Numéro 2 - Février 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2022

ARBITRAGE

1re Civ., 9 février 2022, n° 21-11.253, (B), FS

Cassation

Convention d'arbitrage – Clause compromissoire – Pouvoir de juger de la juridiction étatique – Détermination – Cas – Refus par une partie de s'acquitter de sa part de provision sur frais

En vertu du principe de loyauté procédurale régissant les parties à une convention d'arbitrage, la partie qui provoque le retrait de la demande d'arbitrage en ne s'acquittant pas de la part de provision sur frais lui incombant en vertu du règlement d'arbitrage auquel elle a souscrit est irrecevable à invoquer la clause compromissoire pour décliner la compétence de la juridiction étatique.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 5 novembre 2020), à la suite du retrait de leur demande d'arbitrage par la Chambre de commerce internationale (la CCI), faute pour les parties adverses de payer leur part de provision des frais d'arbitrage, M. [B], dirigeant de la société Tagli'apau, et la société Ekip, en sa qualité de liquidateur judiciaire de celle-ci, ont saisi le tribunal de commerce de Pau d'une demande en résiliation du contrat de franchise conclu par la société Tagli'apau avec la société Pastificio service, ainsi que la réparation de leur préjudice.

2. La société La Tagliatella, venant aux droits de la société Pastificio service, et sa société mère, la société Amrest Holdings, se sont prévalues de la clause d'arbitrage stipulée au contrat en faveur de la CCI.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en sa première branche, qui est irrecevable, et sur le moyen, pris en sa deuxième branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

4. M. [B], la société Tagli'apau et la société Ekip, ès qualités, font grief à l'arrêt d'accueillir l'exception d'incompétence soulevée par les sociétés La Tagliatella et Amrest Holdings et, en conséquence, de décliner sa compétence, alors « que l'article 36 du règlement d'arbitrage de la CCI dispose que « la provision pour frais fixée par la Cour conformément au présent article 36, paragraphe 2, est due en parts égales par le demandeur et le défendeur » ; qu'en jugeant que « les intimées font justement valoir qu'en application de l'article 36 du Règlement d'arbitrage, la partie demanderesse à la procédure assume seule les frais de provisions » et en ajoutant que « ce même règlement leur permet de ne pas être contraintes d'assumer le paiement d'une provision » la cour d'appel a violé l'article 36 du règlement d'arbitrage de la CCI, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'obligation pour le juge ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

5. Pour déclarer le tribunal de commerce incompétent au profit du tribunal arbitral, l'arrêt retient qu'en application de l'article 36 du règlement d'arbitrage de la CCI, la partie demanderesse à la procédure assume seule les frais de provisions.

6. En statuant ainsi, alors que l'article 36 précité prévoit, en son paragraphe 2,que la provision pour frais fixée par la CCI est due en parts égales par le demandeur et le défendeur, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé.

Et sur le moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

7. M. [B], la société Tagli'apau et la société Ekip, ès qualités, font le même grief à l'arrêt, alors « que les parties agissent avec loyauté dans la conduite de la procédure arbitrale ; que la partie qui a paralysé la procédure arbitrale en refusant de régler sa part de provision pour les frais d'arbitrage n'est plus recevable à invoquer la compétence arbitrale pour décliner la compétence du juge étatique ; qu'après avoir été attraites devant le tribunal arbitral, et avoir paralysé la procédure arbitrale en refusant de régler la part de la provision leur incombant, les défenderesses, alors assignées devant la justice étatique, ont décliné la compétence du juge au profit de l'arbitre, aux frais duquel elles avaient pourtant refusé de participer ; qu'un tel comportement procédural déloyal les privait du droit d'invoquer la compétence arbitrale devant le juge étatique ; qu'en accueillant toutefois l'exception d'incompétence soulevée par les défenderesses, la cour d'appel a violé l'article 1464 du code de procédure civile, ensemble le principe de loyauté procédurale. »

Réponse de la Cour

Vu le principe de loyauté procédurale régissant les parties à une convention d'arbitrage :

8. Pour déclarer le tribunal de commerce incompétent au profit du tribunal arbitral, l'arrêt retient encore que le règlement de la CCI ne prive pas les parties qui n'ont pas satisfait au versement des provisions de réintroduire ultérieurement une demande d'arbitrage, la clause compromissoire, auxquelles les parties ne sont pas réputées avoir renoncé, conservant ainsi tous ses effets.

9. En statuant ainsi, alors que les sociétés Pastificio service,

La Tagliatella et Amrest Holdings, qui avaient elles-mêmes provoqué le retrait de la demande d'arbitrage par la CCI en ne s'acquittant pas de la part de provision sur frais leur incombant, n'étaient pas recevables, pour décliner la compétence de la juridiction étatique, à invoquer la clause compromissoire, la cour d'appel a violé le principe susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Hascher - Avocat général : M. Sassoust - Avocat(s) : SCP Bénabent ; SCP Didier et Pinet -

Textes visés :

Article 36 du règlement d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale (CCI).

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