Numéro 2 - Février 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2021

PROCEDURES CIVILES D'EXECUTION

1re Civ., 3 février 2021, n° 19-10.669, (P)

Rejet

Domaine d'application – Exclusion – Personnes bénéficiant d'une immunité d'exécution – Missions diplomatiques d'Etats étrangers – Condition – Fonds affectés aux besoins de la mission de souveraineté de l'Etat accréditaire – Preuve – Présomption simple

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 septembre 2018), la société Commissions Import Export (Commisimpex), en exécution des deux sentences arbitrales rendues les 3 décembre 2000 et 21 janvier 2013, condamnant la République du Congo à lui payer diverses sommes, a fait pratiquer, le 19 octobre 2016, entre les mains d'une banque, une saisie-attribution de différents comptes ouverts en ses livres au nom de la mission diplomatique de cet Etat à Paris. Celui-ci, opposant son immunité souveraine d'exécution, a contesté la validité de ces mesures, en l'absence de renonciation expresse et spéciale, et en a demandé la mainlevée.

Examen des moyens

Sur le moyen d'annulation et le deuxième moyen de cassation, ci-après annexés

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur les premier et troisième moyens de cassation, réunis

Enoncé du moyen

3. Par son premier moyen, la société Commisimpex fait grief à l'arrêt d'ordonner la mainlevée de la saisie-attribution en ce qu'elle a porté sur les comptes « Ambassade du Congo OGES », « Ambassade du Congo », « Ambassade du Congo », « Paierie Pres Ambassade du Congo France », « Ambassade du Congo-cellule communication », « Del Congo Brazzaville », alors :

« 1°/ que le juge doit préciser le fondement juridique de sa décision ; qu'en se bornant à affirmer qu'il « est de principe que les comptes bancaires ouverts par une ambassade sont présumés affectés à l'exercice de la mission diplomatique de celle-ci », pour en déduire que la charge de la preuve de ce que les comptes bancaires en cause n'étaient pas affectées à des fins diplomatiques pèse sur la société Commisimpex, sans préciser le fondement juridique de sa décision sur ce point, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 12 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en toute hypothèse, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ; que s'il existe une présomption d'affectation à l'exercice des missions diplomatiques des fonds qui sont déposés sur des comptes bancaires diplomatiques, cette présomption ne vaut que pour les comptes ouverts par l'État étranger pour les besoins de ses missions diplomatiques ; qu'en statuant comme elle l'a fait, motif pris que « l'intitulé des comptes saisis, tels que rapporté ci-dessus, à l'exception des comptes intitulés « Caisse Congolaise d'amortissement » et « Equatorial Congo Airlines-Ecair » permet de présumer leur affectation à l'accomplissement des fonctions des missions diplomatiques de la République du Congo et la société Commisimpex n'apporte pas la preuve contraire, dont la charge lui incombe », alors qu'il appartenait à la République du Congo de prouver que les comptes avaient été ouverts pour l'exercice de ses missions diplomatiques pour que les fonds déposés puissent bénéficier de la présomption d'affectation à l'exercice de ses missions, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 du code civil ;

3°/ qu'en toute hypothèse, le principe de l'égalité des armes, qui participe du droit au procès équitable tel qu'il est garanti par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, suppose que chaque partie soit astreinte à des obligations processuelles, notamment en termes de preuve, qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire ; qu'en l'espèce, la preuve que des comptes bancaires ne sont pas affectés à l'exercice de la mission diplomatique est impossible à rapporter par le créancier saisissant dès lors que les données pertinentes nécessaires à cette preuve ne peuvent être détenues que par l'établissement bancaire qui tient les comptes, lequel peut opposer le secret bancaire, ou par le débiteur lui-même ; qu'en statuant comme elle l'a fait, motif pris que « l'intitulé des comptes saisis, tels que rapporté ci-dessus, à l'exception des comptes intitulés « Caisse congolaise d'amortissement » et « Equatorial Congo Airlines-Ecair » permet de présumer leur affectation à l'accomplissement des fonctions des missions diplomatiques de la République du Congo et la société Commisimpex n'apporte pas la preuve contraire, dont la charge lui incombe », alors qu'une telle preuve est impossible à rapporter pour la société Commisimpex et que la preuve inverse est extrêmement aisée pour la République du Congo, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en tant qu'il garantit le principe de l'égalité des armes. »

