la sécurité sociale et qu'à défaut de ce faire, les opérations de contrôle et de recouvrement sont entachées de nullité. Faute de s'être soumise à cette procédure, l'organisme ne peut se prévaloir du défaut de constitution du comité des abus de droit.

Caisse – Union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) – Contrôle – Procédure d'abus de droit – Mise en oeuvre – Obligation – Portée

Caisse – Union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) – Contrôle – Procédure d'abus de droit – Défaut de mise en oeuvre – Effets – Nullité du chef de redressement

La méconnaissance par l'organisme de la procédure prévue à l'article L. 243-7-2 du code de la sécurité sociale n'emporte la nullité que du seul chef de redressement opéré sur le fondement de l'abus de droit.

Caisse – Union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) – Contrôle – Procédure d'abus de droit – Application dans le temps

Les dispositions des articles L. 243-7-6 et R. 243-18-1 du code de la sécurité sociale, qui prévoient que le montant du redressement des cotisations et contributions sociales mis en recouvrement à l'issue d'un contrôle réalisé en application de l'article L. 243-7 est majoré de 10 % lorsqu'il est constaté que le cotisant n'a pas pris en compte les observations effectuées lors d'un précédent contrôle notifiées moins de cinq ans avant la date de notification des nouvelles observations constatant le manquement aux mêmes obligations, s'appliquent à compter du 1er janvier 2014 aux redressements effectuées à la suite d'observations ayant constaté le renouvellement, postérieurement à cette date, du manquement du cotisant aux mêmes obligations que précédemment.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 21-11.600 et 21-12.005 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 11 décembre 2020), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2012 à 2014, l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Provence-Alpes-Côte d'Azur (l'URSSAF) a notifié à la société [3] (la société) une lettre d'observations du 30 octobre 2015, suivie d'une mise en demeure du 29 décembre 2015.

3. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur les troisième, quatrième et cinquième moyens du pourvoi n° 21-11.600 de la société et les deuxième et troisième moyens du pourvoi n° 21-12.005 de l'URSSAF, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen du pourvoi n° 21-12.005 de l'URSSAF

Enoncé du moyen

5. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler le chef de redressement n° 27 « cotisation-rupture non forcée du contrat de travail Assujettissement démission, départ volontaire à la retraite », alors :

« 1°/ que lorsque l'URSSAF considère que le comportement du cotisant procède de l'abus de droit, elle applique une pénalité de 20 % des cotisations et contributions dues, le cotisant ayant la faculté de saisir le comité des abus de droit en cas de désaccord ; qu'il appartient exclusivement à l'URSSAF, au vu des éléments qui lui sont soumis, de déterminer si elle souhaite se placer sur le terrain de la procédure d'abus de droit ou faire application du droit commun ; qu'en jugeant, en l'espèce, que l'URSSAF aurait dû appliquer la procédure d'abus de droit et ainsi permettre au cotisant de saisir le comité des abus de droit, quand il ressortait de ses constatations que l'URSSAF n'avait pas fait application de la pénalité de 20 % et ne s'était ainsi, délibérément, pas placée sur le terrain de l'abus de droit, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 243-7-2 et R. 243-60-3 du code de la sécurité sociale en leur rédaction applicable au litige ;

2°/ que la procédure d'abus de droit requiert que le cotisant puisse demander que le litige soit soumis à l'avis du comité des abus de droit ; que ce comité ne disposant plus de membres depuis le 12 janvier 2015, il n'est plus actif, si bien que la procédure d'abus de droit ne peut plus être mise en oeuvre, l'URSSAF devant faire application du droit commun ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a observé qu'à défaut d'existence dudit comité, l'URSSAF devait renoncer à recourir à la notion d'abus de droit ; qu'en jugeant pourtant que le non-respect de la procédure applicable en matière d'abus de droit et l'application du droit commun par l'URSSAF devait entraîner l'annulation du chef de redressement n° 27, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles L. 243-7-2 et R. 243-60-3 du code de la sécurité sociale en leur rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

6. Aux termes de l'article L. 243-7-2 du code de la sécurité sociale, afin d'en restituer le véritable caractère, les organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-1 sont en droit d'écarter, comme ne leur étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes aient un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'aient pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les contributions et cotisations sociales d'origine légale ou conventionnelle auxquelles le cotisant est tenu au titre de la législation sociale ou que le cotisant, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles.

7. Lorsque l'organisme de sécurité sociale écarte un acte juridique dans les conditions ci-dessus, il se place nécessairement sur le terrain de l'abus de droit. Il en résulte qu'il doit se conformer à la procédure prévue par le texte précité et les articles R. 243-60-1 et R. 243-60-3 du code de la sécurité sociale et qu'à défaut de ce faire, les opérations de contrôle et celles, subséquentes, de recouvrement sont entachées de nullité.

8. L'arrêt relève que, dans la lettre d'observations, l'inspecteur du recouvrement énonce qu'en l'état des informations recueillies au cours du contrôle, les procédures de licenciement présentées par l'entreprise à l'appui de l'exonération des cotisations et contributions de sécurité sociale d'une partie des indemnités versées lors du départ de nombreux salariés sont réputée fictives. Il retient qu'en faisant explicitement état du caractère fictif, non seulement des licenciements opérés mais des accords transactionnels conclus postérieurement, l'URSSAF se référait implicitement à la notion d'abus de droit en sorte qu'elle devait recourir à la procédure adéquate et informer le cotisant de la possibilité de saisir le comité des abus de droit. Il ajoute que l'URSSAF ne saurait se retrancher derrière l'absence de sanctions pour contester le recours à la notion d'abus de droit et que la circonstance qu'à l'époque du contrôle, les membres du comité des abus de droit n'avaient pas été nommés est inopérante et inopposable au cotisant. Il indique enfin qu'il appartenait à l'URSSAF de renoncer à recourir à cette notion si les dispositions législatives précisément adoptées pour assurer la protection des droits du cotisant s'avéraient impossibles à observer et que ces garanties n'ont pas été respectées.

