Numéro 2 - Février 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2021

PROTECTION DES DROITS DE LA PERSONNE

1re Civ., 10 février 2021, n° 19-22.793, (P)

Rejet

Protection des victimes de violences – Délivrance d'une ordonnance de protection – Conditions – Appréciation souveraine

L'appréciation, par le juge saisi d'une demande d'ordonnance de protection, sur le fondement de l'article 515-11 du code civil, des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violence allégués et le danger auquel la victime est exposée, est souveraine.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 17 juin 2019), par requête du 20 avril 2017, Mme J... a saisi le juge aux affaires familiales afin d'obtenir une ordonnance de protection à l'égard de son conjoint, M. U....

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. M. U... fait grief à l'arrêt de dire que Mme J... est fondée à solliciter une mesure de protection et, en conséquence, de lui attribuer la jouissance du logement et du mobilier du ménage se trouvant au domicile conjugal, d'ordonner que M. U... quitte sans délai le domicile conjugal, d'ordonner en tant que de besoin son expulsion, avec l'assistance de la force publique, et d'interdire aux époux de se troubler mutuellement à leur domicile respectif en les autorisant, à défaut, à faire cesser ce trouble par toute voie de droit appropriée, si besoin avec le concours de la force publique, alors :

« 1°/ que constitue un acte de violence tout acte dommageable pour la personne ou les biens de la victime qui est de nature à lui causer un trouble physique ou moral ; qu'en affirmant que la matérialité des violences psychologiques commises au préjudice de M. U... n'était pas avérée par la production d'éléments objectifs et qu'il n'y avait pas lieu de tenir compte du fait que Mme J... ait quitté le domicile conjugal munie d'un couteau, le 26 décembre 2016, pour se rendre à [...], où s'était réfugié M. U..., afin de lacérer la capote et crever les pneus de son véhicule dès lors que ces faits, aussi désagréables soient-ils, n'étaient pas constitutifs des violences physiques dénoncées par l'intéressé, sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si ces faits n'étaient pas de nature à caractériser des violences morales, en ce qu'ils étaient constitutifs d'un acte prémédité d'intimidation avec arme, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 515-9 et 515-11 du code civil ;

2°/ que le juge aux affaires familiales ne peut délivrer une ordonnance de protection que s'il résulte des pièces du dossier que les faits de violence allégués par le demandeur sont vraisemblables et de nature à établir que c'est lui qui est exposé à un danger et non pas son conjoint ; qu'en affirmant que la blessure médicalement constatée que Mme J... avait infligée à M. U... le 1er avril 2017 était une violence réactionnelle à une agression commise par ce dernier dès lors qu'elle avait été déclarée comme telle par Mme J... aux services de police, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 515-9 et 515-11 du code civil ;

