Numéro 2 - Février 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2022

COPROPRIETE

3e Civ., 9 février 2022, n° 20-22.159, (B), FS

Cassation partielle

Action en justice – Action individuelle des copropriétaires – Action en nullité d'une assemblée générale – Recevabilité – Détermination – Cas – Indivisaire dépourvu de mandat commun

L'action en annulation d'une assemblée générale des copropriétaires engagée, sans mandat commun, par un seul indivisaire, est, sans qu'il y ait lieu à régularisation de l'acte introductif d'instance, rendue recevable par l'effet rétroactif du partage lui attribuant la propriété, depuis le décès de son auteur, des lots de la copropriété.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 septembre 2020), par acte du 29 août 2014, M. [T] et sa soeur, propriétaires en indivision de lots de copropriété, ont assigné le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] et le syndic en annulation de l'assemblée générale des copropriétaires du 23 juin 2014 et, à titre subsidiaire, de l'une de ses résolutions, ainsi qu'en paiement de dommages-intérêts.

2. En vertu d'un acte de partage du 6 juin 2016, M. [T] est devenu seul propriétaire de ces lots de copropriété.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. M. [T] fait grief à l'arrêt de le déclarer irrecevable en son action, alors « que l'acte de partage ayant un effet rétroactif, le co-indivisaire est réputé avoir été propriétaire depuis le décès du de cujus du bien qui lui a été attribué, et l'indivision n'avoir jamais existé ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que, par acte du 29 août 2014, dans le délai prévu par l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965,

Monsieur [V] [T] et Madame [O] [T] ont saisi le tribunal de grande instance de Paris d'une demande d'annulation de l'assemblée générale de la copropriété du [Adresse 1], en date du 23 juin 2014 ; que Madame [O] [T] a par la suite indiqué qu'elle n'avait pas eu connaissance de cette action à laquelle elle ne souhaitait pas participer ; que pour dire que l'acte de partage intervenu le 6 juin 2016 entre Madame [O] [T] et Monsieur [V] [T], aux termes duquel ce dernier s'était vu attribuer la pleine propriété lots n° 89 et 111 dépendant de la copropriété de l'immeuble sis [Adresse 1], n'avait pu régulariser la situation, la cour d'appel a retenu que les dispositions spéciales de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965, imposant que l'action soit introduite par un copropriétaire dans les deux mois de la notification du procès-verbal de l'assemblée, primaient sur les dispositions générales de l'article 126 du code de procédure civile, de sorte que, faute pour Monsieur [V] [T] d'avoir régularisé sa situation dans le délai de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965, son action était irrecevable ; qu'en statuant de la sorte, quand le partage intervenu le 6 juin 2016, soit avant que le juge ne statue, avait eu pour effet de conférer rétroactivement à Monsieur [V] [T] la pleine propriété des lots situés dans la copropriété, de sorte que ce dernier était recevable à agir seul en annulation de l'assemblée générale litigieuse, la cour d'appel a violé l'article 883 du code civil, ensemble les articles 122 et 126 du code de procédure civile, et l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 883, alinéa 1er, du code civil et 42, alinéa 2, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 :

4. Aux termes du premier de ces textes, chaque cohéritier est censé avoir succédé seul et immédiatement à tous les effets compris dans son lot, ou à lui échus sur licitation, et n'avoir jamais eu la propriété des autres effets de la succession.

5. Selon le second, les actions en contestation des décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants, dans un délai de deux mois à compter de la notification qui leur en est faite.

6. Pour déclarer M. [T] irrecevable en son action, l'arrêt retient que l'acte de partage du 6 juin 2016 n'a pas eu pour conséquence de régulariser rétroactivement la situation de ce dernier au regard de la procédure de contestation de l'assemblée générale, les dispositions spéciales de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965, qui imposent que l'action soit introduite par un copropriétaire dans les deux mois de la notification du procès-verbal d'assemblée générale, primant sur les dispositions générales de l'article 126 du code de procédure civile.