9. De ces constatations et énonciations relevant de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, la cour d'appel a pu déduire, peu important que l'URSSAF n'ait pas appliqué la pénalité égale à 20 %, prévue en cas d'abus de droit, que l'organisme de recouvrement, qui avait écarté les actes litigieux en raison de leur caractère fictif, s'était implicitement placé sur le terrain de l'abus de droit et que la procédure de redressement était irrégulière.

10. Le moyen, inopérant en sa seconde branche en ce qu'en ne se soumettant pas à la procédure prévue aux dispositions précitées, l'URSSAF ne pouvait se prévaloir du défaut de constitution du comité des abus de droit, n'est, dès lors, pas fondé pour le surplus.

Sur le premier moyen du pourvoi n° 21-11.600 de la société

Enoncé du moyen

11. La société fait grief à l'arrêt de valider les autres chefs de redressement, alors que « selon l'article L. 243-7-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009, en cas de désaccord sur les rectifications notifiées au cotisant sur le fondement d'un abus de droit le litige doit être soumis, à la demande du cotisant, à l'avis du comité des abus de droit ; que la méconnaissance de cette procédure par les inspecteurs de l'URSSAF entache de nullité la procédure de redressement prise en son ensemble ; qu'en l'espèce la cour d'appel a constaté que l'URSSAF avait méconnu cette procédure ; qu'elle a cependant jugé que ce grief « ne saurait concerner que le chef de redressement n° 27 et non l'intégralité du redressement comme soutenu à tort par l'intimée » ; qu'en statuant ainsi cependant que la violation par les inspecteurs de l'URSSAF de la procédure d'ordre public instituée par l'article L. 243-7-2 du code de la sécurité sociale, afférente à l'obligation de saisine pour avis du comité des abus de droit en cas de redressement fondé sur un abus de droit, entachait de nullité le redressement pris en son ensemble en ce qu'il avait porté atteinte aux droits de la défense de la société, la cour d'appel a violé les articles L. 243-7-2 et R. 243-60-1 du code de la sécurité sociale dans leur version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

12. Il résulte de l'article L. 243-7-2 du code de la sécurité sociale que la méconnaissance par l'organisme de recouvrement de la procédure qu'il prévoit n'emporte la nullité que du seul chef de redressement opéré sur le fondement de l'abus de droit.

13. Il s'ensuit que la cour d'appel a exactement décidé que l'inobservation de cette procédure n'entraînait l'annulation que du seul chef de redressement n° 27 fondé sur l'abus de droit.

14. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le quatrième moyen du pourvoi n° 21-12.005 de l'URSSAF

Enoncé du moyen

15. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler le chef de redressement n° 23 « transactions suite à licenciement pour faute grave - Indemnités de préavis et indemnités de congés payés sur préavis », alors « que les sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail autres que les indemnités mentionnées au dixième alinéa dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, sont comprises dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales, à moins que l'employeur ne rapporte la preuve qu'elles concourent, pour tout ou partie de leur montant, à l'indemnisation d'un préjudice ; qu'en l'espèce, pour annuler le redressement opéré par l'URSSAF au titre des transactions conclues postérieurement à des licenciements pour faute grave, la cour d'appel s'est bornée à relever que, dans aucune des transactions produites aux débats, l'employeur n'avait entendu renoncer à se prévaloir de l'existence d'une faute grave au soutien de la mesure de licenciement prononcée, qu'il n'était pas soutenu que les salariés auraient effectué leur préavis, et que les transactions accordaient aux anciens salariés des dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel et moral en raison tant de l'exécution que de la rupture du contrat ; qu'en se déterminant par des motifs insuffisants à caractériser le caractère exclusivement indemnitaire de la somme versée en exécution de la transaction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations. »

Réponse de la Cour

16. Il résulte des dispositions de l'article L. 242-1, alinéa 1, du code de la sécurité sociale que les sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail autres que les indemnités mentionnées au dixième alinéa, sont comprises dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales, à moins que l'employeur ne rapporte la preuve qu'elles concourent, pour tout ou partie de leur montant, à l'indemnisation d'un préjudice.

17. L'arrêt relève que, dans aucune des transactions produites au débat, l'employeur n'a entendu renoncer à se prévaloir de l'existence d'une faute grave au soutien de la mesure de licenciement prononcée, qu'il n'est pas soutenu que les salariés auraient effectué leur préavis et que ces transactions accordent aux salariés des dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel et moral en raison tant de l'exécution que de la rupture du contrat de travail.

18. De ces constatations, relevant de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, dont elle a fait ressortir que la société démontrait que les indemnités litigieuses compensaient les préjudices subis par les salariés, la cour d'appel a exactement déduit que leur montant n'entrait pas dans l'assiette des cotisations sociales et que le redressement opéré à ce titre devait être annulé.

19. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le sixième moyen du pourvoi n° 21-11.600 de la société

Enoncé du moyen

20. La société fait grief à l'arrêt de valider le redressement relatif à la majoration de 10 % pour défaut de mise en conformité, alors que « selon l'application combinée des articles L. 243-7-6 et R. 243-18-1 du code de la sécurité sociale, dans leur version issue respectivement de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 et du décret n° 2013-1107 du 3 décembre 2013, le cotisant qui ne se met pas en conformité avec les observations qui lui ont été adressées à l'occasion d'un précédent contrôle survenu moins de cinq ans avant la date de notification des nouvelles observations constatant le manquement aux mêmes obligations peut se voir infliger une pénalité de 10 % pour non mise en conformité ; que cette pénalité de 10 % pour défaut de mise en conformité ne peut être appliquée qu'aux observations (non suivies d'effet) intervenues à compter de l'entrée en vigueur du dispositif précité, c'est-à-dire celles communiquée par écrit depuis le 1er janvier 2014 ; que l'URSSAF ne pouvait en conséquence se fonder sur les observations effectuées à la société lors d'un précédent redressement antérieur au 1er janvier 2014 pour justifier l'application de cette pénalité ; qu'en retenant au contraire que faute pour la société de s'être conformée aux observations contenues dans une précédente lettre d'observations de septembre 2012, antérieure à l'entrée en vigueur des articles L. 243-7-6 et R. 243-18-1 du code de la sécurité sociale, la société avait pu se voir appliquer la pénalité pour défaut de conformité, la cour d'appel a violé les textes susvisés dans leur version applicable au litige, ensemble l'article 2 du code civil. »

Réponse de la Cour

21. Il résulte de la combinaison des articles L. 243-7-6 et R. 243-18-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, que le montant du redressement des cotisations et contributions sociales mis en recouvrement à l'issue d'un contrôle réalisé en application de l'article L. 243-7 est majoré de 10 % lorsqu'il est constaté que le cotisant n'a pas pris en compte les observations effectuées lors d'un précédent contrôle notifiées moins de cinq ans avant la date de notification des nouvelles observations constatant le manquement aux mêmes obligations.

22. Ces dispositions s'appliquent à compter du 1er janvier 2014 aux redressements effectués à la suite d'observations constatant le manquement du cotisant aux mêmes obligations après de précédentes observations notifiées moins de cinq ans auparavant, lors d'un précédent contrôle.

23. Ayant constaté le renouvellement, postérieurement au 1er janvier 2014, des observations de l'URSSAF sur le manquement du cotisant aux mêmes obligations que précédemment, la cour d'appel a exactement décidé que faute d'avoir respecté les observations émises moins de cinq ans auparavant, le cotisant était redevable d'une majoration pour absence de mise en conformité.

24. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le deuxième moyen du pourvoi n° 21-11.600 de la société, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

25. La société fait grief à l'arrêt de dire que le chef de redressement n° 9 ne devait être réduit que de 225 336 euros et de valider pour le surplus le redressement, alors « qu'il résulte de la combinaison des articles L. 242-1 et L. 243-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, que les cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales sont calculées sur le montant brut, avant précompte s'il y a lieu de la part des cotisations et contributions supportées par le salarié, des sommes et avantages compris dans l'assiette des cotisations ; que les rémunérations ou avantages versés aux salariés le sont ainsi en « brut », avant le précompte de la part salariale des cotisations sociales, et non en « net » (2e Civ., 24 sept. 2020, pourvoi n° 19-13.194, publié au Bulletin) ; que la société a contesté en conséquence le mode de calcul des chefs de redressement n° 6 (indemnités forfaitaires téléphones), 8, (frais liés à la mobilité professionnelle), 9 (panier personnel non posté), 10 (prise en charge des frais de transport) et 11 (indemnités kilométriques), faisant valoir que l'URSSAF avait procédé, pour le calcul des sommes réintégrées dans l'assiette des cotisations sociales, à une reconstitution en brut des salaires réintégrés au titre de ces chefs de redressement, alors que la réintégration d'éléments requalifiés en salaire dans l'assiette de cotisations de sécurité sociale concerne par nature des sommes correspondant déjà à du « brut » et qui n'ont pas en conséquence à être reconstituées ; que la cour d'appel a retenu au contraire que « constitue la base brute de calcul des cotisations la part des rémunérations comprenant le précompte salarial », que « dans les avantages consentis il n'est pas invoqué et a fortiori démontré, qu'ils seraient précomptés d'où la nécessité de réinclure les charges », que « dès lors que les avantages litigieux sont versés aux salariés nets de cotisations sociales c'est à bon droit que l'union de recouvrement reconstitue, à partir de cette base nette, une base brute afin d'y appliquer les taux de cotisations en vigueur » et elle en a déduit que « c'est précisément parce que la société a exclu ces avantages de toute charge que l'URSSAF est amenée à reconstituer le salaire » ; qu'en statuant ainsi alors que les indemnités, frais professionnels ou avantages – visés aux chefs de redressement n° 6, 8, 9, 10 et 11 – requalifiés en salaire par l'URSSAF, correspondaient déjà juridiquement à des sommes accordées en « brut » avant le précompte des cotisations sociales, de sorte que ces sommes ou avantages devaient être réintégrés, en tant que telles, dans l'assiette des cotisations sociales sans aucune reconstitution, la cour d'appel a violé les articles L. 242-1, L. 243-1 et R. 242-1 du code de la sécurité sociale dans leur version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 242-1 et L. 243-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige :

26. Il résulte de la combinaison de ces textes que, sauf dispositions particulières contraires, les cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales sont calculées sur le montant brut, avant précompte s'il y a lieu de la part des cotisations et contributions supportées par le salarié, des sommes et avantages compris dans l'assiette des cotisations.