3°/ qu'en toute hypothèse, les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner, même sommairement, tous les éléments de preuve qui leurs sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en statuant ainsi sans analyser, même sommairement, les certificats médicaux respectivement établi les 1er avril 2017 pour l'époux et le 3 avril 2017 pour l'épouse dont il résultait que Mme J..., qui ne présentait objectivement que des impacts défensifs aux avant-bras, avait en revanche griffé son mari et sauvagement entaillé sa lèvre par une morsure lui causant une plaie profonde de 2 cm, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner, même sommairement, tous les éléments de preuve qui leurs sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, M. U... faisait valoir que la dégradation des relations au sein du couple en 2017 était la conséquence et non pas la cause du syndrome anxio-dépressif dont souffrait déjà Mme J... depuis des années et rapportait la preuve de la concomitance entre le début de ce syndrome en 2013 et le harcèlement moral dont elle a été victime sur son lieu de travail à compter de cette même période ; qu'en se bornant à affirmer, après avoir constaté que Mme J... n'avait fait état de violences au sein du couple qu'en 2017, que son syndrome anxio-dépressif « ne saurait être mis en lien, comme tente de le soutenir à tort l'appelant, avec des difficultés professionnelles », sans analyser, même sommairement, les éléments de preuve produits aux débats par ce dernier, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ que le juge aux affaires familiales ne peut délivrer une ordonnance de protection que s'il résulte des pièces du dossier que les faits de violence allégués par le demandeur sont vraisemblables et de nature à établir que c'est lui qui est exposé à un danger et non pas son conjoint ; qu'en l'espèce, pour établir que son épouse l'obligeait à assumer seul toutes les charges du ménage, M. U... produisait aux débats les relevés du compte joint attestant, d'une part, des différents prélèvements effectués par les créanciers du couple et, d'autre part, que Mme J... se bornait à verser une somme de 500 euros, ainsi que les justificatifs de leurs revenus respectifs, des différentes charges prélevées sur ce compte et des versements personnels de M. U... pour combler le déficit de ce compte ; qu'en se bornant à affirmer que la matérialité de violences psychologiques ou économiques commises par l'épouse n'était pas davantage avérée par la production d'éléments objectifs sans analyser, même sommairement, les éléments de preuve qui lui étaient ainsi soumis, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6°/ que le principe d'égalité des armes, composante du droit à un procès équitable, commande que chaque partie soit astreinte à des obligations processuelles, notamment en termes de preuve, qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à la partie adverse ; qu'en faisant prévaloir, par principe, les déclarations de Mme J... sur celles de M. U... après avoir, corrélativement, retenu qu'il y avait lieu de rejeter les moyens de M. U... qui n'étaient pas étayés par la production d'éléments objectifs et écarté systématiquement et sans examen au fond les éléments de preuve produits par M. U... au soutien de ses prétentions, la cour d'appel a rompu l'égalité des armes et, ainsi violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

3. Aux termes de l'article 515-9 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019, lorsque les violences exercées au sein du couple ou par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un ancien concubin mettent en danger la personne qui en est victime, un ou plusieurs enfants, le juge aux affaires familiales peut délivrer en urgence à cette dernière une ordonnance de protection.

4. Selon l'article 515-11, alinéa 1er, du code civil, dans la même rédaction, l'ordonnance de protection est délivrée dans les meilleurs délais par le juge aux affaires familiales, s'il estime, au vu des éléments produits devant lui et contradictoirement débattus, qu'il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violence allégués et le danger auquel la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés.

5. L'arrêt énonce qu'il ressort des éléments de preuve produits que Mme J... a été victime de violences conjugales à plusieurs reprises, alors que les faits dénoncés à son encontre par M. U... correspondent à des dégradations matérielles, sans violence physique, ou à des violences réactionnelles à une agression subie par l'épouse. Il constate qu'à cela s'ajoutent un contexte de violences psychologiques et un syndrome dépressif réactionnel, dont souffre l'intéressée depuis plusieurs années, comme en atteste son médecin, et qui n'est pas dû, contrairement à ce que soutient M. U..., à ses difficultés professionnelles. Il relève que M. U... ne démontre pas que son épouse se soit rendue coupable, à son égard, de violences psychologiques ou économiques.

6. En l'état de ces constatations et appréciations, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel, qui a examiné les dépôts de plainte effectués par les deux parties et les certificats médicaux versés aux débats, sans être tenue de s'expliquer sur les pièces qu'elle décidait d'écarter ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a estimé que le prononcé d'une ordonnance de protection était justifié.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Le Cotty - Avocat(s) : SCP Didier et Pinet -

Textes visés :

Article 515-11 du code civil.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 5 octobre 2016, pourvoi n° 15-24.180, Bull. 2016, I, n° 187 (rejet).

1re Civ., 17 février 2021, n° 19-24.780, (P)

Cassation partielle

Respect de la vie privée – Atteinte – Atteinte à l'intimité de la vie privée – Office du juge – Recherche d'un équilibre entre les droits – Eléments à prendre en considération – Publication dans un but d'intérêt général – Recherche nécessaire

Selon l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. Si ce texte ne peut être invoqué pour se plaindre d'une atteinte à la réputation qui résulterait de manière prévisible des propres actions de la personne, telle une infraction pénale, la mention dans une publication, des condamnations pénales dont une personne a fait l'objet, y compris à l'occasion de son activité professionnelle, porte atteinte à son droit au respect dû à sa vie privée (CEDH, arrêt du 28 juin 2018, M.L. et W.W. c. Allemagne, n° 60798/10 et 65599/10).

