Numéro 2 - Février 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2021

PROCEDURE CIVILE

2e Civ., 4 février 2021, n° 20-10.685, (P)

Cassation

Acte de procédure – Nullité – Vice de forme – Définition – Personne morale – Dénomination erronée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 1er octobre 2019), la société L'Araignée de la roche, propriétaire d'une parcelle sur la commune de Saint-Firmin, a obtenu l'annulation de l'arrêté lui refusant le permis de construire un hangar sur ce terrain.

2. Elle a, ensuite, assigné devant un tribunal de grande instance la commune de Saint-Firmin, auprès de laquelle elle avait acquis cette parcelle, à fin d'obtenir l'annulation de la vente.

3. Par un jugement en date du 5 février 2018, le tribunal l'a déboutée de ses demandes.

4. Un appel de ce jugement a été relevé par une déclaration d'appel formée au nom de la société L'Araignée sous la roche.

5. Par une ordonnance du 28 mai 2019, le conseiller de la mise en état a dit nulle la déclaration d'appel et irrecevables les conclusions déposées par la « SCI L'Araignée sous la Roche ».

6. La société L'Araignée de la roche a déféré cette ordonnance à la cour d'appel.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. La société L'Araignée de la roche fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à déféré et de maintenir l'ordonnance du 28 mai 2019, qui dit que sa déclaration d'appel était nulle et déclare irrecevables les conclusions déposées par elle, alors « qu'une erreur relative à la dénomination de la personne morale ne la prive pas de la capacité d'ester en justice, qui est attachée à la personne quelle que soit sa désignation, et ne constitue qu'une simple irrégularité de forme susceptible d'être régularisée ; qu'en décidant qu'en raison de la désignation de la société L'Araignée de la Roche par le nom L'Araignée « sous » la Roche, dans les actes de procédure, la procédure concernerait une société inexistante dépourvue de capacité d'ester en justice et que cette irrégularité serait une irrégularité de fond qui ne serait pas susceptible d'être couverte, la cour d'appel a violé les articles 114 et 117 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 114 et 117 du code de procédure civile :

8. Il résulte de ces textes que, dans un acte de procédure, l'erreur relative à la dénomination d'une partie n'affecte pas la capacité à ester en justice qui est attachée à la personne, quelle que soit sa désignation, et ne constitue qu'un vice de forme, lequel ne peut entraîner la nullité de l'acte que sur justification d'un grief.

9. Pour dire n'y avoir lieu à déféré et maintenir l'ordonnance du 28 mai 2019, l'arrêt retient que c'est par une exacte appréciation des éléments qui lui étaient soumis que le conseiller de la mise en état a dit que « la SCI L'Araignée sous la Roche » n'avait pas la capacité d'ester en justice puisqu'elle n'avait pas d'existence juridique et que l'inexistence d'une personne morale qui agit en justice n'est pas une irrégularité susceptible d'être couverte.

10. En statuant ainsi, alors que la désignation de la société l'Araignée de la roche sous le nom de L'Araignée sous la roche dans la déclaration d'appel et les conclusions, qui s'analysait, en réalité, en une erreur de dénomination de la société, constituait un vice de forme, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Bohnert - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel -

Textes visés :

Articles 114 et 117 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 12 juin 2003, pourvoi n° 01-13.922, Bull. 2003, II, n° 182 (rejet).

2e Civ., 4 février 2021, n° 19-23.615, (P)

Rejet

Conclusions – Conclusions d'appel – Prétentions récapitulées sous forme de dispositif – Cour d'appel ne statuant que sur les prétentions énoncées au dispositif – Applications diverses – Contestation de la validité d'un acte de procédure

Conclusions – Conclusions d'appel – Prétentions récapitulées sous forme de dispositif – Cour d'appel ne statuant que sur les prétentions énoncées au dispositif – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 16 août 2019), M. et Mme F... ont été condamnés, l'un par un jugement du 11 avril 2006, et l'autre, par un arrêt du 4 mars 2008, à payer diverses sommes à la société banque Courtois (la banque).

