Numéro 2 - Février 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2022

BAIL D'HABITATION

3e Civ., 9 février 2022, n° 21-10.388, (B), FS

Cassation partielle

Bail soumis à la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 – Congé – Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, modifiant l'article 15, I – Contestation – Congé postérieur à l'entrée en vigueur de la loi – Application immédiate aux baux en cours

L'article 15, I, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, est applicable à la contestation du congé délivré après l'entrée en vigueur de cette loi, même si le bail a été conclu antérieurement à celle-ci.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 21 janvier 2020), le 22 avril 2015, M. [M] (le bailleur), propriétaire d'une maison donnée à bail d'habitation à Mme [C] (la locataire) depuis 2003, lui a délivré un congé aux fins de reprise au bénéfice de son fils.

2. La locataire a assigné le bailleur aux fins de voir déclarer ce congé non valide et constater la poursuite du bail.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. La locataire fait grief à l'arrêt de valider le congé, de la déclarer déchue de tout droit d'occupation à compter du 22 octobre 2015, de constater la résiliation du bail à cette date et d'ordonner son expulsion, alors « que pour rejeter les écritures déposées pour Madame [W] [C] le 15 novembre 2019, la cour d'appel, après avoir observé, à la lecture comparée des conclusions de l'appelante aux dates respectives des 4 avril 2018 et 15 novembre 2019, que le dispositif des écritures était identique de même que les pièces, a retenu que « dans une procédure d'appel ouverte depuis le 5 janvier 2018, alors que les parties ont échangé leurs premières écritures d'appel respectivement le 4 avril 2018 pour l'appelante et le 26 juin 2018 pour l'intimé, le dépôt de nouvelles écritures par l'appelante le vendredi 15 novembre 2019 à 21 h 10 soit la veille au soir d'un week-end, trois jour avant la date de clôture de la procédure avec des développements supplémentaires ne répond pas à l'exigence de la loyauté des débats dans l'exercice du principe fondamental en procédure civile du contradictoire » ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher si les conclusions déposées par Madame [W] [C] le 15 novembre 2019 soulevaient des prétentions ou des moyens nouveaux appelant une réponse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 15 et 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. Sous le couvert d'un grief non fondé de manque de base légale, le moyen dénonce, en réalité, une omission de statuer qui peut être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile.

5. Le moyen est donc irrecevable.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

6. La locataire fait le même grief à l'arrêt, alors « que la loi nouvelle régissant les effets légaux des situations juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisées, l'article 15, I, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, est applicable à un congé délivré le 22 avril 2015 même si le bail est antérieur à l'entrée en vigueur de cette loi ; que ce texte, dans cette rédaction, prévoit qu'en cas de contestation, le juge peut, même d'office, vérifier la réalité du congé et qu'il peut notamment déclarer non valide le congé si la non-reconduction du bail n'apparaît pas justifiée par des éléments sérieux et légitimes ; qu'en considérant pourtant, pour déclarer valide le congé notifié à Madame [W] [C] le 22 avril 2015, que c'était à juste titre que le juge d'instance a rappelé que la loi du 24 mars 2014 ne s'applique pas aux baux en cours, tel que le bail litigieux du 23 octobre 2013, que si la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 modifiant sur certains points la loi du 24 mars 2014 a décidé que l'article 15 serait dorénavant applicable aux baux en cours, c'était sous réserve que les nouvelles dispositions de cette loi soient entrées en vigueur au moment de la délivrance du congé, ce qui n'était pas le cas en l'espèce et que par conséquent c'était à bon droit que le premier juge n'avait pas procédé à un contrôle a priori du caractère réel et sérieux du congé, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 15, I, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, immédiatement applicable, ensemble l'article 2 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2 du code civil et 15, I, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-366 du 2 mars 2014 :

7. Il résulte du premier de ces textes que la loi nouvelle régit les effets légaux des situations juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisées.

8. Selon le second, lorsqu'il donne congé à son locataire pour reprendre le logement, le bailleur justifie du caractère réel et sérieux de sa décision de reprise.

En cas de contestation, le juge peut, même d'office, vérifier la réalité du motif de congé. Il peut notamment déclarer non valide le congé si la non-reconduction du bail n'apparaît pas justifiée par des éléments sérieux et légitimes.

9. Pour déclarer le congé valable, l'arrêt retient que, si la loi du 24 mars 2014 a reconnu au juge le pouvoir de contrôler a priori la réalité et le sérieux du motif de congé invoqué, elle n'est pas applicable aux baux en cours à la date de son entrée en vigueur.

