Numéro 2 - Février 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2023

CONTRAT DE TRAVAIL, DUREE DETERMINEE

Soc., 8 février 2023, n° 21-16.824, (B), FS

Cassation partielle

Qualification donnée au contrat – Demande de requalification – Requalification par le juge – Effets – Indemnité de requalification – Calcul – Salaire de référence – Détermination

Le montant minimum de l'indemnité de requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée est calculé selon la moyenne de salaire mensuel dû au titre du contrat dans le dernier état de la relation de travail avant la saisine de la juridiction prud'homale. Cette moyenne de salaire mensuel doit être déterminée au regard de l'ensemble des éléments de salaire, y compris lorsqu'ils ont une périodicité supérieure au mois.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 mars 2021), Mme [I] a été engagée par la société France télévisions en qualité de cheffe monteuse, suivant plusieurs contrats de travail à durée déterminée, à compter du 22 juillet 2005.

2. Le 22 septembre 2017, la salariée a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée et en paiement de diverses sommes.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de limiter à une certaine somme l'indemnité de requalification, alors « que l'indemnité de requalification de contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée ne peut être inférieure au dernier salaire mensuel complet perçu avant la saisine de la juridiction prud'homale ; qu'en fixant le montant de l'indemnité de requalification au regard de la rémunération mensuelle moyenne perçue au cours de l'année 2020, après avoir constaté, d'une part, que la rémunération de la salariée devait correspondre à un travail à temps complet et, d'autre part, qu'il ressortait du dernier bulletin de salaire de la salariée versé aux débats que le taux horaire de cette dernière était fixé, après déduction de la majoration destinée à compenser les sujétions liées à l'exercice de missions par intermittence, à hauteur de 14,61 euros de sorte que sa rémunération mensuelle s'élevait à 2 215,89 euros, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations, a violé l'article L. 1245-2 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

5. L'employeur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que le moyen est contraire à la position défendue par la salariée devant les juges du fond.

6. Cependant, il résulte de ses conclusions que la salariée a demandé l'allocation d'une somme de 10 000 euros à titre d'indemnité de requalification sans se référer au salaire revendiqué pour la détermination des demandes de nature salariale.

7. Le moyen, qui n'est ni contraire ni incompatible avec la position défendue par la salariée devant les juges du fond, est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article L. 1245-2 du code du travail :

8. Il résulte de ce texte que le montant minimum de l'indemnité de requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée est calculé selon la moyenne de salaire mensuel, dû au titre du contrat dans le dernier état de la relation de travail avant la saisine de la juridiction prud'homale.

9. Cette moyenne de salaire mensuel doit être déterminée au regard de l'ensemble des éléments de salaire, y compris lorsqu'ils ont une périodicité supérieure au mois.

10. Pour fixer à une certaine somme le montant de l'indemnité de requalification, l'arrêt retient que la salariée a reçu une rémunération mensuelle brute moyenne d'un montant de 1 618,16 euros au cours de l'année 2020.

11. En statuant ainsi, au regard de la moyenne des sommes perçues durant l'année 2020, alors qu'elle avait fixé la rémunération de base de la salariée à 2 215,89 euros par mois en raison de la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée à temps complet, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société France télévisions à payer à Mme [I] la somme de 1 618,16 euros à titre d'indemnité de requalification, l'arrêt rendu le 24 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : M. Flores - Avocat général : M. Halem - Avocat(s) : Me Haas ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article L. 1245-2 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur l'assiette de calcul du montant minimum de l'indemnité de requalification d'un ou plusieurs CDD en CDI, à rapprocher : Soc., 19 octobre 2011, pourvoi n° 10-17.337, Bull. 2011, V, n° 237 (rejet) ; Soc., 20 novembre 2013, pourvoi n° 12-25.459, (cassation partielle) ; Soc., 6 octobre 2016, pourvoi n° 15-21.267, (cassation partielle) ; Soc., 17 février 2021, pourvoi n° 18-15.972, Bull., (cassation partielle) ; Soc., 2 juin 2021, pourvoi n° 19-16.183, Bull., (cassation partielle).

Soc., 8 février 2023, n° 21-17.971, (B), FS

Cassation partielle

Qualification donnée au contrat – Demande de requalification – Requalification par le juge – Effets – Rémunération du salarié en contrat à durée déterminée – Salaire de base brut d'intermittent perçu – Détermination – Portée

La requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée, qui confère au salarié le statut de travailleur permanent de l'entreprise a pour effet de replacer ce dernier dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée. Il en résulte que les sommes qui ont pu lui être versées en sa qualité « d'intermittent », destinées à compenser la situation dans laquelle il était placé du fait de son contrat à durée déterminée, lui restent acquises, nonobstant une requalification ultérieure en contrat à durée indéterminée.