2. M. et Mme F... ont fait assigner la banque devant un juge de l'exécution, en vue de la mainlevée de diverses mesures conservatoires et d'exécution forcée, que cette dernière avait pratiquer à leur encontre, puis ont relevé appel du jugement rejetant leurs demandes.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et le second moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen qui est irrecevable, et sur le second moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

4. M. et Mme F... font grief à l'arrêt de rejeter leurs contestations relatives à la validité de la signification du jugement du tribunal de commerce de Dax du 11 avril 2006 effectuée selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile, et, en conséquence, de rejeter les demandes tendant à voir juger non avenu le jugement précité, juger nuls et de nul effet les actes d'exécution réalisés en vertu de ce jugement, ordonner la mainlevée des inscriptions prises au service de la publicité foncière de Rennes 3 le 24 février 2016 et les 24 et 25 mai 2016 et ordonner la mainlevée de l'inscription de nantissement des parts sociales de M. F... dans la société RKcom, et de rejeter sa demande en paiement de dommages-intérêts, alors :

« 1°/ que lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte ; qu'une signification ne peut intervenir selon ces modalités que dans le cas où les diligences nécessaires, que l'huissier de justice est tenu d'accomplir, n'ont permis de découvrir ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail de la personne à qui l'acte doit être signifié ; qu'elle en a déduit que ces démarches étaient « nécessaires et suffisantes pour caractériser l'impossibilité pour l'huissier de remettre l'acte à son destinataire » ; que, pour juger que la signification du 31 août 2006 était régulière et ne saurait être annulée, la cour d'appel a relevé que « le procès-verbal mentionne les vérifications faites sur place par l'huissier, le constat que le destinataire de l'acte n'habite pas à l'adresse indiquée, les démarches auprès de la mairie et de la gendarmerie, les recherches sur Minitel, ainsi que celles effectuées pour retrouver le lieu de travail et la fonction exercée par son destinataire » ; qu'en statuant ainsi, alors qu'elle relevait par ailleurs que l'huissier connaissait l'adresse en poste restante des époux F... à Tosse, de sorte qu'il lui appartenait, avant de délivrer l'acte, de procéder aux vérifications nécessaires à Tosse, village de 2 000 habitants situé à proximité de Seignosse, pour pouvoir effectuer une signification à personne, la cour d'appel a violé les articles 659 et 693 du code de procédure civile ;

2°/ que lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte ; que le même jour ou au plus tard le premier jour ouvrable suivant, à peine de nullité, l'huissier envoie au destinataire à la dernière adresse connue, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, une copie du procès-verbal à laquelle est jointe une copie de l'acte objet de la signification ; que cette seconde formalité d'information en dernier recours, faute d'avoir retrouvé le destinataire de l'acte, doit être faite à la « dernière adresse connue », laquelle peut-être une adresse en poste restante ; qu'en l'espèce, en jugeant la signification du 31 août 2006 régulière cependant que les lettres recommandées et simples dont l'envoi est prévu par l'article 659 du code de procédure civile n'avaient pas été envoyés à l'adresse connue en « poste restante » de M. F..., la cour d'appel a violé l'article 659 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte de la combinaison des articles 562 et 954, alinéa 3, du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, que la partie qui entend voir infirmer le chef d'un jugement l'ayant déboutée d'une contestation de la validité d'un acte de procédure, et accueillir cette contestation doit formuler une prétention en ce sens dans le dispositif de ses conclusions d'appel.

6. Il ressort des énonciations de l'arrêt, se référant aux dernières conclusions d'appel déposées pour M. et Mme F..., que, dans le dispositif de leurs conclusions d'appel, ces derniers se bornaient à solliciter l'infirmation du jugement frappé d'appel, sans réitérer la contestation de la validité de la signification du jugement du tribunal de commerce rejetée par ce jugement.