4. Par son troisième moyen, la société Commisimpex fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ que la référence à une décision rendue dans un litige différent de celui soumis à une juridiction ne saurait, en toute hypothèse, servir de fondement à la décision de cette dernière ; qu'en statuant comme elle l'a fait, au motif que « contrairement à ce que soutient la société Commisimpex, la jurisprudence (1re Civ., 28 septembre 2011, pourvoi n° 09-72.057, 1re Civ., 28 mars 2013, pourvois n° 10-25.093 et n° 11-10.450), antérieure à l'adoption de la loi Sapin 2, laquelle est inapplicable au présent litige, mais confortée par celle-ci, subordonnait la validité de la renonciation par un État étranger à son immunité d'exécution sur ses biens diplomatiques à la double condition qu'elle soit expresse et spéciale », la cour d'appel a violé l'article 5 du code civil, ensemble l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que le juge doit préciser le fondement juridique de sa décision ; qu'en statuant comme elle l'a fait, motif pris que « la validité de la renonciation par un État étranger à son immunité d'exécution sur ses biens diplomatiques à la double condition qu'elle soit expresse et spéciale », sans préciser le fondement juridique de sa décision sur ce point, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 12 du code de procédure civile ;

3°/ que l'exigence d'une renonciation spéciale à l'immunité diplomatique d'exécution des comptes bancaires des missions diplomatiques a été posée pour la première fois par la Cour de cassation le 28 septembre 2011, et ne peut s'appliquer à des clauses de renonciation à immunité conclues antérieurement ; qu'en imposant une renonciation spéciale à l'immunité d'exécution de la mission diplomatique de la République du Congo, la République du Congo ayant consenti la clause de renonciation à son immunité en 1993, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4°/ que l'exigence d'une renonciation spéciale à l'immunité diplomatique d'exécution des comptes bancaires des missions diplomatiques a été posée pour la première fois par la Cour de cassation par un arrêt rendu le 28 septembre 2011, la solution ayant ensuite été réitérée le 28 mars 2013, avant d'être abandonnée le 13 mai 2015, pour être reprise par une loi du 9 décembre 2016 entrée en vigueur le 11 décembre 2016 et applicable aux voies d'exécution postérieures, puis par arrêt du 10 janvier 2018 ; qu'en imposant une renonciation spéciale à l'immunité d'exécution de la mission diplomatique de la République du Congo, pour juger de la validité de saisies pratiquées le 19 octobre 2016, alors qu'à cette date, l'état du droit positif n'imposait pas une renonciation spéciale, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

5. Selon le droit international coutumier, les missions diplomatiques des Etats étrangers bénéficient, pour le fonctionnement de la représentation de l'Etat accréditaire, d'une immunité d'exécution à laquelle il ne peut être renoncé que de façon expresse et spéciale (1re Civ., 28 septembre 2011, pourvoi n° 09-72.057, Bull. 2011, I, n° 153 ; 1re Civ., 28 mars 2013, pourvois n° 10-25.938, n° 11-10.450 et n° 11-13.323, Bull. 2013, I, n° 62 à 64 ; 1re Civ., 10 janvier 2018, pourvoi n° 16-22.494, Bull. 2018, I, n° 2). Cette immunité s'étend, notamment, aux fonds déposés sur les comptes bancaires des missions diplomatiques, lesquels sont présumés être affectés aux besoins de la mission de souveraineté de l'Etat accréditaire.

6. Cette présomption, justifiée par la nécessité de préserver cette mission à l'exercice de laquelle participent les représentations diplomatiques, cède devant la preuve contraire qui, pouvant être rapportée par tous moyens, n'est pas rendue impossible aux créanciers.

