Numéro 2 - Février 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2022

SEPARATION DES POUVOIRS

3e Civ., 16 février 2022, n° 21-12.107, (B), FS

Rejet

Compétence judiciaire – Domaine d'application – Litige relatif à un ouvrage public – Qualification – Activité exercée dans l'immeuble – But d'intérêt général – Défaut – Cas

En l'absence de dommage causé par un ouvrage public ou par des travaux publics, le litige relève de la compétence de la juridiction judiciaire.

D'une part, sont des ouvrages publics les biens immeubles résultant d'un aménagement qui sont directement affectés à un service public, y compris s'ils appartiennent à une personne privée chargée de l'exécution de ce service public, ou qui, appartenant à une personne publique, sont affectés à un but d'intérêt général. La qualification d'ouvrage public s'apprécie à la date du fait générateur du dommage imputable à l'ouvrage.

Une cour d'appel a donc retenu, à bon droit, que, si l'acquisition de l'immeuble par des personnes publiques avait été déclarée d'utilité publique, cette déclaration était sans effet sur la qualification de l'activité exercée dans l'immeuble au jour du dommage qui lui était imputé et, ayant relevé qu'il n'était pas établi que l'activité purement commerciale qui y était exercée à cette date remplissait une fonction d'intérêt général, elle en a exactement déduit que l'immeuble ne pouvait être qualifié d'ouvrage public.

D'autre part, ont le caractère de travaux publics les travaux immobiliers répondant à une fin d'intérêt général et qui comportent l'intervention d'une personne publique, soit en tant que collectivité réalisant les travaux, soit comme bénéficiaire de ceux-ci.

Ainsi, ayant souverainement retenu qu'il n'était pas établi que les travaux avaient été effectués dans un but d'intérêt général, une cour d'appel en a exactement déduit qu'ils ne présentaient pas le caractère de travaux publics.

Compétence judiciaire – Domaine d'application – Litige relatif à des travaux publics – Qualification – But d'intérêt général – Appréciation souveraine

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 décembre 2020), les départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin sont propriétaires d'un immeuble situé à [Adresse 12], dans lequel est située « La Maison de l'Alsace ».

2. Après obtention, le 21 juillet 2011, d'un permis de construire, ils ont confié la réalisation de travaux de réhabilitation à un groupement d'entreprises constitué notamment de la société d'économie mixte de Haute-Alsace, aux droits de laquelle vient la société d'économie mixte Citivia, de la société Service conseil expertises territoires (SCET) et de la société Coordination et ordonnancement.

3. Concomitamment à ces travaux, qui ont débuté en juillet 2012, des travaux de restructuration étaient entrepris par la société Vinci immobilier d'entreprise dans l'immeuble situé [Adresse 4].

4. Se plaignant des nuisances générées par ces deux chantiers, les sociétés Valette Aubrac, Cobrac, P. Elysée, VB [Adresse 14], Salon [Adresse 11] et Wolford Paris, exploitant des commerces situés [Adresse 14], ont, après expertise judiciaire, assigné en indemnisation les départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, aux droits desquels vient la Collectivité européenne d'Alsace, et la société Vinci immobilier d'entreprise, sur le fondement de troubles excédant les inconvénients normaux de voisinage.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal et sur le moyen du pourvoi incident, réunis

Enoncé du moyen

5. La Collectivité européenne d'Alsace et la SCET font grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance ayant rejeté l'exception d'incompétence et de déclarer le tribunal judiciaire de Paris compétent pour connaître des demandes présentées contre elles, alors :

