Numéro 2 - Février 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2022

PROCEDURES CIVILES D'EXECUTION

2e Civ., 3 février 2022, n° 20-15.420, (B), FRH

Rejet

Règles générales – Titre – Titre exécutoire – Caractérisation

Un jugement d'homologation d'un protocole d'accord, lequel n'est pas annexé au jugement, mais dont les termes sont mentionnés dans ce jugement, constitue un titre exécutoire.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 17 février 2020), par jugement du 25 janvier 2005, un tribunal de commerce a homologué un accord, aux termes duquel M. [U], qui s'était porté caution hypothécaire de la société Socotim dont il était le gérant, s'est engagé à payer au Crédit commercial de France une certaine somme.

2. Le Crédit commercial de France a été racheté par la société HSBC France, laquelle a cédé au Fonds commun de titrisation Hugo créances IV (le FCT) un portefeuille de créances, parmi lesquelles figurait une créance détenue sur la société Socotim.

3. Le 7 juin 2018, le FCT, représenté par la société de gestion GTI Asset management, a fait délivrer à M. [U] un commandement de payer aux fins de saisie-vente sur le fondement du jugement du tribunal de commerce du 25 janvier 2005 puis, le 9 août 2018, lui a dénoncé six procédures de saisie-attributions pratiquées sur les droits d'associé de M. [U] détenus dans les sociétés Ceyoad, PR et Paro, ainsi que sur les créances détenues par lui sur ces sociétés.

4. M. [U] a saisi un juge de l'exécution en mainlevée de ces saisies.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. M. [U] fait grief à l'arrêt, confirmant un jugement, de rejeter la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir du FCT, de dire et juger que le FCT vient bien aux droits de la société HSBC France et a donc qualité pour agir, de dire que le FCT est bien titulaire d'un titre exécutoire qui est le jugement définitif du 25 janvier 2005, alors « que le créancier qui met en oeuvre des voies d'exécution sur le fondement d'un accord transactionnel homologué par le juge doit nécessairement être muni de cet accord, celui-ci constituant le titre exécutoire justifiant les poursuites ; qu'en estimant que le créancier pouvait se borner à produire le jugement d'homologation, qui se suffisait à lui-même, la cour d'appel a violé les articles L. 111-2 et L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution. »

Réponse de la Cour

7. Aux termes de l'article L. 111-3, 1°, du code des procédures civiles d'exécution, constituent des titres exécutoires les décisions des juridictions de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif lorsqu'elles ont force exécutoire, ainsi que les accords auxquels ces juridictions ont conféré force exécutoire.

8. Ayant constaté, d'une part, que le dispositif du jugement d'homologation du protocole d'accord avait mentionné les termes de cet accord selon lesquels M. [U] devait payer une somme forfaitaire transactionnelle et globale d'un montant de 152 450 euros payable en 24 mensualités égales, la première devant intervenir avant le 10 octobre 2004 et les suivantes avant le 10 de chaque mois, le défaut de règlement d'une seule échéance entraînant la déchéance du terme, et relevé, d'autre part, qu'il n'était pas prétendu que l'accord prévoyait des modalités autres que celles mentionnées au dispositif du jugement, la cour d'appel en a exactement déduit que ce jugement, qui conférait force exécutoire à l'accord, constituait un titre exécutoire.

9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

10. Le FCT fait grief à l'arrêt, infirmant un jugement de ce chef, d'ordonner la mainlevée de la saisie des droits d'associé et de la saisie-attribution pratiquées entre les mains de la société Paro le 9 août 2018 et de dire que le FCT, représenté, à cette époque, par la société de gestion GTI Asset management, devra faire procéder à cette mainlevée dans les 8 jours de la signification de l'arrêt d'appel, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé ce délai, alors :

« 1°/ que le créancier a le choix des mesures propres à assurer l'exécution ou la conservation de sa créance ; que l'exécution de ces mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l'obligation ; que la mise en oeuvre de plusieurs saisies ne peut être jugée excessive lorsque le créancier poursuit le paiement d'une dette ancienne à laquelle le débiteur s'est volontairement soustrait ; qu'en l'espèce, le FCT soutenait que la dette était ancienne et qu'il résultait des propres déclarations de M. [U] qu'il s'était volontairement soustrait à son exécution ; qu'en effet, ce dernier prétendait, sans l'établir, que la valeur totale des parts sociales saisies serait de 16 000 000 d'euros, quand le montant de la dette était de 195 665,70 euros ; qu'en ordonnant pourtant la mainlevée de la saisie pratiquées sur les parts sociales de la société Paro, au prétexte que la valeur des parts sociales saisies des SCI Ceyoad et PR serait, respectivement, de 159 932,83 euros et 236 923,075 euros HT, la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles L. 111-7 et L. 121-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

2°/ que le créancier a le choix des mesures propres à assurer l'exécution ou la conservation de sa créance ; que l'exécution de ces mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l'obligation ; que la mise en oeuvre de plusieurs saisies ne peut être jugée excessive lorsqu'aucune d'entre elles n'a encore abouti au paiement de la dette ; qu'en l'espèce, le FCT soutenait, adoptant les motifs du jugement, que quelle que soit la valeur théorique des parts sociales des SCI Ceyoad et PR, il n'était pas certain que leur saisie permettrait de le désintéresser dès lors que leur vente était incertaine et que les trois procédures de saisies-attribution s'étaient révélées infructueuses ; qu'en ordonnant pourtant la mainlevée de la saisie pratiquées sur les parts sociales de la société Paro, au prétexte que la valeur des parts sociales saisies des SCI Ceyoad et PR serait, respectivement, de 159 932,83 euros et 236 923,075 euros HT, la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles L. 111-7 et L. 121-2 du code des procédures civiles d'exécution. »

Réponse de la Cour

11. Il résulte des articles L. 111-7 et L. 121-2 du code des procédures civiles d'exécution qu'une saisie ne doit pas excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l'obligation et que le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile.

12. Après avoir rappelé le montant de la créance de 195 665,70 euros due par M. [U], l'arrêt relève que les parts sociales détenues par ce dernier dans la société Ceyoad peuvent être valorisées à 159 932,83 euros hors taxes, que celles détenues au sein de la société PR peuvent l'être, au minimum, à 236 923,75 euros hors taxes et qu'enfin, celles détenues au sein de la société Paro sont valorisées par M. [U] à 15 000 000 d'euros.

13. En l'état de ces constatations et appréciations souveraines de la valeur des éléments de preuve, la cour d'appel a pu en déduire que les saisies-attributions pratiquées contre les sociétés Ceyoad et PR suffisaient à garantir le paiement de la créance détenue par le FCT et qu'en conséquence, celles pratiquées contre la société Paro n'étaient pas nécessaires et qu'il convenait d'en ordonner la mainlevée.

14. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Jollec - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin ; SCP Delamarre et Jehannin -

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