Numéro 2 - Février 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2021

POUVOIRS DES JUGES

2e Civ., 11 février 2021, n° 19-23.240, (P)

Rejet

Appréciation souveraine – Astreinte – Liquidation – Cause étrangère – Preuve – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 27 juin 2019), un jugement d'un tribunal d'instance du 4 juillet 2013, signifié le 16 janvier 2015, irrévocable, a condamné M. O... à réaliser, sous astreinte de 15 euros par jour de retard à compter du troisième mois suivant sa signification, divers travaux destinés à rendre décents les lieux qu'il avait donnés à bail à M. P... et Mme Q... (les consorts P... Q...).

2. Le 20 décembre 2017, les consorts P... Q... ont saisi un juge de l'exécution aux fins de liquidation de l'astreinte prononcée.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. M. P... et Mme Q... font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande en liquidation de l'astreinte, alors :

« 1°/ que les consorts P... Q... faisaient valoir en appel que Mme W..., qu'ils n'avaient jamais rencontrée, n'était pas présente lors des visites des entreprises dans le logement et que, néanmoins, dans son attestation, elle prêtait aux locataires des propos qu'ils n'avaient jamais tenus et qui ne sont pas corroborés par les entrepreneurs eux-mêmes ; qu'ils ajoutaient que le manque d'objectivité des dires de Mme W... est en tout état de cause démontré par le fait qu'elle n'hésite pas à accuser les locataires d'avoir mis le feu à la cheminée le 11 janvier 2017, alors que leur absence totale de responsabilité dans le sinistre est clairement établie ; que la cour d'appel a laissé sans réponse ces conclusions mettant en évidence le fait que Mme W... n'avait pas été témoin de ce dont elle prétendait attester et l'absence de crédibilité de son attestation ; qu'elle a ainsi méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;

2°/ que les consorts P... Q... faisaient valoir que le courrier de M. P... en date du 5 octobre 2013 doit être compris à la lumière des conditions dans lesquelles il a été rédigé ; qu'ils observaient ainsi que ce même jour, un samedi, vers 9 heures du matin, M. O... et une autre personne avec un véhicule utilitaire siglé « Horlacher et F... L... » s'étaient présentés à l'improviste à leur domicile, de surcroît en demandant à M. P... de les aider à décharger le véhicule et à installer un ballon d'eau chaude et que M. P..., s'il leur avait refusé son aide après leur avoir fait remarquer qu'il n'était guère courtois de leur part de ne pas l'avoir averti plus tôt de leur passage, ne leur avait pas interdit l'accès au logement familial ; qu'ils soulignaient que le refus de M. P... de fournir l'eau et l'énergie pour les travaux commandés par le propriétaire s'expliquait par le fait que, depuis 1995, les locataires avaient été contraints d'assumer, outre leurs obligations de locataires, d'innombrables réparations incombant légalement et contractuellement au bailleur, mais que celui-ci se refusait à faire réaliser en dépit de leurs réclamations, et que, par le courrier litigieux, M. P... avait simplement entendu rappeler à M. O... que les locataires n'avaient pas à assumer les charges liées à l'électricité et à l'eau nécessaires à la réalisation de travaux à la charge du propriétaire, lequel n'a jamais proposé d'assumer lui-même ces charges ; qu'ils ajoutaient que le refus de M. P... de fournir l'électricité pour les travaux commandés par le propriétaire s'expliquait également par le fait que l'état de l'installation électrique pouvait faire craindre qu'elle ne supportât pas l'utilisation d'appareils de chantier de forte puissance ; qu'en délaissant ces conclusions pourtant particulièrement pertinentes, la cour d'appel a derechef méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que les consorts P... Q... démontraient ensuite qu'en dépit du courrier de M. P... datant de 2013, ils ne se sont jamais opposés à l'accès des différents entrepreneurs à leur logement ; qu'ils invoquaient ainsi la production par M. O... des devis de l'entreprise CSVB, portant sur les travaux de chauffage, douche et lavabo (production d'appel n° 23 de M. O...), et de l'entreprise Phil Pro, relatif à la réfection de l'installation électrique, devis respectivement datés des 12 novembre 2014 et 3 décembre 2014, donc postérieurs à la lettre du 5 octobre 2013 et qui n'avaient pu être établis sans un examen scrupuleux de l'intérieur du logement ; qu'ils se prévalaient également du fait que, sous la réserve de l'entreprise [...] (M. F...), aucune des entreprises contactée par M. O... pour effectuer les travaux auxquels il avait été condamné, n'a jamais attesté avoir été empêchée d'accéder au logement ou d'y effectuer les travaux convenus avec le bailleur ; et qu'ils observaient encore que, comme au demeurant l'a constaté la cour d'appel, certains travaux prescrits par le jugement définitif du 4 juillet 2013, à savoir l'installation d'un dispositif pare feux sur la partie boisée du mur jouxtant la grange et le tubage du conduit de cheminée, ont été exécutés en janvier 2015 et qu'en outre, suite à l'incendie de janvier 2017, une tentative de réfection du conduit de cheminée a eu lieu en septembre 2017, travaux impliquant les uns et les autres un accès des entrepreneurs au logement des locataires ; que faute d'avoir répondu à ces conclusions qui démontraient avec évidence que les consorts P... Q... avaient accordé l'accès de leur logement aux entrepreneurs dûment mandatés par M. O..., la cour d'appel a encore méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que les consorts P... Q... relevaient dans leurs conclusions d'appel que l'attestation de M. L... F... en date du 29 janvier 2018 ne précise aucune des dates auxquelles, selon lui, il aurait tenté d'accéder à leur logement et en aurait été empêché, ses prétendues tentatives d'intervention étant dès lors sujettes à caution, d'autant que, dans le cadre de la procédure au fond, ayant abouti au jugement définitif du 4 juillet 2013, ayant condamné M. O..., sous astreinte, à réaliser les travaux destinés à rendre les lieux loués décents, M. F... avait déjà établi une attestation en termes identiques, attestation qui n'avait pas convaincu le tribunal ; qu'ils ajoutaient qu'au demeurant, une mention manuscrite et signée figurant en page 4 du devis Phil Pro du 3 décembre 2014, précise que pour « la plomberie le devis de la société CSVB a été signé, accepté, car moins cher que la société [...] », ce qui montre que celle-ci, pris en la personne de son représentant M. F..., a nécessairement accédé au logement ; que faute d'avoir répondu à ces conclusions déterminantes, la cour d'appel, une nouvelle fois, a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ que les consorts P... Q... faisaient valoir en appel qu'ils n'avaient et n'ont aucun intérêt à refuser la réalisation des travaux qui auraient permis ou permettraient de rendre décent le logement, actuellement encore dépourvu de chauffage central, sans installations sanitaires et dont le système électrique est non conforme, et que M. O... se borne à évoquer de prétendues difficultés datant de 2013, sans justifier d'aucune démarche récente quant à la réalisation des travaux, imposant ainsi à ses locataires de vivre dans ces conditions indignes ; que la cour d'appel, qui a laissé ces conclusions sans réponse, a ainsi, une fois de plus, méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. L'arrêt, après avoir constaté que certains travaux prescrits par le jugement n'ont toujours pas été réalisés, relève que l'attestation en date du 29 janvier 2018 de M. F..., artisan chauffagiste, indique qu'il est intervenu à plusieurs reprises chez M. P... pour des travaux sanitaires, mais que ce dernier n'a jamais accepté ses interventions.