« 1°/ qu'un immeuble aménagé appartenant à une personne publique qui a été affecté à une activité d'intérêt général ou à une mission de service public constitue un ouvrage public et demeure un tel ouvrage, quand bien même son utilisation en fait serait devenue différente, en l'absence d'acte juridique d'affectation à une personne privée pour un usage purement privé ; qu'après avoir relevé que, premièrement, la Maison de l'Alsace avait été acquise par le département du Haut-Rhin à la suite de l'intervention d'une déclaration d'utilité publique fondée sur l'objectif de favoriser le développement culturel, social et économique du département du Haut-Rhin, deuxièmement, sa gestion avait fait l'objet d'une convention en 1982 avec une société ayant pour objet l'exposition, la représentation, la présentation de produits régionaux et la propagande touristique de l'Alsace, troisièmement, le restaurant situé au rez-de-chaussée servait notamment des plats alsaciens, l'espace des cinq étages supérieurs était géré par une entreprise alsacienne, les salons proposés à la location étaient en lien avec des grands noms ou marques alsaciennes, les petits-déjeuners étaient proposés avec des produits alsaciens, quatrièmement, le rapport de présentation de la présidente du conseil départemental du Haut-Rhin évoquait l'accueil et la mise en réseau des entreprises ayant un ancrage alsacien, un rôle d'ambassadeur pour faire connaître le territoire alsacien et encourager le développement économique et touristique local, la représentation de l'Alsace dans la capitale et le but de faire de la Maison de l'Alsace une vitrine et un outil au services des entrepreneurs ou innovateurs alsaciens, cinquièmement, la promotion du club des 100, composé d'entreprises alsaciennes était assurée sur le site internet de la Maison de l'Alsace et le rapport d'activité de la société MDA Partners évoquait plusieurs manifestations liées à l'Alsace, ce dont il résultait que la Maison de l'Alsace, dont l'appartenance aux départements et l'aménagement n'étaient pas contestés, était affectée à l'intérêt général et constituait un ouvrage public, la cour d'appel, qui, pour exclure cette qualification, s'est prononcée par des considérations inopérantes relatives à l'usage de l'ouvrage, en fait, comme un restaurant et un centre d'affaires classiques et à l'absence de preuve du maintien de la convention de 1982 comme de l'insuffisance d'éléments de nature à caractériser le maintien actuel d'une mission de service public ou d'une activité d'intérêt général passée, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

2°/ qu'il appartient à celui qui prétend qu'un ancien ouvrage public a perdu cette qualité pour être affecté à une activité privée menée par une personne privée de l'établir ; qu'en mettant à la charge des départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin de prouver le maintien de l'exécution de la convention passée en 1982 pour la gestion de la maison de l'Alsace et le maintien de l'activité de service public ou d'intérêt général qui y était initialement menée, la cour d'appel, inversant la charge de la preuve, a violé l'article 1315 devenu 1353 du code civil et l'article 9 du code de procédure civile ;

3°/ que les travaux portant sur un immeuble appartenant à une collectivité territoriale, réalisés pour le compte de celle-ci et ayant pour objet d'améliorer l'attractivité de cette collectivité, poursuivent un but d'intérêt général et sont des travaux publics ; que dès lors, en retenant, pour écarter la qualification de travaux publics, que les travaux litigieux réalisés sur l'immeuble « Maison de l'Alsace » n'étaient pas relatifs à une mission de service public et qu'ils avaient pour principale fin la restauration, la rénovation, la restructuration et la modernisation de l'immeuble dont l'adresse parisienne était prestigieuse, ce qui n'était pas incompatible avec un intérêt général, et après avoir pourtant constaté qu'il ressortait de l'annonce faite par la direction de l'architecture du conseil général du Haut-Rhin, dans l'avant programme de l'opération éditée au mois de janvier 2007, que les départements des Haut-Rhin et Bas-Rhin avaient « décidé de restructurer l'immeuble afin de dynamiser l'image de l'Alsace véhiculée par cette vitrine » et d'offrir « aux nombreux passants un espace d'exposition dédié à l'Alsace », ce qui caractérisait un lien suffisant avec l'intérêt général, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que les travaux poursuivaient un but d'intérêt général de mise en valeur d'un immeuble destiné à promouvoir le tourisme et le développement économique des départements du Haut- Rhin et du Bas-Rhin et constituaient des travaux publics, violant ainsi l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

4°/ que ni le risque de contrariété de décisions ni la bonne administration de la justice n'autorise le juge judiciaire à porter atteinte au principe de séparation des juridictions judiciaires et administratives en statuant sur un litige relevant de la seule compétence du juge administratif ; qu'en considérant, pour retenir sa compétence, que le trouble causé par les travaux effectués pour le compte des deux départements alsaciens trouvait également sa source dans les travaux réalisés par la société Vinci Immobilier d'Entreprise, personne privée, au sein de l'immeuble sis au [Adresse 4], que les propriétaires pourraient être tenus in solidum à réparation et qu'il était donc dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice que le partage de responsabilité soit examiné pour une seule et même juridiction afin d'éviter une contrariété de décision, la cour d'appel qui s'est fondée sur des circonstances inopérantes, a violé l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

5°/ que les juridictions administratives sont seules compétentes pour apprécier l'existence d'un trouble anormal du voisinage causé par un ouvrage public ou des travaux public et réparer le préjudice qui en résulte ; que dès lors, en affirmant que les juridictions judiciaires étaient seules compétentes pour apprécier le caractère anormal d'un trouble de voisinage et les conséquences commerciales et financières de ces troubles sur l'activité commerciale, privée, des victimes des troubles, y compris lorsqu'il a été causé par un ouvrage public ou des travaux public, la cour d'appel a violé l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III. »

Réponse de la Cour

6. En premier lieu, sont des ouvrages publics les biens immeubles résultant d'un aménagement qui sont directement affectés à un service public, y compris s'ils appartiennent à une personne privée chargée de l'exécution de ce service public, ou qui, appartenant à une personne publique, sont affectés à un but d'intérêt général.

