Numéro 2 - Février 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2023

AVOCAT

2e Civ., 9 février 2023, n° 21-10.622, (B), FS

Cassation

Honoraires – Contestation – Convention d'honoraires – Validité – Conditions

Il résulte de l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, que l'avocat conclut par écrit avec son client une convention d'honoraires qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.

A défaut d'écrit signé par les parties, la preuve de cette convention peut être rapportée conformément aux règles fixées aux articles 1361 et 1362 du code civil.

Dès lors viole ces dispositions le premier président qui fait application des dispositions de la convention d'honoraires invoquée par l'avocat, alors que cette convention n'avait pas été signée par la cliente et que le seul règlement partiel des honoraires était insuffisant à suppléer à cet écrit.

Honoraires – Contestation – Procédure – Premier président – Pouvoirs – Etendue – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 18 novembre 2020), M. [C], avocat, a apporté son concours à Mme [O] aux fins d'assurer la défense de ses intérêts dans un litige successoral.

2. Contestant le montant des honoraires qui lui étaient réclamés, Mme [O] a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

3. Mme [O] fait grief à l'ordonnance de rejeter sa demande tendant à voir prononcer la nullité de la convention d'honoraires du 30 novembre 2016, en conséquence de fixer les honoraires dûs à l'avocat à la somme de 12 147 euros HT, et de la condamner à lui payer la somme de 5 934,50 euros HT, outre intérêts et TVA, alors « que le seul fait d'avoir réglé une partie des honoraires ne saurait caractériser le consentement du client à la convention d'honoraires, en l'absence de toute autre circonstance établissant la réalité de son consentement ; qu'en appliquant la convention d'honoraires signée par l'avocat aux motifs que même si elle n'avait pas été signée, Mme [O] avait réglé une partie des honoraires, la cour d'appel a derechef violé l'article 10, alinéas 3 et 4, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1361 et 1362 du code civil et l'article 10, alinéa 3, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 :

4. Selon le dernier de ces textes, l'avocat conclut par écrit avec son client une convention d'honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.

5. À défaut d'écrit signé par les parties, la preuve de cette convention peut être rapportée conformément aux règles fixées aux deux premiers de ces textes.

6. Pour fixer à la somme de 12 147 euros, en application des stipulations de la convention, le montant total des honoraires dus à M. [C], l'ordonnance retient qu'il n'est pas contesté que Mme [O], qui n'avait jamais formellement signé la convention, a acquitté une large partie des honoraires facturés sur cette base et a donc exécuté la convention dont elle sollicite l'annulation.

7. En statuant ainsi, alors que la convention invoquée n'avait pas été signée par Mme [O] et que le seul règlement partiel des honoraires était insuffisant à suppléer à cet écrit, le premier président a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 18 novembre 2020, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant la juridiction du premier président de la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Pradel - Avocat général : Mme Nicolétis - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel -

Textes visés :

Article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015.

2e Civ., 9 février 2023, n° 21-20.036, (B), FRH

Cassation partielle

Honoraires – Contestation – Honoraires de résultat – Paiement – Conditions – Décision mettant fin à l'instance – Acte notarié transactionnel irrévocable – Cas

Il résulte de l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 que l'honoraire de résultat prévu par une convention préalable n'est dû par le client que lorsqu'il est mis fin à l'instance par un acte ou une décision de justice irrévocable.

Viole ce texte la première présidente qui, pour rejeter la demande en paiement de l'honoraire de résultat, retient qu'une telle demande avait été présentée avant la date de réalisation de l'acte notarié transactionnel irrévocable, alors qu'au jour où elle statuait une transaction irrévocable avait été signée par les parties, à l'issue des opérations de partage.

Honoraires – Contestation – Honoraires de résultat – Paiement – Conditions – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par la première présidente d'une cour d'appel (Colmar, 25 mai 2021), M. [E] a confié à M. [F], avocat, la défense de ses intérêts dans une procédure de divorce suivie d'un partage judiciaire. Une convention d'honoraires a été établie entre les parties, laquelle prévoyait notamment des « honoraires de réussite » représentant un pourcentage sur la valeur globale des attributions faites à M. [E] à l'issue des opérations de partage.