7. Il en déduit que M. [T], qui n'a pas régularisé sa situation dans le délai de l'article 42 précité, ne peut se prévaloir du bénéfice des dispositions de l'article 126 du code de procédure civile.

8. En statuant ainsi, alors que par l'effet rétroactif du partage, M. [T] est censé être seul propriétaire des lots de copropriété depuis le décès de son auteur et agir seul en annulation de l'assemblée générale sans qu'il y ait lieu à régularisation de l'acte introductif d'instance, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il met hors de cause Mme [T], l'arrêt rendu le 23 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : M. Jobert - Avocat général : Mme Vassallo (premier avocat général) - Avocat(s) : Me Soltner -

Textes visés :

Article 883, alinéa 1, du code civil ; article 42, alinéa 2, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965.

3e Civ., 9 février 2022, n° 21-11.197, (B), FS

Cassation partielle

Syndic – Obligations – Compte bancaire ou postal séparé – Défaut – Effets – Nullité du mandat du syndic – Action en constatation – Qualité pour agir – Détermination

La demande de constatation de la nullité de plein droit du mandat du syndic, faute pour celui-ci d'avoir ouvert un compte bancaire séparé au nom du syndicat des copropriétaires, peut être formulée par un copropriétaire ayant acquis cette qualité postérieurement au manquement du syndic.

Syndic – Mandat – Nullité – Causes – Ouverture d'un compte bancaire ou postal séparé – Défaut – Action en constatation – Qualité pour s'en prévaloir – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 26 novembre 2020), se prévalant de multiples fautes commises par la société Mallet Guy immobilier (la société Mallet), syndic de la copropriété [Adresse 3], Mme [M], copropriétaire, l'a assignée en constatation de la nullité de plein droit de son mandat et en indemnisation de ses préjudices.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième, troisième, cinquième à dixième branches, sur les deuxième et troisième moyens, sur le quatrième moyen, pris en ses première et troisième branches, et sur les cinquième, sixième et septième moyens, ci-après annexés

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le quatrième moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

3. Mme [M] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de condamnation de la société Mallet à indemniser son préjudice tenant au défaut de mise à sa disposition, avant les assemblées générales, des pièces justificatives des charges, alors « que l'obligation du syndic de remettre au copropriétaire qui en fait la demande, aux frais de ce dernier, copie des pièces justificatives des charges de copropriété inclut l'obligation d'envoyer ces pièces au copropriétaire ; qu'en l'espèce, en retenant, par motifs adoptés, qu'aucun texte n'impose au syndic d'envoyer par la voie postale une copie des pièces justificatives des charges, la cour d'appel a violé l'article 33 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967, par fausse interprétation, ensemble l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »

Réponse de la Cour

4. Ayant énoncé, à bon droit, qu'aucun texte n'impose au syndic d'envoyer par la voie postale une copie des pièces justificatives des charges de la copropriété mentionnées à l'article 18-1 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 aux copropriétaires qui le demanderaient, quand bien même ils accompagneraient leur demande d'un chèque pour défrayer le syndic, la cour d'appel en a exactement déduit que la demande d'indemnisation de ce chef de Mme [M] devait être rejetée.

5. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. Mme [M] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande de constatation de la nullité de plein droit du mandat de syndic de la société Mallet pour défaut d'ouverture d'un compte bancaire séparé, alors « que la personne ayant la qualité de copropriétaire à la date de l'introduction de sa demande en justice est recevable à agir en nullité de plein droit du mandat du syndic, y compris lorsque cette nullité est fondée sur un fait antérieur à l'acquisition de cette qualité ; qu'en l'espèce, en affirmant que Mme [M] n'était pas recevable à demander la nullité du mandat de syndic de la SARL Mallet Guy Immobilier pour la période antérieure au 28 février 2013, date à laquelle elle avait acquis la qualité de copropriétaire, la cour d'appel a violé les articles 31 et 32 du code de procédure civile et 18 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965 et les articles 31 et 32 du code de procédure civile :

7. Il résulte du premier de ces textes qu'à défaut d'ouverture, à l'expiration du délai de trois mois suivant sa désignation, d'un compte bancaire séparé au nom du syndicat des copropriétaires sur lequel sont versées sans délai toutes les sommes ou valeurs reçues au nom ou pour le compte du celui-ci, est nul de plein droit le mandat du syndic.