La qualification d'ouvrage public s'apprécie à la date du fait générateur du dommage imputable à l'ouvrage.

7. La cour d'appel a retenu, à bon droit, que, si l'acquisition de l'immeuble par les départements avait été déclarée d'utilité publique par arrêté préfectoral du 18 juillet 1969, cette déclaration était sans effet sur la qualification de l'activité exercée dans l'immeuble au jour du dommage qui lui était imputé.

8. Elle a relevé que, si une convention relative à la concession et à l'exploitation de La Maison de l'Alsace avait été conclue le 29 septembre 1982 entre les départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin et la société Fermière de la Maison de l'Alsace à [Localité 13], les termes de cette convention, conclue plus de trente-huit ans auparavant et dont le caractère encore applicable n'était pas établi, ne permettaient pas de considérer comme acquise l'actuelle affectation de l'immeuble à la mission de service public de promotion de l'Alsace.

9. Elle a souverainement retenu que les simples extraits, produits aux débats, du contrat conclu entre les départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin et la société de droit privé à laquelle avait été confiée l'exploitation du restaurant situé au rez-de-chaussée de l'immeuble étaient dépourvus de valeur probante et constaté que ce restaurant proposait une carte qui, ressemblant à celles des autres grandes brasseries parisiennes, n'était pas caractérisée par la promotion de la gastronomie alsacienne.

10. Ayant constaté que les étages de l'immeuble étaient occupés par des bureaux, salons, salles de réunion et de réception et espaces événementiels gérés par une société de droit privé qui proposait des prestations purement commerciales, que le rapport d'activité de cette société, qui n'était versé aux débats que partiellement, confirmait la vocation commerciale du centre d'affaires et que, si le site internet de La Maison de l'Alsace promouvait le « Club des 100 » qui « compte parmi ses membres toutes les entreprises et institutions qui font bouger l'Alsace », il n'était pas démontré que La Maison de l'Alsace, dont toute entreprise, même non alsacienne, pouvait louer les locaux, contribuait au développement économique des entreprises alsaciennes, la cour d'appel en a souverainement déduit que les espaces des étages de l'immeuble n'étaient dédiés à aucune activité propre de promotion de l'Alsace, exercée directement ou concédée.

11. Ayant, ainsi, relevé que, si l'activité purement commerciale de La Maison de l'Alsace était en lien avec l'Alsace et les Alsaciens, il n'était pas établi qu'elle remplissait une fonction de promotion de l'Alsace, d'intérêt général, la cour d'appel en a exactement déduit, sans inverser la charge de la preuve, que l'immeuble ne pouvait être qualifié d'ouvrage public.

12. En second lieu, ont le caractère de travaux publics les travaux immobiliers répondant à une fin d'intérêt général et qui comportent l'intervention d'une personne publique, soit en tant que collectivité réalisant les travaux, soit comme bénéficiaire de ceux-ci.

13. Ayant constaté, d'une part, que, si l'avant-programme de l'opération de restructuration édité au mois de janvier 2007 par la direction de l'architecture du conseil général du Haut-Rhin mentionnait que la restructuration avait pour but de dynamiser l'image de l'Alsace, les termes mêmes de ce document révélaient que les travaux avaient pour fin principale la restauration, la rénovation, la restructuration et la modernisation de l'immeuble, dont l'adresse était prestigieuse, et non un objectif d'intérêt général et, d'autre part, qu'aucun élément ne démontrait qu'un espace d'exposition spécifiquement dédié à l'Alsace avait été effectivement construit, distinct du restaurant et du centre d'affaires, la cour d'appel, qui a souverainement retenu qu'il n'était pas établi que les travaux avaient été effectués dans un but d'intérêt général, en a exactement déduit qu'ils ne présentaient pas le caractère de travaux publics.

14. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a déduit, à bon droit, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les quatrième et cinquième branches, que, en l'absence de dommage causé par un ouvrage public ou par des travaux publics, le litige relevait de la compétence de la juridiction judiciaire.

15. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : M. Jacques - Avocat général : Mme Vassallo (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Buk Lament-Robillot ; SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés ; SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SCP Spinosi -

Textes visés :

Article 13 de la loi des 16-24 août 1790 ; décret du 16 fructidor an III.

Soc., 16 février 2022, n° 20-21.758, (B), FS

Rejet

Compétence judiciaire – Exclusion – Cas – Application du droit de l'Union européenne – Effet direct – Disposition de nature réglementaire – Déclaration d'inopposabilité erga omnes – Cas

Le juge judiciaire n'est pas compétent pour déclarer inopposable erga omnes une disposition de nature réglementaire, quand bien même il est allégué que cette disposition est incompatible avec une directive de l'Union européenne, une telle action relevant de la juridiction administrative chargée d'appliquer, dans le cadre de sa compétence, les dispositions du droit de l'Union européenne.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 septembre 2020), le syndicat SAT RATP (le syndicat) a saisi le 17 juillet 2019 le tribunal de grande instance de Paris, devenu tribunal judiciaire, pour faire dire et juger que l'article 9 du statut du personnel de la RATP, en ce qu'il institue une condition d'âge maximal de trente-cinq ans pour l'accès à un emploi du cadre permanent, est inopposable en tant qu'il est discriminatoire et contraire à la directive n° 2000/78/CE du Conseil de l'Union européenne, du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail.

2. La RATP a soulevé l'incompétence du juge judiciaire au profit du juge administratif.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Le syndicat fait grief à l'arrêt de se déclarer incompétent et de renvoyer les parties à mieux se pourvoir, alors « que le juge judiciaire est compétent pour déclarer inopposable erga omnes un article du statut du personnel de la RATP en ce qu'il est contraire à une directive ; que la directive 2000/78/CE est d'effet direct et que sa violation par une norme interne peut être constatée ; qu'en estimant le juge judiciaire incompétent pour connaître de la demande de l'exposant visant à ce que l'article 9 du statut du personnel de la RATP soit déclaré inopposable en raison de sa méconnaissance des principes de lutte contre la discrimination posés par la directive n° 2000/78/CE, la cour d'appel a violé les articles 288 du TFUE et 6 de ladite directive. »

Réponse de la Cour

4. Il résulte de l'article 6, paragraphe 1, de la directive n° 2000/78/ CE du Conseil du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail que, nonobstant l'article 2, paragraphe 2, les États membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires.

5. Dès lors que la directive n° 2000/78/ CE du Conseil du 27 novembre 2000 consacre un principe général du droit de l'Union, le juge saisi de demandes fondées sur le caractère discriminatoire, à raison de l'âge, de dispositions à valeur réglementaire fixant une limite d'âge pour l'accès à un emploi ou à un statut, doit, quelle que soit leur date d'effet, rechercher si la différence de traitement fondée sur l'âge est objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif légitime et si les moyens pour réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires.

6. Selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne (CJCE, 9 mars 1978, [N], aff. 106/77) le juge national chargé d'appliquer, dans le cadre de sa compétence, les dispositions du droit communautaire, a l'obligation d'assurer le plein effet de ces normes en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire de la législation nationale, même postérieure, sans qu'il ait à demander ou à attendre l'élimination préalable de celle-ci par voie législative ou par tout autre procédé constitutionnel.

7. En l'absence de règles de l'Union en la matière, il appartient à l'ordre juridique interne de chaque Etat membre, en vertu du principe d'autonomie procédurale, de régler les modalités procédurales des recours en justice destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l'Union (en dernier lieu CJUE, 22 avril 2021, Profi Credit Slovakia, aff. C- 485/19, § 52).

8. Il résulte de l'article 5 du code civil que le juge judiciaire ne peut se prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui lui sont soumises.

9. Par ailleurs, selon une jurisprudence constante du Conseil d'Etat (CE Ass., 3 février 1989, Compagnie Alitalia, n° 74 052), il ressort clairement des stipulations de l'article 189 du traité du 25 mars 1957 que les directives du Conseil des Communautés économiques européennes lient les Etats membres « quant au résultat à atteindre » ; si, pour atteindre ce résultat, les autorités nationales qui sont tenues d'adapter leur législation et leur réglementation aux directives qui leur sont destinées, restent seules compétentes pour décider de la forme à donner à l'exécution de ces directives et pour fixer elles-mêmes, sous le contrôle des juridictions nationales, les moyens propres à leur faire produire leurs effets en droit interne, ces autorités ne peuvent légalement, après l'expiration des délais impartis, ni laisser subsister des dispositions réglementaires qui ne seraient plus compatibles avec les objectifs définis par les directives dont s'agit, ni édicter des dispositions réglementaires qui seraient contraires à ces objectifs.