7. Il en résulte que la cour d'appel ne pouvait que confirmer le jugement de ce chef.

8. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié de ce chef.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. de Leiris - Avocat(s) : SCP Delamarre et Jehannin ; SARL Cabinet Briard -

Textes visés :

Articles 562 et 954, alinéa 3, du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du mai 2017.

Rapprochement(s) :

Soc., 21 septembre 2017, pourvoi n° 16-24.022, Bull. 2017, V, n° 144 (1) (rejet), et l'arrêt cité ; 2e Civ., 21 mars 2019, pourvoi n° 17-28.516 ; 2e Civ., 6 juin 2019, pourvoi n° 18-17.910, Bull. 2019, (rejet), et l'arrêt cité.

2e Civ., 18 février 2021, n° 20-12.013, (P)

Cassation partielle

Instance – Péremption – Sécurité sociale – Décret 2018-928 du 29 octobre 2018

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 11 décembre 2019), à la suite d'un contrôle comptable d'assiette de l'association Football club [...] (l'association) pour la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, l'Urssaf Haute-Normandie (l'Urssaf) lui a notifié, le 18 avril 2014, une lettre d'observations suivie, le 12 août 2014, d'une mise en demeure.

2. L'association a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. L'association fait grief à l'arrêt de rejeter l'exception de péremption, alors « que l'abrogation de l'article R. 142-22 du code de la sécurité sociale par le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 n'a pas eu pour effet de reporter le point de départ du délai de péremption au 1er janvier 2019, les principes et modalités de la péremption d'instance étant demeurés les mêmes ; qu'en disant l'instance non périmée aux motifs que le délai de péremption avait commencé à courir le 1er janvier 2019, en raison de l'abrogation de l'article R. 142-22 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel a violé ces dispositions par fausse application, ensemble l'article 386 du code de procédure civile par refus d'application. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte de l'article 2 du code civil que la loi nouvelle ne peut remettre en cause une situation juridique régulièrement constituée à la date de son entrée en vigueur.

6. Selon l'article 386 du code de procédure civile, l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans.

7. Selon l'article R. 142-22, dernier alinéa, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2011-2119 du 30 décembre 2011, abrogé à compter du 1er janvier 2019 par le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, l'instance devant le juge du contentieux général de la sécurité sociale est périmée lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article précédent, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction.

8. Il résulte de la combinaison de ces textes que si les dispositions de l'article 386 du code de procédure civile étaient applicables dans le contentieux de la sécurité sociale dès le 1er janvier 2019, le juge ne pouvait fixer le point de départ du délai de péremption dans les conditions qu'elles prévoient à une date antérieure, correspondant à la période durant laquelle le délai ne pouvait courir en l'absence de diligences expressément mises à la charge des parties par la juridiction.

9. L'arrêt retient que l'article R. 142-22 du code de la sécurité sociale a été abrogé par le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, et que l'entrée en vigueur du décret a été différée au 1er janvier 2019, son article 17 précisant que les dispositions relatives à la procédure devant les juridictions étaient applicables aux instances en cours. Il ajoute qu'en vertu du principe de l'effet immédiat attaché à l'article 2 du code civil, l'existence de la péremption de l'instance doit être appréciée à la date où celle-ci est invoquée, que cet effet n'est pas rétroactif et qu'ainsi, les lois et décrets relatifs à la procédure, s'ils sont immédiatement applicables aux instances en cours, sont sans effet sur les diligences accomplies avant l'entrée en vigueur du nouveau texte, conformément aux dispositions alors en vigueur. Il énonce que ce n'est qu'à compter du 1er janvier 2019 que l'Urssaf avait l'obligation d'accomplir des diligences pour échapper à la péremption de l'instance qu'elle avait engagée et que ce délai expirera, en application de l'article 386 du code de procédure civile, le 1er janvier 2021.

10. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit que la péremption d'instance n'était pas acquise.

