Numéro 2 - Février 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2022

SECURITE SOCIALE, CONTENTIEUX

2e Civ., 17 février 2022, n° 20-15.251, (B), FRH

Rejet

Contentieux général – Procédure – Procédure gracieuse préalable – Commission de recours amiable – Décision – Décision de rejet – Contestation – Nouvelle décision en cours de procédure – Recours amiable préalable – Nécessité

Il résulte des articles R. 142-1, alinéas 1 et 2, et R. 142-18, alinéa 1, du code de la sécurité sociale, que le juge du contentieux de la sécurité sociale ne peut être saisi d'un recours qu'après que le litige a fait l'objet d'une réclamation soumise à la commission de recours amiable de l'organisme de sécurité sociale compétent.

Lorsque le recours exercé à l'encontre d'une décision de rejet de la demande de prise en charge d'une maladie au titre de la législation professionnelle est recevable, la juridiction, régulièrement saisie d'une demande de reconnaissance du caractère professionnel de cette maladie, doit statuer sur la demande, et la victime n'est pas tenue de former un nouveau recours à l'encontre d'une seconde décision de rejet notifiée par l'organisme de sécurité sociale en cours de procédure judiciaire.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 18 février 2020), par décision du 23 avril 2015, la caisse primaire d'assurance maladie de la Marne (la caisse) a refusé de prendre en charge, au titre de la législation professionnelle, la maladie déclarée le 21 novembre 2014 par M. [T] (la victime), salarié de la société [5], aux droits de laquelle vient la société [4], aux motifs que la maladie n'était pas inscrite dans l'un des tableaux des maladies professionnelles et que la victime ne présentait pas un taux d'incapacité permanente au moins égal à 25 %.

2. A la suite de la décision de la commission de recours amiable du 2 juillet 2015, la victime a saisi, le 21 octobre 2015, une juridiction de sécurité sociale.

3. Par décision du 4 octobre 2017, après avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, la caisse a pris une seconde décision de refus de prise en charge de la maladie déclarée par la victime.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La caisse fait grief à l'arrêt de déclarer recevable le recours de la victime à l'encontre de la décision de la caisse notifiée le 4 octobre 2017, alors :

« 1°/ qu'en l'absence de contestation dans les conditions posées par les articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, la décision par laquelle une caisse primaire d'assurance maladie refuse la prise en charge d'une affection au titre de la législation professionnelle s'impose à l'assuré et rend irrecevable la demande, formée devant le juge, et visant à la prise en charge de la même affection au titre de la législation professionnelle ; qu'en retenant au cas d'espèce, pour déclarer la demande de l'assuré recevable, que la reconnaissance implicite de l'affection déclarée rendait sans objet la décision explicite de refus, la cour d'appel a violé les articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, ensemble les règles gouvernant l'autorité de la chose décidée ;

2°/ que le tribunal des affaires de sécurité sociale ne peut être saisi d'une réclamation contre une décision d'un organisme de sécurité sociale qu'après que celle-ci a été soumise à la commission de recours amiable de cet organisme ; que l'assuré qui sollicite devant le juge la reconnaissance implicite d'une affection au titre de la législation professionnelle doit, au préalable, contester la décision explicite de refus qui lui a été opposée devant la commission de recours amiable ; qu'en retenant au cas d'espèce, pour déclarer la demande recevable, que la reconnaissance implicite de l'affection déclarée rendait sans objet la décision explicite de refus, la cour d'appel a violé les articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale ;

3°/ que le juge ne peut se prononcer sur le bien-fondé d'une demande qu'après avoir établi, au préalable, sa recevabilité ; qu'au cas d'espèce, les juges du fond ont considéré que la demande de prise en charge de l'affection était fondée, puis en ont déduit qu'elle était recevable ; que dès lors, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile, ensemble les articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale ;

4°/ que le juge ne peut déclarer une demande recevable en se basant sur des considérations liées à son bien-fondé ; qu'au cas d'espèce, les juges du fond ont considéré que la demande de prise en charge de l'affection était fondée, puis en ont déduit qu'elle était recevable ; que dès lors, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile, ensemble les articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte des articles R. 142-1, alinéas 1 et 2, et R. 142-18, alinéa 1, du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, que le juge du contentieux de la sécurité sociale ne peut être saisi d'un recours qu'après que le litige a fait l'objet d'une réclamation soumise à la commission de recours amiable de l'organisme de sécurité sociale compétent.