27. Pour valider en tout ou en partie les chefs de redressement n° 6, 8, 9,10 et 11, l'arrêt retient essentiellement que toute somme directement versée au salarié est censée l'être en net en sorte que, pour le calcul des cotisations, il convient d'opérer une reconstitution du salaire brut. Il ajoute que dès lors que les avantages litigieux sont versés aux salariés nets de cotisations sociales, c'est à bon droit que l'URSSAF reconstitue, à partir de cette base nette, une base brute afin d'y appliquer les taux de cotisations en vigueur.

28. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la société n'avait pas procédé au précompte des cotisations et contributions dues par les salariés, de sorte que la réintégration des sommes afférentes aux avantages litigieux correspondait à leur montant brut, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi n° 21-11.600 de la société, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il annule les chefs de redressement n° 15, 23 et 27, valide les chefs de redressement n° 3, 4, 5 et 7, applique la majoration de 10 % et déclare irrecevable la contestation de la société portant sur le chef de redressement n° 25, l'arrêt rendu le 11 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Leblanc - Avocat général : Mme Tuffreau - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Articles L. 213-1, L. 243-7, L. 243-7-6, L. 243-7-2 et L. 752-1 du code de la sécurité sociale ; articles R. 243-60-1, R. 243-60-3 et R. 243-18-1 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 16 février 2023, pourvoi n° 21-18.322, Bull., (rejet).

2e Civ., 16 février 2023, n° 21-18.322, (B), FS

Rejet

Caisse – URSSAF – Contrôle – Procédure d'abus de droit – Mise en oeuvre

Aux termes de l'article L. 243-7-2 du code de la sécurité sociale, afin d'en restituer le véritable caractère, les organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-1 sont en droit d'écarter, comme ne leur étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes aient un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'aient pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les contributions et cotisations sociales d'origine légale ou conventionnelle auxquelles le cotisant est tenu au titre de la législation sociale ou que le cotisant, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles.

Lorsque l'organisme de sécurité sociale écarte un acte juridique dans les conditions ci-dessus, il se place nécessairement sur le terrain de l'abus de droit. Il en résulte qu'il doit se conformer à la procédure prévue par le texte précité et les articles R. 243-60-1 et R. 243-60-3 du code de la sécurité sociale et qu'à défaut de ce faire, les opérations de contrôle et celles, subséquentes, de recouvrement sont entachées de nullité.

Des constatations et appréciations relevant de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, la cour d'appel a pu déduire, peu important que l'URSSAF n'ait pas appliqué la pénalité égale à 20 % prévue en cas d'abus de droit, et alors que le comité des abus de droit était constitué à la date du contrôle, que l'organisme de recouvrement s'était implicitement placé sur le terrain de l'abus de droit et que la procédure de redressement était irrégulière.

Caisse – URSSAF – Contrôle – Procédure d'abus de droit – Conditions

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 19 avril 2021), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2010, 2011 et 2012, l'URSSAF du Nord-Pas-de-Calais (l'URSSAF) a notifié à la société [3] (la société) une lettre d'observations du 28 juin 2013, suivie d'une mise en demeure le 6 septembre 2013.

2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler le chef de redressement n° 6, alors :

« 1°/ que la divergence d'appréciation sur les règles d'assiette des cotisations n'est pas au nombre des contestations susceptibles de donner lieu à la procédure d'abus de droit ; qu'en l'espèce, l'inspecteur du recouvrement s'était limité à constater que, contrairement à ce que la société [3] avait considéré, Messieurs [E] et [U] n'étaient pas liés à la société par un contrat de travail à défaut de tout lien de subordination, de fonctions techniques distinctes de leur mandat et de rémunération spécifique ; qu'il en déduisait que les sommes versées à l'occasion de la rupture de leur contrat avaient été improprement qualifiées d'indemnités de licenciement et devaient être réintégrées dans l'assiette des cotisations sociales ; que l'origine du redressement résidait donc dans une simple divergence d'appréciation entre la société et l'URSSAF quant à la qualification de la relation de travail liant les intéressés à la société ; qu'en jugeant pourtant que le redressement était motivé par l'abus de droit, la cour d'appel a violé les articles L. 243-7-2 et R. 243-60-3 du code de la sécurité sociale en leur rédaction applicable au litige ;

2°/ que lorsque l'URSSAF considère que le comportement du cotisant procède de l'abus de droit, elle applique une pénalité de 20 % des cotisations et contributions dues, le cotisant ayant la faculté de saisir le comité des abus de droit en cas de désaccord ; qu'il appartient exclusivement à l'URSSAF, au vu des éléments qui lui sont soumis, de déterminer si elle souhaite se placer sur le terrain de la procédure d'abus de droit ou faire application du droit commun ; qu'en jugeant, en l'espèce, que l'URSSAF aurait dû appliquer la procédure d'abus de droit et ainsi permettre au cotisant de saisir le comité des abus de droit, quand il ressortait de ses constatations que l'URSSAF n'avait pas fait application de la pénalité de 20 % et ne s'était ainsi, délibérément, pas placée sur le terrain de l'abus de droit, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 243-7-2 et R. 243-60-3 du code de la sécurité sociale en leur rédaction applicable au litige ;

3°/ qu'à tout le moins, la procédure d'abus de droit requiert que le cotisant puisse demander que le litige soit soumis à l'avis du comité des abus de droit ; que ce comité ne disposant plus de membres depuis le 12 janvier 2015, il n'est plus actif, si bien que la procédure d'abus de droit ne peut plus être mise en oeuvre, l'URSSAF devant faire application du droit commun ; qu'en jugeant pourtant que le non-respect de la procédure applicable en matière d'abus de droit et l'application du droit commun par l'URSSAF devait entraîner l'annulation du chef de redressement n° 6, la cour d'appel a violé les articles L. 243-7-2 et R. 243-60-3 du code de la sécurité sociale en leur rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

4. Aux termes de l'article L. 243-7-2 du code de la sécurité sociale, afin d'en restituer le véritable caractère, les organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-1 sont en droit d'écarter, comme ne leur étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes aient un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'aient pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les contributions et cotisations sociales d'origine légale ou conventionnelle auxquelles le cotisant est tenu au titre de la législation sociale ou que le cotisant, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles.

