Numéro 2 - Février 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2022

PRUD'HOMMES

Soc., 2 février 2022, n° 19-21.810, (B), FRH

Rejet

Procédure – Représentation des parties – Personnes habilitées – Mandataire – Défenseur syndical – Effets – Appel – Accomplissement des actes de la procédure d'appel – Remise au greffe – Remise au nom du défenseur syndical – Possibilité – Détermination – Portée

Il résulte de l'article R. 1461-1, alinéa 2, et de l'article R. 1453-2, 2°, du code du travail, selon lesquels en matière prud'homale les actes de la procédure d'appel qui sont mis à la charge de l'avocat sont valablement accomplis par le défenseur syndical, et de l'article 930-2, alinéa 2, du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-1008 du 10 mai 2017, selon lequel les actes de procédure effectués par le défenseur syndical peuvent être établis sur support papier et remis au greffe, que la remise de l'acte peut être effectuée au greffe au nom du défenseur syndical, par toute personne qu'il a mandatée à cette fin.

Procédure – Appel – Acte de procédure – Remise au greffe – Remise au nom du défenseur syndical – Possibilité – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon les arrêts attaqués ([Localité 3], 17 novembre 2017 et 26 juin 2019),

Mme [R] a été engagée le 29 avril 2002 en qualité de professeur de mathématiques par la société Sogedec, aux droits de laquelle vient la société ESGCV (la société). Elle s'est présentée aux élections de délégués du personnel puis au comité d'entreprise de l'UES dont dépend la société en mai et juin 2014 et a bénéficié du statut de salarié protégé du 9 juin 2014 au 9 décembre 2014. Elle a été convoquée le 14 novembre 2014 à un entretien à un éventuel licenciement économique, fixé au 25 novembre 2014.

Le 29 décembre 2014, la société a adressé une demande d'autorisation de licenciement à l'inspecteur du travail qui, par décision du 27 février 2015, s'est déclaré incompétent.

Le 19 mars 2015, la salariée s'est vue notifier son licenciement pour motif économique.

2. La salariée a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes liées à l'exécution de son contrat, auxquelles elle a ajouté en cours de procédure des demandes liées à la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal de la société

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt du 17 novembre 2017 d'infirmer l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 13 septembre 2017 en ce qu'elle avait prononcé la caducité de la déclaration d'appel, de constater que les conclusions de la salariée du 4 avril 2017 avaient été régulièrement déposées au greffe dans le délai prévu par la loi et de dire en conséquence n'y avoir lieu à prononcer la caducité de l'appel, alors « que selon les articles R. 1461-1 et R. 1461-2 du code du travail, l'appel porté devant la chambre sociale de la cour d'appel est formé, instruit et jugé suivant la procédure avec représentation obligatoire et les parties doivent s'y faire représenter par un avocat ou par un défenseur syndical, ce dernier pouvant accomplir valablement les actes de la procédure d'appel qui sont mis à la charge de l'avocat ; qu'il résulte de ces textes et de l'article 930-2 du code de procédure civile que les actes de procédure et notamment les conclusions d'appel ne peuvent être remises au greffe que par le défenseur syndical et non par la partie elle-même ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »

Réponse de la Cour

4. Selon le deuxième alinéa de l'article R. 1461-1 et le 2° de l'article R. 1453-2 du code du travail, en matière prud'homale les actes de la procédure d'appel qui sont mis à la charge de l'avocat sont valablement accomplis par le défenseur syndical.

Selon le second alinéa de l'article 930-2 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-1008 du 10 mai 2017, les actes de procédure effectués par le défenseur syndical peuvent être établis sur support papier et remis au greffe, la remise est constatée par la mention de sa date et le visa du greffier sur chaque exemplaire, dont l'un est immédiatement restitué.

5. Il en résulte que la remise de l'acte peut être effectuée au greffe au nom du défenseur syndical, par toute personne qu'il a mandatée à cette fin.