Le droit au respect de la vie privée et le droit à la liberté d'expression ayant la même valeur normative, il appartient au juge saisi de mettre ces droits en balance en fonction des intérêts en jeu et de privilégier la solution la plus protectrice de l'intérêt le plus légitime.

Cette mise en balance doit être effectuée en prenant en considération la contribution de la publication incriminée à un débat d'intérêt général, la notoriété de la personne visée, l'objet du reportage, le comportement antérieur de la personne concernée, le contenu, la forme et les répercussions de ladite publication, ainsi que, le cas échéant, les circonstances de la prise des photographies (CEDH, arrêt du 10 novembre 2015, Couderc et Hachette Filipacchi associés c. France [GC], n° 40454/07, §§ 99, 100 et 102) et, même si le sujet à l'origine de l'article relève de l'intérêt général, il faut encore que le contenu de l'article soit de nature à nourrir le débat public sur le sujet en question (CEDH, arrêt du 29 mars 2016, Bédat c. Suisse [GC], n° 56925/08, § 64). Il incombe au juge de procéder, de façon concrète, à l'examen de chacun de ces critères (1re Civ., 21 mars 2018, pourvoi n° 16-28.741,Bull. 2018, I, n° 56 (cassation partielle)).

Dès lors, prive sa décision de base légale la cour d'appel qui écarte l'existence d'une atteinte à la vie privée d'une personne qui se plaignait qu'une page web fasse état de condamnations pénales le concernant, en retenant que celles-ci ont été rendues publiquement et concernent son activité professionnelle et que celui-ci ne peut alléguer de l'ancienneté des faits et d'un droit à l'oubli, sans rechercher, comme il le lui incombait, si la publication en cause s'inscrivait dans un débat d'intérêt général, justifiant la reproduction des condamnations pénales.

Respect de la vie privée – Atteinte – Atteinte à l'intimité de la vie privée – Divulgation d'informations accessibles au public – Eléments à prendre en considération – Informations ou données personnelles dont la divulgation d'une manière ou dans une mesure excède ce à quoi les intéressés pouvaient raisonnablement s'attendre – Recherche nécessaire

Le fait que des informations soient déjà dans le domaine public ne les soustrait pas nécessairement à la protection de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'intérêt à publier ces informations devant être mis en balance avec des considérations liées à la vie privée. Celles-ci entrent en jeu dans les situations où des informations ont été recueillies sur une personne bien précise, où des données à caractère personnel ont été traitées ou utilisées et où les éléments en question avaient été rendus publics d'une manière ou dans une mesure excédant ce à quoi les intéressés pouvaient raisonnablement s'attendre (CEDH, arrêt du 27 juin 2017, Satakunnan Markkinapörssi Oy et Satamedia Oy c. Finlande [GC], n° 931/13, §§ 134-136). Dès lors, prive sa décision de base légale une cour d'appel qui écarte l'existence d'une atteinte à la vie privée d'une personne qui se plaignait qu'une page web invite au moyen d'un lien hypertexte à consulter l'avis de décès de son père publié sur un autre site internet en retenant que le faire-part de décès a été publié par la famille sur un site accessible à tout internaute, y compris plusieurs années après le décès et qu'elle ne pouvait l'ignorer, alors que cette seule circonstance ne permettait pas d'écarter l'existence d'une atteinte à la vie privée consécutive à l'utilisation du faire-part dans la publication en cause.

