Numéro 2 - Février 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2021

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005)

Com., 3 février 2021, n° 19-20.616, (P)

Rejet

Liquidation judiciaire – Réalisation des actifs – Immeuble – Cession par adjudication – Cession des actifs aux parents des dirigeants – Interdiction

Il résulte des dispositions de l'article L. 642-20 du code de commerce, qui renvoient à celles de l'article L. 642-3 du même code, que l'interdiction, posée par ce second texte, de la cession des actifs, par quelque voie que ce soit, aux parents, jusqu'au deuxième degré, des dirigeants de la personne morale débitrice, est applicable à la vente aux enchères publiques des biens immobiliers de la débitrice en liquidation judiciaire.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 30 avril 2019), la SCI des 4 cyprès a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 29 mars et 26 septembre 2016. Mme J..., désignée en qualité de liquidateur, a été autorisée à reprendre la procédure de saisie immobilière qui avait été engagée par un créancier avant l'ouverture de la procédure collective.

2. Le 12 juin 2018, l'immeuble saisi a été adjugé à la société Jérôme G. M. et Mme R..., les parents du gérant de la SCI, ont formé une surenchère du dixième, qui a été contestée par la société adjudicataire.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. M. et Mme R... font grief à l'arrêt de faire droit à la contestation et d'annuler leur déclaration de surenchère, alors « que l'interdiction faite aux parents et alliés jusqu'au deuxième degré inclusivement du débiteur liquidé ou du dirigeant de la personne morale liquidée de présenter une offre de reprise de son entreprise ou de ses biens prévue par les articles L. 642-3 et L. 642-10 du code de commerce n'interdit pas à ces proches de porter une enchère ou surenchère dans le cadre de la vente aux enchères publiques des biens du débiteur ; qu'en retenant, pour annuler la surenchère formée par les époux R... dans le cadre de la vente aux enchères publiques de l'immeuble de la SCI des 4 cyprès, qu'ils étaient les parents du dirigeant de la SCI des 4 cyprès, M. E... R..., et que « la prohibition de l'article L. 642-3 (était) bien applicable à la vente aux enchères » et visait bien l'enchère ou la surenchère qui devaient être considérées comme des offres, la cour d'appel a violé les articles L. 642-3 et L. 642-10 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

4. C'est à bon droit que l'arrêt retient que les articles L. 642-18 et L. 642-19 du code de commerce, auxquels renvoie l'article L. 642-20 du même code, traitent spécialement des ventes aux enchères publiques des biens immobiliers du débiteur en liquidation judiciaire ainsi que de la vente amiable ou aux enchères des autres biens de ce débiteur. Il en résulte que l'interdiction de la cession des actifs, par quelque voie que ce soit, aux parents, jusqu'au deuxième degré, des dirigeants de la personne morale débitrice, que pose l'article L. 642-3 du code de commerce, auquel renvoie l'article L. 642-20 du même code, est applicable à M. et Mme R..., à l'exclusion des dispositions des articles L. 322-7 et R. 322-39 du code des procédures civiles d'exécution.

5. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat général : M. Lecaroz - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SARL Corlay -

Textes visés :

Articles L. 642-3 et L. 642-20 du code de commerce.

Com., 17 février 2021, n° 19-12.417, n° 19-16.580, (P)

Irrecevabilité

Procédure (dispositions générales) – Voies de recours – Décisions susceptibles – Décision du premier président de cour d'appel – Demande tendant à arrêter l'exécution provisoire facultative d'un jugement – Pourvoi en cassation – Condition

La décision d'un premier président de cour d'appel, saisi en application de l'article R. 661-1 du code de commerce, d'une demande tendant à arrêter l'exécution provisoire facultative d'un jugement rendu en matière de responsabilité pour insuffisance d'actif et de faillite personnelle ou d'interdiction de gérer, ne peut faire l'objet d'un recours en cassation, sauf excès de pouvoir.

Procédure (dispositions générales) – Voies de recours – Exécution provisoire des jugements et ordonnances – Arrêt – Pourvoi en cassation – Condition

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° Q19-12.417 et Q19-16.580 sont joints.