7. Ayant retenu, d'abord, que l'intitulé des comptes bancaires saisis, à l'exception de deux d'entre eux, confortait la présomption d'affectation des fonds les créditant à l'exercice de la mission diplomatique de la représentation du Congo en France, ensuite, que la société Commisimpex n'apportait pas d'éléments de preuve contraire, enfin, qu'il n'était pas discuté que la République du Congo n'avait pas renoncé de façon expresse et spéciale à son immunité d'exécution sur ses biens diplomatiques, la cour d'appel, qui a fait application des règles du droit positif en se plaçant, comme elle le devait, à la date à laquelle elle statuait, sans inverser la charge de la preuve ni méconnaître le principe de l'égalité des armes, en a exactement déduit que la mainlevée de la saisie devait être ordonnée.

8. Elle n'a pas, ainsi, porté atteinte à la sécurité juridique, laquelle ne peut faire obstacle à l'application immédiate d'une solution nouvelle résultant d'une évolution de la jurisprudence, dès lors que la société Commisimpex n'a pas été privée du droit à l'accès au juge.

9. Les moyens ne sont donc pas fondés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Acquaviva - Avocat général : Mme Caron-Deglise - Avocat(s) : SCP Ortscheidt ; SCP Gouz-Fitoussi -

Textes visés :

Articles 19 à 25 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961 ; articles L. 111-1-2 et L. 111-1-3 du code des procédures civiles d'exécution.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 10 janvier 2018, pourvoi n° 16-22.494, Bull. 2018, I, n° 2 (annulation sans renvoi), et les arrêts cités.

2e Civ., 4 février 2021, n° 19-12.424, (P)

Rejet

Mesures conservatoires – Saisie conservatoire – Tiers saisi – Obligation de renseignement – Etendue de ses obligations à l'égard du saisi – Déclaration – Déclaration inexacte ou mensongère – Sanction

En application des deux derniers alinéas de l'article R. 221-21 du code des procédures civiles d'exécution, auxquels renvoie l'article R. 522-5 du même code, l'huissier de justice invite le tiers à déclarer les biens qu'il détient pour le compte du débiteur et, parmi ces derniers, ceux qui auraient fait l'objet d'une saisie antérieure. En cas de refus de déclaration ou de déclaration inexacte ou mensongère, le tiers peut être condamné au paiement des causes de la saisie sauf son recours contre le débiteur. Il peut aussi être condamné à des dommages-intérêts.

La circonstance que le créancier saisissant ait obtenu, postérieurement à l'accomplissement de la mesure, l'information dont est débiteur à son égard le tiers entre les mains duquel la saisie a été pratiquée n'exonère pas ce dernier de son obligation de fournir les renseignements légalement prévus.

Il résulte par ailleurs de ces dispositions que si, après avoir exactement répondu sur-le-champ à l'huissier de justice, le tiers entre les mains duquel la saisie est pratiquée lui fournit ultérieurement des informations complémentaires mensongères ou inexactes, il engage sa responsabilité aux conditions de l'article 1240 du code civil.

Mesures conservatoires – Saisie conservatoire – Tiers saisi – Obligation de renseignement – Etendue de ses obligations à l'égard du saisi – Déclaration – Moment

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 15 novembre 2018) et les productions, la société Pixmania a exploité, jusqu'en février 2016, avant de faire l'objet d'une mesure de liquidation judiciaire, une plate-forme électronique mettant en relation sur un site internet spécialisé des vendeurs professionnels, parmi lesquels la société Elite GSM, avec des clients.

2. Par deux ordonnances du 12 février 2016, la société Pixmania a été autorisée à faire pratiquer, en garantie de la somme de 600 000 euros, d'une part, une saisie conservatoire sur tous les biens meubles corporels, et notamment les stocks de produits finis, dont la société Elite GSM serait propriétaire et déposés entre les mains des sociétés du groupe Amazon opérant en France (Amazon EU, Amazon France services SAS, Amazon France logistique et plus généralement toute société affiliée à la société Amazon EU au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce) et, d'autre part, une saisie conservatoire sur toutes les sommes, avoirs ou valeurs dont la société Elite GSM serait « titulaire » à l'encontre des mêmes sociétés.