8. Aux termes du deuxième, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé, et, aux termes du troisième, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.

9. La demande de constatation de la nullité de plein droit du mandat du syndic, faute pour celui-ci d'avoir soumis au vote de l'assemblée générale des copropriétaires la décision d'ouverture ou non d'un compte bancaire séparé, ne peut être formulée que par un copropriétaire.

10. Pour déclarer irrecevable la demande de constatation de la nullité de plein droit du mandat de la société Mallet, l'arrêt retient que Mme [M] n'est pas recevable, comme dépourvue de qualité à agir, à soutenir ce moyen de nullité pour la période antérieure au 28 février 2013, date à laquelle elle a acquis la qualité de copropriétaire et, qu'à cette date, le syndic était titulaire d'un compte séparé qui avait été ouvert au plus tard le 3 juillet 2012.

11. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que Mme [M] avait acquis la qualité de copropriétaire au jour de l'introduction de la demande, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

12. Mme [M] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de constatation de la nullité de plein droit du mandat de syndic de la société Mallet pour défaut d'ouverture d'un compte bancaire séparé pour le fonds de travaux, alors « que le juge ne peut pas méconnaître l'objet du litige ; que dans ses conclusions d'appel, Mme [M] soutenait que le compte bancaire séparé et rémunéré pour le fonds travaux n'avait été ouvert que le 12 octobre 2017 ; que la société Mallet Guy Immobilier faisait valoir dans ses propres conclusions d'appel « qu'un compte spécial travaux (compte rémunéré) a été ouvert et fonctionne depuis mai 2017 » et que « le premier virement date de juin 2017 » ; qu'en affirmant néanmoins que « la société Mallet justifie de l'ouverture d'un compte séparé pour travaux ouvert auprès de la banque Palatine dont elle justifie du fonctionnement depuis avril 2013 », la cour d'appel a méconnu l'objet du litige tel qu'il s'évinçait des conclusions des parties, en violation de l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

13. Pour rejeter la demande de contestation de la nullité de plein droit du mandat du syndic pour défaut d'ouverture du compte bancaire séparé pour le fonds de travaux, l'arrêt retient que la société Mallet justifie de l'ouverture d'un compte séparé pour travaux ouvert auprès de la banque Palatine fonctionnant depuis avril 2013.

14. En statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions, la société Mallet soutenait avoir ouvert ledit compte depuis mai 2017, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de ces écritures, a violé le principe susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable pour défaut de qualité à agir la demande de Mme [M] de constatation de la nullité de plein droit du mandat de syndic de la société Mallet Guy immobilier pour défaut d'ouverture d'un compte bancaire séparé, rejette la demande de Mme [M] de constatation de la nullité de plein droit du mandat de syndic de la société Mallet Guy immobilier pour défaut d'ouverture d'un compte bancaire séparé pour le fonds de travaux, rejette les demandes de condamnation de la société Mallet Guy immobilier à verser à Mme [M] des dommages-intérêts au titre du retard dans l'ouverture du compte bancaire séparé et des honoraires indûment perçus, condamne Mme [M] à payer à la société Mallet Guy immobilier la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral et la somme de 2 000 euros pour procédure et appel abusif, l'arrêt rendu le 26 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : M. Jariel - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; Me Brouchot -

Textes visés :

Article 18 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ; articles 31 et 32 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 23 juin 1999, pourvoi n° 97-16.176, Bull. 1999, III, n° 148 (cassation partielle).

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