Numéro 2 - Février 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2021

TRAVAIL REGLEMENTATION, DUREE DU TRAVAIL

Soc., 17 février 2021, n° 18-26.545, (P)

Cassation partielle

Travail à temps partiel – Modulation du temps de travail – Conclusion d'un avenant augmentant la durée mensuelle du travail – Requalification en travail à temps complet – Présomption – Preuve contraire – Détermination – Portée

Il résulte de l'article L. 3123-25 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, et des articles 1134, alinéa 1, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1315, devenu 1353, du code civil, qu'en cas d'avenant ou de nouveau contrat à temps partiel modulé conforme aux exigences légales et conventionnelles, il appartient au salarié qui demande, en raison de ses conditions d'exécution, la requalification de ce contrat de travail à temps partiel modulé en contrat de travail à temps complet, de démontrer qu'il devait travailler selon des horaires dont il n'avait pas eu préalablement connaissance, de sorte qu'il était placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il se trouvait dans l'obligation de se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

Dès lors, est censurée une cour d'appel qui, pour requalifier le contrat de travail à temps partiel modulé en contrat à temps complet, n'a pas recherché, comme il le lui était demandé, si après la conclusion d'un avenant qui avait augmenté la durée mensuelle du travail, le salarié avait eu connaissance de ses horaires de travail de sorte qu'il n'était plus placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il ne se trouvait plus dans l'obligation de se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

Travail à temps partiel – Modulation du temps de travail – Requalification en travail à temps complet – Appréciation – Office du juge

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 24 octobre 2018), M. M... a été engagé le 25 mai 2012 par la société Adrexo en qualité de distributeur selon un contrat de travail à temps partiel modulé.

2. Le salarié a démissionné à effet au 31 décembre 2015.

3. Il a saisi la juridiction prud'homale de demandes en requalification de son contrat de travail en contrat de travail à temps complet, en requalification de sa démission en licenciement, et en paiement de diverses sommes.

Sur le moyen, pris en ses trois premières branches, en ce qu'elles portent sur la période du 1er juillet 2013 au 12 octobre 2014, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses quatrième à neuvième branches, en ce qu'elles portent sur la période de juillet 2012 à juin 2013

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié des rappels de salaire résultant de la requalification de son contrat de travail en contrat à temps plein, de prime d'ancienneté et de congés payés afférents, alors :

« 4°/ que lorsque le salarié sollicite un rappel d'heures complémentaires ou supplémentaires et qu'il produit aux débats des éléments suffisamment précis pour étayer sa demande, il appartient à l'employeur, conformément aux dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, de justifier des horaires du salarié ; qu'en revanche, lorsque le salarié sollicite la requalification de son contrat à temps partiel modulé en contrat à temps complet et que les conditions de mise en oeuvre de la présomption de temps complet sont réunies, l'employeur, pour renverser ladite présomption de contrat à temps complet, doit seulement rapporter la preuve que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à sa disposition ; qu'en l'espèce, pour requalifier le contrat à temps partiel modulé du distributeur en contrat à temps complet, la cour d'appel a relevé qu'en application de l'article L. 3171-4 du code du travail, le salarié devait apporter des éléments de preuve revêtant suffisamment de précision quant aux horaires effectivement réalisés afin que l'employeur puisse y répondre utilement conformément aux dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail ; qu'en faisant application à tort du mécanisme probatoire instauré par l'article L. 3171-4 du code du travail, quand elle était saisie d'une demande de requalification en contrat à temps complet, la cour d'appel a violé les articles L. 3123-25 et L. 3171-4 du code du travail dans leur version applicable au litige ;