5. Lorsque l'organisme de sécurité sociale écarte un acte juridique dans les conditions ci-dessus, il se place nécessairement sur le terrain de l'abus de droit. Il en résulte qu'il doit se conformer à la procédure prévue par le texte précité et les articles R. 243-60-1 et R. 243-60-3 du code de la sécurité sociale et qu'à défaut de ce faire, les opérations de contrôle et celles, subséquentes, de recouvrement sont entachées de nullité.

6. L'arrêt relève que l'inspecteur du recouvrement a considéré que les révocations des mandats sociaux et les licenciements de MM. [E] et [U] constituaient des actes fictifs donnant lieu au versement de sommes indemnisant leur mise à l'écart de la société, que l'inspecteur du recouvrement a fondé le redressement sur la mise en place d'un habillage légal des ruptures en constatant qu'il n'existait pas de nette séparation entre les attributions techniques des emplois respectifs de directeur administratif et financier et de directeur d'exploitation des intéressés et celles relevant de leurs mandats sociaux antérieurs officiels, puisqu'ils avaient continué à présider à tour de rôle les assemblées générales et que leur rémunération au titre du contrat de travail, en l'absence de lien de subordination, était identique à celle perçue au titre du mandat social. Il retient que l'inspecteur en a déduit que les contrats de travail n'étaient pas réels et a calculé le redressement pour les indemnités perçues lors des licenciements qui n'avaient pas été soumis à cotisations et contributions sociales.

7. De ces constatations et énonciations, relevant de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, la cour d'appel a pu déduire, peu important que l'URSSAF n'ait pas appliqué la pénalité égale à 20 % prévue en cas d'abus de droit, et alors que le comité des abus de droit était constitué à la date du contrôle, que l'organisme de recouvrement, qui avait écarté les actes litigieux en raison de leur caractère fictif, s'était implicitement placé sur le terrain de l'abus de droit et que la procédure de redressement était irrégulière.

8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Rovinski - Avocat général : Mme Tuffreau - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Articles L. 213-1, L. 243-7-2, L. 752-1, R. 243-60-1 et R. 243-60-3 du code de la sécurité sociale.

2e Civ., 16 février 2023, n° 21-14.403, (B), FRH

Rejet

Cotisations – Recouvrement – Solidarité – Solidarité financière du donneur d'ordre – Mise en oeuvre

Les sanctions prévues par l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, lorsqu'il est constaté que le donneur d'ordre n'a pas rempli l'une des obligations définies à l'article L. 8222-1 du code du travail et que son cocontractant a, au cours de la même période, exercé un travail dissimulé par dissimulation d'activité ou d'emploi salarié, sont applicables lorsque, à l'occasion d'un contrôle effectué après la date d'entrée en vigueur des dispositions du décret n° 2013-1107 du 3 décembre 2013, ont été constatés le manquement du donneur d'ordre à son obligation de vigilance et des faits matériels de travail dissimulé commis par son sous-traitant postérieurement au 1er janvier 2013, date d'entrée en vigueur de cette loi.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 11 février 2021), après avoir effectué un contrôle portant sur la période du 16 mars 2013 au 31 mars 2014 et dressé, le 15 juillet 2014, un procès-verbal de travail dissimulé à l'encontre d'un cocontractant de la société [4] (le donneur d'ordre), l'URSSAF de Bretagne (l'URSSAF) a adressé à celle-ci deux lettres d'observations, les 16 octobre 2014 et 18 novembre 2014, l'avisant de la mise en oeuvre de la solidarité financière et de l'annulation des réductions sur les bas salaires, dont elle avait bénéficié durant la période considérée, suivies, les 24 mars 2015 et 27 mai 2016, de deux mises en demeure respectivement émises par l'URSSAF de Bretagne et l'URSSAF d'Alsace.

2. Le donneur d'ordre a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. Le donneur d'ordre fait grief à l'arrêt de rejeter son recours relatif à l'annulation des réductions de cotisations, alors :

