Numéro 2 - Février 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2022

SAISIE IMMOBILIERE

2e Civ., 3 février 2022, n° 20-19.522, (B), FRH

Rejet

Adjudication – Prix – Paiement – Défaut – Résolution de la vente – Dispositions applicables

Les dispositions, d'ordre public, de l'article L. 322-12 du code des procédures civiles d'exécution, qui prévoient qu'à défaut de versement du prix ou de la consignation et du paiement des frais, la vente est résolue de plein droit, impliquent que si elle peut être demandée à titre principal, en cas de défaut de paiement du prix, la résolution de la vente ne peut l'être que sur le fondement des dispositions spéciales du code des procédures civiles d'exécution, qui dérogent à celles du droit commun de la vente, et tant que le prix de vente n'a pas été payé.

Adjudication – Prix – Paiement – Défaut – Résolution de la vente – Conditions

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 25 juin 2020), sur des poursuites à fin de saisie immobilière engagées contre M. et Mme [L] par la société Compagnie de financement foncier (la CFF) le 2 avril 2013, par jugement du 15 janvier 2014, confirmé par arrêt du 19 novembre 2015, un juge de l'exécution a adjugé le bien à la société Beuvelet gestion investissement (la société BGI).

2. Les 15 et 16 juin 2015, M. et Mme [L] ont assigné les sociétés CFF et BGI devant un tribunal de grande instance à fin de voir constater, et subsidiairement prononcer, la résolution de cette vente pour défaut de paiement du prix dans le délai de deux mois.

3. La totalité du prix d'adjudication a été consignée le 18 octobre 2016.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. M. et Mme [L] font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande tendant à ce que soit constatée, en application de l'article L. 322-12 du code des procédures civiles d'exécution, ou prononcée, en application de l'article 1654 du code civil, la résolution du jugement de vente rendu le 15 janvier 2014 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Versailles, alors « que l'action en résolution d'une vente forcée peut être engagée sur le fondement des dispositions du code civil ; qu'en déboutant les époux [L] de leur demande en résolution de la vente selon le droit commun, motif pris de leur qualité de vendeurs contraints par une mesure d'exécution, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 1654 du code civil. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article L. 322-12 du code des procédures civiles d'exécution, à défaut de versement du prix ou de sa consignation et de paiement des frais, la vente est résolue de plein droit.

7. En application de cet article, ce n'est qu'en l'absence de consignation ou de versement du prix et de paiement des frais à la date où le juge statue que la résolution de la vente peut être constatée, à l'occasion de la procédure de réitération des enchères ou par une action tendant à cette seule résolution.

8. Ces dispositions, d'ordre public, impliquent que si elle peut être demandée à titre principal en cas de défaut de paiement du prix, la résolution de la vente ne peut l'être que sur le fondement des dispositions spéciales du code des procédures civiles d'exécution, qui dérogent à celles du droit commun de la vente, et tant que le prix de vente n'a pas été payé.

9. En conséquence, par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Dumas - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article L. 322-12 du code des procédures civiles d'exécution.

2e Civ., 3 février 2022, n° 20-20.355, (B), FRH

Cassation sans renvoi

Créancier poursuivant – Responsabilité – Responsabilité vis à vis du débiteur – Applications diverses

Après avoir délivré un commandement de payer valant saisie immobilière, le créancier poursuivant ne peut, sauf abus de saisie, voir sa responsabilité engagée en raison de ce qu'il aurait tardé à répondre, avant le jugement d'orientation autorisant la vente amiable, à une sollicitation du débiteur saisi tendant à l'autoriser à vendre amiablement le bien saisi.

Créancier poursuivant – Négligences – Applications diverses

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué et les productions (Paris, 23 juillet 2020), sur le fondement d'un jugement du 11 décembre 2014, le Crédit foncier de France (la banque) a fait délivrer à M. [Z] et Mme [L], le 3 août 2015, un commandement de payer valant saisie immobilière sur un bien immobilier leur appartenant. Ce commandement a été publié le 22 septembre 2015.

2. Le 12 octobre 2015, un notaire a adressé à la banque une lettre indiquant que M. [Z] et Mme [L] envisageaient de vendre l'immeuble saisi et a sollicité de la banque qu'elle l'informe du montant de sa créance.

Le 2 novembre 2015, M. [Z] s'est personnellement adressé à la banque pour connaître le montant actualisé de sa créance et obtenir son accord en vue de procéder à la vente amiable du bien saisi.