3. La société Pixmania a fait pratiquer, le 12 février 2016, une saisie conservatoire de créances et une saisie conservatoire de biens meubles corporels, notamment des stocks de produits finis, entre les mains des sociétés Amazon France services et Amazon EU en garantie de sa créance de 600 000 euros en principal.

4. Par ordonnance de référé du 25 février 2016, la société Elite GSM a été condamnée à payer à la société Pixmania, à titre provisionnel, la somme de 740 369,71 euros au titre des remboursements effectués par la société Pixmania aux clients en garantie de produits non livrés par la société Elite GSM, outre la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

5. La société Pixmania, a ensuite, fait pratiquer, les 29 février et 1er mars 2016, des saisies conservatoires entre les mains de la société Amazon France logistique.

6. Par acte du 8 juin 2016, la Selarl I..., agissant en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Pixmania, a fait assigner les sociétés Amazon France services et Amazon EU devant un juge de l'exécution à l'effet, d'une part, de constater le refus de répondre de la seconde aux saisies pratiquées entre ses mains le 12 juin 2016, le manquement de la première à son devoir de collaboration dans le cadre de la saisie sur stocks du 12 juin 2016 et le préjudice consécutif en étant résulté pour la société Pixmania à hauteur de la dette de la société Elite GSM, soit 680 735,62 euros, et, d'autre part, d'obtenir leur condamnation in solidum au paiement des causes de la saisie.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses première et deuxième branches, ci-après annexé

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa quatrième branche, ci-après annexé

8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui est irrecevable.

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

9. Les société Amazon EU et Amazon France services font grief à l'arrêt de condamner la société Amazon EU à payer à M. I..., en qualité de liquidateur de la société Pixmania, créancier saisissant, la somme de 593 756,01 euros, alors « que le tiers, destinataire d'une saisie, mais à qui celle-ci n'est pas signifiée à personne, a un motif légitime de ne pas répondre à l'interpellation de l'huissier instrumentaire lorsque, dans un bref délai postérieurement à cette signification, l'information sollicitée par l'huissier perd toute utilité pour le créancier saisissant ; que la cour d'appel a constaté, d'une part, que le procès-verbal de saisie délivré le 12 février 2016 à l'encontre de la société Amazon EU n'avait pas été signifié à personne et que cette société n'avait pas pu répondre sur-le-champ, d'autre part, que par un courriel du 22 février 2016, la société Amazon France services avait informé l'huissier instrumentaire de ce que le stock était « réparti dans les quatre centres de distribution » de la société Amazon France Logistique en France, enfin, qu'il était apparu, lors des saisies pratiquées entre les mains de la société Amazon France Logistique les 29 février et 1er mars 2016, que c'était cette dernière société qui détenait les stocks appartenant à la société Elite GSM ; qu'il résultait de telles constatations qu'il était devenu inutile pour la société Amazon EU de répondre à l'interpellation qui lui avait été faite le 12 février 2016, ce qui caractérisait un motif légitime de ne pas apporter de réponse à ladite interpellation ; qu'en retenant pourtant que la société Amazon EU n'aurait justifié d'aucun motif légitime, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses constatations, a violé les articles L. 123-1, R. 522-5 et R. 221-21 du code des procédures civiles d'exécution. »

Réponse de la Cour

10. Selon l'article L. 123-1 du code des procédures civiles d'exécution, les tiers ne peuvent faire obstacle aux procédures engagées en vue de l'exécution ou de la conservation des créances. Ils y apportent leur concours lorsqu'ils en sont légalement requis ; celui qui, sans motif légitime, se soustrait à ces obligations peut être contraint d'y satisfaire, au besoin à peine d'astreinte, sans préjudice de dommages-intérêts ; dans les mêmes conditions, le tiers entre les mains duquel est pratiquée une saisie peut aussi être condamné au paiement des causes de la saisie, sauf recours contre le débiteur.

11. En application des deux derniers alinéas de l'article R. 221-21 du code des procédures civiles d'exécution, auxquels renvoie l'article R. 522-5 du même code, l'huissier de justice invite le tiers à déclarer les biens qu'il détient pour le compte du débiteur et, parmi ces derniers, ceux qui auraient fait l'objet d'une saisie antérieure.