Fait l'exacte application de la loi la cour d'appel qui, après avoir prononcé la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée, décide que le salarié pouvait prétendre au paiement des rappels de primes d'ancienneté, de fin d'année et de sujétion, sans qu'il y ait lieu de tenir compte des sommes versées par l'employeur en exécution des divers contrats à durée déterminée au titre du salaire de base.

Qualification donnée au contrat – Demande de requalification – Requalification par le juge – Effets – Indemnités – Indemnités de licenciement – Calcul – Assiette – Détermination – Portée

Fait l'exacte application de la loi la cour d'appel qui, pour déterminer le montant des indemnités conventionnelles de licenciement et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, a pris en compte les sommes perçues par le salarié au titre du salaire de base brut « d'intermittent », qui lui étaient définitivement acquises.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 31 mars 2021), M. [F] a été engagé par la société TV5 Monde en qualité de réalisateur, suivant plusieurs contrats de travail à durée déterminée, à compter du 28 mai 2006.

2. Le 14 mars 2016, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en requalification des contrats de travail en contrat à durée indéterminée et en paiement de diverse sommes.

3. Par lettre du 20 février 2020, l'employeur a informé le salarié de la fin de la relation de travail, à la suite d'incidents d'antenne survenus les 25 et 27 janvier 2019.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement d'une certaine somme au titre des primes dues du fait de la requalification, alors « que la requalification en contrat à durée indéterminée de contrats à durée déterminée d'un travailleur intermittent, qui lui confère rétroactivement le statut de travailleur permanent de l'entreprise, doit le replacer dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ; qu'il en résulte que le salarié ne peut prétendre qu'à la rémunération qu'il aurait perçue s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt qu'en tenant compte de l'ancienneté, des revalorisations et des compléments de salaires compris dans les accords et conventions d'entreprise applicables aux salariés permanents, le salarié aurait perçu un salaire annuel moyen de 30 898,34 euros bruts s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée et qu'il avait perçu en sa qualité d'intermittent un salaire moyen annuel brut de 55 733 euros ; qu'en condamnant la société TV5 Monde à lui verser la somme de 47 452,37 euros au titre des primes de sujétion, de fin d'année et d'ancienneté, lorsqu'il résultait de ses propres constatations que la rémunération qu'aurait perçue le salarié, primes de sujétion, de fin d'année et d'ancienneté comprises, en qualité de salarié permanent, était inférieure à celle qu'il avait effectivement perçue en qualité d'intermittent de sorte qu'il avait été rempli de ses droits, la cour d'appel a violé l'article L. 1245-1 du code du travail dans sa rédaction applicable à l'espèce. »

Réponse de la Cour

5. La requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée qui confère au salarié le statut de travailleur permanent de l'entreprise a pour effet de replacer ce dernier dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée. Il en résulte que les sommes qui ont pu lui être versées en sa qualité « d'intermittent », destinées à compenser la situation dans laquelle il était placé du fait de son contrat à durée déterminée, lui restent acquises nonobstant une requalification ultérieure en contrat à durée indéterminée.

6. Après avoir prononcé la requalification de la relation contractuelle et exactement énoncé que le salarié devait être replacé dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté dès l'origine dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, la cour d'appel a décidé à bon droit qu'il pouvait prétendre à des rappels de primes d'ancienneté, de fin d'année et de sujétion, sans qu'il y ait lieu de tenir compte des sommes versées par l'employeur en exécution des divers contrats à durée déterminée au titre du salaire de base.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur les troisième et quatrième moyens réunis

Enoncé du moyen

8. Par son troisième moyen, l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement d'une certaine somme à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, alors « que l'article I/8.3 de l'accord d'entreprise TV 5 Monde du 28 décembre 2012 dispose que la rémunération prise en compte pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon le calcul le plus avantageux, la moyenne des rémunérations brutes perçues au cours des 12 derniers mois ou celle des 3 derniers mois ; que la requalification en contrat à durée indéterminée de contrats à durée déterminée d'un travailleur intermittent, qui lui confère rétroactivement le statut de travailleur permanent de l'entreprise, doit le replacer dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ; qu'il en résulte que la rémunération de référence servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement est celle que le salarié aurait perçue s'il avait été engagé dès l'origine en contrat à durée indéterminée ; que la cour d'appel, qui a calculé l'indemnité de licenciement sur la base du salaire moyen perçu par le salarié au titre de son statut d'intermittent, a violé les articles L. 1245-1, et I/8.3 de l'accord d'entreprise TV5 monde du 28 décembre 2012. »

