Numéro 2 - Février 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2023

PRESCRIPTION CIVILE

2e Civ., 9 février 2023, n° 21-19.498, (B), FS

Rejet

Prescription biennale – Assurance – Mentions obligatoires – Mention relative à la prescription – Mention relative aux causes d'interruption de la prescription biennale prévues à l'article L. 114-2 du code des assurances – Police – Clause – Obligations de l'assureur – Etendue – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 18 mai 2021), la société Zerda (l'assurée), exploitante d'un fonds de commerce, a souscrit un contrat d'assurance multirisques professionnelle auprès de la société Axa France Iard (l'assureur).

2. Victime de deux vols les 20 mars 2014 et 13 juin 2015, elle a sollicité vainement la garantie de son assureur puis a saisi un juge des référés afin qu'une mesure d'expertise soit ordonnée et une provision fixée.

Par ordonnance du 18 janvier 2016, le juge des référés s'est déclaré incompétent et a invité les parties à mieux se pourvoir.

3. L'assurée a ensuite assigné, par acte du 24 novembre 2017, l'assureur devant un tribunal de commerce.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

5. L'assurée fait grief à l'arrêt de juger irrecevable, car prescrite, son action à l'encontre de l'assureur, alors « que l'article R. 112-1 du code des assurances dispose que la police d'assurance doit rappeler les dispositions législatives concernant la prescription ; que, a fortiori, la police ne doit pas contenir des indications de nature à induire l'assuré en erreur ; que dans le cas d'espèce, l'article 7.4 du contrat d'assurance, dont les stipulations ont été citées in extenso par l'arrêt attaqué, énonçait que la prescription était interrompue par « toute demande, même en référé », sans rappeler les dispositions de l'article 2243 du code civil, c'est-à-dire sans rappeler que l'interruption était considérée comme non avenue dans le cas où la demande, même en référé, était définitivement rejetée ; qu'en décidant que ces stipulations étaient claires et complètes quant aux règles concernant la prescription, la cour d'appel a violé l'article R. 112-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

6. Il résulte de l'article R. 112-1 du code des assurances que l'assureur doit rappeler dans le contrat d'assurance, sous peine d'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription biennale édicté par l'article L. 114-1, les différentes causes d'interruption de prescription mentionnées à l'article L. 114-2 et le point de départ de la prescription.

7. Il n'est pas tenu de préciser qu'en application de l'article 2243 du code civil, l'interruption de prescription est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande, laisse périmer l'instance ou si sa demande est définitivement rejetée.

8. C'est donc à bon droit que la cour d'appel, après avoir rappelé les termes de la clause du contrat d'assurance relative à la prescription de l'action dérivant du contrat et relevé que ces dispositions étaient claires et complètes quant aux règles de prescription applicables entre l'assureur et l'assurée, notamment quant aux points de départ et aux causes d'interruption, a jugé que la prescription biennale était opposable à l'assurée.

9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Brouzes - Avocat général : Mme Nicolétis - Avocat(s) : SCP de Nervo et Poupet ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles L. 114-1, L. 114-2 et R. 112-1 du code des assurances.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 18 avril 2013, pourvoi n° 12-19.519, Bull. 2013, II, n° 83 (cassation).

Soc., 15 février 2023, n° 21-19.094, (B), FRH

Cassation partielle sans renvoi

Prescription biennale – Domaine d'application – Action se rattachant à l'exécution du contrat de travail – Cas – Action en réparation du préjudice résultant de la remise tardive ou incomplète de l'attestation d'exposition aux agents chimiques dangereux

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 7 avril 2021), M. [X] a été engagé par un contrat à durée indéterminée du 6 septembre 1982 par la société Rhône Poulenc, en qualité d'agent de production journalier. Après plusieurs transferts de son contrat de travail, il est devenu salarié de la société Vencorex le 1er juin 2012.

2. Le salarié a fait valoir ses droits à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante par lettre du 12 juin 2013 adressée à l'employeur. Son contrat de travail a pris fin le 31 décembre 2013.

3. Par requête du 26 décembre 2016, le salarié et le syndicat CGT des personnels du site chimique de [Localité 3] ont saisi la juridiction prud'homale afin, notamment, que le salarié soit indemnisé du préjudice résultant de la remise tardive et incomplète des documents nécessaires au suivi médical post-professionnel instauré pour les salariés exposés à des produits dangereux pour la santé.

