Numéro 2 - Février 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2023

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE

Soc., 15 février 2023, n° 21-20.342, (B), FRH

Rejet

Lanceur d'alerte – Protection – Procédure de mise en oeuvre – Procédure d'alerte graduée – Domaine d'application – Cas – Révélation ou signalement d'un crime ou d'un délit dont le salarié a eu personnellement connaissance – Exclusion – Portée

Il résulte de l'article L. 1132-3-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, que le salarié qui relate ou témoigne de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions, ainsi que le prévoit l'alinéa premier de ce texte, n'est pas tenu de signaler l'alerte dans les conditions prévues par l'article 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 organisant une procédure d'alerte graduée, exigée par le deuxième alinéa du même texte.

Licenciement – Nullité – Cas – Lanceur d'alerte – Applications diverses – Révélation ou signalement d'un crime ou d'un délit dont le salarié a eu personnellement connaissance – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 4 juin 2021), Mme [L] a été engagée, le 1er décembre 2010, par l'association [D] (l'association) en qualité de surveillante de nuit au sein d'une maison d'enfants à caractère social.

2. En juin 2018, à la suite du signalement de la salariée et d'un délégué syndical, l'inspection du travail a effectué un contrôle au sein de l'établissement au cours duquel la salariée a remis la copie d'un courriel adressé par l'équipe éducative aux responsables de l'association pour dénoncer des incidents se déroulant la nuit, notamment de possibles agressions sexuelles commises par certains enfants accueillis sur d'autres.

3. L'inspection du travail a ensuite adressé un courrier à l'employeur au sujet des postes de veilleurs de nuit et informé le procureur de la République de faits ne relevant pas de ses compétences mais lui paraissant mettre en danger les salariés et les enfants confiés à cette institution.

4. Le procureur de la République a ouvert une première enquête, pour agression sexuelle sur mineurs, classée sans suite le 4 décembre 2018 pour absence d'infraction, puis une seconde enquête visant la salariée et un délégué syndical pour dénonciation mensongère, elle aussi classée sans suite à la même date, au motif que l'infraction était insuffisamment caractérisée.

5. Licenciée par lettre du 31 janvier 2019 et estimant que ce licenciement était en lien avec la dénonciation des manquements constatés au sein de l'établissement, elle a saisi la formation de référé de la juridiction prud'homale pour obtenir sa réintégration.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

7. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement est nul et qu'un licenciement nul constitue un trouble manifestement illicite, d'ordonner la réintégration immédiate de la salariée à son poste au sein de l'association et de le condamner à lui payer une somme à titre d'indemnité d'éviction au 6 janvier 2021, alors :

