Numéro 2 - Février 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2023

ASSURANCE (règles générales)

2e Civ., 9 février 2023, n° 21-17.681, (B), FS

Cassation

Garantie – Exclusion – Conditions – Contrat d'assurance garantissant les accidents corporels – Défaut de caractère accidentel du décès – Suicide assuré

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 6 avril 2021), [U] [P] a souscrit, le 19 novembre 2003, un contrat dénommé « garantie accidents de la vie » auprès de la société Swisslife assurances de biens (l'assureur).

2. Il est décédé le 17 août 2013, laissant pour lui succéder sa veuve et leurs deux fils, MM. [O] et [W] [P], lesquels ont assigné l'assureur devant un tribunal afin d'obtenir la mise en oeuvre des garanties prévues par le contrat.

3. L'assureur a refusé sa garantie en se prévalant devant la cour d'appel d'une clause excluant le suicide.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

4. L'assureur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à Mme [P] la somme de 30 000 euros au titre de son préjudice moral et la somme de 108 478,018 euros [lire 108 478,02 euros] au titre de son préjudice économique, à M. [O] [P] la somme de 20 000 euros au titre de son préjudice moral et la somme de 4 378,15 euros au titre de son préjudice économique et à M. [W] [P] la somme de 20 000 euros au titre de son préjudice moral et la somme de 9 300,09 euros au titre de son préjudice économique, alors « que les dispositions de l'article L. 132-7 du code des assurances ne sont pas applicables aux assurances « accidents corporels » ; qu'en l'espèce, en faisant application de ce texte, dans sa version en vigueur le 19 novembre 2003, à la mise en jeu de la garantie décès prévue par le contrat « accidents de la vie » souscrit à cette date par [U] [P], pour retenir que dès lors qu'il s'était écoulé un délai de plus de deux ans entre cette souscription et son décès accidentel ou son suicide, la question de ce suicide ne se posait pas quant aux exclusions de garantie, que la garantie de la société Swisslife était due et que la clause d'exclusion liée au suicide devait être réputée non-écrite, la cour d'appel a violé l'article L. 132-7 du code des assurances dans sa version issue de la loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 132-7, alinéas 1 et 2, du code des assurances :

5. Il résulte de ce texte que, si l'assurance en cas de décès est de nul effet si l'assuré se donne volontairement la mort au cours de la première année du contrat, elle doit couvrir le risque de suicide à compter de la deuxième année du contrat.

6. Le caractère accidentel du décès constitue une circonstance qui, s'agissant de l'application d'un contrat d'assurance couvrant les accidents corporels, est une condition de la garantie.

7. Dès lors, le suicide n'est pas, sauf stipulation contraire, couvert par les contrats garantissant les accidents corporels, auxquels ce texte n'est pas applicable.

8. Pour dire que l'assureur doit sa garantie, l'arrêt retient que la clause d'exclusion tenant au suicide doit être réputée non écrite, dès lors que l'article L. 132-7 du code des assurances, d'ordre public, impose à l'assureur de couvrir le risque de suicide à compter de la deuxième année du contrat et que [U] [P] est décédé dix ans après la souscription de celui-ci.

9. En se déterminant ainsi, sans constater que le contrat d'assurance étendait sa garantie à des événements autres que les accidents corporels, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Brouzes - Avocat général : Mme Nicolétis - Avocat(s) : SARL Le Prado - Gilbert -

Textes visés :

Article L. 132-7 du code des assurances.

2e Civ., 9 février 2023, n° 21-19.498, (B), FS

Rejet

Police – Clause – Mentions obligatoires – Mention relative à la prescription – Mention relative aux causes d'interruption de la prescription biennale prévues à l'article L. 114-2 du code des assurances – Obligations de l'assureur – Limites – Détermination

Il résulte de l'article R. 112-1 du code des assurances que l'assureur doit rappeler dans le contrat d'assurance, sous peine d'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription biennale édicté par l'article L. 114-1, les différentes causes d'interruption de prescription mentionnées à l'article L. 114-2 et le point de départ de la prescription.

Il n'est pas tenu de préciser qu'en application de l'article 2243 du code civil, l'interruption de la prescription est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande, laisse périmer l'instance ou si sa demande est définitivement rejetée.

Police – Clause – Mentions obligatoires – Mention relative à la prescription des actions dérivant du contrat d'assurance – Etendue – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 18 mai 2021), la société Zerda (l'assurée), exploitante d'un fonds de commerce, a souscrit un contrat d'assurance multirisques professionnelle auprès de la société Axa France Iard (l'assureur).

2. Victime de deux vols les 20 mars 2014 et 13 juin 2015, elle a sollicité vainement la garantie de son assureur puis a saisi un juge des référés afin qu'une mesure d'expertise soit ordonnée et une provision fixée.

Par ordonnance du 18 janvier 2016, le juge des référés s'est déclaré incompétent et a invité les parties à mieux se pourvoir.

3. L'assurée a ensuite assigné, par acte du 24 novembre 2017, l'assureur devant un tribunal de commerce.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

5. L'assurée fait grief à l'arrêt de juger irrecevable, car prescrite, son action à l'encontre de l'assureur, alors « que l'article R. 112-1 du code des assurances dispose que la police d'assurance doit rappeler les dispositions législatives concernant la prescription ; que, a fortiori, la police ne doit pas contenir des indications de nature à induire l'assuré en erreur ; que dans le cas d'espèce, l'article 7.4 du contrat d'assurance, dont les stipulations ont été citées in extenso par l'arrêt attaqué, énonçait que la prescription était interrompue par « toute demande, même en référé », sans rappeler les dispositions de l'article 2243 du code civil, c'est-à-dire sans rappeler que l'interruption était considérée comme non avenue dans le cas où la demande, même en référé, était définitivement rejetée ; qu'en décidant que ces stipulations étaient claires et complètes quant aux règles concernant la prescription, la cour d'appel a violé l'article R. 112-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

6. Il résulte de l'article R. 112-1 du code des assurances que l'assureur doit rappeler dans le contrat d'assurance, sous peine d'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription biennale édicté par l'article L. 114-1, les différentes causes d'interruption de prescription mentionnées à l'article L. 114-2 et le point de départ de la prescription.

7. Il n'est pas tenu de préciser qu'en application de l'article 2243 du code civil, l'interruption de prescription est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande, laisse périmer l'instance ou si sa demande est définitivement rejetée.

8. C'est donc à bon droit que la cour d'appel, après avoir rappelé les termes de la clause du contrat d'assurance relative à la prescription de l'action dérivant du contrat et relevé que ces dispositions étaient claires et complètes quant aux règles de prescription applicables entre l'assureur et l'assurée, notamment quant aux points de départ et aux causes d'interruption, a jugé que la prescription biennale était opposable à l'assurée.

9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Brouzes - Avocat général : Mme Nicolétis - Avocat(s) : SCP de Nervo et Poupet ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles L. 114-1, L. 114-2 et R. 112-1 du code des assurances.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 18 avril 2013, pourvoi n° 12-19.519, Bull. 2013, II, n° 83 (cassation).

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