5. Il relate que l'attestation de Mme W... énumère les difficultés auxquelles se sont heurtés M. O... et les artisans pour établir les devis et faire les premiers travaux et rappelle que M. P... a indiqué, dans un courrier du 5 octobre 2013, qu'il refusait que l'artisan en charge de créer une pièce d'eau ait accès à l'eau et à l'électricité de son domicile.

6. En l'état de ces énonciations et constatations, relevant de son appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de fait et de preuve produits, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, en a souverainement déduit que M. O... s'était heurté à des difficultés d'exécution, tenant au comportement des locataires, constituant une cause étrangère au sens de l'article L. 131-4, alinéa 3, du code des procédures civiles d'exécution.

7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Martin - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article L. 131-4, alinéa 3, du code des procédures civiles d'exécution.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 12 février 2004, pourvoi n° 02-13.016, Bull. 2004, II, n° 53 (rejet), et les arrêts cités.

1re Civ., 10 février 2021, n° 20-11.694, (P)

Rejet

Appréciation souveraine – Nationalité – Déclaration – Acquisition de la nationalité française à raison du mariage – Conditions – Communauté de vie affective et matérielle

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 novembre 2019), le [...], M. B..., né à Pristina (Kosovo), a épousé Mme Q..., née à Lille, de nationalité française. Aucun enfant n'est issu de cette union.

Le 3 avril 2009, M. B... a souscrit une déclaration d'acquisition de la nationalité française, sur le fondement de l'article 21-2 du code civil. Cette déclaration a été enregistrée le 2 mars 2010.

Le 30 janvier 2013, M. B... et Mme Q... ont divorcé et, le [...], le premier s'est remarié à Lausanne (Suisse) avec Mme I....

Le 7 août 2015, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris l'a assigné aux fins d'annulation de l'enregistrement de la déclaration acquisitive de nationalité française et de constat de son extranéité, sur le fondement de l'article 26-4, alinéa 3, du code civil, au motif que celui-ci avait eu deux enfants avec celle qui allait devenir sa seconde épouse, alors qu'il était toujours marié avec Mme Q....