« 1°/ que le salarié qui entend dénoncer des actes illicites dont il a eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions, et notamment des faits constitutifs d'un crime ou d'un délit, doit respecter une procédure graduée, qui subordonne la saisine directe d'une autorité judiciaire ou administrative, soit à l'absence de réaction de l'employeur à un signalement interne, soit à la preuve d'un danger grave et imminent ou d'un risque de dommages irréversibles ; qu'en l'espèce, l'association [D] reprochait à la salariée d'avoir communiqué à l'inspectrice du travail un courrier d'alerte interne couvert par le secret professionnel évoquant des incidents de nature sexuelle au sein d'un groupe d'enfants, alors qu'elle était informée que cette alerte avait été traitée par la direction, laquelle avait procédé à une enquête qui avait révélé la pratique de jeux à connotation sexuelle (''cap ou pas cap'') par les enfants, sans abus ni agression sexuels, puis avait décidé avec l'équipe éducative des mesures à prendre pour renforcer la surveillance des enfants, mettre un terme à ces jeux et prévenir toute dérive ; que la salariée, qui avait reconnu au cours de l'enquête de police avoir été informée du traitement interne de cette alerte, avait cependant dissimulé cette information à l'inspectrice du travail, lui laissant accroire que le courrier d'alerte de l'équipe éducative était resté sans réponse ; qu'en refusant de rechercher si la salariée avait respecté la procédure d'alerte graduée avant de dénoncer des faits d'agression sexuelle, au motif erroné que la procédure d'alerte graduée n'est pas applicable en cas de dénonciation de faits constitutifs d'un crime ou d'un délit, la cour d'appel a violé l'article L. 1132-3-3 du code du travail interprété à la lumière de l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que l'exercice de la liberté d'expression comporte des devoirs et des responsabilités, parmi lesquels celui de ne pas divulguer des informations mettant en cause la réputation d'autrui sans avoir vérifié qu'elles sont exactes et dignes de confiance ; qu'un salarié ne peut en conséquence invoquer la protection de la liberté d'expression s'il a dénoncé des faits qu'il n'a pas lui-même constatés, en rapportant des déclarations dont il n'a pas cherché à vérifier l'exactitude ; que si le salarié peut invoquer son ignorance de la fausseté des faits dénoncés, c'est à la condition qu'elle soit légitime ; qu'en l'espèce, il est constant que la salariée a dénoncé auprès de l'inspection du travail des faits d'agression sexuelle sur mineurs qu'elle n'avait pas constatés, en appuyant ses accusations sur des documents internes à l'entreprise, sans préciser la suite qui y était donnée, et que cette dénonciation a conduit à l'ouverture d'une enquête de police clôturée par un classement sans suite, en raison de l'absence de toute infraction ; qu'en retenant qu'il ne pouvait être reproché à la salariée d'avoir dénoncé des faits d'agression sexuelle qu'elle n'avait pas constatés personnellement, ni de s'être emparée de documents internes à l'entreprise pour ''asseoir ses dires'', dès lors que ''rien ne permet de retenir qu'elle sût alors que les faits dénoncés étaient faux, ni qu'elle ait travesti le sens des documents dont elle s'est emparée'', cependant qu'il appartenait à la salariée d'effectuer des vérifications minimales avant de dénoncer auprès d'une autorité extérieure des faits d'agression sexuelle contre des mineurs mettant en cause la réputation de l'établissement qui les accueille, sans pouvoir opposer son ignorance pour justifier la dénonciation de faits inexistants, la cour d'appel a violé l'article L. 1132-3-3 du code du travail interprété à la lumière de l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°/ que l'exercice de la liberté d'expression comporte des devoirs et des responsabilités, parmi lesquels celui de ne pas divulguer des informations mettant en cause la réputation d'autrui sans avoir vérifié qu'elles sont exactes et dignes de confiance ; qu'un salarié ne peut en conséquence dénoncer des faits constitutifs d'un crime ou d'un délit qu'il n'a pas lui-même constatés, sur la base d'informations dont il n'a pas vérifié l'exactitude, sauf à justifier de l'impossibilité de vérifier ces informations ; qu'en l'espèce, il est constant qu'à la réception du courrier d'alerte de l'équipe éducative du 7 juin 2018, l'association [D] avait effectué une enquête auprès de tous les enfants du groupe concerné, cette enquête ayant fait ressortir que les enfants se livraient à des jeux à connotation sexuelle, sans agression sexuelle et que la direction avait décidé, avec l'équipe éducative, des mesures à prendre pour mettre un terme à ces jeux et éviter toute dérive ; qu'au cours de l'enquête pénale, la salariée avait reconnu avoir été informée par l'équipe pédagogique du traitement des faits dénoncés dans le courrier du 7 juin 2018 ; qu'en reprochant cependant à l'association [D] d'avoir ''manqué à la protection qu'elle devait à sa salariée laquelle n'avait aucun moyen de savoir si les faits qu'elle-même et ses collèges redoutaient été avérés ou non'', sans expliquer ce qui interdisait à la salariée, avant de dénoncer à l'inspection du travail des faits inexistants d'agression sexuelle sur mineurs, de saisir la direction pour avoir l'assurance que les incidents évoqués dans le courrier électronique du 7 juin 2018 ne couvraient aucune agression sexuelle, la cour d'appel a violé l'article L. 1132-3-3 du code du travail interprété à la lumière de l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4°/ que ne peut invoquer la protection des lanceurs d'alerte le salarié qui a dénoncé, de mauvaise foi, des faits constitutifs d'un crime ou d'un délit dont il prétend avoir eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions ; que la mauvaise foi résulte de la connaissance, par le salarié, de la fausseté des faits dénoncés ; qu'en l'espèce, il résulte du procès-verbal d'audition de la salariée par les services de police qu'elle reconnaissait, d'une part, n'avoir jamais constaté elle-même de faits d'agression sexuelle, ni les faits dénoncés sur le courrier d'alerte interne du 7 juin 2018 et, d'autre part, que l'équipe pédagogique lui avait indiqué que les faits dénoncés dans ce courrier avaient été traités et qu'ils avaient repris les enfants, ce qui impliquait que ces faits ne couvraient aucune agression sexuelle ; qu'en affirmant néanmoins que rien ne permettait de retenir que la salariée, qui n'avait pas elle-même constaté ces faits et qui avait cependant cru devoir faire état de documents internes pour ''asseoir ses dires'', ''sût que les faits dénoncés étaient faux'', la cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations dont il s'évinçait que la salariée avait connaissance de la fausseté des faits qu'elle avait dénoncés, en violation de l'article L. 1132-3-3 du code du travail interprété à la lumière de l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

8. Aux termes de l'article L. 1132-3-3, alinéa 1er, du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions.

9. Selon le deuxième alinéa de ce texte, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation professionnelle, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

10. Il en résulte, d'une part, que le salarié qui relate ou témoigne de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions n'est pas tenu de signaler l'alerte dans les conditions prévues par l'article 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 organisant une procédure d'alerte graduée et, d'autre part, qu'il ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance de la fausseté des faits qu'il dénonce et non de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis.

11. La cour d'appel, qui a constaté que la lettre de licenciement faisait grief à la salariée d'avoir interpellé l'inspectrice du travail le 18 juin 2018 pour faire état de conditions de travail dangereuses pour elle-même et les enfants, d'avoir effectué sans autorisation une copie du cahier de liaison et transmis une copie de mails à l'inspectrice du travail, ces déclarations et ce comportement ayant eu pour conséquence l'ouverture d'une enquête pénale et l'audition des différents éducateurs de l'unité, ainsi que des enfants, en a exactement déduit que la protection de la salariée licenciée pour avoir dénoncé des faits susceptibles de constituer des agressions sexuelles, n'était conditionnée qu'à sa bonne foi, les conditions supplémentaires posées par les articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 et imposées par l'alinéa 2 de l'article L. 1132-3-3 du code du travail n'étant pas exigées par l'alinéa 1er de ce texte.

