Numéro 2 - Février 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2022

SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE

3e Civ., 16 février 2022, n° 20-15.164, (B), FS

Rejet

Associés – Qualité – Exclusion – Cas – Usufruitier – Prérogatives – Demande de désignation d'un mandataire chargé de provoquer la délibération des associés – Recevabilité

L'usufruitier de parts sociales ne peut se voir reconnaître la qualité d'associé, qui n'appartient qu'au nu-propriétaire, mais peut provoquer une délibération des associés sur une question susceptible d'avoir une incidence directe sur son droit de jouissance.

Les usufruitiers de parts sociales d'une société civile immobilière n'ayant pas soutenu que la question à soumettre à l'assemblée générale avait une incidence directe sur le droit de jouissance des parts dont ils avaient l'usufruit, une cour d'appel a retenu à bon droit que leur demande de désignation d'un mandataire chargé de provoquer la délibération des associés était irrecevable.

Reprise d'instance

1. Mme [P] [J] et M. [W] [J] entendent reprendre l'instance à laquelle [M] [J], décédé le 7 septembre 2020, était partie.

2. En vertu de l'article 617 du code civil, l'usufruit s'éteignant par la mort de l'usufruitier, il ne peut y avoir transmission à cause de mort de ce droit ni d'une action qui en est l'accessoire.

3. Il s'ensuit qu'en application de l'article 384 du code de procédure civile, le décès de [M] [J] a éteint l'instance, en ce qu'elle avait été introduite par lui avant son décès, accessoirement à l'extinction de l'action, de sorte que cette instance ne peut pas être reprise par Mme [P] [J] et M. [W] [J] en leur qualité d'ayants droit du défunt.

Faits et procédure

4. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 11 février 2020), [M] [J] et son épouse, Mme [P] [J], ont eu trois enfants, Mme [X] [J] et MM. [D] et [W] [J].

5. Mmes [P] et [X] [J] et M. [D] [J] ont constitué la société civile immobilière Veuliah (la SCI), dont Mme [X] [J] est gérante.

6. En 2010, Mme [P] [J] a cédé l'ensemble de ses parts à Mme [X] [J] et M. [D] [J].

7. Par acte du 15 janvier 2018, l'usufruit d'une partie des parts sociales a été cédé à [M] [J] et Mme [P] [J].

8. En mai 2018, à l'occasion d'une augmentation du capital social, M. [W] [J] a acquis des parts sociales dont l'usufruit a été attribué à [M] [J] et Mme [P] [J].

9. Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 14 janvier 2019, [M] [J] et Mme [P] [J] ont demandé à la gérante de provoquer la délibération des associés concernant la révocation de Mme [X] [J] de ses fonctions de gérante et la nomination de co-gérants.

10. Exposant que Mme [X] [J] avait gardé le silence, [M] [J], Mme [P] [J] et M. [W] [J] ont assigné, sur le fondement de l'article 14 des statuts de la SCI et de l'article 39 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978, Mme [X] [J], M. [D] [J] et la SCI aux fins de voir désigner un mandataire chargé de provoquer la délibération des associés à l'effet de statuer sur la révocation de Mme [X] [J] de ses fonctions de gérante et la nomination de co-gérants.

11. [M] [J] est décédé le 7 septembre 2020.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, ci-après annexé

12. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, pris en sa deuxième branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation et sur ce moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, qui sont irrecevables.

Sur le moyen, pris en sa première branche, après avis de la chambre commerciale, pris en application de l'article 1015-1 du code de procédure civile

Enoncé du moyen

13. Mme [P] [J] et M. [W] [J] font grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance entreprise, en ce qu'elle a déclaré irrecevable la demande de [M] [J] et de Mme [P] [J] tendant à la désignation d'un mandataire, alors « que l'usufruitier de parts sociales a la qualité d'associé ; et qu'en posant en principe que, dans le silence de la loi, l'usufruitier de parts sociales n'est pas un associé, que dès lors il n'a pas le pouvoir demander au gérant de provoquer la délibération des associés et qu'a fortiori il est irrecevable à saisir le juge du tribunal de grande instance d'une demande tendant à la désignation d'un mandataire chargé de provoquer la délibération des associés, la cour d'appel a violé l'article 1844 du code civil, ensemble l'article 39 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978. »

Réponse de la Cour

14. Aux termes de l'article 578 du code civil, l'usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d'en conserver la substance.

15. Selon l'article 39, alinéas 1er et 3, du décret du 3 juillet 1978, dans sa version applicable, un associé non gérant d'une société civile peut à tout moment, par lettre recommandée, demander au gérant de provoquer une délibération des associés sur une question déterminée. Si le gérant s'oppose à la demande ou garde le silence, l'associé demandeur peut, à l'expiration du délai d'un mois à compter de sa demande, solliciter du président du tribunal, statuant en la forme des référés, la désignation d'un mandataire chargé de provoquer la délibération des associés.

16. Il résulte de la combinaison de ces textes que l'usufruitier de parts sociales ne peut se voir reconnaître la qualité d'associé, qui n'appartient qu'au nu-propriétaire, mais qu'il doit pouvoir provoquer une délibération des associés sur une question susceptible d'avoir une incidence directe sur son droit de jouissance.

17. [M] [J] et Mme [P] [J] n'ayant pas la qualité d'associés et n'ayant pas soutenu que la question à soumettre à l'assemblée générale avait une incidence directe sur le droit de jouissance des parts dont ils avaient l'usufruit, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que leur demande de désignation d'un mandataire chargé de provoquer la délibération des associés était irrecevable.

18. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : Mme Djikpa - Avocat général : Mme Vassallo (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article 578 du code civil ; article 39, alinéas 1et 3, du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 15 septembre 2016, pourvoi n° 15-15.172, Bull. 2016, III, n° 110 (rejet).

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.