5°/ que lorsque le contrat à temps partiel modulé contient les mentions exigées par la loi et que le salarié s'est vu remettre un planning de modulation, le contrat n'est pas présumé à temps complet, de sorte que c'est au salarié de prouver, s'il entend néanmoins soutenir que son contrat doit être requalifié en contrat à temps complet, qu'il ne connaissait pas son rythme de travail et devait se tenir à la disposition permanente de l'employeur ; qu'en l'espèce, pour la période antérieure, allant de juillet 2012 à juillet 2013, la cour d'appel a constaté que le salarié s'était vu remettre un planning annuel de modulation ; qu'en relevant néanmoins, pour prononcer la requalification du contrat à temps partiel modulé en contrat à temps complet à compter du 1er juillet 2012, que le salarié « étayait suffisamment sa demande de requalification, tandis que l'employeur était défaillant à prouver que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à sa disposition », quand il incombait au salarié de prouver qu'il ne connaissait pas son rythme de travail et devait se tenir à disposition permanente, la cour d'appel, qui a renversé la charge de la preuve en la faisant peser sur l'employeur, a violé les articles 9 du code de procédure civile, 1315 ancien, devenu 1353, du code civil et L. 3123-25 du code du travail dans sa version applicable au litige ;

6°/ que le juge ne doit pas dénaturer les écritures des parties ; qu'en l'espèce, pour prononcer la requalification du contrat à temps partiel modulé en contrat à temps complet à compter du 1er juillet 2012, la cour d'appel a relevé que si le salarié établissait des écarts entre la durée du travail annoncée dans le programme indicatif et la réalité des heures exécutées telles qu'elles figuraient sur ses fiches de paie, la société Adrexo, en défense, relevait des erreurs quant aux écarts retenus sur la période de novembre 2014 à juin 2015 mais ne soulevait aucun argument pour la période courant à compter de juillet 2012 ; qu'en statuant ainsi, quand la société Adrexo faisait valoir que si le contrat de travail à temps partiel modulé avait prévu une durée annuelle contractuelle de 312 heures, soit 26 heures par mois, la durée du travail avait cependant été portée dès le mois de juillet 2012 à 43,33 heures par mois, soit 520 heures par an, et que cette durée de travail était ensuite restée inchangée jusqu'à la rupture du contrat, de sorte que le salarié connaissait son rythme de travail, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la société Adrexo en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

7°/ que si dans le cadre d'un contrat à temps partiel modulé conclu dans le secteur de la distribution directe l'employeur doit respecter un délai de prévenance d'au moins sept jours, qui peut être réduit à trois jours en cas de circonstances exceptionnelles, lorsqu'il notifie au distributeur des horaires qu'il a unilatéralement fixés, sous peine de voir le contrat présumé à temps complet, un tel délai de prévenance ne s'impose pas en revanche lorsque les horaires sont fixés d'un commun accord par les parties ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, pour juger que le contrat était présumé à temps complet, a relevé que M. M... était soumis à des modifications de plannings sans que la société Adrexo justifie avoir respecté des délais de prévenance suffisants ayant permis au salarié de prévoir à l'avance son rythme de travail ; qu'en statuant ainsi, sans avoir recherché si le distributeur ne signait pas les feuilles de route avant de réaliser ses distributions, ce dont il s'évinçait que les horaires étaient fixés avec l'accord du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3123-25 du code du travail dans sa version applicable au litige, 1.2 du chapitre IV de la convention collective nationale de la distribution directe et 12.1 de l'accord collectif d'entreprise du 11 mai 2005 ;

8°/ que si dans le cadre d'un contrat à temps partiel modulé conclu dans le secteur de la distribution directe l'employeur doit respecter un délai de prévenance d'au moins sept jours, qui peut être réduit à trois jours en cas de circonstances exceptionnelles, lorsqu'il notifie au distributeur des horaires qu'il a unilatéralement fixés, sous peine de voir le contrat présumé à temps complet, un tel délai de prévenance ne s'impose pas en revanche lorsque les horaires sont fixés d'un commun accord par les parties ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, pour juger que le contrat était présumé à temps complet, a relevé que M. M... était soumis à la réalisation de prestations supplémentaires sans que la société Adrexo justifie avoir respecté des délais de prévenance suffisants ayant permis au salarié de prévoir à l'avance son rythme de travail ; qu'en statuant ainsi, sans avoir recherché si le distributeur ne signait pas les feuilles de route correspondant aux prestations additionnelles avant de réaliser ces dernières, ce dont il s'évinçait que les horaires étaient fixés d'un commun accord, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3123-25 du code du travail dans sa version applicable au litige, 2.1 et 2.2.5 du chapitre IV de la convention collective de la distribution directe et 1.19 de l'accord d'entreprise du 11 mai 2005 ;