Examen des moyens

Sur le premier et le troisième moyens du pourvoi principal et sur le moyen unique du pourvoi incident, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La société Vencorex France fait grief à l'arrêt de la condamner à verser au salarié une certaine somme pour remise tardive de l'attestation d'exposition et de la condamner à remettre au salarié une attestation complémentaire mentionnant son exposition à de forts champs magnétiques au sein de l'atelier électrolyse et au danger des sources radioactives, dans le délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt et, passé ce délai, sous astreinte de 50 euros par jour de retard constaté courant pendant le délai de deux mois, alors « qu'aux termes de l'article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit ; qu'en application de l'article R. 4412-58 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, une attestation d'exposition aux agents chimiques dangereux mentionnés à l'article R. 4412-40, remplie par l'employeur et le médecin du travail, est remise au travailleur « à son départ de l'établissement », quel qu'en soit le motif ; que la cour d'appel en énonçant, pour dire recevables les demandes de M. [X] fondées sur la tardiveté et la pertinence de l'attestation d'exposition, que la remise par l'employeur de cette attestation s'inscrivait dans le dispositif spécifique de prévention des conséquences de l'exposition à l'amiante et aux produits dangereux et ne saurait relever de la courte prescription édictée par l'article L. 1471-1 du code du travail en matière de rupture du contrat de travail, n'étant pas en lien nécessaire avec celle-ci, a violé ce texte par refus d'application. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1471-1, alinéa 1, du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 :

6. Aux termes de ce texte, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

7. L'action par laquelle un salarié sollicite la réparation du préjudice résultant de la remise tardive ou incomplète de l'attestation d'exposition aux agents chimiques dangereux prévue par l'article R. 4412-58 du code du travail, alors applicable, se rattache à l'exécution du contrat de travail.

8. Pour condamner l'employeur à payer au salarié une certaine somme à titre d'indemnité pour remise tardive de l'attestation d'exposition et à lui remettre une attestation complémentaire, l'arrêt retient que la remise par l'employeur de l'attestation d'exposition s'inscrit dans le dispositif spécifique de prévention des conséquences de l'exposition à l'amiante et aux produits dangereux et ne saurait relever de la courte prescription édictée par l'article L. 1471-1 du code du travail.

L'arrêt en déduit que les demandes du salarié fondées sur la tardiveté et le caractère incomplet de l'attestation remise sont recevables.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond sur la demande du salarié de paiement d'une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour remise tardive et incomplète des documents nécessaires à un suivi médical post-professionnel et sur la demande de remise d'une attestation d'exposition rectifiée.

12. Le contrat de travail du salarié a pris fin le 31 décembre 2013 et l'attestation d'exposition litigieuse lui a été remise le 31 juillet 2014.

Le délai de prescription de l'action du salarié expirait au plus tard le 31 juillet 2016, en sorte que les demandes du salarié, introduites le 26 décembre 2016, sont prescrites.

13. La cassation des chefs de dispositif condamnant l'employeur à verser au salarié la somme de 1 000 euros pour remise tardive de l'attestation d'exposition et à lui remettre une attestation complémentaire n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Vencorex France à payer à M. [X] la somme de 1 000 euros pour remise tardive de l'attestation d'exposition et à lui remettre une attestation complémentaire mentionnant son exposition à de forts champs magnétiques au sein de l'atelier électrolyse et au danger des sources radioactives, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la décision et, passé ce délai, sous astreinte de 50 euros par jour de retard constaté courant pendant le délai de deux mois, l'arrêt rendu le 7 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DECLARE irrecevables comme prescrites la demande de M. [X] de paiement de la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour remise tardive et incomplète des documents nécessaires à un suivi médical post professionnel et la demande de remise d'une attestation d'exposition rectifiée, sous astreinte.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Ollivier - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Articles L. 1471-1, alinéa 1, et R. 4412-58 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur le délai de prescription applicable aux actions en réparation du préjudice résultant pour le salarié d'une exposition à des agents chimiques ou dangereux, à rapprocher : Soc., 12 novembre 2020, pourvoi n° 19-18.490, Bull., (rejet).