En cas de refus de déclaration ou de déclaration inexacte ou mensongère, le tiers peut être condamné au paiement des causes de la saisie sauf son recours contre le débiteur. Il peut aussi être condamné à des dommages-intérêts.

12. La circonstance que le créancier saisissant ait obtenu, postérieurement à l'accomplissement de la mesure, l'information dont est débiteur à son égard le tiers entre les mains duquel la saisie a été pratiquée n'exonère pas ce dernier de son obligation de fournir les renseignements légalement prévus.

13. Par ces motifs de pur droit, substitués à ceux critiqués par le moyen, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt, qui a constaté que le tiers n'avait apporté aucune réponse à l'huissier de justice, se trouve légalement justifié.

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

14. Les sociétés Amazon EU et Amazon France services font grief à l'arrêt de condamner la société Amazon France services à payer à M. I..., en qualité de liquidateur de la société Pixmania, la somme de 593 756,01 euros, in solidum avec la société Amazon EU à hauteur de 400 000 euros, alors :

« 1°/ que le tiers, qui déclare sur-le-champ à l'huissier instrumentaire être un simple tiers dénué de lien de droit avec le débiteur, a par là-même rempli son obligation légale de renseignement et n'encourt aucune responsabilité au titre de cette obligation ; que la cour d'appel avait constaté que, selon les mentions du procès-verbal de saisie établi le 12 février 2016, la société Amazon France services avait répondu sur-le-champ à l'huissier instrumentaire ne détenir aucun stock pour le compte de la débitrice, ce dont il résultait que l'obligation légale du tiers requis avait été entièrement et correctement remplie ; qu'en retenant néanmoins la responsabilité de la société Amazon France services au titre d'un prétendu manquement à l'obligation de renseignement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 123-1, R. 522-5 et R. 221-21 du code des procédures civiles d'exécution ;

2°/ que le tiers, qui déclare sur-le-champ à l'huissier instrumentaire être un simple tiers dénué de lien de droit avec le débiteur, a par là-même rempli son obligation de renseignement, peu important la teneur de ses éventuels échanges postérieurs avec l'huissier instrumentaire, lesquels sont insusceptibles de lui être imputés à faute ; qu'en se fondant néanmoins, pour retenir une prétendue faute de la société Amazon France services, sur la teneur des courriers électroniques adressés les 22 et 29 février 2016 par celle-ci en réponse à l'huissier instrumentaire, donc en se déterminant en considération d'échanges postérieurs au 12 février 2016, cependant qu'il avait été constaté que l'obligation de renseignement avait été respectée à cette date, la cour d'appel a violé de plus fort les articles L. 123-1, R. 522-5 et R. 221-21 du code des procédures civiles d'exécution ;

3°/ que toute décision doit être motivée et il est fait interdiction au juge de statuer par voie de pure et simple affirmation ; qu'en énonçant, pour en déduire que les courriers électroniques des 22 et 29 février 2016 seraient venus compléter la réponse supposée incomplète faite sur-le-champ à l'huissier instrumentaire par la société Amazon France services, que le président de cette société avait indiqué oralement audit huissier qu'Amazon reviendrait vers la société Pixmania, créancier saisissant, pour compléter sa réponse avec un état des stocks détenus par les sociétés Amazon et que consigne avait d'ores et déjà été passée d'un blocage desdits stocks, sans préciser de quel élément de preuve elle tirait de telles déclarations orales non consignées au procès-verbal de saisie, la cour d'appel a méconnu l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que la déclaration, faite par le tiers à l'huissier instrumentaire, de son absence de détention de tout bien pour le compte du débiteur exclut toute croyance légitime du saisissant en un pouvoir de ce tiers de rendre ledit bien indisponible ; que l'arrêt avait constaté que la société Amazon France services avait déclaré sur-le-champ à l'huissier instrumentaire ne détenir aucun stock pour le compte de la société Elite GSM, débitrice, d'où il suivait que le créancier saisissant n'avait pu légitimement croire que la société Amazon France services aurait eu un quelconque pouvoir de rendre les stocks indisponibles ; qu'en retenant au contraire que le saisissant avait pu légitimement considérer que la société Amazon France services avait le pouvoir de rendre indisponibles les stocks d'Elite GSM se trouvant dans les centres de distribution d'« Amazon en France », la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles R. 522-5 et R. 221-21 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article R. 221-13 du même code ;