2. Le 28 mars 2018, M. [F] a établi une facture d'honoraires d'un montant de 17 769,40 euros. Un acte notarié transactionnel a été dressé le 30 octobre 2018.

Le 29 août 2019, Mme [Y] (l'avocate), venue à la succession du cabinet de M. [F], parti à la retraite, a saisi le bâtonnier de son ordre d'une demande de fixation de ses honoraires.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

3. L'avocate fait grief à l'ordonnance de limiter le montant des honoraires lui étant dus par M. [E] à la somme de 1 014,90 euros, alors « qu'en tout état de cause, l'honoraire de résultat prévu par une convention préalable est dû par le client à son avocat à la date à laquelle il a été mis fin à l'instance par un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable, peu important que la facture ait été émise avant sa date d'exigibilité ; qu'en se fondant sur la circonstance inopérante que la facture relative à l'honoraire de réussite avait été émise le 28 mars 2018, soit avant sa date d'exigibilité, pour fixer le montant des honoraires dus par M. [E] à l'avocate à la somme de 1 014,90 euros, laquelle excluait le paiement de tout honoraire de résultat, après avoir pourtant constaté qu'aux termes de la convention préalable signée entre eux, il était prévu le versement d'une somme représentant le pourcentage de la valeur globale des attributions faite à l'issue des opérations de partage, pour la première instance s'entendant tant de la phase de procédure devant le notaire que de l'éventuelle procédure à soumettre au tribunal de grande instance suite à la rédaction d'un procès-verbal de difficultés et que, précisément, le 30 octobre 2018, il avait été mis fin à la procédure de partage par un acte notarié irrévocable, la première présidente de la cour d'appel a violé l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 ensemble l'article 1103 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 :

4. Selon ce texte, les honoraires de postulation, de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client. Sauf en cas d'urgence ou de force majeure ou lorsqu'il intervient au titre de l'aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, l'avocat conclut par écrit avec son client une convention d'honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.

Est licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d'un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu.

5. Pour rejeter la demande de paiement d'un « honoraire de réussite », l'ordonnance retient que les termes de la convention d'honoraires sont clairs et précis et que l'honoraire de résultat prévu par une convention préalable n'est dû par le client que lorsqu'il est mis fin à l'instance par un acte ou une décision de justice irrévocable.

6. L'ordonnance constate que la demande de règlement d'un « honoraire de réussite » a été présentée à M. [E] par M. [F] le 28 mars 2018 et que l'acte notarié transactionnel a été dressé le 30 octobre 2018.

7. L'ordonnance en déduit que cet honoraire ne pouvait être réclamé par M. [F] à M. [E] avant le 30 octobre 2018, date à laquelle il a été mis fin à la procédure par un acte notarié irrévocable.

8. En statuant ainsi, alors qu'au jour où elle statuait, une transaction irrévocable avait été signée par les parties, à l'issue des opérations de partage, la première présidente, qui s'est référée à tort aux modalités de facturation de l'honoraire de résultat, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle déclare recevable l'appel formé par M. [E], en ce qu'elle dit n'y avoir lieu d'accueillir la fin de non-recevoir soulevée par M. [E] et en ce qu'elle rejette la demande de M. [E] aux fins de voir dire que la convention d'honoraires est entachée de nullité pour vice de consentement, l'ordonnance rendue le 25 mai 2021, entre les parties, par la première présidente de la cour d'appel de Colmar ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant la juridiction du premier président de la cour d'appel de Nancy.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Pradel - Avocat général : Mme Nicolétis - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SAS Buk Lament-Robillot -

Textes visés :

Article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 10 mars 2004, pourvoi n° 01-16.910, Bull. 2004, II, n° 102 (cassation) ; 2e Civ., 8 juillet 2021, pourvoi n° 20-10.850, Bull. (cassation).

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.