11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le moyen relevé d'office

12. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles 14 du code de procédure civile et L. 311-2 du code de la sécurité sociale :

13. Il résulte du premier de ces textes que nul ne peut être jugé sans avoir été entendu ou appelé.

14. Selon le second, sont affiliées obligatoirement aux assurances sociales du régime général, quel que soit leur âge et même si elles sont titulaires d'une pension, toutes les personnes, quelle que soit leur nationalité, de l'un ou de l'autre sexe, salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat.

15. Pour dire bien-fondé le redressement litigieux, l'arrêt relève que les joueurs se soumettaient, sous peine de sanctions financières, par le biais des protocoles de licence et des protocoles d'accord, à des obligations caractérisant un lien de subordination et percevaient, en plus de défraiements, une rémunération forfaitaire, de sorte que c'est à juste titre que l'Urssaf soutient que les sommes versées avaient bien le caractère d'un salaire.

16. En statuant ainsi, sans qu'aient été appelés en la cause les joueurs intéressés, alors qu'elle était saisie d'un litige portant sur la qualification des relations de travail liant ces derniers à l'association, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

17. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt relatives à la condamnation de l'association au paiement de la somme de 130 379 euros entraîne la cassation du chef de dispositif relatif au rejet de la demande en délais de paiement, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a confirmé la décision rendue par la commission de recours amiable le 4 décembre 2014 et le bien-fondé du redressement en toutes ses composantes, condamné l'association Football club de [...] au paiement de la somme de 130 379 euros et débouté l'association Football club de [...] de sa demande en délais de paiement, l'arrêt rendu le 11 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Le Fischer - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article R. 144-22 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret 2011-2119 du 30 décembre 2011 ; article 386 du code de procédure civile ; article L.311-22 du code de la sécurité sociale ; article 14 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 15 mai 2008, pourvoi n° 07-12.767, Bull. 2008, II, n° 115 (cassation) ; 2e Civ., 30 mai 2013, pourvoi n° 12-20.197, Bull. 2013, II, n° 106 (cassation).

2e Civ., 11 février 2021, n° 18-16.535, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Intervention – Intervention forcée – Intervention en appel – Conditions – Evolution du litige – Caractérisation – Défaut – Applications diverses

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 14 mars 2018), la société General Motors Strasbourg a conclu avec la société Roide Doubs technique, devenue la société Sidéo Roide Doubs technique (la société Sidéo RDT), assurée auprès de la société Allianz IARD (la société Allianz), un contrat de fournitures de pièces constituant l'un des composants de boîtes automatiques destinées à équiper des véhicules automobiles.

2. La société Sidéo RDT a confié le traitement thermique de durcissement de ces pièces, nécessaire pour éviter leur usure prématurée, à la société Établissements Amyot (la société Amyot), assurée au titre de sa responsabilité civile par la société Generali IARD (la société Generali).

3. Ayant découvert, à l'occasion d'un contrôle interne, que certaines des pièces commandées n'avaient pas fait l'objet d'un traitement thermique, la société General Motors, aujourd'hui dénommée la société Punch Powerglide Strasbourg (la société PPS), a assigné la société Sidéo RDT en paiement de dommages-intérêts et de frais financiers.

4. Cette dernière a appelé en garantie la société Amyot, tandis que la société PPS a formé contre la société Allianz, intervenue volontairement dans la procédure, une demande de condamnation à garantir son assurée.

5. La société Amyot, condamnée par un jugement du 14 juin 2013 à garantir, dans une certaine limite, la société Sidéo RDT et son assureur Allianz des condamnations prononcées à leur encontre au bénéfice de la société PPS, a été placée, le 6 octobre 2014, en redressement judiciaire, puis, le 23 septembre 2015, en liquidation judiciaire, la SCP PL... ayant été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

6. Le 11 mai 2016, la société Allianz, qui avait interjeté appel le 25 juillet 2013 du jugement du 14 juin 2013, a assigné la société Generali en intervention forcée.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