Examen de la recevabilité des pourvois contestée par la défense

Vu les articles R. 661-1 et R. 662-1, 1° du code de commerce et les articles 462 et 525-2 du code de procédure civile, ce dernier alors applicable :

2. Le premier de ces textes n'ouvrant pas, par une disposition spéciale, la voie du recours en cassation contre la décision d'un premier président de cour d'appel saisi d'une demande tendant à arrêter l'exécution provisoire facultative d'un jugement rendu en matière de responsabilité pour insuffisance d'actif et de faillite personnelle ou d'interdiction de gérer, il y a lieu, conformément au second, d'appliquer l'article 525-2 du code de procédure civile, selon lequel les décisions arrêtant ou refusant d'arrêter l'exécution provisoire ne peuvent, en droit commun, faire l'objet d'un pourvoi. Il en est, par conséquent, de même de celles qui rectifieraient une erreur matérielle affectant de telles décisions. Il n'est fait exception à l'interdiction du recours en cassation qu'en cas d'excès de pouvoir.

3. Selon les ordonnances attaquées (premier président de la cour d'appel de Paris, 20 décembre 2018 et 4 avril 2019), un jugement du 13 février 2018 a condamné M. M... à supporter, solidairement avec la société Stalis holding, une partie de l'insuffisance d'actif de la société Assor France, en liquidation judiciaire, et a prononcé contre lui une mesure d'interdiction de gérer. Ayant interjeté appel de ce jugement, M. M... et la société Saltis holding ont demandé que l'exécution provisoire dont il était assorti soit arrêtée.

Par la première ordonnance attaquée, le premier président a rejeté cette demande et par la seconde, il a rectifié sa précédente ordonnance, en ajoutant que M. W... devait y être mentionné en qualité de curateur de la société Stalis holding, elle-même en liquidation au Luxembourg, et d'intervenant volontaire.

4. M. M... et M. W..., ès qualités, qui se sont pourvus en cassation contre les deux ordonnances, n'invoquant aucun excès de pouvoir, leurs pourvois ne sont recevables ni contre l'ordonnance rectifiée ni contre l'ordonnance rectificative.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DÉCLARE IRRECEVABLES les pourvois.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Brahic-Lambrey - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Baraduc, Duhamel et Rameix ; SCP Spinosi et Sureau -

Textes visés :

Article R. 661-1 du code de commerce.

Com., 17 février 2021, n° 19-16.470, (P)

Rejet

Procédure (dispositions générales) – Voies de recours – Exercice – Tierce opposition – Forme – Déclaration au greffe – Inobservation – Irrecevabilité

La tierce opposition à un jugement arrêtant un plan effectué par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception, et non par une déclaration au greffe comme l'exige l'article R. 661-2 du code de commerce, est irrégulière.

Ne fait pas preuve d'un formalisme excessif ni ne méconnaît les exigences du procès équitable garanti par l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour d'appel qui, ayant relevé que les modalités formelles de cette tierce opposition n'ont pas pour effet de priver les tiers de l'exercice de ce recours, retient que l'exigence d'une présentation au greffe n'a pas restreint l'accès ouvert au tiers opposant d'une manière ou à un point tels que son droit d'accès à un tribunal s'en est trouvé atteint dans sa substance même, que cette exigence tend à un but légitime et qu'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre l'exigence et le but visé.

Redressement judiciaire – Plan de redressement – Jugement arrêtant le plan – Voies de recours – Tierce opposition – Forme

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 4 septembre 2018), la société Hôtel Le Chamois d'Or ayant été mise en redressement judiciaire le 18 décembre 2013, puis cette procédure ayant été étendue à M. B..., le 18 mars 2015, et M. F... désigné mandataire judiciaire, le tribunal de commerce d'Annecy a, par un jugement du 6 octobre 2016, arrêté un plan de redressement d'une durée de dix ans. M. E..., dont la créance était incluse dans le plan, a formé tierce-opposition à ce jugement par une lettre recommandée de son conseil adressée au greffe.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

3. M. E... fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa tierce-opposition, alors :

« 1°/ que la déclaration est l'acte par lequel le demandeur saisit la juridiction sans que son adversaire ait été préalablement informé ; qu'elle peut être écrite ou orale, dès lors qu'elle est remise au greffe ; qu'en conditionnant la validité de la déclaration de tierce-opposition à la comparution du demandeur ou de son avocat au greffe, les juges du fond ont ajouté à la loi une condition qu'elle ne comprenait pas, violant ainsi les articles 58 du code de procédure civile et R. 661-2 du code de commerce ;