9°/ que si l'employeur doit remettre au salarié employé sous contrat à temps partiel modulé un planning individuel de modulation, aucune disposition légale ou conventionnelle ne lui impose de remettre au salarié des plannings mensuels ou hebdomadaires de travail distincts des feuilles de route qui lui sont remises avant chacune de ses distributions et qui détaillent la durée du travail préquantifiée correspondant à la distribution à réaliser ; qu'en l'espèce, en retenant pour requalifier le contrat en contrat à temps complet à compter du 1er juillet 2012 que la société Adrexo ne versait aucun document qui justifierait des délais de communication au salarié de ses plannings mensuels, ni de la transmission de plannings hebdomadaires, la cour d'appel a violé l'article L. 3123-25 du code du travail dans sa version applicable au litige, ensemble l'article 1.15 du préambule de l'accord collectif d'entreprise du 11 mai 2005. »

Réponse de la Cour

6. Ayant constaté des écarts entre la durée indicative annuelle et le nombre d'heures de travail mensuel résultant des fiches de paie et des feuilles de route, et retenu que le salarié était soumis à des modifications de plannings et à la réalisation de prestations supplémentaires sans respect de délais de prévenance suffisants, la cour d'appel a pu en déduire, sans encourir les griefs du moyen, que l'intéressé était placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il avait à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen, pris en sa dixième branche, en ce qu'elle porte sur la période à compter de l'avenant du 13 octobre 2014

Enoncé du moyen

8. L'employeur fait le même grief, alors « que lorsqu'un contrat à temps partiel modulé est présumé à temps complet et que l'employeur ne renverse pas cette présomption, la sanction de la requalification en contrat à temps complet ne s'applique que pour la période pour laquelle l'employeur n'est pas en mesure de démontrer que le salarié connaissait son rythme de travail et n'avait pas à se tenir à sa disposition permanente ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que les conditions de la requalification étant réunies au 1er juillet 2012, il importait peu que les parties aient conclu le 13 octobre 2014 un avenant portant la durée du travail à 43,33 heures mensuelles, soit 520 heures par an ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si postérieurement à la conclusion de cet avenant, la durée du travail réalisée par le salarié n'avait pas correspondu à la durée prévue par l'avenant et reprise dans le planning de modulation, de sorte que la sanction de la requalification ne pouvait pas être appliquée pour la période postérieure au 13 octobre 2014, au titre de laquelle le salarié avait en tout état de cause exprimé son accord pour un contrat à temps partiel modulé dont les modalités de mise en oeuvre n'était pas contestée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3123-25 du code du travail dans sa version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3123-25 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, et les articles 1134 alinéa 1, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1315, devenu 1353 du code civil :

9. Il résulte de ces textes qu'en cas d'avenant ou de nouveau contrat à temps partiel modulé conforme aux exigences légales et conventionnelles, il appartient au salarié qui demande, en raison de ses conditions d'exécution, la requalification de ce contrat de travail à temps partiel modulé en contrat de travail à temps complet, de démontrer qu'il devait travailler selon des horaires dont il n'avait pas eu préalablement connaissance, de sorte qu'il était placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il se trouvait dans l'obligation de se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

10. Pour requalifier le contrat de travail à temps partiel modulé en contrat à temps plein et condamner l'employeur à payer au salarié un rappel de salaire couvrant la période de juillet 2012 à janvier 2016, l'arrêt retient que les conditions de la requalification étant réunies au 1er juillet 2012, peu importe qu'un avenant postérieur ait pu augmenter la durée du travail à temps partiel.

11. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si après la conclusion de l'avenant du 13 octobre 2014, qui avait augmenté la durée mensuelle du travail pour la porter à 43,33 heures par mois, le salarié avait eu connaissance de ses horaires de travail de sorte qu'il n'était plus placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il ne se trouvait plus dans l'obligation de se tenir constamment à la disposition de l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il infirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nancy le 1er mars 2017 en ce qu'il a débouté M. M... de sa demande en requalification de son contrat de travail en contrat à temps plein et des rappels de salaire subséquents, et en ce qu'il condamne la société Adrexo à payer à M. M... les sommes de 41 800,14 euros à titre de rappel de salaire, 538,72 euros à titre de prime d'ancienneté et 4 233,89 euros au titre des congés payés afférents, 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, l'arrêt rendu le 24 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Prieur - Avocat général : Mme Molina - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés -

Textes visés :

Article L. 3123-25 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, et articles 1134, alinéa 1, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1315, devenu 1353, du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur les conditions de requalification du contrat de travail à temps partiel modulé en contrat à temps plein, à rapprocher : Soc., 18 décembre 2019, pourvoi n° 18-12.447, Bull. 2019, (rejet), et les arrêts cités.