7. La société Generali fait grief à l'arrêt de déclarer recevable sa mise en cause par la société Allianz et de dire qu'elle sera tenue in solidum avec la SCP PL..., en qualité de liquidateur en exercice de la société Amyot, de relever et garantir la société Sidéo RDT et la société Allianz de toutes condamnations prononcées à leur encontre, alors « que l'évolution du litige impliquant la mise en cause d'un tiers devant la cour d'appel n'est caractérisée que par la révélation d'une circonstance de fait ou de droit née du jugement ou postérieure à celui-ci modifiant les données juridiques du litige ; que la procédure collective ouverte contre l'assuré mis en cause, postérieurement au jugement de première instance le condamnant avec d'autres, ne constitue pas une évolution du litige permettant l'appel en garantie formé contre son assureur de responsabilité par un coauteur pour la première fois en cause d'appel ; qu'en l'espèce, il ressort de la procédure que la société Allianz IARD, assureur de la société Sideo RDT, est intervenue volontairement devant le tribunal de grande instance de Strasbourg afin de demander la condamnation de la société Amyot à les relever, elle et son assurée, de toute condamnation qui pourrait être prononcée à leur encontre ; que dès lors, en affirmant que la liquidation judiciaire de la société Amyot, prononcée postérieurement au jugement dont appel, caractérisait « une évolution du litige rendant recevable la mise en cause d'un tiers afin de garantir la société Amyot des condamnations prononcées à son encontre », tandis que l'appel en garantie formé par la société Allianz IARD contre la société Generali, assureur de la société Amyot, aurait pu l'être dès la première instance, puisque cette dernière avait été appelée en la cause à ce stade de la procédure, la cour d'appel a violé l'article 555 du code de procédure civile.»

Réponse de la Cour

Vu l'article 555 du code de procédure civile :

8. Il résulte de ce texte que les personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité peuvent être appelées devant la cour d'appel, même aux fins de condamnation, quand l'évolution du litige implique leur mise en cause.

9. L'arrêt, pour déclarer recevable la mise en cause de la société Generali par la société Allianz retient que la première, qui n'était pas partie à l'instance, a été assignée en intervention forcée devant la cour d'appel le 11 mai 2016 et que la société Amyot a été placée en liquidation judiciaire le 23 septembre 2015, soit postérieurement au jugement dont appel, ce qui constitue une évolution du litige rendant recevable sa mise en cause afin de garantir la société Amyot des condamnations prononcées à son encontre.

10. En statuant ainsi, alors que l'ouverture, après le jugement, d'une procédure collective à l'égard de la société Amyot n'a pas eu pour effet de modifier les données juridiques du litige et ne constitue pas une évolution de celui-ci, permettant, pour la première fois devant la cour d'appel, la mise en cause de la société Generali, contre laquelle la société Allianz était déjà en mesure d'agir devant le premier juge, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

13. Il y a lieu de déclarer irrecevable l'appel en intervention forcée de la société Generali par la société Allianz.

Mise hors de cause

14. La Cour de cassation statuant sans renvoi, il n'y a pas lieu de prononcer de mise hors de cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare recevable la mise en cause de la société Generali IARD par la société Allianz IARD, en ce qu'il dit que la société Generali IARD sera tenue in solidum avec la SCP PL..., en qualité de liquidateur en exercice de la société Amyot, de relever et garantir la société Sidéo Roide Doubs technique et la société Allianz IARD de toutes condamnations prononcées à leur encontre, et en ce qu'il condamne la société Generali IARD aux dépens de l'appel, in solidum avec la société Amyot, l'arrêt rendu le 14 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DÉCLARE irrecevable l'appel en intervention forcée de la société Generali IARD par la société Allianz IARD.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Besson - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SCP Baraduc, Duhamel et Rameix ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Article 555 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 15 décembre 2010, pourvoi n° 09-68.894, Bull. 2010, III, n° 221 (rejet), et les arrêts cités ; 2e Civ., 23 juin 2011, pourvoi n° 10-20.563, Bull. 2011, II, n° 141 (cassation partielle), et les arrêts cités.

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