Respect de la vie privée – Atteinte – Caractérisation – Cas – Divulgation d'un lien redirigeant vers un avis de décès émis par la famille sur un site internet

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 septembre 2019), M. K..., représentant légal de la société [...], spécialisée dans la supplémentation nutritionnelle, a été déclaré coupable, par arrêt du 18 mars 2009, devenu définitif, des faits d'exercice illégal de la pharmacie, commercialisation de médicaments sans autorisation de mise sur le marché, infraction à la réglementation de la publicité des médicaments et, par arrêt du 4 mai 2011, de fraude fiscale et d'omission d'écritures en comptabilité, cette condamnation ayant été annulée par décision du 11 avril 2019 de la Cour de révision et de réexamen des condamnations pénales.

2. Par acte du 20 juillet 2016, M. K..., invoquant avoir découvert fortuitement qu'une page lui était consacrée sur le site Internet, accessible à l'adresse www.psiram.com, faisait état de ces condamnations pénales et invitait au moyen d'un lien hypertexte à consulter l'avis de décès de son père publié sur le site www.dansnoscoeurs.fr et soutenant que cette publication portait atteinte à l'intimité de sa vie privée, a assigné Mme T..., auteure de la page litigieuse, sur le fondement de l'article 9 du code civil, en indemnisation de son préjudice et suppression de cette page.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

3. M. K... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que le droit au respect dû à la vie privée d'une personne et le droit à la liberté d'expression ayant la même valeur normative, il appartient au juge saisi de rechercher un équilibre entre ces droits et, le cas échéant, de privilégier la solution la plus protectrice de l'intérêt le plus légitime ; que, pour effectuer cette mise en balance des droits en présence, il doit prendre en considération la contribution de la publication incriminée à un débat d'intérêt général, la notoriété de la personne visée, l'objet du reportage, le comportement antérieur de la personne concernée, le contenu, la forme et les répercussions de ladite publication, et procéder, de façon concrète, à l'examen de chacun de ces critères ; qu'en se bornant à relever, dans l'exposé des faits, que le site Internet litigieux se présentait comme ayant vocation à parler des « croyances irrationnelles » et traitait de sujets tels que la théorie du complot, l'homéopathie, l'ésotérisme, la guérison spirituelle ou encore l'électromagnétisme, sans identifier le sujet d'intérêt général abordé par les propos de Mme T... qui aurait été de nature à justifier la publication d'informations afférentes à la vie privée de M. K..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 8 et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 9 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 8 et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 9 du code civil :

4. Selon l'article 8 de cette convention, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. Si ce texte ne peut être invoqué pour se plaindre d'une atteinte à la réputation qui résulterait de manière prévisible des propres actions de la personne, telle une infraction pénale, la mention dans une publication des condamnations pénales dont une personne a fait l'objet, y compris à l'occasion de son activité professionnelle, porte atteinte à son droit au respect dû à sa vie privée (CEDH, arrêt du 28 juin 2018, M.L. et W.W. c. Allemagne, n° 60798/10 et 65599/10).

5. Selon son article 10, toute personne a droit à la liberté d'expression mais son exercice peut être soumis à certaines restrictions ou sanctions prévues par la loi qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, notamment à la protection de la réputation ou des droits d'autrui.

6. Le droit au respect de la vie privée, également protégé par l'article 9 du code civil, et le droit à la liberté d'expression ayant la même valeur normative, il appartient au juge saisi de mettre ces droits en balance en fonction des intérêts en jeu et de privilégier la solution la plus protectrice de l'intérêt le plus légitime.

7. Cette mise en balance doit être effectuée en prenant en considération la contribution de la publication incriminée à un débat d'intérêt général, la notoriété de la personne visée, l'objet du reportage, le comportement antérieur de la personne concernée, le contenu, la forme et les répercussions de ladite publication, ainsi que, le cas échéant, les circonstances de la prise des photographies (CEDH, arrêt du 10 novembre 2015, Couderc et Hachette Filipacchi associés c. France [GC], n° 40454/07, § 99, 100 et 102) et, même si le sujet à l'origine de l'article relève de l'intérêt général, il faut encore que le contenu de l'article soit de nature à nourrir le débat public sur le sujet en question (CEDH, arrêt du 29 mars 2016, Bédat c. Suisse [GC], n° 56925/08, § 64). Il incombe au juge de procéder, de façon concrète, à l'examen de chacun de ces critères (1re Civ., 21 mars 2018, pourvoi n° 16-28.741, Bull. 2018, I, n° 56).