« 1°/ que le principe de légalité des délits et des peines et le principe de non-rétroactivité de la loi plus répressive découlant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen s'applique non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction civile ayant le caractère d'une punition, même lorsque le législateur a laissé le soin de la prononcer à une autorité non judiciaire ou non juridictionnelle ; que dans sa décision n° 2015-479 QPC du 31 juillet 2015, le Conseil constitutionnel a qualifié de « sanction, qui présente le caractère d'une punition » la suppression automatique des exonérations et réductions de cotisations sociales du donneur d'ordre ayant manqué à son devoir de vigilance à l'égard de son sous-traitant, instaurée à l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale tel que modifié par la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 et son décret d'application n° 2013-1107 du 3 décembre 2013 entré en vigueur le 6 décembre 2013, au lendemain de sa publication au Journal Officiel ; que dans sa version antérieure, issue de loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009, l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale ne prévoyait cette sanction qu'à l'égard du donneur d'ordre ayant « participé au délit de travail dissimulé en qualité de complice de son sous-traitant, et ce dès l'établissement du procès-verbal » ; qu'il en résulte que la nouvelle sanction prévue par l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, plus sévère que la précédente puisqu'elle est encourue dès que le donneur d'ordre a manqué à son devoir de vigilance et non lorsqu'il s'est rendu complice du travail dissimulé commis par son sous-traitant, ne peut pas être appliquée au donneur d'ordre pour un manquement à son devoir de vigilance commis préalablement à son entrée en vigueur ; qu'au cas présent, l'URSSAF d'Alsace, par lettre du 23 mai 2016 se référant à la lettre d'observations émise par l'URSSAF de Bretagne le 18 novembre 2014, a mis en demeure le donneur d'ordre de payer la somme de 75.000 €, outre 12.150 € de majorations de retard, pour l'année 2013 au titre de « l'annulation des exonérations du donneur d'ordre non vigilant prévue à l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale » ; que pour contester la validité de ce redressement, le donneur d'ordre faisait expressément valoir qu'elle ne pouvait être sanctionnée pour défaut de vigilance, par l'annulation des exonérations dont elle avait bénéficié au titre de toute l'année 2013, cependant que l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, qui sanctionnait le manquement du donneur d'ordre à son devoir de vigilance, n'était entré en vigueur que le 6 décembre 2013 ; qu'en déboutant néanmoins le donneur d'ordre de sa demande, la cour d'appel a violé le principe de légalité des délits et des peines et le principe de non-rétroactivité de la loi plus répressive, tels que garantis par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et l'article 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que lorsque le législateur a réservé les modalités d'application d'une loi à la publication de décrets d'application indispensables à son exécution, cette loi ne peut donc trouver application de manière rétroactive au cours de la période ayant couru entre sa publication et la publication de ses décrets d'application ; que l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale tel que modifié par la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 a prévu la suppression automatique des exonérations et réductions Fillon du donneur d'ordre ayant manqué à son devoir de vigilance sous réserve des modalités d'application dudit article déterminées par décret en Conseil d'Etat ; que les modalités de mise en oeuvre de l'article L. 133-4-5 ont été prises par le décret d'application n° 2013-1107 du 3 décembre 2013, entré en vigueur le 6 décembre 2013 au lendemain de sa publication au Journal Officiel ; qu'il en résulte que les dispositions de l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, en ce qu'elles sanctionnent le manquement du donneur d'ordre à son devoir de vigilance, n'ont pu entrer en vigueur que le 6 décembre 2013 ; qu'en validant néanmoins la suppression des cotisations et exonérations de cotisations sociales du donneur d'ordre pour toute l'année 2013, au motif erroné que la nouvelle sanction instaurée par l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, serait entrée en vigueur dès le 1er janvier 2013, la cour d'appel a violé l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, les articles 2 et 22 du décret n° 2013-1107 du 3 décembre 2013 fixant les modalités de mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 133-4-5, ensemble les articles 1 et 2 du code civil ».

Réponse de la Cour

4. Selon l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, lorsqu'il est constaté que le donneur d'ordre n'a pas rempli l'une des obligations définies à l'article L. 8222-1 du code du travail et que son cocontractant a, au cours de la même période, exercé un travail dissimulé par dissimulation d'activité ou d'emploi salarié, l'organisme de recouvrement procède à l'annulation des réductions ou exonérations des cotisations ou contributions dont le donneur d'ordre a bénéficié au titre des rémunérations versées à ses salariés.

Selon les articles 2 et 22 du décret n° 2013-1107 du 3 décembre 2013 les modalités de mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 133-4-5 sont entrées en vigueur le 6 décembre 2013.

5. Il se déduit de ces textes que les sanctions prévues par le premier sont applicables lorsque, à l'occasion d'un contrôle effectué après le 6 décembre 2013, ont été constatés le manquement du donneur d'ordre à son obligation de vigilance et des faits matériels de travail dissimulé par son sous-traitant, commis postérieurement au 1er janvier 2013, date d'entrée en vigueur des dispositions de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012.

6. Ayant relevé que la responsabilité du donneur d'ordre était recherchée pour la période du 16 mars 2013 au 31 mars 2014 et que le redressement était postérieur à l'entrée en vigueur des dispositions du décret n° 2013-1107 du 3 décembre 2013, la cour d'appel en a exactement déduit qu'était applicable le dispositif de sanction du donneur d'ordre institué par le décret précité.

7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

8. Le donneur d'ordre fait le même grief à l'arrêt, alors que « l'article R. 133-8-1 du code de la sécurité sociale dispose que le redressement consécutif à la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 133-4-5 (annulation des exonérations et réductions de cotisations sociales du donneur d'ordre non vigilant) « est porté à la connaissance du donneur d'ordre par un document signé par le directeur de l'organisme de recouvrement » et que « ce document rappelle les références du procès-verbal pour travail dissimulé établi à l'encontre du cocontractant » ; qu'au cas présent, pour solliciter l'annulation de la procédure de redressement opérée par l'URSSAF sur le fondement de l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, la société [4] faisait valoir que ni la date, ni les références du procès-verbal de constat de travail dissimulé invoqué à l'encontre de son sous-traitant n'étaient indiquées dans la lettre d'observations du 18 novembre 2014 émise par l'URSSAF de Bretagne et que la mise en demeure du 23 mai 2016 émise par l'URSSAF d'Alsace se bornait à renvoyer à ladite lettre d'observations, sans plus de précision (conclusions d'appel, p. 18) ; que la cour d'appel a elle-même constaté que « la lettre d'observations du 18 novembre 2014 rappelle expressément que la Sarl [5] a fait l'objet d'un procès-verbal adressé au parquet de Saint-Brieuc » et que « la lettre d'observations ne précise pas le numéro du procès-verbal » ; qu'en déboutant néanmoins la société [4] de ses demandes au motif que la société [4] aurait été « suffisamment informée quant à la base justifiant la sanction envisagée à son encontre », cependant qu'il résultait de propres constatations que la lettre d'observations du 18 novembre 2014 ne comportait ni la date, ni les références du procès-verbal de constat de travail dissimulé établi à l'encontre du sous-traitant, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article R. 133-8-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version résultant de l'article 2 du décret n° 2013-1107 du 3 décembre 2013. »