12. Elle a ensuite relevé que si la salariée avait dénoncé des faits d'agression sexuelle sans les avoir constatés elle-même, elle s'était appuyée pour cela sur des documents internes à l'entreprise et n'avait aucun moyen de savoir si les faits qu'elle-même et ses collègues redoutaient étaient ou non avérés alors que les services de police avaient dû procéder pour cela à une enquête approfondie, laquelle, loin de porter atteinte à la réputation de l'établissement, constituait, dans un souci de protection d'enfants déjà grandement fragilisés par les causes de leur placement et leur placement lui-même, une mesure parfaitement proportionnée aux éléments dont avait eu connaissance la salariée, dans l'exercice de ses fonctions, en sorte qu'il n'était pas démontré qu'elle savait que les faits qu'elle dénonçait étaient faux.

13. La cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, en a exactement déduit que le licenciement constituait un trouble manifestement illicite.

14. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Barincou - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article L. 1132-3-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 ; Article 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016.

Rapprochement(s) :

Sur l'impossibilité de licencier un salarié ayant relaté ou témoigné de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions pour ce motif, à rapprocher : Soc., 4 novembre 2020, pourvoi n° 18-15.669, Bull., (cassation), et les arrêts cités.

Soc., 1 février 2023, n° 21-24.271, (B), FS

Cassation partielle

Licenciement – Cause – Cause réelle et sérieuse – Licenciement postérieur à l'exercice du droit d'alerte – Justification – Eléments objectifs étrangers au signalement – Preuve – Examen par le juge des référés – Nécessité – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 16 septembre 2021), rendu en matière de référé, Mme [E] a été engagée, le 1er septembre 2014, par la société Thales en qualité de responsable de la transformation des infrastructures centrales. Dans le cadre d'une mobilité interne, elle a été engagée, à compter du 1er juillet 2017, par la société Thales SIX GTS France en qualité de responsable du département offres et projets export.

2. Le 24 mars 2019, la salariée a saisi le comité d'éthique du groupe pour signaler des faits susceptibles d'être qualifiés de corruption, mettant en cause l'un de ses anciens collaborateurs et son employeur.

Le 7 octobre 2019, elle a informé le comité d'éthique de la situation de harcèlement dont elle estimait faire l'objet à la suite de cette alerte.

3. Le 20 février 2020, le comité d'éthique a conclu à l'absence de situation contraire aux règles et principes éthiques.

4. Par courrier du 13 mars 2020, l'employeur a convoqué la salariée à un entretien préalable puis, par courrier du 27 mai 2020, lui a notifié son licenciement.

5. Le 30 juillet 2020, la salariée a saisi la formation des référés de la juridiction prud'homale afin principalement que soit constatée la nullité de son licenciement, intervenu en violation des dispositions protectrices des lanceurs d'alerte.

6. Le syndicat SPIC UNSA (le syndicat) puis l'association Maison des lanceurs d'alerte (l'association) sont intervenus volontairement à l'instance.

7. Le Défenseur des droits a déposé des observations devant la Cour de cassation.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première à quatrième branches

Enoncé du moyen

8. La salariée, l'association et le syndicat font grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance en ce qu'elle « a dit que les pièces et moyens de droit fournis par la salariée n'ont pas permis d'établir et de démontrer un lien évident et non équivoque de cause à effet entre le fait d'avoir lancé une alerte et le licenciement pour cause réelle et sérieuse, que les représailles envers la salariée n'étaient pas davantage établies [en sorte] qu'il n'y avait pas eu violation du statut protecteur prévu par les dispositions de l'article L. 1132-3-3 du code du travail », de dire que « l'appréciation du motif de licenciement de la salariée relevait exclusivement des juges du fond » et, en conséquence, de les débouter de leurs demandes tendant, pour la salariée, à ce qu'il soit jugé que son licenciement était nul en application de l'article L. 1132-4 du code du travail, que sa réintégration soit ordonnée et que la société Thales soit condamnée au paiement des salaires qui auraient dû lui être versés entre la fin de son préavis et sa réintégration, au paiement de la prime sur l'exercice 2019 et à une somme à titre de provision sur dommages-intérêts résultant du préjudice moral lié au licenciement discriminatoire, pour le syndicat, de sa demande tendant à ce que la société Thales soit condamnée à lui verser une somme à titre de dommages-intérêts provisionnels sur le fondement de l'article L. 2132-3 du code du travail et pour l'association, de ses demandes similaires à celle de la salariée et de sa demande tendant à ce que la société Thales soit condamnée à lui verser une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, alors :

« 1°/ que le juge des référés auquel il appartient, même en présence d'une contestation sérieuse, de mettre fin au trouble manifestement illicite que constitue le licenciement d'un salarié en raison de son statut de lanceur d'alerte, doit apprécier si les éléments qui lui sont soumis permettent de présumer qu'il a signalé une alerte dans le respect des articles 6 et 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée, et dans l'affirmative, rechercher si l'employeur apporte des éléments objectifs de nature à justifier que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à l'alerte de l'intéressé ; qu'en affirmant, pour débouter la salariée de sa demande tendant à ce que son licenciement soit jugé nul comme résultant de l'alerte qu'elle avait émise, que l'examen de la cause réelle et sérieuse du licenciement relevait des juges du fond, après avoir pourtant considéré que la salariée avait le statut de lanceur d'alerte au sens de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, de sorte qu'il lui appartenait de rechercher si le licenciement était justifié par des éléments objectifs étrangers à cette alerte et ce faisant, reposait sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé l'article R. 1455-6 du code du travail, ensemble les articles L. 1132-3-3 et L. 1132-4 du code du travail ;

