Numéro 2 - Février 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2023

CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES

Com., 8 février 2023, n° 21-16.874, (B), FRH

Cassation partielle

Contrat synallagmatique – Résolution – Effets – Anéantissement du contrat – Restitution en valeur de la prestation accomplie – Etendue – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

Il résulte de la combinaison de l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et de l'article 256 du code général des impôts que la restitution en valeur d'une prestation accomplie sur le fondement d'un contrat résolu doit inclure la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à laquelle cette prestation est assujettie.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 mars 2021), le 28 octobre 2010, la société Otis, ascensoriste, a conclu avec la société H2A Télémarketing (la société H2A), qui gère des centres d'appels, un contrat portant sur la prise en charge, par cette dernière, des appels effectués sur la ligne mise en place par la première, dédiée aux cas de dysfonctionnement ou de pannes d'ascenseur.

2. Invoquant des écarts significatifs entre le nombre d'appels traités et ceux facturés, la société Otis a cessé de payer les factures à compter du mois de mai 2013.

3. La société H2A l'a assignée en paiement.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

5. La société H2A fait grief à l'arrêt de prononcer la résolution du contrat du 28 octobre 2010 à ses torts, de la condamner à verser à la société Otis une somme de 269 096,06 euros après compensation et de rejeter sa demande de dommages et intérêts, alors « que la restitution en valeur d'une prestation accomplie sur le fondement d'un contrat résolu doit inclure la taxe sur la valeur ajoutée générée par cette prestation ; qu'au cas présent, pour calculer la valeur des prestations devant être restituées à la société H2A, la cour d'appel a évalué à 0,80 euros par appel la gestion de chaque appel pris en charge ; qu'en statuant ainsi, en omettant la taxe sur la valeur ajoutée, qui aurait dû la conduire à appliquer une valeur de 0,96 euros (0,80 + 20 %), la cour d'appel a violé l'article 1184 du code civil en sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

6. La société Otis conteste la recevabilité du moyen, comme étant nouveau et mélangé de fait et de droit.

7. Cependant, la société H2A, qui ne réclamait devant la cour d'appel que le paiement de ses factures impayées, n'envisageait ni la résolution du contrat ni, dès lors, l'éventualité de remboursements ou d'évaluation des services rendus.

8. La critique étant donc née de l'arrêt attaqué, le moyen est recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et l'article 256 du code général des impôts :

9. Il résulte du premier de ces textes qu'en cas de résolution du contrat les parties doivent être remises en l'état où elles se trouvaient antérieurement à sa conclusion.

10. Il résulte de la combinaison de ces deux textes que la restitution en valeur d'une prestation accomplie sur le fondement d'un contrat résolu doit inclure la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à laquelle cette prestation est assujettie.

11. Pour condamner la société H2A à verser à la société Otis une certaine somme après compensation, l'arrêt évalue la contrepartie financière des prestations correctement accomplies par la société H2A en retenant, en premier lieu, le nombre d'appels facturables, en second lieu, le coût proposé par la société Otis pour chacun de ceux-ci, soit 0,80 euro par appel après exclusion des rémunérations forfaitaires et de la marge bénéficiaire à laquelle la société H2A aurait pu prétendre si la résolution du contrat ne l'en avait pas privée.

12. En se déterminant ainsi, alors que, constituant la contrepartie d'une prestation de services individualisée rendue à celui qui l'avait versée, cette indemnité était assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), de sorte qu'il lui appartenait de préciser si ce coût de 0,80 euro par appel incluait la TVA, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société H2A Télémarketing à payer à la société Otis, après compensation, la somme de 269 096,06 euros, l'arrêt rendu le 19 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Fontaine - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Thouin-Palat et Boucard ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; article 256 du code général des impôts.

Rapprochement(s) :

Sur les effets de la résolution d'un contrat synallagmatique, à rapprocher : Com., 8 janvier 2020, pourovi n° 18-17.895, Bull. (cassation partielle sans renvoi).

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