6. Lorsque le recours exercé à l'encontre d'une décision de rejet de la demande de prise en charge d'une maladie au titre de la législation professionnelle est recevable, la juridiction, régulièrement saisie d'une demande de reconnaissance du caractère professionnel de cette maladie, doit statuer sur la demande, et la victime n'est pas tenue de former un nouveau recours à l'encontre d'une seconde décision de rejet notifiée par l'organisme de sécurité sociale en cours de procédure judiciaire.

7. Pour déclarer recevable le recours de la victime dirigé contre la décision de rejet du 23 avril 2015, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que la caisse ne justifie pas que la décision de la commission de recours amiable du 2 juillet 2015 avait été notifiée à la victime, de sorte que celle-ci devait être considérée comme n'ayant pas été informée des délais de recours, et en déduit que le délai de forclusion n'avait pas commencé à courir.

8. Il s'ensuit que régulièrement saisie d'une contestation contre la décision de rejet du 23 avril 2015, il appartenait à la cour d'appel de se prononcer sur le caractère professionnel de la maladie, de sorte que la victime n'était pas tenue de former un nouveau recours à l'encontre de la seconde décision de rejet du 4 octobre 2017, notifiée en cours de procédure.

9. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1, et 1015 du code de procédure civile, la décision attaquée se trouve légalement justifiée.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

10. La caisse fait grief à l'arrêt de dire que la pathologie déclarée par la victime devait être prise en charge au titre de la législation professionnelle, alors « que la prise en charge, par la caisse, d'une maladie hors tableau, ne peut faire l'objet d'une reconnaissance implicite ; qu'en retenant au cas d'espèce que l'assuré pouvait se prévaloir d'une décision implicite de prise en charge quand elle constatait que l'affection déclarée n'était pas inscrite dans un tableau des maladies professionnelles, la cour d'appel a violé les articles L. 461-1, R. 441-10, R. 441-14, dans leur rédaction applicable au litige, et R. 461-9, alors applicable, du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

11. La victime soulève l'irrecevabilité du moyen, comme étant nouveau, mélangé de fait et de droit.

12. Cependant, le moyen, qui est de pur droit en tant qu'il ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond, est recevable.

Bien-fondé du moyen

13. Il résulte des articles R. 441-10 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable à la date de déclaration de la maladie professionnelle, que la caisse dispose d'un délai de trois mois à compter de la date à laquelle elle a reçu la déclaration de la maladie professionnelle et le certificat médical initial pour statuer sur le caractère professionnel de la maladie.

La victime, qui n'a pas été informée avant l'expiration de ce délai de la nécessité d'examen ou d'enquête complémentaire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, peut invoquer une décision de prise en charge implicite.

14. Ayant souverainement apprécié que la caisse n'apporte pas la preuve que le courrier du 19 février 2015, par lequel la caisse informait la victime du recours à un délai complémentaire, avait été envoyé à celle-ci, de sorte que le délai d'instruction de la demande avait été dépassé, la caisse ayant statué par décision du 23 avril 2015, l'arrêt en a exactement déduit la reconnaissance implicite du caractère professionnel de la maladie non inscrite dans un tableau des maladies professionnelles.

15. Le moyen, qui se fonde sur un texte abrogé au jour de la déclaration de la maladie par la victime, n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Dudit - Avocat général : M. Halem - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; Me Balat -

Textes visés :

Articles R. 142-1, alinéas 1 et 2, et R. 142-18, alinéa 1, du code de la sécurité sociale ; articles R. 441-10, R. 441-14 et R. 461-9 du code de la sécurité sociale.

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