Numéro 2 - Février 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2021

SECURITE SOCIALE

2e Civ., 18 février 2021, n° 19-24.513, (P)

Cassation

Cotisations – Paiement indu – Action en répétition – Droits des cotisants – Demande auprès des organismes de recouvrement – Obstacle – Redressement définitif

Il résulte de la combinaison des articles L. 243-6 et L. 244-2 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, que le caractère définitif qui s'attache, en l'absence de recours, à la mise en demeure prévue par le second, et qui constitue la décision de redressement, fait obstacle à la demande de remboursement, formée en application du premier, des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales faisant l'objet du redressement.

Cotisations – Recouvrement – Mise en demeure – Nature – Portée – Caractère définitif en l'absence de recours

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 16 septembre 2019), l'URSSAF de Picardie (l'URSSAF) ayant opposé un refus à sa demande de remboursement des cotisations de sécurité sociale versées durant les années 2012 et 2013, la société MW France (la société) a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Sur le moyen relevé d'office

2. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles L. 243-6 et L. 244-2 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige :

3. Il résulte de la combinaison de ces textes que le caractère définitif qui s'attache, en l'absence de recours, à la mise en demeure prévue par le second et qui constitue la décision de redressement, fait obstacle à la demande de remboursement, formée en application du premier, des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales faisant l'objet du redressement.

4. Pour condamner l'URSSAF à lui rembourser un indu de cotisations résultant de la non exclusion des temps de pause de la rémunération mensuelle des salariés prise en compte pour le calcul du coefficient de la réduction sur les bas salaires durant les années 2012 et 2013, l'arrêt, après avoir retenu que faute pour la société d'avoir présenté des observations quant au bénéfice d'allégements supplémentaires dans les 30 jours de la lettre d'observations et saisi la commission de recours amiable dans le délai d'un mois de la mise en demeure, le redressement opéré pour ces années-là au titre de la réduction sur les bas salaires était acquis et ne pouvait être remis en cause dans le cadre d'une demande de remboursement ultérieure, ajoute que le principe de la répétition de l'indu est un principe fondamental du droit français et européen.

5. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la demande de remboursement portait sur des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales ayant fait l'objet d'une décision de redressement devenue définitive, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Taillandier-Thomas - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Articles L243-6 et L244-2 du code de la sécurité sociale.

2e Civ., 18 février 2021, n° 20-12.013, (P)

Cassation partielle

Cotisations – Recouvrement – Action en recouvrement – Procédure – Contrôle de l'assiette des cotisations – Mise en cause obligatoire des salariés

Viole les articles 14 du code de procédure civile et L. 311-2 du code de la sécurité sociale la cour d'appel qui confirme le bien-fondé d'un redressement opéré par une URSSAF à l'encontre d'un club de football sans avoir appelé en la cause les joueurs de football intéressés, alors qu'elle était saisie d'un litige portant sur la qualification des relations de travail liant ces derniers au club concerné.

Cotisations – Recouvrement – union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) – Contrôle – Procédure – Qualification des relations de travail – Condition – Mise en cause des salariés

Assujettissement – Généralités – Redressement URSSAF – Qualification des relations de travail – Obligation de mise en cause des salariés

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 11 décembre 2019), à la suite d'un contrôle comptable d'assiette de l'association Football club [...] (l'association) pour la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, l'Urssaf Haute-Normandie (l'Urssaf) lui a notifié, le 18 avril 2014, une lettre d'observations suivie, le 12 août 2014, d'une mise en demeure.