2e Civ., 16 février 2023, n° 21-16.168, (B), FRH

Rejet

Prescription biennale – Sécurité sociale – Accident du travail – Article L. 431-2 du code de la sécurité sociale – Interruption – Etendue – Application à un précédent employeur

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 10 mars 2021), M. [C], marin (la victime), a été employé par la [5], aux droits de laquelle vient la société [4] (la société) du 2 septembre 1959 au 9 août 1966. Il a ensuite travaillé du 1er juin 1978 au 15 juillet 1998 en qualité de mécanicien pour le compte du [8].

2. Ayant été reconnu atteint d'une maladie professionnelle du tableau n° 30 B, par décision du directeur de l'ENIM du 20 août 2012, la victime a saisi le 15 avril 2013 une juridiction de sécurité sociale d'une demande en reconnaissance de la faute inexcusable du [8].

Le 16 octobre 2015, il a mis en cause la société [4] devant cette même juridiction et a sollicité la mise hors de cause du [8].

3. Le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le FIVA) est intervenu en la cause.

Examen des moyens

Sur les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. La société fait grief à l'arrêt de déclarer les actions de la victime et du FIVA non prescrites, alors « que pour avoir un effet interruptif de prescription, la demande en justice doit être adressée à l'encontre de celui qu'on veut empêcher de prescrire et non à un tiers ; qu'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur n'a pour effet d'interrompre la prescription qu'à l'égard des actions procédant du même fait dommageable ; que le fait dommageable est le fait générateur, c'est-à-dire l'acte ou l'événement ayant donné lieu aux dommages subis par la victime ; qu'en l'espèce, M. [C], après avoir agi en reconnaissance de la faute inexcusable du [8] pour le compte duquel il a travaillé du 1er juin 1978 au 15 juillet 1998, a agi en reconnaissance de la faute inexcusable de la [4], venant aux droits de la [5] qui l'a employé du 2 septembre 1959 au 9 août 1966 en sollicitant la mise hors de cause du [8] ; qu'il en résulte que les deux actions introduites à l'encontre de l'un puis de l'autre ne procédaient pas d'un fait dommageable unique mais relevaient de périodes d'exposition au risque distinctes à plusieurs années d'intervalle dans des circonstances différentes ; qu'en estimant néanmoins que l'action en reconnaissance de la faute inexcusable introduite à l'encontre du [8] avait eu pour effet d'interrompre la prescription de l'action introduite contre la société [4], la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 431-2 du code de la sécurité sociale et 2241 du code civil. »

Réponse de la Cour

6. Il résulte de la combinaison des articles L. 431-2 du code de la sécurité sociale et 2241 du code civil que l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur interrompt la prescription à l'égard de toute autre action procédant du même fait dommageable.

7. Ayant constaté que le caractère professionnel de la pathologie présentée par la victime avait été reconnu le 20 août 2012, de sorte que l'action en reconnaissance de faute inexcusable engagée contre le [8] le 15 avril 2013 avait été introduite dans le délai de prescription de deux ans, la cour d'appel en a déduit à bon droit que cette action avait eu pour effet d'interrompre la prescription à l'égard de la société au service de laquelle le salarié avait été exposé au risque, de sorte que son action était recevable.

8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

9. La société fait grief à l'arrêt de prononcer la mise hors de cause du [8], alors « qu'en cas d'exposition au risque au sein de plusieurs entreprises, l'employeur qui fait l'objet d'une action en reconnaissance de sa faute inexcusable est recevable à rechercher, devant la juridiction de sécurité sociale, pour obtenir leur garantie, la faute inexcusable des autres employeurs au service desquels la victime a été exposée au même risque ; qu'en confirmant la mise hors de cause du [8] au seul motif que la faute inexcusable de la société [4] a été reconnue sans statuer, comme elle était invitée à le faire par la société [4], sur la responsabilité du [8] en qualité de dernier employeur chez lequel M. [C] a été exposé pendant vingt ans au risque de l'amiante, la cour d'appel a violé les articles L 452-1, L. 452-4 et 331 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

10. Il ne ressort ni de l'arrêt ni de la procédure que la société ait appelé en garantie le [8].

11. Le moyen, qui manque en fait n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Coutou - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SARL Cabinet Briard ; SCP Claire Leduc et Solange Vigand ; SCP Foussard et Froger ; SARL Le Prado - Gilbert -

Textes visés :

Article L. 431-2 du code de la sécurité sociale ; article 2241 du code civil.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 19 décembre 2019, pourvoi n° 18-25.333, Bull., (cassation) ; Soc., 23 janvier 2003, pourvoi n° 01-20.945, Bull. 2003, V, n° 20 (rejet).