2°/ que le juge ne doit pas faire preuve d'un formalisme excessif dans l'application des règles de procédure, conduisant à une atteinte à l'équité de cette dernière ; qu'en décidant qu'en dépit du silence du texte sur les formes que devait revêtir la déclaration au greffe, une déclaration par comparution était nécessaire, les juges du fond ont violé l'article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

3°/ que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ; qu'en décidant que l'irrégularité de forme de la déclaration de tierce-opposition était sanctionnée par une irrecevabilité, quand une telle irrégularité s'analysait en un vice de forme sanctionné par la nullité, lorsqu'il cause un grief pour le contradicteur, les juges du fond ont violé l'article 122 du code de procédure civile ;

4°/ que le juge ne doit pas faire preuve d'un formalisme excessif dans l'application des règles de procédure, conduisant à une atteinte à l'équité de cette dernière ; qu'en décidant que le défaut de comparution personnelle au greffe était sanctionné par une fin de non-recevoir, et non par une nullité de procédure pour vice de forme, soumise à la démonstration d'un grief, les juges du fond ont violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

4. En premier lieu, l'arrêt retient exactement que la lettre recommandée avec demande d'avis de réception ne peut être assimilée à la déclaration au greffe qu'exige l'article R. 661-2 du code de commerce et en déduit à bon droit que M. E... n'a pas respecté la forme requise puisqu'il a adressé au tribunal une déclaration par lettre sans que personne ne se soit présenté au greffe pour faire la déclaration.

5. En deuxième lieu, la tierce-opposition faite autrement que par déclaration au greffe étant irrecevable comme ne répondant pas au mode de saisine prescrit par la loi, et celui qui invoque l'irrecevabilité n'ayant pas, en conséquence, à justifier d'un grief, l'arrêt n'encourt pas la critique de la troisième branche.

6. En dernier lieu, la réglementation relative aux formalités à observer pour former un recours vise à assurer la bonne administration de la justice et le respect, en particulier, du principe de la sécurité juridique, les intéressés devant s'attendre à ce que ces règles soient appliquées. Toutefois, une réglementation, ou l'application qui en est faite, ne doit pas empêcher le justiciable de se prévaloir d'une voie de recours disponible, et si le droit d'exercer un recours est soumis à des conditions légales, les tribunaux doivent, en appliquant des règles de procédure, éviter à la fois un excès de formalisme qui porterait atteinte à l'équité de la procédure, et une souplesse excessive qui aboutirait à supprimer les conditions de procédure établies par les lois.

7. En l'espèce, après avoir relevé que les modalités formelles de la tierce-opposition, aussi strictes soient-elles, n'ont pas pour effet de priver les créanciers de l'exercice de ce recours, ceux-ci ayant toute latitude, en cas d'impossibilité pour eux de se déplacer au greffe, de mandater un avocat pour ce faire, et constaté que la déclaration par lettre recommandée avait été adressée au greffe par le conseil de M. E..., l'arrêt retient que l'exigence d'une présentation au greffe n'avait pas restreint l'accès ouvert à ce créancier d'une manière ou à un point tels que son droit d'accès à un tribunal s'en était trouvé atteint dans sa substance même, que cette exigence tendait à un but légitime, à savoir le traitement rapide des affaires compte tenu des enjeux économiques pour le débiteur, ses créanciers, mais aussi ses salariés, et qu'il existait un rapport raisonnable de proportionnalité entre l'exigence d'un déplacement pour faire la déclaration, assurant une fiabilité maximale sans pour autant induire des coûts importants pour les contestants, et le but visé.

Par ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'a pas fait preuve d'un formalisme excessif, n'a pas méconnu les exigences du procès équitable.

8. Le moyen n'est fondé en aucune de ses branches.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Bélaval - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Rocheteau et Uzan-Sarano -

Textes visés :

Article R. 661-2 du code de commerce ; article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Rapprochement(s) :

Sur la sanction d'une tierce opposition à une décision d'ouverture d'une procédure collective faite autrement que par déclaration au greffe, à rapprocher : Com., 6 juillet 1999, pourvoi n° 97-14.158, Bull. 1999, IV, n° 154 (rejet).