6. La cour d'appel, qui a relevé qu'en l'absence d'un autre formalisme plus précis les conclusions pouvaient être remises au greffe par toute personne désignée par le défenseur syndical et que tel était bien le cas en l'espèce puisque les conclusions étaient signées par celui-ci et accompagnées d'un courrier de transmission à son entête et revêtu de sa signature, a pu en déduire que les conclusions de la salariée avaient été régulièrement remises au greffe le 4 avril 2017.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen du même pourvoi

Enoncé du moyen

8. La société fait grief à l'arrêt du 26 juin 2019 de fixer le salaire mensuel de la salariée à la somme de 1 886,77 euros pour la période de juillet 2013 à mai 2015, de dire que la salariée avait le statut de cadre à compter du 1er juillet 2013, de la condamner en conséquence à payer à la salariée les sommes de 8 641,58 euros à titre de rappel de salaires et 1 886,67 euros à titre de solde de l'indemnité compensatrice de préavis, de dire que le licenciement de la salariée était sans cause réelle et sérieuse et de condamner en conséquence la société à lui payer la somme de 18 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que la cassation à intervenir sur le premier moyen de l'arrêt du 17 novembre 2017 ayant, à tort, refusé de déclarer caduc l'appel de la salariée entraînera, par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêt du 26 juin 2019 ayant statué au fond sur ses demandes, par application de l'article 625 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

9. Le rejet du premier moyen rend sans objet le second qui tend à une cassation par voie de conséquence.

Sur le moyen du pourvoi incident de la salariée

Enoncé du moyen

10. La salariée fait grief à l'arrêt du 26 juin 2019 de la débouter de sa demande tendant à voir déclarer nul son licenciement et de ses demandes subséquentes en réintégration et en paiement des salaires échus jusqu'à sa réintégration effective, alors :

« 1°/ que le licenciement d'un salarié protégé, prononcé en violation du statut protecteur, est nul ; que l'employeur est tenu de demander l'autorisation administrative de licencier un salarié lorsque ce dernier bénéficie du statut protecteur à la date de l'envoi de la convocation à l'entretien préalable au licenciement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que la salariée bénéficiait du statut de salarié protégé lorsqu'elle avait été convoquée, le 14 novembre 2014, à un entretien préalable à un éventuel licenciement économique ; qu'elle a encore constaté que la demande d'autorisation de rompre le contrat de travail avait été rejetée par l'inspection du travail, par décision du 27 février 2015 ; que dès lors, en refusant de déclarer nul le licenciement de la salariée, la cour d'appel a violé l'article L. 2411-10 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige ;