2°/ qu'en retenant, pour débouter la salariée de sa demande tendant à ce que son licenciement soit annulé comme résultant de son statut de lanceur d'alerte, que l'appréciation de la cause réelle et sérieuse de son licenciement relevait de la compétence exclusive des juges du fond, la cour d'appel, qui l'a privée d'une protection effective contre les discriminations, a violé les articles 6, § 1, 10 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article R. 1455-6 du code du travail ;

3°/ qu'en application de l'article L. 1132-3-3 du code du travail, en cas de litige relatif à un salarié qui a lancé une alerte dans le respect des articles 6 et 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu'elle a signalé une alerte dans le respect des articles 6 et 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration de l'intéressé ; qu'en l'espèce, en affirmant que « si le conseil de prud'hommes ne pouvait s'appuyer exclusivement sur les pièces produites par la salariée pour exclure l'existence d'un lien manifeste entre la qualité de lanceur d'alerte et le licenciement, la cour, sur la base des éléments objectifs produits par l'employeur, aboutit à la même conclusion », après avoir pourtant affirmé que l'examen de la cause réelle et sérieuse du licenciement relevait des juges du fond et s'être bornée à examiner les mesures de représailles antérieures au licenciement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a derechef violé les articles L. 1132-3-3 du code du travail et R. 1455-6 du code du travail ;

4°/ qu'en application de l'article L. 1132-3-3 du code du travail, en cas de litige relatif à un salarié qui a lancé une alerte dans le respect des articles 6 et 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu'elle a signalé une alerte dans le respect des articles 6 et 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée, il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration de l'intéressé ; qu'en affirmant, pour débouter la salariée de sa demande tendant à ce que son licenciement soit annulé car résultant de son statut de lanceur d'alerte, que la lettre de licenciement ne vise que des griefs portant sur le travail de la salariée et qu'il n'existerait pas de lien manifeste entre la qualité de lanceur d'alerte et le licenciement, alors qu'il n'appartenait pas à la salariée d'établir l'existence d'un lien manifeste entre son licenciement et son signalement mais à l'employeur d'établir que le licenciement de la salariée était fondé sur des éléments objectifs étrangers à son alerte, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble l'article R 1455-6 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1132-3-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022, L. 1132-4 et R. 1455-6 du même code :

9. Selon le premier de ces textes, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions ou pour avoir signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

En cas de litige relatif à l'application de ces dispositions, dès lors que le salarié présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu'il a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime, ou qu'il a signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée, il incombe à l'employeur, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l'intéressé.

10. Aux termes du deuxième de ces textes, toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance de ces dispositions est nul.

11. Il résulte du dernier de ces textes que le juge des référés, auquel il appartient, même en présence d'une contestation sérieuse, de mettre fin au trouble manifestement illicite que constitue la rupture d'un contrat de travail consécutive au signalement d'une alerte, doit apprécier si les éléments qui lui sont soumis permettent de présumer que le salarié a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime, ou qu'il a signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée et, dans l'affirmative, de rechercher si l'employeur rapporte la preuve que sa décision de licencier est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de ce salarié.

12. Pour dire n'y avoir lieu à référé, l'arrêt relève qu'aucun élément ne permet de remettre en cause la bonne foi de la salariée à l'occasion des alertes données successivement à sa hiérarchie puis au comité d'éthique du groupe et en déduit, sur le fondement des articles 6 et 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, la qualité de lanceur d'alerte de l'intéressée.

13. L'arrêt retient, d'abord, que le lien entre la réelle détérioration de la relation de travail et l'alerte donnée par la salariée ne ressort pas, de façon manifeste, des évaluations professionnelles de celle-ci et que l'employeur, qui n'a pas eu la volonté d'éluder les termes de l'alerte, apporte un certain nombre d'éléments objectifs afin d'expliciter les faits présentés par la salariée comme étant constitutifs de représailles.

14. Il énonce, ensuite, après avoir constaté que la lettre de licenciement déclinait des griefs portant exclusivement sur le travail de la salariée, que l'examen du caractère réel et sérieux de tels griefs relève du juge du fond.

15. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la salariée présentait des éléments permettant de présumer qu'elle avait signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, en sorte qu'il lui appartenait de rechercher si l'employeur rapportait la preuve que sa décision de licencier était justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l'intéressée, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

16. La cassation prononcée sur le premier moyen rend sans objet le second moyen, le grief de harcèlement moral ne venant à l'appui d'aucune demande distincte mais ayant été présenté comme le second fondement des demandes au titre de la nullité du licenciement.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de nullité de l'ordonnance et la fin de non recevoir, l'arrêt rendu le 16 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : M. Barincou - Avocat général : Mme Grivel - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SARL Le Prado - Gilbert -

Textes visés :

Articles L. 1132-3-3, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022, L. 1132-4 et R. 1455-6 du même code.

Rapprochement(s) :

Sur l'étendue des pouvoirs du juge des référés au cas d'une discrimination invoquée, à rapprocher : Soc., 31 mars 2016, pourvoi n° 14-25.237, Bull. 2016, V, n° 63 (rejet).