10. Il en résulte que le juge judiciaire n'est pas compétent pour déclarer inopposable erga omnes une disposition de nature réglementaire, quand bien même il est allégué que cette disposition est incompatible avec une directive de l'Union européenne, une telle action relevant de la juridiction administrative chargée d'appliquer, dans le cadre de sa compétence, les dispositions du droit de l'Union européenne.

11. La cour d'appel, qui a retenu que l'action du syndicat, de nature collective, ne se référait à aucune situation précontractuelle ou contractuelle précise, et ne tendait qu'à obtenir du juge judiciaire une déclaration générale d'inopposabilité erga omnes d'une disposition de nature réglementaire au motif de sa contrariété avec la directive précitée, en a déduit à bon droit que le juge judiciaire n'avait pas compétence pour statuer sur une telle demande.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Huglo - Avocat général : M. Gambert - Avocat(s) : Me Occhipinti ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article 5 du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur la compétence du juge judiciaire pour l'application du droit de l'Union européenne, à rapprocher : Tribunal des conflits, 17 octobre 2011, n° 11-03.828, Bull. 2011. T. conflits, n° 24.

1re Civ., 9 février 2022, n° 19-15.655, n° 20-11.572, n° 20-11.573, n° 20-11.574, n° 20-11.575, n° 20-11.576, n° 20-11.577, n° 20-11.578, n° 20-11.579, n° 20-11.580 et suivants, (B), FS

Rejet

Etranger – Entrée en France – Maintien en zone d'attente – Zone d'attente – Appréciation de la légalité – Compétence juge administratif

Faits et procédure

1.Selon les ordonnances attaquées, rendues par le premier président d'une cour d'appel (Saint-Denis, 20 avril 2019), le 13 avril 2019, un bateau de pêche en provenance d'Indonésie a été intercepté sur les côtes de l'île de La Réunion, avec, à son bord, cent vingt-trois ressortissants sri-lankais. Après leur débarquement, ceux-ci ont été placés dans une zone d'attente temporaire pour une durée de quatre jours.

2. Le 17 avril 2019, le juge des libertés et de la détention a été saisi de demandes de maintien des mesures sur le fondement de l'article L. 222-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA).

Examen des moyens

Sur les premier, deuxième, troisième, sixième, pris en ses première, quatrième et cinquième branches, et septième moyens, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, le deuxième moyen, pris en sa seconde branche, le troisième moyen, le sixième moyen, pris en ses première, quatrième et cinquième branches, le septième moyen, pris en ses cinq premières branches, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation et sur le deuxième moyen, pris en sa première branche, et le septième moyen, pris en sa sixième branche, qui sont irrecevables.

Sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

4. Les auteurs des pourvois font grief aux ordonnances de rejeter les exceptions soulevées et de décider de leur maintien en zone d'attente, alors :

« 1°/ que le juge des libertés et de la détention est compétent pour exercer un contrôle sur l'exercice effectif des droits durant le maintien en zone d'attente ; qu'il est notamment compétent pour contrôler si une zone d'attente élargie a bien été créée par l'autorité administrative compétente à la date du maintien en zone d'attente et pendant sa durée ; qu'en effet, de l'existence de la zone d'attente élargie dépend l'exercice effectif des droits reconnus aux étrangers ; que par ailleurs, un acte réglementaire entre en vigueur le lendemain du jour de sa publication sauf s'il en disposé autrement par l'acte réglementaire ; qu'il résulte de la décision qu'un arrêté préfectoral du 13 avril 2019, publié le même jour, a créé une zone d'attente temporaire sur l'emprise du gymnase [3] à [Localité 8] et qu'une partie des étrangers a été placée en zone d'attente le 13 avril 2019, soit avant l'entrée en vigueur de l'arrêté préfectoral portant création de la zone d'attente élargie, le 14 avril 2019 à minuit ; qu'en considérant que le juge judiciaire n'était pas compétent pour opérer un contrôle sur la préexistence de la zone d'attente, aux maintiens en zone d'attente des ressortissants sri-lankais, lors même que, sans préjuger de la légalité de l'arrêté préfectoral ayant créé la zone d'attente temporaire, la préexistence de la zone d'attente, sur laquelle sont maintenus des étrangers est une condition nécessaire à l'exercice effectif de leurs droits, le délégué du premier président a violé les articles L. 221-2, L. 222-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ensemble la loi des 16 et 24 août 1790 ;