3e Civ., 8 février 2023, n° 21-20.535, (B), FS

Cassation partielle

Prescription quinquennale – Bail emphytéotique – Manquements du preneur – Empiétement – Action en responsabilité contractuelle – Délai – Point de départ

L'action en responsabilité contractuelle du bailleur invoquant un empiétement commis par le preneur est soumise à la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil, courant à compter de la date de la connaissance de l'empiétement et non de celle de la cessation de celui-ci.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 3 juin 2021), le 25 septembre 1963, la société civile immobilière des Camoins (la SCI) a consenti à la société Clinique [4], devenue la société Provençale d'investissements, un bail emphytéotique d'une durée de quatre-vingt-dix-neuf ans portant sur un terrain lui appartenant, afin d'y construire une clinique de rhumatologie alimentée en eau thermale depuis la source située sur une parcelle voisine, appartenant également à la SCI.

2. Le 6 novembre 1978, les parties ont modifié leurs relations contractuelles en concluant un protocole, un avenant au bail et un contrat de concession d'eau.

3. La caisse régionale d'assurance maladie (CRAM) du Sud-Est ayant, en 1992, retiré à la clinique son forfait « Boues et eaux thermales », la société Provençale d'investissements a cessé son activité de soins thermaux, à laquelle elle a substitué une activité de rééducation fonctionnelle.

4. Invoquant les manquements du preneur à ses obligations contractuelles, la SCI l'a assigné en résiliation du bail, du contrat de concession d'eau et du protocole, en expulsion et en paiement de redevances et de dommages-intérêts.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et le troisième moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation, et sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche, qui est irrecevable.

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à l'octroi de dommages-intérêts à raison d'un empiétement imputable à la société Provençale d'investissements, alors « que le dommage né d'un empiétement est continu ; que si même l'action visant à la réparation des dommages causés par un empiétement peut être regardée comme personnelle, elle doit être recevable, au moins dans la limite des cinq années qui précèdent la demande, dès lors que l'empiétement se poursuit et que l'action réelle n'est pas prescrite ; que tel était le cas en l'espèce ; qu'en déclarant la demande dans sa totalité irrecevable, par l'effet de la prescription, les juges du fond ont violé l'article 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

7. Ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que l'empiétement dénoncé par la SCI était invoqué au titre d'un manquement contractuel du preneur à ses obligations issues du bail emphytéotique conclu le 25 septembre 1963 et modifié par avenant du 6 novembre 1978, la cour d'appel a exactement retenu que cette action en responsabilité contractuelle était soumise à la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil, courant à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, soit à la date de la connaissance de l'empiétement et non à celle de la cessation de celui-ci.

8. Ayant constaté que la SCI connaissait l'existence de l'empiétement au moins depuis le 22 avril 2008, date à laquelle elle avait assigné en référé la société Provençale d'investissements, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que l'action exercée le 3 septembre 2018 était prescrite.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

10. La SCI fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable puis de rejeter sa demande tendant au paiement des redevances, alors « que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action ; qu'en subordonnant la recevabilité de la demande, visant le paiement d'une redevance, à l'existence d'un droit de propriété sur la parcelle supportant la source de l'eau dont la fourniture était prévue, les juges du fond, qui ont fait dépendre la recevabilité des demandes de questions de fond, ont violé l'article 31 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 31 du code de procédure civile :

11. Aux termes de ce texte, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

12. Pour déclarer la SCI irrecevable à agir, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que, n'étant plus propriétaire de la source thermale, elle est dépourvue d'intérêt à demander le paiement de la redevance de substitution.

13. En statuant ainsi, alors que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action et que l'exécution, par la SCI, de son obligation de fourniture d'eau ne constituait pas une condition de recevabilité de son action mais de son succès, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du deuxième moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le chef de dispositif du jugement ayant déclaré irrecevable la demande de la société civile immobilière des Camoins tendant au paiement de la redevance prévue au contrat de concession d'eau sulfureuse en l'état de la vente de la parcelle sur laquelle se trouve la source d'eau thermale et déboute la société de cette demande, l'arrêt rendu le 3 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : M. Maunand - Avocat général : M. Burgaud - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés -

Textes visés :

Article 2224 du code civil.

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