Com., 3 février 2021, n° 19-20.683, (P)

Rejet

Redressement judiciaire – Vérification et admission des créances – Admission – Créances fiscales – Absence de réclamation contentieuse adressée à l'administration fiscale

Les créances fiscales ne peuvent être contestées, en cas d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, que dans les conditions prévues par le livre des procédures fiscales.

En conséquence, doivent être admises les créances fiscales qui n'ont pas donné lieu à une réclamation contentieuse adressée à l'administration, conformément aux dispositions de ce livre.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 28 mai 2019), Mme B... a été mise en redressement judiciaire le 13 février 2018, la société [...] étant désignée mandataire judiciaire.

2. Le comptable public du pôle de recouvrement spécialisé de la Marne a déclaré des créances au passif de la procédure et a été avisé par le mandataire judiciaire le 3 septembre 2018 que la créance était discutée et qu'un rejet serait proposé.

Le comptable a répondu au mandataire le 12 octobre suivant et a maintenu sa demande d'admission.

Examen des moyens

Sur les premier et le second moyens, réunis

Enoncé des moyens

3. Mme B... et le mandataire judiciaire font grief à l'arrêt d'admettre les créances déclarées, alors :

« 1°/ que l'absence de justificatifs joints à la déclaration de créance ne caractérise pas une irrégularité de la déclaration de créance ; qu'en retenant, pour autoriser le comptable public à discuter de la proposition de rejet de sa créance contenue dans la lettre de contestation du mandataire judiciaire du 3 septembre 2018 à laquelle il n'avait pas répondu dans le délai de trente jours, que cette lettre, en ce qu'elle indiquait que la déclaration de créance n'était assortie d'aucun justificatif, portait notamment sur la régularité de la déclaration de créance, la cour d'appel a violé les articles L. 622-25 et R. 622-23 du code de commerce ;

2°/ que s'il y a discussion sur tout ou partie d'une créance autre que celles mentionnées à l'article L. 625-1 du code de commerce, le mandataire judiciaire en avise le créancier intéressé en l'invitant à faire connaître ses explications et le défaut de réponse dans le délai de trente jours interdit toute contestation ultérieure de la proposition du mandataire judiciaire, à moins que la discussion ne porte sur la régularité de la déclaration de créances ; qu'en retenant, pour autoriser le comptable public à discuter de la proposition de rejet de sa créance contenue dans la lettre du mandataire judiciaire du 3 septembre 2018 à laquelle il n'avait pas répondu dans le délai de trente jours et admettre ladite créance, que cette lettre, en ce qu'elle indiquait que la déclaration de créance n'était assortie d'aucun justificatif, concernait la régularité de la déclaration, et contenait donc à la fois une contestation sur la régularité de la déclaration et une contestation sur une partie de la créance, quand la lettre de contestation qui mentionnait l'absence de justificatifs et en sollicitait la communication, contestait le montant de la créance et invoquait l'absence de prise en considération de paiements effectuées par Mme B..., débitrice en redressement judiciaire, et constituait donc une discussion sur tout ou partie de la créance au sens de l'article L. 622-27 du code de commerce, la cour d'appel a violé l'article L. 622-27 du code de commerce ;

3°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; que dans sa lettre du 3 septembre 2018 adressée à la direction générale des finances publiques du pôle recouvrement de la Marne, le mandataire judiciaire a indiqué que Mme B..., débiteur en redressement judiciaire, entendait « contester [la] créance » qui [n'était assortie d'aucun justificatif. Mme B... souhaiterait être en possession des différents rôles », et que « par conséquent » (...) en l'absence de justificatif, je proposerai le rejet de la totalité de votre créance au mandataire judiciaire », qu'en retenant néanmoins que le mandataire judiciaire avait contesté la régularité de la déclaration de créance, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de la lettre susvisée, a violé l'article 1103 du code civil, ensemble le principe susvisé ;