5°/ que le créancier saisissant, qui, après s'être fait autoriser judiciairement à pratiquer une saisie conservatoire entre les mains de plusieurs personnes regardées comme potentiellement détentrices de stocks appartenant à son débiteur, choisit de ne pratiquer cette saisie qu'entre les mains de certaines des personnes concernées et s'abstient de le faire à l'égard de l'une d'elles qui se révèle en définitive seule détentrice des stocks, commet par sa négligence une faute entièrement causale du préjudice né du retrait des stocks par le débiteur ; que l'arrêt avait constaté que l'ordonnance d'autorisation de saisie conservatoire obtenue par la société Pixmania, créancier saisissant, avait visé conjointement les trois sociétés Amazon EU, Amazon France services et Amazon France logistique et que le créancier saisissant avait néanmoins fait le choix de ne pas pratiquer immédiatement la saisie auprès de l'ensemble de ces trois sociétés, attendant dix-sept jours pour la pratiquer auprès de la troisième société susmentionnée, qui s'était révélée être seule détentrice des stocks ; qu'en retenant que ce comportement du créancier saisissant était seulement de nature à réduire le montant de son préjudice réparable, cependant qu'en réalité, cette faute entièrement causale le privait de tout droit à réparation, la cour d'appel a violé les articles L. 123-1, R. 522-5 et R. 221-21 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

15. En application des deux derniers alinéas de l'article R. 221-21 du code des procédures civiles d'exécution, auxquels renvoie l'article R. 522-5 du même code, l'huissier de justice invite le tiers à déclarer les biens qu'il détient pour le compte du débiteur et, parmi ces derniers, ceux qui auraient fait l'objet d'une saisie antérieure.En cas de refus de déclaration ou de déclaration inexacte ou mensongère, le tiers peut être condamné au paiement des causes de la saisie sauf son recours contre le débiteur. Il peut aussi être condamné à des dommages-intérêts.

16. Il résulte de ces dispositions que si, après avoir exactement répondu sur-le-champ à l'huissier de justice, le tiers entre les mains duquel la saisie est pratiquée lui fournit ultérieurement des informations complémentaires mensongères ou inexactes, il engage sa responsabilité aux conditions de l'article 1240 du code civil.

17. L'arrêt relève, en premier lieu, par motifs propres, que l'huissier de justice chargé de pratiquer la saisie conservatoire entre les mains de la société Amazon France services avait coché sur le procès-verbal la mention : « le tiers détenteur m'a déclaré ne détenir aucun bien appartenant au débiteur. J'en ai pris acte, attirant son attention sur les conséquences possibles et les sanctions rappelées ci-dessous ».

18. Il relève, en deuxième lieu, qu'interrogé le 22 février 2016 par l'huissier de justice instrumentaire concernant le « montant exact des sommes saisies », la société Amazon France services lui avait répondu le même jour en ces termes : « Nous revenons vers vous suite à votre saisie conservatoire en date du 12 février 2016.

La valeur totale du stock d'Elite GSM se trouvant dans les centres de distribution d'Amazon en France s'élève à 897 597,60 euros. Ce stock est réparti dans les quatre centres de distribution d'Amazon.fr Logistique SAS en France et nous vous confirmons qu'il a été bloqué depuis le 12 février 2016 au soir ».

19. Il relève, en troisième lieu, qu'interrogée à nouveau le 26 février suivant sur la localisation des stocks, la société Amazon France services avait répondu le 29 février suivant en ces termes : « Nous vous envoyons dans la journée le détail des stocks par centre de distribution en France. Nous envoyons également cette information pour les centres de Lille et Chalons aux deux huissiers qui se sont présentés dans ces centres ce matin. Pour ce qui est du contact, nous vous suggérons de nous contacter via cet email.

Les équipes locales n'ont pas accès aux informations sur le stock ni aucune information sur le compte Elite GSM, ce compte étant bloqué depuis le 12 février.