2°/ que le juge a l'obligation d'analyser les éléments de preuve qui lui sont soumis ; qu'en l'espèce, dans ses écritures d'appel, la salariée faisait valoir que l'employeur avait sciemment retardé la procédure de licenciement pour saisir l'inspection du travail après l'expiration de la période de protection ; qu'à l'appui de sa démonstration, elle produisait les ordres du jour et les procès-verbaux des comités d'entreprise des 7 novembre 2014 et 5 décembre 2014, dont il résultait que la consultation portant sur le projet de licenciement, bien que mise à l'ordre du jour, avait été reportée à deux reprises sans raison légitime ; que lors du comité d'entreprise du 5 décembre 2014 -postérieur à l'entretien préalable et contemporain de la période de protection-, la directrice des ressources humaines, Mme [G], avait reconnu que « le comité d'entreprise [devait] donner un avis mais que cette procédure ne [pouvait] s'effectuer maintenant car elle n'[avait] pas adressé dans les délais requis les documents d'information aux membres du comité » ; que la salariée produisait encore le procès-verbal du comité d'entreprise extraordinaire du 18 décembre 2014, ayant permis la consultation du comité après la fin de la période de protection ; que dès lors, en s'abstenant d'analyser, même sommairement, les éléments de preuve précités, de nature à établir les manoeuvres dilatoires de l'employeur invoquées par la salariée, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que le juge est tenu de répondre aux moyens formulés par les parties dans leurs conclusions ; que dans ses écritures d'appel, la salariée faisait valoir, éléments de preuve à l'appui, que l'employeur n'avait procédé qu'à une recherche de reclassement factice, en lui faisant des offres qu'il savait inacceptables et en s'abstenant de lui proposer les postes disponibles qu'elle aurait pu accepter, ces prétendues démarches, dépourvues de sérieux, ayant pour objectif de retarder la procédure de licenciement pour laisser expirer la période de protection ; que l'employeur avait reconnu le manque de sérieux des offres proposées ; que dès lors, en se bornant à faire état des « démarches effectuées par l'employeur », et en jugeant que la preuve n'était pas rapportée de ce que l'employeur aurait volontairement attendu l'issue de la période de protection pour entamer la procédure de licenciement, sans répondre aux conclusions précitées, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que dans ses conclusions d'appel, la salariée invoquait un faisceau d'éléments dont la conjonction était de nature à établir que l'employeur avait volontairement laissé épuiser la période de protection avant de saisir l'inspection du travail d'une demande d'autorisation de licenciement, sachant qu'il ne pourrait justifier d'un motif économique ; que la salariée faisait valoir qu'elle avait refusé la modification de son contrat de travail dès le 24 juillet 2014, que des démarches de reclassement factices avait permis à l'employeur de repousser l'entretien préalable jusqu'au 25 novembre 2014, que la consultation du comité d'entreprise sur le projet de licenciement, dont l'employeur connaissait la nécessité dès octobre 2014, avait été reportée sans raison valable à deux reprises, que la consultation avait notamment été reportée lors de la réunion du 5 décembre 2014 parce que l'employeur s'était opportunément abstenu de transmettre les éléments nécessaires aux membres du comité, qu'un comité d'entreprise extraordinaire avait finalement été réuni le 18 décembre 2014, que cette opération montée de toutes pièces avait permis la saisine de l'inspection du travail après l'expiration de la période de protection, et que l'employeur avait, avec une célérité tranchant avec sa lenteur et ses atermoiements depuis l'été 2014, licencié la salariée dès le lendemain de la réception de la décision de refus de l'inspecteur ; que dès lors, en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si l'ensemble des éléments précités n'établissait pas que l'employeur avait manoeuvré pour laisser expirer le délai de protection avant de saisir l'inspection du travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2411-10 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

11. En premier lieu, en l'état d'une décision d'incompétence de l'inspecteur du travail, intervenant après la demande faite par l'employeur d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, au motif que celui-ci n'était plus protégé au jour où il statue, décision à l'encontre de laquelle aucun recours n'a été exercé, le juge judiciaire ne peut analyser le licenciement prononcé par l'employeur en un licenciement nul intervenu en violation du statut protecteur.

12. En second lieu, l'arrêt constate qu'il ressort des différents échanges de courriels qu'avant d'entamer la procédure, l'employeur à la suite du refus de celle-ci de subir une baisse de son volume horaire annuel, a recherché des possibilités de reclassement, lesquelles n'ont pas abouti et que le délai qui s'est écoulé entre le refus de la salariée fin août 2014 et la convocation à l'entretien préalable, lequel s'est déroulé le 25 novembre 2014, ne paraît pas excessif au regard des démarches effectuées par l'employeur entre temps,

de sorte qu'il n'est pas démontré que la société ait sciemment retardé la mise en oeuvre de la procédure de licenciement à l'encontre de la salariée.

13. Il en résulte que la cour d'appel, qui en a déduit l'absence de déloyauté de l'employeur par une décision motivée et qui n'était pas tenue d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties, n'encourt pas les griefs du moyen.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Rinuy - Avocat général : Mme Laulom - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; Me Ridoux -

Textes visés :

Article R. 1461-1, alinéa 2, et article R. 1453-2, 2°, du code du travail ; article 930-2, alinéa 2, du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-1008 du 10 mai 2017.

Rapprochement(s) :

Sur les règles de procédure civile applicables lorsqu'un défenseur syndical a été choisi par une partie pour le représenter devant la cour d'appel, à rapprocher : Soc., 8 décembre 2021, pourvoi n° 19-22.810, Bull. 2021, (rejet), et les arrêts cités.

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