2°/ que les ordonnances de référé n'ont pas, au principal, l'autorité de la chose jugée ; qu'en se fondant sur l'autorité de la chose attachée à la décision du juge des référés administratif du 17 avril 2019 pour écarter le moyen de nullité tiré de l'absence de zone d'attente au 13 avril 2019, le délégué du premier président a violé l'article L. 511-1 du code de justice administrative ;

3°/ que les décisions par lesquelles le juge administratif se déclare incompétent sans statuer sur une demande ne sont pas revêtues de l'autorité de la chose jugée ; qu'en se fondant sur l'autorité de la chose attachée à la décision du juge des référés administratif du 17 avril 2019 après avoir énoncé que le juge administratif s'était déclaré incompétent et avait « rejeté la requête des avocats des migrants au motif qu'il ne lui appartenait pas de remettre en liberté des personnes présentes dans une zone d'attente sans porter une quelconque appréciation sur cette décision », le délégué du premier président a méconnu l'article 1355 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. L'appréciation de la légalité des décisions administratives de placement en zone d'attente ne relève pas de la compétence du juge judiciaire mais de celle du juge administratif.

6. Dès lors, il n'appartenait pas au juge judiciaire, saisi, sur le fondement de l'article L. 222-1, devenu L. 342-1, du CESEDA, d'une demande de maintien au-delà de quatre jours à compter de la décision initiale de placement en zone d'attente, d'apprécier si, à la date de cette décision, l'arrêté préfectoral créant la zone d'attente temporaire était entré en vigueur.

7. Le premier président a relevé qu'il était saisi d'une exception tirée de ce que l'arrêté préfectoral portant création de la zone d'attente temporaire, publié le 13 avril 2019, ne comportait aucune mention permettant son application immédiate et qu'entré en vigueur le 14 avril 2019, il n'était pas opposable aux personnes placées en zone d'attente la veille.

8. Il en résulte que cette exception ne pouvait qu'être écartée.

9. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1, et 1015 du code de procédure civile, la décision attaquée se trouve légalement justifiée de ce chef.

Sur le cinquième moyen

Enoncé du moyen

10. Les auteurs des pourvois font le même grief aux ordonnances, alors :

« 1°/ que le juge judiciaire ne saurait prolonger le maintien d'un étranger en zone d'attente, lorsqu'elle n'est pas délimitée conformément à la loi ; que dans cette hypothèse, il est en effet nécessairement porté atteinte à l'exercice effectif des droits de l'étranger ; qu'il en est plus particulièrement ainsi, lorsque la zone d'attente temporaire n'est pas raccordée juridiquement au point frontalier le plus proche, et qu'ainsi, l'étranger ne peut exercer son droit à quitter à tout moment la zone d'attente ; que par ailleurs, lorsqu'il est manifeste qu'un groupe d'au moins dix étrangers vient d'arriver en France en dehors d'un point de passage frontalier, en un même lieu ou sur un ensemble de lieux distants d'au plus dix kilomètres, la zone d'attente s'étend, pour une durée maximale de vingt-six jours, du ou des lieux de découverte des intéressés jusqu'au point de passage frontalier le plus proche ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué que l'arrêté préfectoral, portant création d'une zone d'attente ad hoc, portait sur la seule emprise du gymnase [3] à [Localité 8] ; qu'en prolongeant le maintien en zone d'attente des étrangers sur une telle zone d'attente, qui n'était pas raccordée au point frontalier le plus proche, et partant, qui ne permettait pas à l'étranger d'exercer son droit de quitter à tout moment la zone d'attente, tout départ du gymnase impliquant son entrée sur le territoire, le délégué du premier président a violé les articles L. 221-2 et L. 222- 1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers ;