2. Par jugement du 10 février 2017, le tribunal a annulé l'enregistrement de la déclaration souscrite le 3 avril 2009 et dit que M. B... n'est pas français.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

4. M. B... fait grief à l'arrêt d'annuler l'enregistrement de la déclaration souscrite le 3 avril 2009 devant le consul adjoint de France à Genève, sur le fondement de l'article 21-2 du code civil, de dire qu'il n'est pas français et d'ordonner la mention prévue à l'article 28 du code civil, alors :

« 1°/ que l'entretien d'une relation adultère n'est pas exclusif, en soi, d'une communauté de vie tant affective que matérielle entre les époux ; qu'en l'espèce, en se fondant sur la seule circonstance tirée de ce que M. B... avait entretenu une relation adultère avec Mme I... pendant son mariage avec Mme Q... pour en conclure à l'absence d'une communauté de vie affective et matérielle entre les époux, la cour d'appel a violé l'article 21-2 du code civil ;

2°/ que le devoir de communauté de vie entre époux, qui implique, en principe, que ceux-ci vivent ensemble et aient une relation de couple, ne se confond pas avec le devoir de fidélité, lequel implique que ladite relation de couple soit exclusive et monogamique ; qu'en l'espèce, en déduisant la prétendue absence de communauté de vie entre Mme Q... et M. B... du seul manquement, par celui-ci, à son devoir de fidélité envers son épouse, en raison de sa liaison adultère avec Mme I..., la cour d'appel a violé les articles 212 et 215 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. Aux termes de l'article 21-2, alinéa 1er, du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, issue de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006, l'étranger ou apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai de quatre ans à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu'à la date de cette déclaration la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait pas cessé entre les époux depuis le mariage et que le conjoint français ait conservé sa nationalité.

6. L'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que le ministère public rapporte la preuve que, pendant son mariage avec Mme Q..., M. B... a maintenu une relation affective, durable et suivie avec Mme I..., qu'il connaissait depuis 1999 et retrouvait lors de ses séjours au Kosovo, et que de cette relation sont nés deux enfants, dont l'une, M... B..., le [...], avant la déclaration de nationalité.

7. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a souverainement déduit, sans se fonder uniquement sur la circonstance que M. B... entretenait une relation adultère, qu'il n'existait pas de communauté de vie affective des époux au jour de la déclaration souscrite le 3 avril 2009, de sorte que la fraude était caractérisée.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Le Cotty - Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau -

Textes visés :

Article 21-2 du code civil.

1re Civ., 10 février 2021, n° 19-22.793, (P)

Rejet

Appréciation souveraine – Protection des victimes de violences – Délivrance d'une ordonnance de protection – Condition

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 17 juin 2019), par requête du 20 avril 2017, Mme J... a saisi le juge aux affaires familiales afin d'obtenir une ordonnance de protection à l'égard de son conjoint, M. U....

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. M. U... fait grief à l'arrêt de dire que Mme J... est fondée à solliciter une mesure de protection et, en conséquence, de lui attribuer la jouissance du logement et du mobilier du ménage se trouvant au domicile conjugal, d'ordonner que M. U... quitte sans délai le domicile conjugal, d'ordonner en tant que de besoin son expulsion, avec l'assistance de la force publique, et d'interdire aux époux de se troubler mutuellement à leur domicile respectif en les autorisant, à défaut, à faire cesser ce trouble par toute voie de droit appropriée, si besoin avec le concours de la force publique, alors :

« 1°/ que constitue un acte de violence tout acte dommageable pour la personne ou les biens de la victime qui est de nature à lui causer un trouble physique ou moral ; qu'en affirmant que la matérialité des violences psychologiques commises au préjudice de M. U... n'était pas avérée par la production d'éléments objectifs et qu'il n'y avait pas lieu de tenir compte du fait que Mme J... ait quitté le domicile conjugal munie d'un couteau, le 26 décembre 2016, pour se rendre à [...], où s'était réfugié M. U..., afin de lacérer la capote et crever les pneus de son véhicule dès lors que ces faits, aussi désagréables soient-ils, n'étaient pas constitutifs des violences physiques dénoncées par l'intéressé, sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si ces faits n'étaient pas de nature à caractériser des violences morales, en ce qu'ils étaient constitutifs d'un acte prémédité d'intimidation avec arme, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 515-9 et 515-11 du code civil ;

2°/ que le juge aux affaires familiales ne peut délivrer une ordonnance de protection que s'il résulte des pièces du dossier que les faits de violence allégués par le demandeur sont vraisemblables et de nature à établir que c'est lui qui est exposé à un danger et non pas son conjoint ; qu'en affirmant que la blessure médicalement constatée que Mme J... avait infligée à M. U... le 1er avril 2017 était une violence réactionnelle à une agression commise par ce dernier dès lors qu'elle avait été déclarée comme telle par Mme J... aux services de police, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 515-9 et 515-11 du code civil ;