9. Par son quatrième moyen, l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement d'une certaine somme à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que le licenciement du salarié qui survient sans cause réelle et sérieuse ouvre droit à ce dernier qui compte 13 ans d'ancienneté dans l'entreprise à une indemnité comprise entre 3 et 11 mois et demi de salaires bruts ; que la requalification en contrat à durée indéterminée de contrats à durée déterminée d'un travailleur intermittent, qui lui confère rétroactivement le statut de travailleur permanent de l'entreprise, doit le replacer dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ; qu'il en résulte que le salaire de référence servant de base au calcul de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est celui que le salarié aurait perçu s'il avait été engagé dès l'origine en contrat à durée indéterminée ; que la cour d'appel, qui a calculé l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur la base du salaire moyen perçu par le salarié au titre de son statut d'intermittent, a violé les articles L. 1245-1, et L 1235-3 du code du travail dans leur rédaction applicable à l'espèce. »

Réponse de la Cour

10. La requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée qui confère au salarié le statut de travailleur permanent de l'entreprise a pour effet de replacer ce dernier dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée. Il en résulte que les sommes qui ont pu lui être versées en sa qualité « d'intermittent » destinées à compenser la situation dans laquelle il était placé du fait de son contrat à durée déterminée, lui restent acquises nonobstant une requalification ultérieure en contrat à durée indéterminée.

11. Selon l'article I/8.3 de l'accord d'entreprise TV5 Monde du 28 décembre 2012 la rémunération prise en compte pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon le calcul le plus avantageux, la moyenne des rémunérations brutes perçues au cours des douze derniers mois ou celle des trois derniers mois.

12. Selon l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, et si l'une des parties refuse la réintégration du salarié, le juge octroie une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux exprimés en mois de salaire brut dans les tableaux prévus par ce texte.

13. La cour d'appel, qui, pour déterminer le montant des indemnités conventionnelle de licenciement et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, a pris en compte les sommes perçues par le salarié au titre du salaire de base brut « d'intermittent » qui lui étaient définitivement acquises, a fait l'exacte application des deux textes susvisés.

14. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

15. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement d'une certaine somme à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents, alors « que l'indemnité compensatrice de préavis due au salarié est égale au montant des salaires qu'il aurait perçus s'il avait travaillé pendant la durée du préavis ; que la requalification en contrat à durée indéterminée de contrats à durée déterminée d'un travailleur intermittent, qui lui confère rétroactivement le statut de travailleur permanent de l'entreprise, doit le replacer dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ; qu'il en résulte que le salaire de référence servant de base au calcul de l'indemnité compensatrice de préavis est celui que le salarié aurait perçu s'il avait été engagé dès l'origine en contrat à durée indéterminée ; que la cour d'appel, qui a calculé l'indemnité compensatrice de préavis sur la base du salaire moyen perçu par le salarié au titre de son statut d'intermittent, a violé les articles L. 1245-1, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et I/8.6 de l'accord d'entreprise TV5 monde du 28 décembre 2012. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

16. Le salarié conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que celui-ci est contraire à la position défendue devant les juges du fond par l'employeur qui soutenait que les indemnités de rupture devaient être calculées sur la base des sommes perçues par le salarié et non sur la base du salaire résultant de la requalification en contrat de travail à durée indéterminée.

17. Cependant, la position défendue par l'employeur en cause d'appel selon laquelle l'indemnité de préavis ne pouvait pas être supérieure à 15 302,28 euros n'est ni contraire ni incompatible avec le moyen de cassation.

18. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail :

19. Selon ces textes, l'indemnité compensatrice de préavis due au salarié est égale au montant des salaires qu'il aurait perçus s'il avait travaillé pendant la durée du préavis.

20. La requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée qui confère au salarié le statut de travailleur permanent de l'entreprise a pour effet de replacer ce dernier dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée.