2°/ que la zone d'attente est délimitée par l'autorité administrative compétente ; que lorsqu'il est manifeste qu'un groupe d'au moins dix étrangers vient d'arriver en France en dehors d'un point de passage frontalier, en un même lieu ou sur un ensemble de lieux distants d'au plus dix kilomètres, la zone d'attente s'étend, pour une durée maximale de vingt-six jours, du ou des lieux de découverte des intéressés jusqu'au point de passage frontalier le plus proche ; qu'il résulte ainsi de l'article L. 221-2 du même code que dans cette hypothèse, un arrêté préfectoral doit délimiter une zone d'attente dite élargie qui doit s'étendre du ou des lieux de découverte des intéressés jusqu'au point de passage frontalier le plus proche ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que l'arrêté préfectoral, portant création d'une zone d'attente ad hoc, portait sur la seule emprise du gymnase [3] à [Localité 8] ; qu'en jugeant que la zone d'attente délimitée par l'arrêté préfectoral pouvait ne concerner qu'un gymnase, dès lors qu'il était situé à 3 km d'un aéroport, sans qu'il soit nécessaire pour l'autorité administrative de prendre une décision administrative particulière pour que cette zone s'étende jusqu'au point de passage frontalier, le délégué du premier président a violé l'article L. 221-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers. »

Réponse de la Cour

11. Après avoir énoncé à bon droit qu'il n'appartient pas au juge judiciaire d'apprécier par la voie de l'exception un acte administratif autre que celui pour lequel le législateur l'a expressément reconnu compétent, le premier président en a exactement déduit qu'il n'entrait pas dans son office d'apprécier si l'arrêté préfectoral portant création d'une zone d'attente temporaire était suffisamment précis s'agissant de la délimitation de cette zone.

12. Le moyen, qui critique des motifs surabondants, est inopérant.

Sur le sixième moyen pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

13. Les auteurs des pourvois font le même grief aux ordonnances, alors :

« 2°/ que l'étranger maintenu en zone d'attente a le droit à l'assistance d'un interprète, lors de ses entretiens avec son avocat ; qu'en considérant que la mise à disposition obligatoire de l'interprète est limitée aux actes de procédure de non admission et qu'en dehors de cette hypothèse, le texte de l'article R. 221-3 ne prévoit pas l'obligation pour l'administration de mettre à disposition un interprète et de le rétribuer, la charge incombant dès lors à l'étranger, le délégué du premier président de la cour d'appel, qui a ainsi dénié tout droit à l'interprète à l'étranger durant ses entretiens avec un avocat, hors des actes de procédure de non admission, a violé les articles L. 221-4 et R. 221-3 du CESEDA.

3°/ qu'en tout état de cause, s'il était considéré que l'article R. 221-3 du CESEDA déniait tout droit à l'interprète du maintenu en zone d'attente, hors des actes de procédure de non admission, les droits de la défense impliquent nécessairement que le droit à l'assistance d'un avocat s'accompagne du droit à un interprète ; que dès lors, l'article précité, en ce qu'il méconnaît les droits de la défense, doit être écarté ; que dès lors en se fondant sur ce texte pour dénier tout droit à l'interprète des maintenus en zone d'attente, hors des actes de la procédure de non-admission, le délégué du premier président de la cour d'appel a violé l'article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

14.Selon l'article L. 221-4, alinéa 1, devenu L. 343-1, du CESEDA, l'étranger placé en zone d'attente est informé, dans les meilleurs délais, qu'il peut demander l'assistance d'un interprète et communiquer avec un conseil.

15. Aux termes de l'article R. 221-3, devenu R. 434-1, du même code, l'administration met un interprète à la disposition des étrangers maintenus en zone d'attente qui ne comprennent pas le français, dans le seul cadre des procédures de non-admission dont ils font l'objet. Dans les autres cas, la rétribution du prestataire est à la charge de l'étranger.

16. Il résulte de ces textes, d'une part, que l'étranger placé en zone d'attente dispose d'un droit de communiquer avec un conseil et non d'un droit à l'assistance d'un avocat pendant son maintien en zone d'attente, d'autre part, que, l'administration n'étant tenue de mettre à disposition et de rétribuer l'interprète que pour les procédures de non-admission, il appartient à l'étranger qui souhaite bénéficier d'une prestation d'interprétariat, en particulier lors de la venue de son avocat, d'en faire la demande, l'autorité administrative devant alors prendre les dispositions nécessaires afin que l'avocat et l'interprète puissent être contactés par l'étranger et qu'ils soient en mesure d'accéder à la zone d'attente à tout moment.

