Numéro 2 - Février 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2023

INTERETS

Com., 15 février 2023, n° 21-10.950, (B), FRH

Cassation

Intérêts conventionnels – Taux – Taux effectif global – Mention erronée – Sanction – Condition

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 23 novembre 2020), le 15 avril 2012, la société Caisse régionale de crédit mutuel de Normandie, aux droits de laquelle est venue la société Banque européenne du crédit mutuel (la banque), a consenti à la société MG investissements (l'emprunteuse) un prêt d'un montant de 200 000 euros, le taux effectif global mentionné dans l'acte de prêt étant de 4,56336 % par an.

2. Le 11 décembre 2012, la banque a consenti à l'emprunteuse un second prêt, d'un montant de 100 000 euros, le taux effectif global mentionné dans l'acte de prêt étant de 3,35 % par an.

3. L'emprunteuse ayant remboursé ces prêts par anticipation, la banque a inscrit au débit de son compte bancaire une certaine somme au titre des indemnités de remboursement anticipé stipulées aux actes de prêt.

4. Faisant valoir que les taux effectifs globaux mentionnés dans ces actes étaient erronés et que la banque avait manqué à son obligation d'information concernant les modalités de calcul des indemnités de remboursement anticipé, l'emprunteuse l'a assignée en annulation des stipulations d'intérêts des prêts et en indemnisation.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. L'emprunteuse fait grief à l'arrêt de rejeter toutes ses demandes, alors :

« 1°/ que doit être sanctionnée toute erreur affectant le taux effectif global qui fait apparaître, au détriment de l'emprunteur, un surcoût d'un montant supérieur à la décimale ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que « concernant le prêt de 200 000 euros du 15 avril 2012 (...), le TEG mentionné dans cet acte est de 4,583 % alors que la société MG investissements se prévaut d'une expertise (...) qui aboutit à un TEG de 4,920 %" ; qu'en déboutant l'emprunteuse de ses demandes, quand l'erreur commise par la banque dans le calcul du TEG du prêt de 200 000 euros, supérieur à 0,2 %, venait nécessairement au détriment de l'emprunteuse, la cour d'appel a violé l'article L. 313-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016- 301 du 14 mars 2016 ;

2°/ que doit être sanctionnée toute erreur affectant le taux effectif global qui fait apparaître, au détriment de l'emprunteur, un surcoût d'un montant supérieur à la décimale ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que « concernant le prêt de 100 000 euros du 11 décembre 2012, le TEG mentionné dans cet acte est de 3,350 %, alors que la société MG investissements se prévaut d'une expertise (...) qui aboutit à un TEG de 3,685 %" ; qu'en déboutant l'emprunteuse de ses demandes, quand l'erreur commise par la banque dans le calcul du TEG du prêt de 100 000 euros, supérieur à 0,3 %, venait nécessairement au détriment de la société, la cour d'appel a violé l'article L. 313- 1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, ensemble l'article R. 313-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2016-607 du 13 mai 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 313-4 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, et l'article L. 313-2 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 :

6. En application de ces textes, l'erreur affectant la mention du taux effectif global dans l'écrit constatant un contrat de crédit n'est sanctionnée que lorsqu'elle vient au détriment de l'emprunteur, ce qui suppose que le taux effectif global mentionné dans cet écrit soit inférieur au taux effectif global correctement calculé.

7. Pour rejeter les demandes de l'emprunteuse d'annulation des stipulations d'intérêts des deux contrats de prêts, l'arrêt retient, concernant le prêt d'un montant de 200 000 euros, que le taux effectif global mentionné dans l'acte de prêt est de 4,583 % par an, cependant que l'emprunteuse se prévaut d'un taux effectif global réel de 4,92 % par an, soit un taux effectif global « par excès ». Il ajoute, concernant le prêt d'un montant de 100 000 euros, que le taux effectif global mentionné dans l'acte de prêt est de 3,35 % par an, cependant que l'emprunteuse se prévaut d'un taux effectif global réel de 3,685 % par an, soit encore un taux effectif global « par excès ». Il en déduit que la société MG investissements ne peut pas se prévaloir d'une erreur qui lui est favorable.