3°/ qu'en toute hypothèse, les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner, même sommairement, tous les éléments de preuve qui leurs sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en statuant ainsi sans analyser, même sommairement, les certificats médicaux respectivement établi les 1er avril 2017 pour l'époux et le 3 avril 2017 pour l'épouse dont il résultait que Mme J..., qui ne présentait objectivement que des impacts défensifs aux avant-bras, avait en revanche griffé son mari et sauvagement entaillé sa lèvre par une morsure lui causant une plaie profonde de 2 cm, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner, même sommairement, tous les éléments de preuve qui leurs sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, M. U... faisait valoir que la dégradation des relations au sein du couple en 2017 était la conséquence et non pas la cause du syndrome anxio-dépressif dont souffrait déjà Mme J... depuis des années et rapportait la preuve de la concomitance entre le début de ce syndrome en 2013 et le harcèlement moral dont elle a été victime sur son lieu de travail à compter de cette même période ; qu'en se bornant à affirmer, après avoir constaté que Mme J... n'avait fait état de violences au sein du couple qu'en 2017, que son syndrome anxio-dépressif « ne saurait être mis en lien, comme tente de le soutenir à tort l'appelant, avec des difficultés professionnelles », sans analyser, même sommairement, les éléments de preuve produits aux débats par ce dernier, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ que le juge aux affaires familiales ne peut délivrer une ordonnance de protection que s'il résulte des pièces du dossier que les faits de violence allégués par le demandeur sont vraisemblables et de nature à établir que c'est lui qui est exposé à un danger et non pas son conjoint ; qu'en l'espèce, pour établir que son épouse l'obligeait à assumer seul toutes les charges du ménage, M. U... produisait aux débats les relevés du compte joint attestant, d'une part, des différents prélèvements effectués par les créanciers du couple et, d'autre part, que Mme J... se bornait à verser une somme de 500 euros, ainsi que les justificatifs de leurs revenus respectifs, des différentes charges prélevées sur ce compte et des versements personnels de M. U... pour combler le déficit de ce compte ; qu'en se bornant à affirmer que la matérialité de violences psychologiques ou économiques commises par l'épouse n'était pas davantage avérée par la production d'éléments objectifs sans analyser, même sommairement, les éléments de preuve qui lui étaient ainsi soumis, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6°/ que le principe d'égalité des armes, composante du droit à un procès équitable, commande que chaque partie soit astreinte à des obligations processuelles, notamment en termes de preuve, qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à la partie adverse ; qu'en faisant prévaloir, par principe, les déclarations de Mme J... sur celles de M. U... après avoir, corrélativement, retenu qu'il y avait lieu de rejeter les moyens de M. U... qui n'étaient pas étayés par la production d'éléments objectifs et écarté systématiquement et sans examen au fond les éléments de preuve produits par M. U... au soutien de ses prétentions, la cour d'appel a rompu l'égalité des armes et, ainsi violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

3. Aux termes de l'article 515-9 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019, lorsque les violences exercées au sein du couple ou par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un ancien concubin mettent en danger la personne qui en est victime, un ou plusieurs enfants, le juge aux affaires familiales peut délivrer en urgence à cette dernière une ordonnance de protection.

4. Selon l'article 515-11, alinéa 1er, du code civil, dans la même rédaction, l'ordonnance de protection est délivrée dans les meilleurs délais par le juge aux affaires familiales, s'il estime, au vu des éléments produits devant lui et contradictoirement débattus, qu'il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violence allégués et le danger auquel la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés.

5. L'arrêt énonce qu'il ressort des éléments de preuve produits que Mme J... a été victime de violences conjugales à plusieurs reprises, alors que les faits dénoncés à son encontre par M. U... correspondent à des dégradations matérielles, sans violence physique, ou à des violences réactionnelles à une agression subie par l'épouse. Il constate qu'à cela s'ajoutent un contexte de violences psychologiques et un syndrome dépressif réactionnel, dont souffre l'intéressée depuis plusieurs années, comme en atteste son médecin, et qui n'est pas dû, contrairement à ce que soutient M. U..., à ses difficultés professionnelles. Il relève que M. U... ne démontre pas que son épouse se soit rendue coupable, à son égard, de violences psychologiques ou économiques.

6. En l'état de ces constatations et appréciations, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel, qui a examiné les dépôts de plainte effectués par les deux parties et les certificats médicaux versés aux débats, sans être tenue de s'expliquer sur les pièces qu'elle décidait d'écarter ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a estimé que le prononcé d'une ordonnance de protection était justifié.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Le Cotty - Avocat(s) : SCP Didier et Pinet -

Textes visés :

Article 515-11 du code civil.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 5 octobre 2016, pourvoi n° 15-24.180, Bull. 2016, I, n° 187 (rejet).

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