Réponse de la Cour

9. Aux termes de l'article R. 133-8-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2013-1107 du 3 décembre 2013, lorsqu'il ne résulte pas d'un contrôle effectué en application de l'article L. 243-7 du présent code ou de l'article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime, tout redressement consécutif à la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 133-4-5 est porté à la connaissance du donneur d'ordre ou du maître d'ouvrage par un document signé par le directeur de l'organisme de recouvrement, transmis par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception. Ce document rappelle les références du procès-verbal pour travail dissimulé établi à l'encontre du cocontractant, précise le manquement constaté, la période sur laquelle il porte et le montant de la sanction envisagée.

10. L'arrêt relève que la lettre d'observations rappelle expressément que le sous-traitant du donneur d'ordre a fait l'objet d'un procès-verbal adressé au parquet de Saint-Brieuc au titre de ce qui serait constitutif du délit de travail dissimulé sur la période vérifiée du 16 mars 2013 au 31 mars 2014 et que le montant des cotisations réclamées correspond à la base plafonnée.

11. En l'état de ces constatations, la cour d'appel a pu décider que le document remis au donneur d'ordre comportait des références suffisantes au procès-verbal de travail dissimulé établi à l'encontre de son cocontractant pour lui permettre d'avoir connaissance de la cause et de l'étendue du redressement.

12. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Leblanc - Avocat général : M. Gaillardot - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 ; article L. 8222-1 du code du travail ; décret n° 2013-1107 du 3 décembre 2013.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 22 octobre 2020, pourvoi n° 19-19.185, Bull., (rejet).

2e Civ., 16 février 2023, n° 21-14.237, (B), FRH

Rejet

Financement – Contribution sociale de solidarité – Assiette – Déduction – Possibilité – Régime – Action en remboursement des contributions indûment acquittées – Exclusion

La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que les articles 28 et 30 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ne s'opposent pas à ce que la valeur des biens transférés de France à destination d'un autre Etat membre de l'Union européenne soit prise en compte dès ledit transfert, pour déterminer le chiffre d'affaires annuel qui constitue l'assiette de la contribution sociale de solidarité des sociétés, à condition que leur valeur soit déduite de ladite assiette lorsque ces biens ne sont pas destinés à être vendus dans l'autre Etat membre ou ont été réacheminés dans l'Etat membre d'origine sans avoir été vendus.

La possibilité pour le cotisant d'agir, sur le fondement de l'article L. 243-6 du code de la sécurité sociale, en remboursement des contributions indûment acquittées n'équivaut pas à la possibilité de déduire de l'assiette de la contribution sociale de solidarité des sociétés la valeur des biens qui ne sont pas destinés à être vendus dans l'Etat membre où ils ont été transférés ni celle des biens qui ont été réacheminés dans l'Etat membre d'origine sans avoir été vendus.

Financement – Contribution sociale de solidarité – Assiette – Déduction – Conditions

Financement – Contribution sociale de solidarité – Assiette – Chiffre d'affaires – Détermination

Cotisations – Paiement indu – Action en répétition – Domaine – Exclusion – Contribution sociale de solidarité – Assiette – Déduction

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 janvier 2021), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 20 décembre 2018, pourvoi, n° 15-21.434), à la suite d'une vérification d'assiette portant sur la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) et la contribution additionnelle dues par la société [3] (la société) pour l'année 2008, la Caisse nationale du régime social des indépendants, aux droits de laquelle vient l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur (l'URSSAF), lui a notifié des observations suivies d'une mise en demeure du 8 décembre 2011.

2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler la mise en demeure du 8 décembre 2011, alors :

« 1°/ qu'aux termes de l'arrêt de la CJUE C-39/17 du 14 juin 2018, la valeur des biens transférés dans un autre Etat membre de l'Union européenne figurant initialement dans l'assiette de la C3S doit être déduite de cette assiette lorsque ces biens ne sont pas destinés à être vendus dans l'autre Etat membre ou ont été réacheminés en France sans avoir été vendus ; qu'à défaut d'indiquer ab initio que les bien litigieux transférés dans un pays de l'Union européenne ne sont pas destinés à être vendus, il est impossible de déduire leur valeur de l'assiette de la C3S qui doit être réglée à charge d'être remboursée si finalement le bien n'est pas vendu ; que, si la CJUE n'a pas précisé à quel moment cette déduction devait intervenir, elle ne peut être opérée qu'a posteriori lorsque l'absence de vente des biens postérieurement à leur transfert est définitivement établie ; qu'en jugeant que le remboursement de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) sur le fondement de l'article L. 243-6 du code de la sécurité sociale ne répondait pas à cette possibilité de déduction, sans préciser en quoi un tel remboursement des contributions indûment versées ne permettait pas d'opérer la déduction de l'assiette des cotisations des biens non vendus dans l'Etat membre de destination, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 651-3, L. 651-5 et L. 243-6 du code de la sécurité sociale en leur rédaction applicable au litige, ensemble les articles 28 et 30 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