4°/ que les contestations relatives au recouvrement qui portent sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, et sur l'exigibilité de l'impôt relèvent, en matière d'impôts directs, de la compétence du juge administratif ; qu'en statuant sur le montant de la créance déclarée par l'administration fiscale au passif de Mme B... au titre de l'impôt sur le revenu et de la taxe d'habitation compte tenu des paiements effectués quand il lui appartenait de renvoyer les parties à faire trancher la question relative au montant de la dette compte tenu des paiements effectués, dont dépendait la solution du litige, par la juridiction administrative exclusivement, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble les articles L. 281 et L. 199 du livre des procédures fiscales. »

Réponse de la Cour

4. Les créances fiscales ne peuvent être contestées, en cas d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, que dans les conditions prévues par le livre des procédures fiscales. Doivent donc être admises les créances fiscales qui n'ont pas donné lieu à une réclamation contentieuse adressée à l'administration, conformément aux dispositions de ce livre.

5. Il ressort de l'arrêt que Mme B... n'a pas présenté de réclamation à l'administration fiscale.

6. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er et 1015 du code de procédure civile, la décision attaquée se trouve légalement justifiée.

7. Le moyen ne peut donc être accueilli

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Sur la contestation de créances fiscales en cas de procédure collective, à rapprocher : Com., 13 septembre 2017, pourvoi n° 16-13.691.

Com., 3 février 2021, n° 19-20.004, (P)

Rejet

Responsabilités et sanctions – Responsabilité pour insuffisance d'actif – Domaine d'application – Exclusion – Cas – Simple négligence dans la gestion de la société – Omission déclarer la cessation des paiements dans le délai légal – Connaissance de la cessation des paiements

En cas de simple négligence du dirigeant dans la gestion de la société, le tribunal ne peut exercer la faculté, qu'il tient de l'article L. 651-2 du code de commerce, de décider de lui faire supporter tout ou partie de l'insuffisance d'actif révélé à l'occasion de la liquidation judiciaire de cette personne morale. Toutefois, la simple négligence du dirigeant ne peut être réduite au seul cas dans lequel le dirigeant a pu ignorer les circonstances ou la situation ayant entouré sa commission. Ainsi, l'omission de la déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal peut constituer une simple négligence du dirigeant même lorsque le dirigeant n'a pas ignoré cet état.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 23 mai 2019), le 4 janvier 2012, la société Lorraine DA a été mise en liquidation judiciaire, la société [...] étant désignée en qualité de liquidateur. Ce dernier a assigné M. et Mme W..., qui se sont succédé dans les fonctions de président de la société, en responsabilité pour insuffisance d'actif.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses cinq premières branches, et le second moyen, ci-après annexés

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Et sur le premier moyen, pris en sa sixième branche

Enoncé du moyen

3. Le liquidateur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à ce que M. et Mme W... supportent l'insuffisance d'actif de la société Lorraine DA, alors « que l'omission de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal ne peut constituer une simple négligence du dirigeant qu'à la condition que celui-ci ait pu ignorer la cessation des paiements ; qu'en considérant que la simple négligence du dirigeant ne pouvait être écartée après avoir relevé que le résultat de l'exercice de société sur les quinze derniers mois était déficitaire de 122 350 euros, qu'avait été établi un dossier prévisionnel de développement afin de résoudre les difficultés financières de la société, ce qui démontre la volonté du gérant de chercher une solution, et qu'il a ensuite été procédé à la vente de 80 % du fonds de commerce et que 60 000 euros ont été versés afin d'augmenter le capital social, aux fins d'apurer la situation financière de la société, alors que ces circonstances démontraient au contraire la connaissance de la situation de cessation de paiements par le dirigeant, la cour d'appel a violé les articles L. 640-4 et L. 651-2 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016. »

Réponse de la Cour

4. L'article L. 651-2 du code de commerce, qui permet, lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, à un tribunal, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, de décider que le montant en sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion, écarte cette faculté en cas de simple négligence du dirigeant dans la gestion de la société, sans réduire l'existence d'une simple négligence à l'hypothèse dans laquelle le dirigeant a pu ignorer les circonstances ou la situation ayant entouré sa commission.