2. L'association a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. L'association fait grief à l'arrêt de rejeter l'exception de péremption, alors « que l'abrogation de l'article R. 142-22 du code de la sécurité sociale par le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 n'a pas eu pour effet de reporter le point de départ du délai de péremption au 1er janvier 2019, les principes et modalités de la péremption d'instance étant demeurés les mêmes ; qu'en disant l'instance non périmée aux motifs que le délai de péremption avait commencé à courir le 1er janvier 2019, en raison de l'abrogation de l'article R. 142-22 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel a violé ces dispositions par fausse application, ensemble l'article 386 du code de procédure civile par refus d'application. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte de l'article 2 du code civil que la loi nouvelle ne peut remettre en cause une situation juridique régulièrement constituée à la date de son entrée en vigueur.

6. Selon l'article 386 du code de procédure civile, l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans.

7. Selon l'article R. 142-22, dernier alinéa, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2011-2119 du 30 décembre 2011, abrogé à compter du 1er janvier 2019 par le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, l'instance devant le juge du contentieux général de la sécurité sociale est périmée lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article précédent, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction.

8. Il résulte de la combinaison de ces textes que si les dispositions de l'article 386 du code de procédure civile étaient applicables dans le contentieux de la sécurité sociale dès le 1er janvier 2019, le juge ne pouvait fixer le point de départ du délai de péremption dans les conditions qu'elles prévoient à une date antérieure, correspondant à la période durant laquelle le délai ne pouvait courir en l'absence de diligences expressément mises à la charge des parties par la juridiction.

9. L'arrêt retient que l'article R. 142-22 du code de la sécurité sociale a été abrogé par le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, et que l'entrée en vigueur du décret a été différée au 1er janvier 2019, son article 17 précisant que les dispositions relatives à la procédure devant les juridictions étaient applicables aux instances en cours. Il ajoute qu'en vertu du principe de l'effet immédiat attaché à l'article 2 du code civil, l'existence de la péremption de l'instance doit être appréciée à la date où celle-ci est invoquée, que cet effet n'est pas rétroactif et qu'ainsi, les lois et décrets relatifs à la procédure, s'ils sont immédiatement applicables aux instances en cours, sont sans effet sur les diligences accomplies avant l'entrée en vigueur du nouveau texte, conformément aux dispositions alors en vigueur. Il énonce que ce n'est qu'à compter du 1er janvier 2019 que l'Urssaf avait l'obligation d'accomplir des diligences pour échapper à la péremption de l'instance qu'elle avait engagée et que ce délai expirera, en application de l'article 386 du code de procédure civile, le 1er janvier 2021.

10. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit que la péremption d'instance n'était pas acquise.

11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le moyen relevé d'office

12. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles 14 du code de procédure civile et L. 311-2 du code de la sécurité sociale :

13. Il résulte du premier de ces textes que nul ne peut être jugé sans avoir été entendu ou appelé.

14. Selon le second, sont affiliées obligatoirement aux assurances sociales du régime général, quel que soit leur âge et même si elles sont titulaires d'une pension, toutes les personnes, quelle que soit leur nationalité, de l'un ou de l'autre sexe, salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat.

15. Pour dire bien-fondé le redressement litigieux, l'arrêt relève que les joueurs se soumettaient, sous peine de sanctions financières, par le biais des protocoles de licence et des protocoles d'accord, à des obligations caractérisant un lien de subordination et percevaient, en plus de défraiements, une rémunération forfaitaire, de sorte que c'est à juste titre que l'Urssaf soutient que les sommes versées avaient bien le caractère d'un salaire.

16. En statuant ainsi, sans qu'aient été appelés en la cause les joueurs intéressés, alors qu'elle était saisie d'un litige portant sur la qualification des relations de travail liant ces derniers à l'association, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

17. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt relatives à la condamnation de l'association au paiement de la somme de 130 379 euros entraîne la cassation du chef de dispositif relatif au rejet de la demande en délais de paiement, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a confirmé la décision rendue par la commission de recours amiable le 4 décembre 2014 et le bien-fondé du redressement en toutes ses composantes, condamné l'association Football club de [...] au paiement de la somme de 130 379 euros et débouté l'association Football club de [...] de sa demande en délais de paiement, l'arrêt rendu le 11 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Le Fischer - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article R. 144-22 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret 2011-2119 du 30 décembre 2011 ; article 386 du code de procédure civile ; article L.311-22 du code de la sécurité sociale ; article 14 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 15 mai 2008, pourvoi n° 07-12.767, Bull. 2008, II, n° 115 (cassation) ; 2e Civ., 30 mai 2013, pourvoi n° 12-20.197, Bull. 2013, II, n° 106 (cassation).

