Numéro 2 - Février 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2022

OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS

1re Civ., 16 février 2022, n° 19-21.504, (B), FS

Cassation partielle

Huissier de justice – Société civile professionnelle – Retrait – Procédure – Appel – Débats – Observations du président de la chambre départementale des huissiers de justice – Nécessité

Il résulte de l'article 89-2 du décret n° 69-1274 du 31 décembre 1969, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2019-966 du 18 septembre 2019, que, lorsqu'un huissier de justice, qui entend se retirer de la société au sein de laquelle il est associé et solliciter sa nomination à un office créé à son intention, a saisi le tribunal de grande instance afin de faire constater la réalité de la mésentente entre associés de nature à paralyser le fonctionnement de celle-ci, le président de la chambre départementale des huissiers de justice est appelé à présenter ses observations à l'audience.

Dès lors, viole ce texte la cour d'appel qui constate la réalité de la mésentente existant entre les associés d'une société civile professionnelle (SCP) d'huissiers, sans relever qu'en appel le président de la chambre départementale des huissiers de justice a été invité à présenter ses observations à l'audience.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 13 juin 2019), le 4 mai 2017, M. [Z] et [S] [O], huissiers de justice associés au sein de la société civile professionnelle [J]-[Z]-[O]-[N]-[F] (la SCP), ont saisi le tribunal de grande instance de demandes visant à voir constater la mésentente des associés de nature à compromettre le fonctionnement de la SCP, sur le fondement de l'article 89-2 du décret n° 69-1274 du 31 décembre 1969 pris pour l'application à la profession d'huissier de justice de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 sur les société civiles professionnelles.

2. M. [N], huissier de justice associé au sein de la SCP, a demandé qu'il soit au préalable statué sur sa demande de retrait par le rachat de la totalité de ses parts sociales par la SCP, formulée le 4 novembre 2016 en application de l'article 34 des statuts de la SCP, et que, en l'absence de réponse de la SCP, l'évaluation de ses parts soit renvoyée, au visa de l'article 1843-4 du code civil, devant le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés aux fins de désignation d'un expert.

3. A la suite du décès de [S] [O], l'instance a été reprise à l'encontre de Mme [A] [O], son héritière.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. M. [N] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes relatives à l'exercice de son droit de retrait, alors « qu'un associé de société civile professionnelle d'huissiers de justice peut se retirer de la société, soit qu'il cède ses parts sociales, soit que la société lui rembourse la valeur de ses parts, et l'exercice par l'associé de son droit de retrait dans ce dernier cas n'est pas subordonné à la présentation par le retrayant d'un tiers cessionnaire ; qu'en retenant le contraire, pour refuser de faire droit à l'action en réalisation forcée de l'obligation de rachat des parts de M. [N] par la SCP, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 18 de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles et, par fausse interprétation, l'article 31 du décret n° 69-1274 du 31 décembre 1969 pris pour l'application à la profession d'huissier de justice de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 sur les sociétés civiles professionnelles, dans sa rédaction applicable à l'espèce, antérieure à celle issue du décret n° 2016-1508 du 9 novembre 2016. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 18 et 21 de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 et 28 et 31 du décret n° 69-1274 du 31 décembre 1969 :

5. Selon le premier de ces textes, un associé peut se retirer de la société, soit qu'il cède ses parts sociales, soit que la société lui rembourse la valeur de ses parts.

En vertu du deuxième, lorsqu'un associé le demande, la société est tenue, soit de faire acquérir ses parts par d'autres associés ou des tiers, soit de les acquérir elle-même, dans les conditions déterminées par le décret particulier à chaque profession.

6. Aux termes du troisième, dans le cas où la société refuse de consentir à la cession, elle dispose d'un délai de six mois à compter de la notification de son refus par lettre recommandée avec demande d'avis de réception pour

notifier, dans la même forme, à l'associé qui persiste dans son intention de céder ses parts sociales et conformément aux dispositions du troisième alinéa de l'article 19 de la loi du 29 novembre 1966 précitée, un projet de cession ou de rachat de celles-ci.

7. Aux termes du quatrième, lorsqu'un associé demande son retrait de la société en cédant la totalité de ses parts sociales, il est procédé conformément aux dispositions des articles 27 et 28.

8. Il en résulte qu'en application des dispositions susvisées de la loi, l'associé a le choix de présenter un tiers cessionnaire ou d'obtenir le remboursement de ses parts sociales par la société et que ce choix n'a pu être remis en cause par des textes réglementaires d'application.

9. Pour rejeter les demandes de M. [N] relatives à l'exercice de son droit de retrait, l'arrêt retient que le retrait d'un associé fondé sur l'article 34 des statuts, qui renvoie aux dispositions des articles 27 et 28 du décret n° 69-1274 du 31 décembre 1969, est subordonné à la cession des parts à un tiers cessionnaire qui est agréé ou pas par la société, laquelle, en cas de refus d'agrément, doit à son tour présenter un projet de cession ou de rachat de ces parts et que la possibilité prévue à l'article 21 de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 n'a été mise en oeuvre que dans le décret n° 2016-1508 du 9 novembre 2016.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

11. M. [N] fait grief à l'arrêt de constater la réalité de la mésentente existant entre les associés de la SCP et de dire que cette mésentente est de nature à compromettre gravement les intérêts sociaux, alors « que le président de la chambre départementale des huissiers de justice est appelé à présenter ses observations à l'audience dans les procédures par lesquelles il est statué sur la réalité de la mésentente entre les associés d'une société civile professionnelle d'huissiers de justice, en vue du retrait de certains d'entre eux ; qu'en statuant sur la mésentente entre les associés de la SCP, sans inviter le président de la chambre départementale des huissiers de justice à présenter ses observations à l'audience, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 89-2 du décret n° 69-1274 du 31 décembre 1969 pris pour l'application à la profession d'huissier de justice de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 sur les sociétés civiles professionnelles. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 89-2 du décret n° 69-1274 du 31 décembre 1969, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2019-966 du 18 septembre 2019 :

12. Selon ce texte, lorsqu'un huissier, qui entend se retirer de la société au sein de laquelle il est associé et solliciter sa nomination à un office créé à son intention dans le ressort du lieu où est situé le siège de la société, a saisi le tribunal de grande instance dans le ressort duquel la société a son siège afin de faire constater la réalité de la mésentente entre associés de nature à paralyser le fonctionnement de celle-ci, le président de la chambre départementale des huissiers de justice est appelé à présenter ses observations à l'audience.

13. Il ne ressort pas des énonciations de l'arrêt, qui constate la réalité de la mésentente existant entre les associés de la SCP, qu'en appel le président de la chambre départementale des huissiers de justice de l'Héraut aurait été invité à présenter ses observations à l'audience.

14. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de M. [N] relatives à l'exercice de son droit de retrait, constate la réalité de la mésentente existant entre les associés de la SCP d'huissiers de justice [J] [Z] [O] [N] [F] et dit que cette mésentente avérée est de nature à compromettre gravement les intérêts sociaux, l'arrêt rendu le 13 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Chevalier - Avocat général : M. Lavigne - Avocat(s) : SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Article 89-2 du décret n° 69-1274 du 31 décembre 1969, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2019-966 du 18 septembre 2019.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.