3. La banque a indiqué, par lettre du 6 novembre 2015, ne pas s'opposer sur le principe à la vente amiable du bien.

4. Le 20 novembre 2015, la banque a assigné M. [Z] et Mme [L] à une audience d'orientation.

5. Par un jugement du 26 juillet 2016, un juge de l'exécution a fixé la créance de la banque à une certaine somme et autorisé M. [Z] et Mme [L] à vendre amiablement leur bien.

6. Le 15 mai 2017, le juge de l'exécution a constaté l'absence de réalisation de la vente au prix déterminé par la juridiction et a fixé la date de la vente forcée au 14 novembre 2017.

7. Reprochant à la banque d'avoir compromis la réalisation d'une vente amiable d'un prix supérieur au prix d'adjudication, M. [Z] et Mme [L] ont assigné la banque en réparation de leur préjudice.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. Le Crédit foncier de France fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à M. [Z] et à Mme [L] la somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts, outre une indemnité de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que tout créancier poursuivant est libre de déterminer les modalités de recouvrement de sa créance et d'exercer les droits dont il dispose dans le cadre de la procédure de saisie immobilière selon ce qu'il estime être le plus conforme à ses intérêts ; que le créancier ayant initié une procédure de saisie ne saurait par conséquent voir sa responsabilité engagée à l'égard de son propre débiteur pour avoir refusé de consentir à la vente amiable du bien saisi ou pour ne pas avoir accédé suffisamment tôt à la demande du débiteur tendant à être autorisé à procéder à cette vente, motif pris qu'il en allait de son intérêt ou de l'intérêt de son débiteur ; qu'en jugeant cependant que le Crédit Foncier de France avait commis une « faute de négligence » en ne répondant pas avec suffisamment de célérité aux courriers par lesquels le notaire des époux [Z] avait sollicité son accord afin qu'il soit procédé à la vente amiable du bien dont il avait entrepris la saisie, au motif qu'un tel retard était de nature à dissuader l'acquéreur avec lequel les époux [Z] étaient en négociation, la cour d'appel a violé l'article 1382 (devenu 1240) du code civil, ensemble les articles L. 111-1 et L. 111-7 du code des procédures civiles d'exécution. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 111-1, L. 111-7 et L. 321-1 du code des procédures civiles d'exécution :

9. Selon les deux premiers de ces textes, tout créancier peut, dans les conditions prévues par la loi, contraindre son débiteur défaillant à exécuter ses obligations à son égard.

Le créancier a le choix des mesures propres à assurer l'exécution ou la conservation de sa créance.

L'exécution de ces mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l'obligation.

10. Aux termes de l'article L. 321-1 du code des procédures civiles d'exécution, l'acte de saisie rend l'immeuble indisponible.

11. Selon les articles R. 322-15, R. 322-17 et R. 322-20 du code des procédures civiles d'exécution, le débiteur saisi peut demander au juge de l'exécution l'autorisation de vendre amiablement le bien, y compris avant la signification de l'assignation à comparaître à l'audience d'orientation.

12. Il en résulte que, après avoir délivré un commandement de payer valant saisie immobilière, le créancier poursuivant ne peut, sauf abus de saisie, voir sa responsabilité engagée à raison de ce qu'il aurait tardé à répondre, avant le jugement d'orientation autorisant la vente amiable, à une sollicitation du débiteur saisi tendant à l'autoriser à vendre amiablement le bien saisi.

13. Pour condamner la banque à payer à M. [Z] et Mme [L] la somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient, d'une part, que la banque prétendant ne pas avoir reçu le courrier du 21 septembre 2015, le délai pris pour y répondre n'est pas admissible, le retard pris étant de nature à décourager l'acheteur, d'autre part, que même si le prix n'était pas mentionné dans les lettres du notaire, la banque pouvait subordonner son accord à la mise en vente au prix qu'il lui appartenait de fixer et qu'enfin, le fait qu'elle était en droit de refuser la vente amiable et qu'une procédure de saisie rendait le bien indisponible n'expliquent pas sa négligence.

14. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

15. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

16. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

17. Il résulte de ce qui est dit au paragraphe 12 que la banque n'a pas commis de faute en répondant tardivement à la proposition de vente amiable des débiteurs saisis.

Le jugement du 23 mai 2018 doit donc être confirmé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 juillet 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du 23 mai 2018 rendu par le tribunal de grande instance de Paris.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Jollec - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; Me Le Prado -

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