21. Pour condamner l'employeur au paiement d'une certaine somme à titre d'indemnité compensatrice de préavis, l'arrêt retient que le salaire moyen perçu dans le cadre des contrats à durée déterminée est de 5 637 euros et qu'au vu des pièces versées aux débats et en application de l'accord d'entreprise TV5 Monde cette indemnité doit être fixée à 16 911 euros à laquelle s'ajoute 1 691 euros de congés payés.

22. En statuant ainsi, au regard des salaires perçus pendant l'exécution des contrats à durée déterminée, alors que, par l'effet de la requalification en contrat à durée indéterminée, l'indemnité de préavis devait être calculée au regard des sommes que le salarié aurait perçues en application du statut de travailleur permanent qui lui avait été reconnu, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

23. La cassation du chef de dispositif condamnant l'employeur au paiement de certaines sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société TV5 Monde à payer à M. [F] les sommes de 16 911 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de 1 691 euros au titre des congés payés afférents, l'arrêt rendu le 31 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : M. Flores - Avocat général : M. Halem - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article L. 1245-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable ; articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur la date d'appréciation de l'ancienneté du salarié pour fixer le montant de l'indemnité légale de licenciement, à rapprocher : Soc., 30 mars 2005, pourvoi n° 03-42.667, Bull. 2005, V, n° 106 (cassation partielle).

Soc., 8 février 2023, n° 21-10.270, (B), FS

Cassation partielle

Qualification donnée au contrat – Demande de requalification – Requalification par le juge – Effets – Salaire – Rappel de salaire – Portée

La requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée qui confère au salarié le statut de travailleur permanent de l'entreprise a pour effet de replacer ce dernier dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée. Il s'ensuit que les sommes qui ont pu lui être versées et étaient destinées à compenser la situation dans laquelle il était placé du fait de son contrat à durée déterminée, lui restent acquises nonobstant une requalification ultérieure en contrat à durée indéterminée.

Dès lors, doit être censuré l'arrêt qui, après avoir prononcé la requalification de ses contrats à durée déterminée d'usage en contrat à durée indéterminée, rejette la demande d'une journaliste pigiste en paiement d'un rappel de salaire au titre de la majoration du salaire journalier prévue par l'accord d'entreprise en cas d'un dépassement d'un certain nombre de jours de travail dans l'année, retient que la salariée ayant perçu au titre de ses piges une rémunération supérieure à celle à laquelle elle aurait pu prétendre si elle avait travaillé en qualité de journaliste permanent, même avec un dépassement du forfait annuel, elle était remplie de ses droits.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 décembre 2020), Mme [D], épouse [T], a été engagée en qualité de journaliste pigiste, à compter du mois de septembre 1997, par la société France 2 puis par la société France télévisions (la société) suivant plusieurs contrats à durée déterminée d'usage.

2. Le 20 février 2015, elle a saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir la requalification de ses contrats en contrat à durée indéterminée à temps plein avec reprise d'ancienneté depuis septembre 1997.

Examen des moyens

Sur les premier et troisième moyens, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le deuxième moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement d'une certaine somme à titre de rappel de salaire en raison du dépassement du nombre annuel de jours travaillés, outre les congés payés afférents, alors :

« 1°/ qu'aux termes de l'article 3.1.1 du titre 2 du livre 3 de l'accord collectif France télévisions du 28 mai 2013 fixant la durée de travail des journalistes à 197 jours annuels : « Les journalistes dont la durée annuelle du travail est exprimée dans le cadre d'un décompte annuel en jours peuvent, à leur demande et, en accord avec leur hiérarchie, dépasser le volume de temps de travail fixé dans leur décompte annuel en jours travaillés dans la limite de 15 jours par an.

Les jours de travail effectués au-delà du décompte annuel en jours travaillés sont indemnisés à 125 % du salaire journalier du collaborateur concerné » ; qu'en l'espèce, il n'était pas contesté que la salariée avait travaillé en plus des 197 jours conventionnellement prévus, 145 jours en 2014, 82 jours en 2015, et 89 jours en 2016 ; qu'en retenant qu'il était établi que « La salariée a travaillé certaines années pour un volume supérieur à 197 jours par an » et en la déboutant néanmoins de sa demande en rappel de salaire pour dépassement du nombre annuel de jours travaillés et de congés payés y afférents, aux motifs inopérants que sa rémunération perçue au titre des contrats de travail à durée déterminée était bien supérieure à celle versée aux journalistes permanents et que sur la période réclamée de 2014 à 2016, elle avait perçu au titre de ses piges une rémunération supérieure à celle à laquelle elle aurait pu prétendre si elle avait travaillé en qualité de journaliste permanent, même avec un dépassement du forfait de 197 jours, de sorte qu'elle était déjà remplie de ses droits, la cour d'appel a violé l'article 3.1.1 du titre 2 du livre 3 de l'accord collectif France télévisions du 28 mai 2013 ;