Madame Q... vous contactera également dans la journée ».

20. Il relève, en quatrième lieu, qu'à la suite d'une sommation interpellative du 2 mars 2016, la société Amazon France services avait répondu le 3 mars suivant en ces termes : « Nous faisons suite à la sommation interpellative que vous avez signifiée ce matin à la demande de la Selarl I..., agissant es qualité de liquidateur judiciaire de la société Pixmania. Nous relevons que cette sommation s'inscrit dans le prolongement des mesures conservatoires nouvellement réalisées entre les mains de la société Amazon FR Logistique, prise en ses quatre centres de distribution respectivement situés à Sevrey, Saran, Montélimar et Lauwin Plan et que cette sommation vise à vous remettre « le détail intégral et par site des stocks appartenant à la société Elite GSM, détenus par la société Amazon FR Logistique ».

A titre liminaire, nous attirons votre attention sur le fait qu'Amazon France services est une société de services dont l'activité est étrangère à la gestion et l'exploitation du site Internet www.amazon.fr, la société Amazon FR Logistique assurant de son côté, des prestations de stockage de marchandises proposées notamment sur la place de marché du site Internet www.amazon.fr.

En outre, si ce n'est leur affiliation commune, Amazon France services et Amazon FR logistique sont deux entités juridiques indépendantes.

Cela dit, nous vous avons, par email daté du 22 février dernier, apporté des informations sur l'état du stock de produits détenu, pour le compte d'Elite GSM, par Amazon FR Logistique, alors que nous n'étions pas tenus de le faire et qu'Amazon FR Logistique n'était pas visée par une mesure conservatoire. Dès lors, nous ne pouvons que vous confirmer les informations suivantes que nous détenons de la société Amazon FR Logistique : les déclarations faites les 29 février et 1er mars par la société Amazon FR Logistique à la suite de la réalisation entre ses mains de mesures conservatoires comportent déjà le détail du stock détenu à date par chacun de ces centres ainsi que leur valeur. Vous trouverez à cet effet, ci-joint, les éléments d'information communiqués par Amazon FR Logistique aux huissiers instrumentaires ».

21. Il relève, en cinquième lieu, par motifs adoptés, que, sommée par la société Pixmania le 4 mars de justifier de la différence entre la valeur déclarée des stocks par la société Amazon France services, et de confirmer leur blocage au 12 février 2016, la société Amazon France Logistique avait répondu que les saisies conservatoires dans ses centres de distribution n'avaient été opérées que les 29 février et 1er mars 2016, qu'il n'avait pas été fait usage de l'autorisation du 12 février 2016 et, qu'en l'absence de saisie antérieure « le blocage du compte d'Elite GSM mentionné par la société Amazon France services a eu pour effet d'empêcher la réalisation de toutes transactions commerciales depuis la marketplace. Il ne pouvait en revanche empêcher d'éventuelles demandes de restitution formulées par la société Elite GSM. Or, c'est précisément ce qui s'est passé (...) ».

22. Ayant retenu, à bon droit, que quand bien même la société Amazon France services aurait satisfait sur-le-champ à son obligation déclarative, les réponses données les 22 et 29 février 2016 à l'huissier de justice l'engageaient, la cour d'appel a pu déduire de ces constatations et énonciations que la société Amazon France services avait commis une faute ayant occasionné un préjudice dont elle a apprécié souverainement l'étendue.

23. Le moyen, inopérant en sa troisième branche en ce qu'il attaque des motifs surabondants, n'est, dès lors, pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident qui n'est qu'éventuel, la Cour :

REJETTE le pourvoi principal.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Cardini - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre ; SCP Baraduc, Duhamel et Rameix -

Textes visés :

Articles R. 221-21 et R. 522-5 du code des procédures civiles d'exécution ; article 1240 du code civil.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 1 février 2006, pourvoi n° 04-11.693, Bull. 2006, II, n° 37 (cassation), et les arrêts cités ; 2e Civ., 19 mars 2009, pourvoi n° 08-11.303, Bull. 2009, II, n° 78 (rejet).

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