2e Civ., 18 février 2021, n° 20-12.328, (P)

Rejet

Cotisations – Recouvrement – Action en recouvrement – Procédure – Observations de l'inspecteur du recouvrement – Délai de réponse imparti au cotisant – Réponse du cotisant avant l'expiration du délai – Réponse de l'inspecteur du recouvrement aux observations du cotisant – Forme – Signature de l'ensemble des inspecteurs

Les dispositions de l'article R. 243-59, alinéa 7, du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction modifiée par le décret n° 2013-1107 du 3 décembre 2013, n'exigent pas, à peine de nullité des opérations de contrôle, que la réponse aux observations formulées par le cotisant à la suite de la notification de la lettre d'observations soit signée de l'ensemble des inspecteurs du recouvrement qui ont procédé à ces opérations.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 12 décembre 2019), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2013 et 2014, l'URSSAF Rhône-Alpes a adressé, le 10 février 2016, à la société Groupe Seb Moulinex (la société), une lettre d'observations suivie, le 11 juillet 2016, d'une mise en demeure notifiée par l'URSSAF des Pays de la Loire (l'URSSAF) et comportant plusieurs chefs de redressement.

2. La société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La société fait grief à l'arrêt de valider partiellement le redressement opéré par l'URSSAF, alors « que selon l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, dans l'hypothèse où plusieurs inspecteurs du recouvrement participent aux opérations de contrôle d'une entreprise, ils doivent tous apposer leur signature sur la lettre d'observations, ainsi que sur le courrier adressé au cotisant redressé en réponse à ses propres observations en défense ; qu'à défaut, la procédure de contrôle est entachée de nullité ; qu'en validant la procédure de contrôle de la société alors qu'il ressort de ses propres constatations que le courrier de l'URSSAF adressé le 2 juin 2016 en réponse aux observations de la société ne comportait pas la signature de tous les inspecteurs ayant participé au contrôle et à la rédaction de la lettre d'observations, ce qui ne permettait pas à la société de s'assurer que chacun d'eux avait pris en compte ses observations et subséquemment que ses droits de la défense avaient été respectés, la cour d'appel a violé l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles L. 100-3 et L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration pris en leur version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article R. 243-59, alinéa 7, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction modifiée par le décret n° 2013-1107 du 3 décembre 2013, applicable au litige, lorsque l'employeur ou le travailleur indépendant a répondu aux observations avant la fin du délai imparti, la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l'objet du redressement ne peut intervenir avant l'expiration de ce délai et avant qu'il ait été répondu par l'inspecteur du recouvrement aux observations de l'employeur ou du travailleur indépendant.

6. Ces dispositions n'exigent pas, à peine de nullité des opérations de contrôle, que la réponse aux observations formulées par le cotisant à la suite de la notification de la lettre d'observations soit signée de l'ensemble des inspecteurs du recouvrement qui ont procédé à ces opérations.

7. Ayant relevé qu'il avait été répondu aux observations formulées par la société avant la mise en recouvrement des cotisations, objet du redressement, la cour d'appel en a exactement déduit, sans encourir les griefs du moyen, qu'il avait été satisfait aux exigences du texte susvisé.

8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Le Fischer - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article R.243-59 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 13 février 2020, pourvoi n° 19-11.645, Bull. 2020 (cassation sans renvoi) ; 2e Civ., 7 janvier 2021, pourvoi n° 19-20.230, Bull. 2021 (cassation).

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.