10. En statuant ainsi, alors que l'article 15, I, de la loi du 6 juillet 1989, dans sa rédaction issue de la loi du 24 mars 2014, est applicable à la contestation du congé délivré après l'entrée en vigueur de cette loi, même si le bail a été conclu antérieurement à celle-ci, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il valide le congé, déclare la locataire déchue de tout droit d'occupation à compter du 22 octobre 2015, constate la résiliation du bail à cette date et ordonne son expulsion, l'arrêt rendu le 21 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier, autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller (président) - Rapporteur : M. Laurent - Avocat général : Mme Vassallo - Avocat(s) : SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller ; SCP Buk Lament-Robillot -

Textes visés :

Article 2 du code civil ; article 15, I, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-366 du 2 mars 2014.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 19 décembre 2019, pourvoi n° 18-20.854, Bull., (rejet), et l'arrêt cité.

3e Civ., 17 février 2022, n° 21-12.934, (B), FS

Rejet

Bail soumis à la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 – Preneur – Obligations – Paiement des loyers – Cautionnement – Conditions de validité – Loi applicable – Détermination

Le cautionnement relatif à un bail d'habitation étant spécifiquement régi par les dispositions de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, les articles L. 341-1 à L. 341-3, L. 341-5 et L. 341-6 du code de la consommation ne lui sont pas applicables.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 7 janvier 2021), par acte sous seing privé du 12 mai 2011, la société civile immobilière L'Oiseau de feu (la SCI) a donné à bail à M. et Mme [X] un local à usage d'habitation. Dans le même acte, M. [R] s'est porté caution solidaire des engagements des locataires.

2. A la suite de leur défaillance, la SCI a assigné M. et Mme [X] en paiement de leur dette locative, ainsi que M. [R], pris en sa qualité de caution solidaire.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

4. M. [R] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à dire que la SCI a la qualité de créancier professionnel et à prononcer l'annulation du cautionnement, alors :

« 1°/ que les articles L. 341-1, L. 341-2, L. 341-3, L. 341-5 et L. 341-6, dans leur version applicable en la cause, du code de la consommation s'appliquent à toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel, lequel s'entend de celui dont la créance est née dans l'exercice de sa profession ; qu'une société civile immobilière qui a pour objet social l'investissement et la gestion immobiliers exerce une activité professionnelle ; qu'en affirmant, pour décider que le cautionnement donné par M. [R] en garantie de la créance de loyers détenue par la SCI L'Oiseau de feu n'était pas soumis aux règles protectrices du consommateur, qu'il n'était pas démontré qu'elle exerçait une activité autre que purement privée de gestion de son patrimoine immobilier, comme une activité commerciale, la cour d'appel a violé les articles L. 341-1, L. 341-2, L. 341-3, L. 341-5 et L. 341-6, dans leur version applicable en la cause, du code de la consommation ;

2°/ qu'en affirmant, pour décider que le cautionnement donné par M. [R] en garantie de la créance de loyers détenue par la SCI L'Oiseau de feu n'était pas soumis aux règles protectrices du consommateur, qu'elle n'était pas un créancier professionnel sans vérifier, comme cela lui était demandé, preuves à l'appui, si cette qualité ne résultait pas de l'extrait de son Kbis, de sa présentation générale, de sa propriété de nombreux biens immobiliers destinés à la location, notamment, dans l'immeuble portant son nom, bâti en vue d'une exploitation locative, de 29 appartements, 29 caves et 45 garages ou parkings et du fait que son siège apparaissait sur une plaque professionnelle « Entreprise Cortellini SCI L'Oiseau de feu » (conclusions, p. 9 et 10 ; productions n° 7 à 10), la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L. 341-1, L. 341-2, L. 341-3, L. 341-5 et L. 341-6, dans leur version applicable en la cause, du code de la consommation. »

Réponse de la Cour

5. Le cautionnement relatif à un bail d'habitation étant spécifiquement régi par les dispositions de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, les articles L. 341-1 à L. 341-3, L. 341-5 et L. 341-6 du code de la consommation ne lui sont pas applicables.

6. Par ce motif de pur droit, suggéré par la défense, et substitué à ceux critiqués en application de l'article 620, alinéa 1, du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : Mme Gallet - Avocat général : M. Sturlèse - Avocat(s) : SCP Poulet-Odent ; SCP Richard -

Rapprochement(s) :

3e Civ., 26 janvier 2017, pourvoi n° 15-27.580, Bull. 2017, III, n° 12 (cassation) ; 3e Civ., 26 janvier 2017, pourvoi n° 16-10.389, Bull. 2017, III, n° 12 (cassation) ; 3e Civ., 26 janvier 2017, pourvoi n° 15-25.791, Bull. 2017, III, n° 12 (cassation).

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