2°/ que les juges du fond ne peuvent dénaturer les conclusions des parties ; qu'en l'espèce, l'URSSAF faisait valoir dans ses écritures que le mécanisme de remboursement de la C3S résultant de l'article L. 243-6 du code de la sécurité sociale était analogue au mécanisme de régularisation prévu au titre de la TVA ; qu'en jugeant que les correctifs applicables en matière de TVA ne s'appliquaient pas aux biens transférés réacheminés dans l'Etat membre d'origine sans avoir été vendus, de sorte que l'URSSAF ne pouvait se prévaloir de cette réglementation quand l'organisme de recouvrement se limitait à établir un comparatif entre les mécanismes applicables en matière de C3S et de TVA sans solliciter l'application des correctifs applicables en matière de TVA à la C3S, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'exposante ;

3°/ qu'il incombe à celui qui sollicite le bénéfice d'un allégement de son obligation au paiement de charges sociales de rapporter la preuve qu'il réunit les conditions pour l'obtenir ; qu'en jugeant en l'espèce que l'URSSAF ne justifiait pas du redressement entrepris à défaut de rapporter la preuve de l'existence d'un dispositif permettant d'opérer une déduction d'assiette de la C3S, quand il appartenait à la société sollicitant ladite déduction d'assiette de démontrer qu'avaient été inclus dans l'assiette de la C3S des biens qui n'étaient pas destinés à être vendus dans l'Etat membre de destination ou avaient été réacheminés en France sans avoir été vendus, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 devenu 1353 du code civil ;

4°/ qu'aux termes de l'arrêt de l'arrêt de la CJUE C-39/17 du 14 juin 2018, la valeur des biens transférés dans un autre Etat membre de l'Union européenne figurant initialement dans l'assiette de la C3S doit être déduite de cette assiette lorsque ces biens ne sont pas destinés à être vendus dans l'autre Etat membre ou ont été réacheminés en France sans avoir été vendus ; qu'en annulant le redressement en jugeant que l'URSSAF ne justifiait pas avoir déduit de l'assiette de la C3S les biens non vendus dans l'Etat membre de destination sans avoir constaté qu'avaient été assujettis à la C3S des biens transférés au sein de l'Union européenne n'ayant pas fait l'objet d'une vente ultérieure, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 651-3 et L. 651-5 du code de la sécurité sociale en leur rédaction applicable au litige, ensemble les articles 28 et 30 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. »

Réponse de la Cour

4. La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, arrêt du 14 juin 2018, Lubrizol France, C-39/17) a dit pour droit que les articles 28 et 30 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doivent être interprétés en ce sens qu'ils ne s'opposent pas à une réglementation d'un Etat membre prévoyant que l‘assiette de contributions perçues sur le chiffre d'affaires annuel des sociétés, pour autant que ce dernier atteint ou dépasse un certain montant, soit calculée en tenant compte de la valeur représentative des biens transférés par un assujetti ou pour son compte, pour les besoins de son entreprise, de cet Etat membre vers un autre Etat membre de l'Union européenne, cette valeur étant prise en compte dès ledit transfert, alors que, lorsque les mêmes biens sont transférés par l'assujetti ou pour son compte, pour les besoins de son entreprise, sur le territoire de l'Etat membre concerné, leur valeur n'est prise en compte dans ladite assiette que lors de leur vente ultérieure, à la condition, premièrement, que la valeur de ces biens ne soit pas, une nouvelle fois, prise en compte dans ladite assiette lors de leur vente ultérieure dans cet Etat membre, deuxièmement, que leur valeur soit déduite de ladite assiette lorsque ces biens ne sont pas destinés à être vendus dans l'autre Etat membre ou ont été réacheminés dans l'Etat membre d'origine sans avoir été vendus et troisièmement, que les avantages résultant de l'affectation desdites contributions ne compensent pas intégralement la charge supportée par le produit national commercialisé sur le marché national lors de sa mise sur le marché, ce qu'il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

5. Pour annuler le redressement, après avoir énoncé qu'il convenait de vérifier que la valeur des biens transférés de France vers un autre Etat membre de l'Union européenne soit déduite de l'assiette de la C3S lorsque ces biens ne sont pas destinés à être vendus dans l'autre Etat membre ou ont été réacheminés dans l'Etat membre d'origine sans avoir été vendus, l'arrêt retient que le remboursement des contributions sur le fondement de l'article L. 243-6 du code de la sécurité sociale ne s'apparente pas à cette déduction. Il relève ensuite que les correctifs de TVA ne s'appliquent pas aux biens transférés qui ont été réacheminés dans l'Etat membre d'origine sans avoir été vendus. Il en déduit que la réglementation dont se prévaut l'URSSAF pour justifier son redressement ne remplit pas la condition visée par la CJUE.

6. En l'état de ces constatations et énonciations, dont il ressort que l'URSSAF a procédé à l'assujettissement litigieux sans permettre au cotisant de déduire de l'assiette de la C3S la valeur des biens qui ne sont pas destinés à être vendus dans l'Etat membre où ils ont été transférés ni celle des biens qui ont été réacheminés dans l'Etat membre d'origine sans avoir été vendus, la cour d'appel a, sans dénaturer les conclusions des parties ni méconnaître les règles de preuve, légalement justifié sa décision.

7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Leblanc - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Bouzidi et Bouhanna -

Textes visés :

Article L. 243-6 du code de la sécurité sociale ; articles 28 et 30 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.