Soc., 17 février 2021, n° 18-16.298, n° 18-16.299, n° 18-16.300, n° 18-16.301, n° 18-16.302, n° 18-16.303, n° 18-16.304, n° 18-16.305, (P)

Cassation partielle

Travail à temps partiel – Modulation du temps de travail – Durée prévue par le contrat de travail – Dépassement de la durée annuelle – Effets – Requalification en travail à temps complet – Requalification automatique – Exclusion – Portée

Il résulte des articles L. 3123-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, L. 3123-25 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, et de l'article 1315, devenu 1353, du code civil, que, sauf exception résultant de la loi, il appartient au salarié qui demande, en raison de ses conditions d'exécution, la requalification d'un contrat de travail à temps partiel modulé en contrat de travail à temps complet, de démontrer qu'il devait travailler selon des horaires dont il n'avait pas eu préalablement connaissance, de sorte qu'il était placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il se trouvait dans l'obligation de se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

Ni le dépassement de la durée contractuelle de travail sur l'année ni le non-respect de la limite du tiers de la durée du travail fixée par la convention collective et l'accord d'entreprise, ne justifient en eux-mêmes la requalification du contrat à temps partiel modulé en contrat à temps complet, dès lors que la durée du travail du salarié n'a pas été portée à un niveau égal ou supérieur à la durée légale hebdomadaire ou à la durée fixée conventionnellement.

Dès lors, est censurée une cour d'appel qui, pour requalifier les contrats de travail à temps partiel modulé en contrats à temps complet en raison d'une durée de travail supérieure à celle prévue par le contrat de travail, n'a pas vérifié si les salariés n'avaient pas eu connaissance de leurs horaires de travail de sorte qu'ils étaient placés dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme ils devaient travailler et qu'ils se trouvaient dans l'obligation de se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 18-16.298 à 18-16.305 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Paris, 13 mars 2018), Mme W... et sept autres salariés, engagés par contrats à temps partiel modulé en qualité de distributeurs de journaux par la société Adrexo (la société), ont saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes.

Sur le moyen relevé d'office

3. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article L. 3123-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'article L. 3123-25 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, l'article 1315, devenu 1353, du code civil, et les articles 1.2 du chapitre IV de la convention collective des entreprises de la distribution directe du 9 février 2004 et 2.1 de l'accord d'entreprise du 11 mai 2005 :

4. Selon le premier texte conventionnel, la durée du travail pour les salariés à temps partiel modulé peut varier au-delà ou en deçà de la durée stipulée au contrat, à condition que, sur un an, la durée hebdomadaire ou mensuelle n'excède pas en moyenne cette durée contractuelle.

La durée hebdomadaire ou mensuelle du travail peut varier au-dessous ou au dessus de la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue au contrat dans la limite de 1/3 de cette durée.

La durée hebdomadaire du travail du salarié ne peut être portée à un niveau égal ou supérieur à un temps plein à l'issue de la période de modulation.

5. Il résulte des textes légaux que, sauf exception résultant de la loi, il appartient au salarié qui demande, en raison de ses conditions d'exécution, la requalification d'un contrat de travail à temps partiel modulé en contrat de travail à temps complet, de démontrer qu'il devait travailler selon des horaires dont il n'avait pas eu préalablement connaissance, de sorte qu'il était placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il se trouvait dans l'obligation de se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

6. Ni le dépassement de la durée contractuelle de travail sur l'année ni le non-respect de la limite du tiers de la durée du travail fixée par la convention collective et l'accord d'entreprise, ne justifient en eux-mêmes la requalification du contrat à temps partiel modulé en contrat à temps complet, dès lors que la durée du travail du salarié n'a pas été portée à un niveau égal ou supérieur à la durée légale hebdomadaire ou à la durée fixée conventionnellement.