Soc., 8 février 2023, n° 21-16.258, (B), FS

Cassation partielle

Licenciement – Cause – Cause réelle et sérieuse – Motifs invoqués par l'employeur – Appréciation – Enonciation des motifs dans la lettre de licenciement – Exception – Inaptitude consécutive à une maladie ou un accident – Licenciement pour autre cause – Détermination – Portée

Il résulte des dispositions d'ordre public des articles L. 1226-2 et L. 1226-2-1 du code du travail que, lorsque le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail, l'employeur ne peut prononcer un licenciement pour un motif autre que l'inaptitude, peu important qu'il ait engagé antérieurement une procédure de licenciement pour une autre cause.

Intervention

1. Il est donné acte à la société A2JZ prise en la personne de M. [H] et à la société MJ Corp prise en la personne de M. [O] de leur intervention volontaire à l'instance, respectivement en leur qualité d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire de la Société des Cendres.

Faits et procédure

2 Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 11 mars 2021), M. [T], engagé à compter du 16 mai 1989 par la société Flamarc (la société) aux droits de laquelle vient la Société des Cendres, exerçait, dans le dernier état de la relation contractuelle, les fonctions de responsable secteur Rhône-Alpes.

3. Il a été placé en arrêt de travail à compter du 21 octobre 2016.

4. Le 24 janvier 2017, la société a convoqué le salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 7 février 2017.

5. A l'issue d'une visite de reprise du 6 février 2017, le médecin du travail a déclaré le salarié inapte à son poste en un seul examen et précisé que son reclassement au sein de l'entreprise ou du groupe n'était pas envisageable.

6. Par lettre du 16 février 2017, la société a procédé au licenciement du salarié pour faute lourde.

7. Contestant son licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

8. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes indemnitaires et salariales au titre de la mise à pied conservatoire et de la rupture du contrat de travail alors « que lorsqu'à la suite d'un arrêt de travail, un salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à occuper tout poste dans l'entreprise au terme d'une seule visite médicale de reprise, les règles d'ordre public relatives au licenciement du salarié inapte non reclassé s'appliquent, ce qui exclut que le salarié déclaré inapte puisse faire l'objet d'un licenciement disciplinaire postérieurement à l'avis d'inaptitude ; qu'en déboutant M. [T] de ses demandes au titre de la rupture de son contrat aux motifs que son licenciement, intervenu le 16 février 2017, était fondé sur une faute grave, quand un licenciement pour faute ne pouvait pas être prononcé postérieurement à l'avis d'inaptitude définitive délivré par le médecin du travail le 6 février 2017, la cour d'appel a violé les articles L. 1226-2, L. 1226-12 et R. 4624-22 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1226-2 et L. 1226-2-1 du code du travail, dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

9. Selon le premier de ces textes, lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

10. Selon le second, l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

11. Il en résulte que ces dispositions d'ordre public font obstacle à ce que l'employeur prononce un licenciement pour un motif autre que l'inaptitude, peu important que l'employeur ait engagé antérieurement une procédure de licenciement pour une autre cause.

12. Pour débouter le salarié de ses demandes indemnitaires et salariales au titre de la mise à pied conservatoire et de la rupture du contrat de travail, l'arrêt retient que la circonstance que l'inaptitude définitive du salarié à occuper son emploi ait été constatée par le médecin du travail le 6 février 2017, ne privait pas la société de se prévaloir d'une faute lourde de son salarié au soutien du licenciement qu'elle a estimé devoir prononcer à l'issue de la procédure disciplinaire qu'elle avait initiée le 24 janvier précédent.

13. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le salarié, déclaré inapte, avait été licencié pour un motif autre que l'inaptitude, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [T] de ses demandes indemnitaires et salariales au titre de la mise à pied conservatoire et de la rupture du contrat de travail et en ce qu'il condamne M. [T] à payer à la Société des Cendres 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, l'arrêt rendu le 11 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Salomon - Avocat général : M. Juan - Avocat(s) : SARL Cabinet Munier-Apaire ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Articles L. 1226-2 et L. 1226-2-1 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur le motif du licenciement d'un salarié déclaré inapte à son poste par le médecin du travail, à rapprocher : Soc., 20 décembre 2017, pourvoi n° 16-14.983, Bull. 2017, V, n° 223 (cassation), et l'arrêt cité.

Soc., 1 février 2023, n° 20-19.661, (B), FS

Rejet

Licenciement économique – Cause – Cause réelle et sérieuse – Motif économique – Appréciation – Existence de difficultés économiques – Caractérisation – Dégradation de l'excédent brut d'exploitation – Détermination – Portée

Aux termes de l'article L. 1233-3, 1°, du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Dès lors, une cour d'appel qui, ayant constaté que l'employeur justifiait avoir été confronté à des difficultés économiques caractérisées par une dégradation de l'excédent brut d'exploitation, a pu en déduire, au regard du caractère sérieux et durable de cette dégradation, que cet indicateur avait subi une évolution significative.

Licenciement économique – Cause – Cause réelle et sérieuse – Motif économique – Appréciation – Existence de difficultés économiques – Caractérisation – Office du juge – Contrôle – Modalités – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 25 mai 2020), Mme [C] a été engagée par contrats saisonniers le 10 juillet 1995 par la société Cassin et fils hôtel Paradis (la société), en qualité d'assistante de direction. Elle a été engagée par contrat à durée indéterminée du 2 janvier 2013 en qualité de directrice, puis affectée au poste de directrice d'hébergement à compter du 1er janvier 2014.

2. Le 16 décembre 2016, elle a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement économique.

Le contrat de travail a été rompu à l'issue du délai de réflexion dont elle disposait après son adhésion, le 9 janvier 2017, au contrat de sécurisation professionnelle.