8. Pour écarter l'existence d'une atteinte à la vie privée de M. K... et rejeter ses demandes, l'arrêt retient que les condamnations pénales ont été rendues publiquement et concernent son activité professionnelle et que celui-ci ne peut alléguer de l'ancienneté des faits et d'un droit à l'oubli, alors qu'à la date de leur publication sur le site Internet litigieux, ces condamnations n'avaient pas été amnistiées. Il ajoute que Mme T... a mentionné le fait que l'arrêt du 4 mai 2011 a été annulé par la décision de la Cour de révision et de réexamen des condamnations pénales.

9. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui incombait au regard de l'atteinte portée à la vie privée de M. K..., si la publication en cause s'inscrivait dans un débat d'intérêt général, justifiant la reproduction des condamnations pénales le concernant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

10. M. K... fait le même grief à l'arrêt, alors « que le fait que des informations d'ordre privé soient déjà dans le domaine public ne les soustrait pas à la protection du droit au respect de la vie privée ; qu'elles ne peuvent être utilisées d'une manière ou dans une mesure excédant ce à quoi l'intéressé pouvait raisonnablement s'attendre ; qu'en énonçant, pour écarter toute atteinte au droit au respect de la vie privée de M. K..., que l'avis de décès de son père avait été publié par la famille sur un site Internet nécrologique accessible à tout internaute, y compris plusieurs années après le décès, bien que cette circonstance n'autorisât pas Mme T... à le publier en annexe de l'article litigieux, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à justifier l'atteinte au droit au respect de la vie privée de M. K..., a privé sa décision de base légale au regard des articles 8 et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 9 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 8 et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 9 du code civil :

11. Le fait que des informations soient déjà dans le domaine public ne les soustrait pas nécessairement à la protection de l'article 8 de la Convention, l'intérêt à publier ces informations devant être mis en balance avec des considérations liées à la vie privée. Celles-ci entrent en jeu dans les situations où des informations ont été recueillies sur une personne bien précise, où des données à caractère personnel ont été traitées ou utilisées et où les éléments en question avaient été rendus publics d'une manière ou dans une mesure excédant ce à quoi les intéressés pouvaient raisonnablement s'attendre (CEDH, arrêt du 27 juin 2017, Satakunnan Markkinapörssi Oy et Satamedia Oy c. Finlande [GC], n° 931/13, § 134-136).

12. Pour rejeter les demandes de M. K..., l'arrêt retient que le faire-part de décès de son père a été publié par la famille sur un site Internet, accessible à tout internaute, y compris plusieurs années après le décès et que M. K... ne pouvait l'ignorer.

13. En se déterminant ainsi, alors que cette seule circonstance ne permettait pas d'écarter l'existence d'une atteinte à la vie privée consécutive à l'utilisation du faire-part dans la publication en cause, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare irrecevable l'exception tirée de la nullité de l'assignation et rejette la fin de non-recevoir tirée de la règle « una via electa », l'arrêt rendu le 25 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Serrier - Avocat général : Mme Legohérel - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Articles 8 et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; article 9 du code civil ; article 9 du code civil ; article 8 et de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 21 mars 2018, pourvoi n° 16-28.741, Bull. 2018, I, n° 56 (cassation partielle). Sur le principe de procéder à la mise en balance des droits en présence par le juge, cf. : CEDH, arrêt du 10 novembre 2015, Couderc et Hachette Filipacchi associés c. France, n° 40454/07, §§ 93 et 97. 1re Civ., 18 octobre 2017, pourvoi n° 16-19.740, Bull. 2017, I, n° 220 (rejet) ; Cf. : CEDH, arrêt du 27 juin 2017, Satakunnan Markkinapörssi Oy et Satamedia Oy c. Finlande [GC], n° 931/13, § 134-136.

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