7. Pour prononcer la requalification des contrats de travail à temps partiel modulé en contrats à temps complet et condamner l'employeur à payer diverses sommes à ce titre, les arrêts retiennent qu'en cas de litige sur les heures de travail, la préquantification conventionnelle du temps de travail ne suffit pas à elle-seule pour satisfaire aux exigences des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail. Ils retiennent encore que les salariés produisent une masse de feuilles de route correspondant aux tournées confiées et soutiennent que le temps de travail a été minoré.

8. Les arrêts ajoutent qu'au regard de ces éléments, l'employeur est dans l'incapacité de déterminer de façon fiable le temps de travail imposé aux salariés et de justifier qu'il correspond aux stipulations tant de leur contrat de travail que de la convention collective et de l'accord d'entreprise.

9. En se déterminant ainsi, par des motifs inopérants tirés de l'absence de justification de la correspondance entre la durée de travail réellement exécutée et celle prévue par le contrat de travail, la convention collective et l'accord d'entreprise, sans vérifier si les salariés n'avaient pas eu connaissance de leurs horaires de travail de sorte qu'ils étaient placés dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme ils devaient travailler et qu'ils se trouvaient dans l'obligation de se tenir constamment à la disposition de l'employeur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour, et sans qu'il y ait de statuer sur le moyen des pourvois :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils prononcent la requalification des contrats de travail à temps partiel modulé en contrats à temps complet et condamnent la société Adrexo à payer à Mme W... les sommes de 12 444,54 euros à titre de rappel de salaires (20 septembre 2010 au 9 mars 2012), outre 1 244,45 euros au titre des congés payés afférents, à M. Y... les sommes de 38 114,03 euros à titre de rappel de salaires (novembre 2007 à février 2012), outre 3 811,40 euros au titre des congés payés afférents et 992 euros à titre de rappel de primes d'ancienneté, à Mme N... les sommes de 42 728 euros à titre de rappel de salaires (26 septembre 2008 au 31 décembre 2012), outre 4 272 euros au titre des congés payés afférents et 848 euros à titre de rappel de primes d'ancienneté, à M. G... les sommes de 19 954 euros à titre de rappel de salaires (25 janvier 2010 au 31 décembre 2012), outre 1 995 euros au titre des congés payés afférents et 208 euros à titre de rappel de primes d'ancienneté, à Mme Y... les sommes de 33 419,80 euros à titre de rappel de salaires (novembre 2007 à février 2012), outre 3 341,98 euros au titre des congés payés afférents et 950 euros à titre de rappel de primes d'ancienneté, à M. J... les sommes de 28 968 euros à titre de rappel de salaires (1er janvier 2008 au 31 décembre 2012), outre 2 896 euros au titre des congés payés afférents et 1 250 euros à titre de rappel de primes d'ancienneté, à Mme B... les sommes de 49 098 euros à titre de rappel de salaires (13 mars 2009 au 31 décembre 2013), outre 4 909 euros au titre des congés payés afférents et 727 euros à titre de rappel de primes d'ancienneté, à M. H... les sommes de 18 324 euros à titre de rappel de salaires (17 août 2009 au 31 décembre 2012), outre 1 832 euros au titre des congés payés afférents et 138 euros à titre de rappel de primes d'ancienneté, disent que ces sommes portent intérêts au taux légal à compter du 23 novembre 2012, ordonnent à la société Adrexo la délivrance des bulletins de paie conformes, et la condamnent à payer la somme de 1 500 euros à chacun des salariés ainsi qu'aux dépens d'appel, les arrêts rendus le 13 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Prieur - Avocat général : Mme Molina - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; Me Le Prado -

Textes visés :

Articles L. 3123-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et L. 3123-25 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 ; article 1315, devenu 1353, du code civil ; articles 1.2 du chapitre IV de la convention collective des entreprises de la distribution directe du 9 février 2004 et 2.1 de l'accord d'entreprise du 11 mai 2005.

Rapprochement(s) :

Sur les conditions de requalification du contrat de travail à temps partiel modulé en contrat à temps plein, à rapprocher : Soc., 18 décembre 2019, pourvoi n° 18-12.447, Bull. 2019, (rejet), et les arrêts cités.

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