2°/ que les sommes versées au salarié en contrepartie de son travail à durée déterminée, destinées à compenser la situation dans laquelle il était placé du fait de son contrat à durée déterminée, lui restent acquises nonobstant une requalification ultérieure en contrat à durée indéterminée ; qu'en retenant qu'il était établi que « La salariée a travaillé certaines années pour un volume supérieur à 197 jours par an » et en déboutant néanmoins l'intéressée de sa demande en rappel de salaire pour dépassement du nombre annuel de jours travaillés et de congés payés y afférents, aux motifs tirés de ce que sa rémunération perçue au titre des contrats de travail à durée déterminée était bien supérieure à celle versée aux journalistes permanents et que sur la période réclamée de 2014 à 2016, elle avait perçu au titre de ses piges une rémunération supérieure à celle à laquelle elle aurait pu prétendre si elle avait travaillé en qualité de journaliste permanent, même avec un dépassement du forfait de jours, de sorte qu'elle était déjà remplie de ses droits, la cour d'appel a violé l'article 3.1.1 du titre 2 du livre 3 de l'accord collectif France télévisions du 28 mai 2013. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1245-1, L. 1221-1 du code du travail et l'article 3.1.1 du titre 3 du livre 3 de l'accord collectif France télévisions du 28 mai 2013 :

5. Il résulte des deux premiers textes que la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée qui confère au salarié le statut de travailleur permanent de l'entreprise a pour effet de replacer ce dernier dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée. Il s'ensuit que les sommes qui ont pu lui être versées et étaient destinées à compenser la situation dans laquelle il était placé du fait de son contrat à durée déterminée, lui restent acquises nonobstant une requalification ultérieure en contrat à durée indéterminée.

6. Selon le troisième de ces textes, le nombre annuel de jours travaillés des journalistes permanents, qu'ils soient en contrat à durée déterminée ou contrat à durée indéterminée, à l'exception des cadres dirigeants, est fixé à 197, les jours de travail effectués au-delà du décompte annuel en jours travaillés étant indemnisés à 125 % du salaire journalier du collaborateur concerné.

7. Pour rejeter la demande de la salariée en paiement d'un rappel de salaire au titre des dépassements du nombre annuel de jours travaillés, outre congés payés afférents, l'arrêt retient que s'il est établi que la salariée a travaillé certaines années pour un volume supérieur à 197 jours par an, il ressort également des fiches de paie versées aux débats et du tableau relatif au salaire moyen de référence des permanents de l'entreprise au 31 décembre 2014 que la rémunération perçue au titre des contrats de travail à durée déterminée était bien supérieure à celle versée aux journalistes permanents. Il constate que sur la période réclamée de 2014 à 2016, la salariée a perçu au titre de ses piges une rémunération supérieure à celle à laquelle elle aurait pu prétendre si elle avait travaillé en qualité de journaliste permanent, même avec un dépassement du forfait de 197 jours. Il en déduit que la salariée est d'ores et déjà remplie de ses droits.

8. En statuant ainsi, alors que la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée qui conférait à la salariée le statut de travailleur permanent de la société avait pour effet de replacer cette dernière dans la situation qui aurait été la sienne si elle avait été recrutée depuis l'origine dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée et que les sommes qui avaient pu lui être versées, en sa qualité de pigiste, destinées à compenser la situation dans laquelle elle était placée du fait de ses contrats à durée déterminée, lui restaient acquises nonobstant une requalification ultérieure en contrat à durée indéterminée, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes afférentes au dépassement du nombre annuel de jours travaillés, l'arrêt rendu le 10 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Monge - Avocat général : M. Halem - Avocat(s) : SARL Ortscheidt ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Articles L. 1245-1 et L. 1221-1 du code du travail ; article 3.1.1 du titre 3 du livre 3 de l'accord collectif France télévisions du 28 mai 2013.

Rapprochement(s) :

Sur les effets sur le salaire et les avantages salariaux de la requalification des contrats à durée déterminée d'un intermittent en contrat à durée indéterminée, à rapprocher : Soc., 8 juillet 2020, pourvoi n° 18-21.942, (cassation partielle) ; Soc., 8 juillet 2020, pourvoi n° 18-23.148, (rejet).

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