3. Par jugement du 18 février 2020, la société a été mise en redressement judiciaire et les sociétés MJA, prise en la personne de Mme [O], et FHB, prise en la personne de Mme [F], désignées respectivement en qualité de mandataire judiciaire et d'administrateur.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches, et le second moyen, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

5. La salariée fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement est intervenu pour motif économique et de la débouter de ses demandes subséquentes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, alors « que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés ; qu'en retenant que le licenciement était justifié par la baisse du seul excédent brut d'exploitation, quand elle a constaté que le chiffre d'affaire de l'entreprise avait augmenté au cours de la même période de sorte que l'évolution n'était pas significative, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article L. 1233-3 du code du travail dans sa rédaction alors applicable. »

Réponse de la Cour

6. Aux termes de l'article L. 1233-3, 1°, du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

7. La cour d'appel, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a d'abord constaté que la société justifiait qu'elle avait été confrontée à des difficultés économiques caractérisées par une dégradation de l'excédent brut d'exploitation (EBE) négatif de - 726 000 euros en 2014, puis de - 874 000 euros en 2015. Elle a ensuite relevé que si, en 2016, l'EBE dégagé avait été positif à + 32 000 euros, ce chiffre était le résultat d'opérations financières qu'elle avait réalisées et notamment la renégociation d'un crédit-bail immobilier, une baisse significative des frais de holding, ainsi qu'un apport en compte courant associé. Elle a enfin constaté qu'en 2017, l'EBE estimé à -106 000 euros par la société dans sa note d'information des motifs économiques, était négatif de -124 013 euros dans les comptes de l'exercice 2017.

8. Elle a pu en déduire, au regard du caractère sérieux et durable de la dégradation de l'excédent brut d'exploitation, que cet indicateur avait subi une évolution significative.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Prieur - Avocat général : Mme Grivel - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia -

Textes visés :

Article L. 1233-3, 1°, du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016.

Rapprochement(s) :

Sur la caractérisation des difficultés économiques au sens de la rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, à rapprocher : Soc., 1er juin 2022, pourvoi n° 20-19.957, Bull., (cassation).

Soc., 8 février 2023, n° 21-17.971, (B), FS

Cassation partielle

Licenciement – Indemnités – Montant – Détermination – Rémunération du salarié en contrat à durée déterminée – Salaire de base brut d'intermittent perçu – Eléments de calcul – Portée

Licenciement – Indemnités – Indemnité légale de licenciement – Attribution – Conditions – Ancienneté du salarié – Date d'appréciation

Selon les articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail, l'indemnité compensatrice de préavis due au salarié est égale au montant des salaires qu'il aurait perçus s'il avait travaillé pendant la durée du préavis. Viole la loi la cour d'appel qui fixe le montant de l'indemnité compensatrice de préavis au regard des salaires perçus pendant l'exécution des contrats de travail à durée déterminée, alors que, par l'effet de la requalification en contrat à durée indéterminée, cette indemnité devait être calculée au regard des sommes que le salarié aurait perçues en application du statut de travailleur permanent qui lui avait été reconnu.

Licenciement – Indemnités – Indemnité compensatrice de préavis – Calcul – Assiette – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 31 mars 2021), M. [F] a été engagé par la société TV5 Monde en qualité de réalisateur, suivant plusieurs contrats de travail à durée déterminée, à compter du 28 mai 2006.

2. Le 14 mars 2016, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en requalification des contrats de travail en contrat à durée indéterminée et en paiement de diverse sommes.

3. Par lettre du 20 février 2020, l'employeur a informé le salarié de la fin de la relation de travail, à la suite d'incidents d'antenne survenus les 25 et 27 janvier 2019.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement d'une certaine somme au titre des primes dues du fait de la requalification, alors « que la requalification en contrat à durée indéterminée de contrats à durée déterminée d'un travailleur intermittent, qui lui confère rétroactivement le statut de travailleur permanent de l'entreprise, doit le replacer dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ; qu'il en résulte que le salarié ne peut prétendre qu'à la rémunération qu'il aurait perçue s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt qu'en tenant compte de l'ancienneté, des revalorisations et des compléments de salaires compris dans les accords et conventions d'entreprise applicables aux salariés permanents, le salarié aurait perçu un salaire annuel moyen de 30 898,34 euros bruts s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée et qu'il avait perçu en sa qualité d'intermittent un salaire moyen annuel brut de 55 733 euros ; qu'en condamnant la société TV5 Monde à lui verser la somme de 47 452,37 euros au titre des primes de sujétion, de fin d'année et d'ancienneté, lorsqu'il résultait de ses propres constatations que la rémunération qu'aurait perçue le salarié, primes de sujétion, de fin d'année et d'ancienneté comprises, en qualité de salarié permanent, était inférieure à celle qu'il avait effectivement perçue en qualité d'intermittent de sorte qu'il avait été rempli de ses droits, la cour d'appel a violé l'article L. 1245-1 du code du travail dans sa rédaction applicable à l'espèce. »

Réponse de la Cour

5. La requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée qui confère au salarié le statut de travailleur permanent de l'entreprise a pour effet de replacer ce dernier dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée. Il en résulte que les sommes qui ont pu lui être versées en sa qualité « d'intermittent », destinées à compenser la situation dans laquelle il était placé du fait de son contrat à durée déterminée, lui restent acquises nonobstant une requalification ultérieure en contrat à durée indéterminée.