8. En statuant ainsi, alors que, pour chacun des deux prêts, l'emprunteuse soutenait que le taux effectif global mentionné dans l'acte de prêt était inférieur au taux effectif global correctement calculé, de sorte que l'erreur qu'elle invoquait venait à son détriment, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le second moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

9. L'emprunteuse fait le même grief à l'arrêt, alors « que la banque dispensatrice de crédit est tenue d'une obligation d'information sur les caractéristiques du prêt qu'elle propose aux emprunteurs de souscrire, afin de leur permettre de s'engager en toute connaissance de cause ; que, dans ses écritures d'appel, l'emprunteuse faisait expressément valoir que la banque avait manqué à son obligation d'information lors de la conclusion des prêts des 15 avril et 11 décembre 2012, les termes de la clause de remboursement anticipé ne permettant pas de déterminer le montant de cette indemnité ; « qu'en effet, les formules mathématiques (...) étaient difficiles à mettre en oeuvre et (...) seul le banquier disposait des outils informatiques et mathématiques permettant des simulations » ; qu'en outre, « la complexité des modalités de calcul, inaccessibles pour une entreprise n'ayant pas les outils informatiques équivalents à ceux d'une banque, a(vait) aussi pour objectif de dissimuler lors de la souscription du contrat les conséquences de la mise en jeu de telles clauses, eu égard à leur caractère particulièrement excessif en ce qu'elles atteignent environ 15 % du montant du capital restant dû à la date du remboursement des crédits, ceci n'étant découvert qu'a posteriori par le souscripteur » ; que la cour d'appel a elle-même relevé qu'il était « indéniable (...) que les formules mathématiques qui sont détaillées à la suite sont difficiles à mettre en oeuvre par l'emprunteur, seul le banquier disposant des outils informatiques et mathématiques permettant des simulations », et que le calcul de cette indemnité pouvait « apparaître comme complexe » ; qu'en déboutant l'emprunteuse de ses demandes, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il ressortait que la banque avait manqué à son obligation d'information vis-à-vis de l'emprunteuse, sur les implications financières concrètes de la clause de remboursement anticipé, information qui aurait permis à cette dernière de s'engager en connaissance de cause, violant ainsi l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

10. Il résulte de ce texte qu'un établissement prêteur est tenu d'informer l'emprunteur sur les caractéristiques du prêt qu'il offre de lui consentir et en particulier, le cas échéant, sur les modalités du remboursement du prêt par anticipation, afin de lui permettre de s'engager en toute connaissance de cause.

11. Pour rejeter les demandes de la société, l'arrêt, après avoir relevé que les modalités de remboursement des prêts par anticipation sont très précisément déterminées, notamment par les termes de l'article 3.2, figurant au paragraphe « Remboursement par anticipation », des deux actes de prêt, retient que la société ne précise pas en quoi cette stipulation est incompréhensible et ne justifie pas qu'à la lecture des actes authentiques, avant leur signature, elle n'ait pas disposé de toutes les informations utiles de la banque sur les modalités du remboursement par anticipation. Il retient encore que la lecture de l'article 3.2 des prêts fait apparaître que le calcul de l'indemnité de remboursement anticipé, laquelle est égale à la différence entre, d'une part, le cumul des échéances restant à courir selon le tableau d'amortissement initial (capital et intérêts), mais actualisées au taux de réemploi du capital remboursé, c'est-à-dire du taux en vigueur lors du remboursement anticipé, et d'autre part, le capital remboursé par anticipation, est aisé. Il ajoute que si ce calcul peut apparaître comme complexe, il n'est pas pour autant incompréhensible.

12. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que la banque, sur qui pesait la charge de la preuve, avait, lors de la conclusion des prêts des 15 avril et 11 décembre 2012, rempli son obligation d'information de la société sur les conséquences d'un remboursement par anticipation, dès lors que le fait que le calcul de l'indemnité de remboursement anticipé ne fût pas incompréhensible ne pouvait suffire à la satisfaire, n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : M. Blanc - Avocat(s) : SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet ; SARL Le Prado - Gilbert -

Textes visés :

Article L. 313-4 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 ; article L. 313-2 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 ; article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Rapprochement(s) :

Sur l'absence de sanction d'une clause relative aux intérêts en présence d'un taux effectif global inférieur à celui stipulé, à rapprocher : 1re Civ., 12 octobre 2016, pourvoi n° 15-25.034, Bull. 2016, I, n° 194 (rejet).

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