17. Ayant retenu que l'administration avait respecté son obligation de mettre à disposition des interprètes pour les actes de procédure de non-admission, et énoncé à bon droit qu'une telle obligation ne lui incombait pas lorsque les avocats se présentaient en zone d'attente, le premier président, qui n'était pas saisi d'une contestation portant sur une impossibilité pour les interprètes d'accéder à la zone d'attente, a exactement retenu que le moyen tiré du défaut d'interprétariat lors des entretiens avec les avocats, venus communiquer avec les étrangers maintenus en zone d'attente, devait être rejeté.

18. Le moyen, inopérant en sa troisième branche, en ce qu'il se prévaut d'un droit à l'assistance d'un avocat en zone d'attente, non prévu par la loi, n'est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Feydeau-Thieffry - Avocat général : Mme Marilly - Avocat(s) : SCP Zribi et Texier -

Textes visés :

Articles L. 222-1, devenu L. 342-1, L. 221-4, alinéa 1, devenu L. 343-1 et R. 221-3, devenu R. 434-1, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

1re Civ., 2 février 2022, n° 20-21.617, (B), FS

Cassation partielle sans renvoi

Gestion de l'amarrage des navires – Mission de service public administratif – Action en responsabilité – Compétence du juge administratif

La gestion de l'amarrage des navires dans un port de pêche, constitue une mission de service public administratif, de sorte qu'une action en responsabilité au titre de cette activité ne relève pas de la compétence de la juridiction judiciaire.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 7 avril 2020), la chambre de commerce et d'industrie des Côtes d'Armor (la CCI) est chargée de l'exploitation du port de pêche de [12], selon convention de délégation de service public.

2. Dans la nuit du 27 au 28 mars 2016, un coup de vent s'est abattu sur le port et les amarres du navire [8] se sont rompues, provoquant des abordages en chaîne entre les navires Trugarez, Men Bret, Bas de l'eau, Opter Noz, Condor V et L'Océthan, amarrés au même ponton.

3. Les 19, 25 et 29 mars 2019, certains assureurs et propriétaires des navires ont assigné l'armateur et l'assureur du navire Discovery en responsabilité et indemnisation. M. [V], propriétaire du Condor V, M. [J], propriétaire de L'Océthan, et la société Swiss International, assureur de ces navires, ont également assigné la CCI aux motifs qu'elle avait commis des fautes en permettant à un trop grand nombre de navires de s'amarrer à un même poste et en s'abstenant d'avoir pris les mesures de prévention nécessaires alors qu'un coup de vent était annoncé.

Les instances ont été jointes et la CCI a soulevé une exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative, s'agissant des demandes dirigées contre elle.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La CCI fait grief à l'arrêt de déclarer la juridiction judiciaire compétente pour connaître des demandes dirigées contre elle et de renvoyer l'affaire devant le tribunal de commerce, alors « que la gestion de l'amarrage des navires dans un port de pêche ou de commerce est une mission de service public à caractère administratif ; qu'après avoir relevé que l'action en responsabilité dirigée contre la CCI était fondée sur une prétendue faute consistant à « avoir permis à un trop grand nombre de navires de s'amarrer à un même poste », ce dont il résultait qu'était invoquée une faute dans la mission de l'amarrage des navires, la cour d'appel a toutefois considéré que l'action en responsabilité relevait d'un litige entre les usagers et le gestionnaire d'un service public industriel et commercial ; qu'en statuant ainsi la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a violé la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires. »

Réponse de la Cour

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III :

5. La gestion de l'amarrage des navires dans un port de pêche constitue une mission de service public administratif, de sorte qu'une action en responsabilité au titre de cette activité ne relève pas de la compétence de la juridiction judiciaire.

6. Pour dire la juridiction judiciaire compétente pour juger des demandes dirigées contre la CCI, après avoir relevé que celles-ci étaient fondées sur une faute consistant à avoir permis à un trop grand nombre de navires de s'amarrer à un même poste, l'arrêt retient que le service de mise à disposition des professionnels de la pêche des installations portuaires nécessaires à leur activité économique et industrielle est un service industriel et commercial.

7. En statuant sur ces demandes, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

8. Comme suggéré en demande, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

9. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare la juridiction judiciaire compétente pour connaître des demandes dirigées contre la chambre de commerce et d'industrie des Côtes d'Armor, l'arrêt rendu le 7 avril 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare la juridiction judiciaire incompétente pour connaître des demandes dirigées contre la chambre de commerce et d'industrie des Côtes d'Armor ;

Renvoie, sur ce point, les parties à mieux se pourvoir.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Serrier - Avocat général : M. Poirret (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Le Bret-Desaché ; SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Loi des 16-24 août 1790 ; décret du 16 fructidor an III.

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