6. Après avoir prononcé la requalification de la relation contractuelle et exactement énoncé que le salarié devait être replacé dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté dès l'origine dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, la cour d'appel a décidé à bon droit qu'il pouvait prétendre à des rappels de primes d'ancienneté, de fin d'année et de sujétion, sans qu'il y ait lieu de tenir compte des sommes versées par l'employeur en exécution des divers contrats à durée déterminée au titre du salaire de base.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur les troisième et quatrième moyens réunis

Enoncé du moyen

8. Par son troisième moyen, l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement d'une certaine somme à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, alors « que l'article I/8.3 de l'accord d'entreprise TV 5 Monde du 28 décembre 2012 dispose que la rémunération prise en compte pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon le calcul le plus avantageux, la moyenne des rémunérations brutes perçues au cours des 12 derniers mois ou celle des 3 derniers mois ; que la requalification en contrat à durée indéterminée de contrats à durée déterminée d'un travailleur intermittent, qui lui confère rétroactivement le statut de travailleur permanent de l'entreprise, doit le replacer dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ; qu'il en résulte que la rémunération de référence servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement est celle que le salarié aurait perçue s'il avait été engagé dès l'origine en contrat à durée indéterminée ; que la cour d'appel, qui a calculé l'indemnité de licenciement sur la base du salaire moyen perçu par le salarié au titre de son statut d'intermittent, a violé les articles L. 1245-1, et I/8.3 de l'accord d'entreprise TV5 monde du 28 décembre 2012. »

9. Par son quatrième moyen, l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement d'une certaine somme à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que le licenciement du salarié qui survient sans cause réelle et sérieuse ouvre droit à ce dernier qui compte 13 ans d'ancienneté dans l'entreprise à une indemnité comprise entre 3 et 11 mois et demi de salaires bruts ; que la requalification en contrat à durée indéterminée de contrats à durée déterminée d'un travailleur intermittent, qui lui confère rétroactivement le statut de travailleur permanent de l'entreprise, doit le replacer dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ; qu'il en résulte que le salaire de référence servant de base au calcul de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est celui que le salarié aurait perçu s'il avait été engagé dès l'origine en contrat à durée indéterminée ; que la cour d'appel, qui a calculé l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur la base du salaire moyen perçu par le salarié au titre de son statut d'intermittent, a violé les articles L. 1245-1, et L 1235-3 du code du travail dans leur rédaction applicable à l'espèce. »

Réponse de la Cour

10. La requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée qui confère au salarié le statut de travailleur permanent de l'entreprise a pour effet de replacer ce dernier dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée. Il en résulte que les sommes qui ont pu lui être versées en sa qualité « d'intermittent » destinées à compenser la situation dans laquelle il était placé du fait de son contrat à durée déterminée, lui restent acquises nonobstant une requalification ultérieure en contrat à durée indéterminée.

11. Selon l'article I/8.3 de l'accord d'entreprise TV5 Monde du 28 décembre 2012 la rémunération prise en compte pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon le calcul le plus avantageux, la moyenne des rémunérations brutes perçues au cours des douze derniers mois ou celle des trois derniers mois.

12. Selon l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, et si l'une des parties refuse la réintégration du salarié, le juge octroie une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux exprimés en mois de salaire brut dans les tableaux prévus par ce texte.

13. La cour d'appel, qui, pour déterminer le montant des indemnités conventionnelle de licenciement et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, a pris en compte les sommes perçues par le salarié au titre du salaire de base brut « d'intermittent » qui lui étaient définitivement acquises, a fait l'exacte application des deux textes susvisés.

14. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

15. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement d'une certaine somme à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents, alors « que l'indemnité compensatrice de préavis due au salarié est égale au montant des salaires qu'il aurait perçus s'il avait travaillé pendant la durée du préavis ; que la requalification en contrat à durée indéterminée de contrats à durée déterminée d'un travailleur intermittent, qui lui confère rétroactivement le statut de travailleur permanent de l'entreprise, doit le replacer dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ; qu'il en résulte que le salaire de référence servant de base au calcul de l'indemnité compensatrice de préavis est celui que le salarié aurait perçu s'il avait été engagé dès l'origine en contrat à durée indéterminée ; que la cour d'appel, qui a calculé l'indemnité compensatrice de préavis sur la base du salaire moyen perçu par le salarié au titre de son statut d'intermittent, a violé les articles L. 1245-1, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et I/8.6 de l'accord d'entreprise TV5 monde du 28 décembre 2012. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

16. Le salarié conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que celui-ci est contraire à la position défendue devant les juges du fond par l'employeur qui soutenait que les indemnités de rupture devaient être calculées sur la base des sommes perçues par le salarié et non sur la base du salaire résultant de la requalification en contrat de travail à durée indéterminée.

17. Cependant, la position défendue par l'employeur en cause d'appel selon laquelle l'indemnité de préavis ne pouvait pas être supérieure à 15 302,28 euros n'est ni contraire ni incompatible avec le moyen de cassation.

18. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail :

19. Selon ces textes, l'indemnité compensatrice de préavis due au salarié est égale au montant des salaires qu'il aurait perçus s'il avait travaillé pendant la durée du préavis.

20. La requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée qui confère au salarié le statut de travailleur permanent de l'entreprise a pour effet de replacer ce dernier dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée.

21. Pour condamner l'employeur au paiement d'une certaine somme à titre d'indemnité compensatrice de préavis, l'arrêt retient que le salaire moyen perçu dans le cadre des contrats à durée déterminée est de 5 637 euros et qu'au vu des pièces versées aux débats et en application de l'accord d'entreprise TV5 Monde cette indemnité doit être fixée à 16 911 euros à laquelle s'ajoute 1 691 euros de congés payés.

22. En statuant ainsi, au regard des salaires perçus pendant l'exécution des contrats à durée déterminée, alors que, par l'effet de la requalification en contrat à durée indéterminée, l'indemnité de préavis devait être calculée au regard des sommes que le salarié aurait perçues en application du statut de travailleur permanent qui lui avait été reconnu, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

23. La cassation du chef de dispositif condamnant l'employeur au paiement de certaines sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société TV5 Monde à payer à M. [F] les sommes de 16 911 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de 1 691 euros au titre des congés payés afférents, l'arrêt rendu le 31 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : M. Flores - Avocat général : M. Halem - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article L. 1245-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable ; articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur la date d'appréciation de l'ancienneté du salarié pour fixer le montant de l'indemnité légale de licenciement, à rapprocher : Soc., 30 mars 2005, pourvoi n° 03-42.667, Bull. 2005, V, n° 106 (cassation partielle).

Soc., 8 février 2023, n° 21-15.314, (B), FS

Cassation

Licenciement – Licenciement non disciplinaire – Obligations de l'employeur – Disposition conventionnelle – Avis des délégués du personnel – Moment – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 05 mars 2021), Mme [Y], engagée en qualité de guichetière le 16 mars 1982 par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Centre-Loire, a été licenciée le 30 janvier 2017 pour inaptitude consécutive à une maladie ou un accident non professionnel et impossibilité de reclassement.

2. La convention collective nationale du Crédit agricole du 4 novembre 1987 est applicable à la relation de travail.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement de la salariée dénué de cause réelle et sérieuse, de le condamner à lui verser diverses sommes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents et à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de le condamner à lui remettre un bulletin de paie et une attestation Pôle emploi rectifiés et de le condamner à rembourser aux organismes concernés de tout ou partie des indemnités de chômage payées à la salariée du jour de son licenciement au jour du jugement dans la limite de six mois d'indemnité de chômage, alors « que selon l'article 14 de la convention collective nationale du Crédit agricole, « le licenciement pour un motif autre que disciplinaire ne peut être effectué qu'après avis des délégués du personnel du collège auquel appartient l'intéressé » ; que ce texte impose donc seulement que l'avis des délégués du personnel soit recueilli avant la notification du licenciement non disciplinaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'inaptitude étant d'origine non professionnelle, aucune consultation des délégués du personnel n'était légalement obligatoire en l'état des textes alors applicables, et que la consultation prévue par l'article 14 de la convention collective avait été réalisée avant le licenciement de Mme [R] ; qu'en énonçant que la consultation des délégués du personnel prévue par ce texte conventionnel devait intervenir après la constatation de l'inaptitude par le médecin du travail, avant la proposition effective d'un poste de reclassement et avant la convocation de la salariée à l'entretien préalable, et en jugeant le licenciement sans cause réelle et sérieuse parce que la consultation des délégués du personnel avait été réalisée après cette convocation à l'entretien préalable et quelques jours avant le licenciement, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 14 de la convention collective nationale du Crédit agricole, dans sa rédaction antérieure à l'avenant du 21 décembre 2018 :

4. Une convention collective, si elle manque de clarté, doit être interprétée comme la loi, c'est à dire d'abord en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d'un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l'objectif social du texte.

5. Selon l'article 14 de la convention collective nationale du Crédit agricole, le licenciement pour un motif autre que disciplinaire ne peut être effectué qu'après avis des délégués du personnel du collège auquel appartient l'intéressé.

6. Il résulte de cette disposition que l'avis des délégués du personnel n'a pas à être préalable à l'entretien préalable, mais uniquement à la prise de décision par l'employeur de licencier.

7. Pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur à payer à la salariée diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, l'arrêt, après avoir constaté que l'inaptitude n'était pas d'origine professionnelle et que les dispositions de l'article L. 1226-2 du code du travail, dans leur version applicable en la présente espèce, ne prévoyaient pas la consultation préalable des délégués du personnel, retient d'abord qu'en application de l'article 14 de la convention collective nationale du Crédit agricole précité, s'agissant d'un licenciement pour inaptitude médicalement constatée, la consultation des délégués du personnel devait intervenir après constatation de l'inaptitude par le médecin du travail, avant la proposition effective d'un poste de reclassement approprié à ses capacités, et en tout état de cause, avant la convocation de la salariée à l'entretien préalable et qu'à défaut, l'article 14 précité était privé de toute portée.

8. Il retient ensuite qu'en engageant la procédure de licenciement par convocation du 3 janvier 2017 à un entretien préalable prévu le 11 janvier 2017, soit avant d'avoir procédé à la consultation des délégués du personnel, laquelle n'est intervenue que le 25 janvier 2017 et en procédant au licenciement de la salariée seulement quelques jours après cette consultation, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Centre Loire a privé de toute substance ladite consultation.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte sus-visé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 05 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Pecqueur - Avocat général : M. Juan - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Article 14 de la convention collective nationale du Crédit agricole, dans sa rédaction antérieure à l'avenant du 21 décembre 2018.

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