5. Le moyen, qui postule que l'omission de la déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal ne peut constituer une simple négligence du dirigeant qu'à la condition que celui-ci ait pu ignorer cet état, n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : M. Riffaud - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia -

Textes visés :

Article L. 651-2 du code de commerce.

Com., 17 février 2021, n° 19-20.738, (P)

Rejet

Sauvegarde – Plan de sauvegarde – Exécution du plan – Résolution pour inexécution – Nouvelle procédure – Créancier admis au passif de la première procédure – Renouvellement de l'inscription de warrants après l'expiration du délai de cinq ans – Dispense (non)

Si, en application de l'article L. 626-27 du code de commerce, le créancier admis au passif d'une première procédure collective ayant abouti à un plan est dispensé de déclarer à nouveau sa créance privilégiée, garantie par des warrants, dans le cadre de la nouvelle procédure de liquidation judiciaire ouverte après résolution du plan, ce créancier n'est toutefois pas dispensé de l'obligation de renouveler l'inscription de ces warrants après l'expiration du délai de cinq ans fixé par l'article L. 342-7, alinéa 3, du code rural et de la pêche maritime et jusqu'au paiement ou à la consignation du prix des choses warrantées, conformément à ce texte.

L'autorité de la chose jugée attachée à l'admission de cette créance à titre privilégié n'a pas d'effet conservatoire pour l'avenir des sûretés qui ne sont pas renouvelées, et cet effet ne résulte pas davantage de l'existence d'un plan de sauvegarde ou de la faculté offerte au créancier, par l'article L. 626-27 précité, de ne pas y déclarer à nouveau ses sûretés en cas de résolution du plan et d'ouverture consécutive d'une nouvelle procédure collective, ce texte ne dérogeant nullement à l'obligation de procéder, le cas échéant, à leur renouvellement.

Sauvegarde – Détermination du patrimoine – Vérification et admission des créances – Admission – Chose jugée – Autorité – Seconde procédure collective contre le même débiteur – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 4 juin 2019), la société Fadier élevage (la société débitrice) a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde au passif de laquelle ont été admises des créances déclarées par les sociétés Cooperl Arc Atlantique et Arco.

L'admission des créances de cette dernière société a été prononcée, pour partie, à titre privilégié, sur le fondement de deux warrants agricoles établis les 20 octobre 2005 et 18 octobre 2006.

Le plan de sauvegarde arrêté le 1er décembre 2008 au profit de la société débitrice ayant été résolu par un jugement du 2 mars 2015, qui a également prononcé la liquidation judiciaire, la société Cooperl Arc Atlantique, qui avait absorbé entre-temps la société Arco, a indiqué au liquidateur qu'il subsistait un solde sur la créance de celle-ci et a demandé son admission à titre privilégié dans la nouvelle procédure. Faisant valoir que l'inscription des warrants n'avait pas été renouvelée, le liquidateur s'y est opposé et, par une ordonnance du 8 juillet 2016, le juge-commissaire a prononcé une admission à titre seulement chirographaire.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. La société Cooperl Arc Atlantique fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa contestation de la proposition d'admission de sa créance formée par le liquidateur alors :

« 1°/ qu'après résolution du plan et ouverture d'une nouvelle procédure, les créanciers soumis à ce plan et admis au passif de la première procédure sont dispensés de déclarer leurs créances et sûretés ; que les créances et leurs sûretés inscrites au plan de sauvegarde sont admises de plein droit à la seconde procédure ; qu'en considérant que la société Cooperl Arc Atlantique était irrecevable à faire valoir le caractère privilégié de sa créance et donc en consacrant l'admission, à titre chirographaire, d'une créance pourtant admise à titre privilégié lors de la première procédure, au motif inopérant que le créancier n'avait pas répondu, dans un délai de trente jours, à la discussion sur sa créance instaurée par le mandataire judiciaire, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article L. 626-27 du code de commerce ;

2°/ que, dans l'hypothèse où le créancier use de la faculté de déclarer à nouveau sa créance dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire, cette déclaration n'est pas soumise à l'ensemble des formalités de vérification et d'admission prévues aux articles L. 622-24 et suivants du code de commerce ; qu'en considérant que la société Cooperl Arc Atlantique était irrecevable à faire valoir le caractère privilégié de sa créance au motif qu'elle n'avait pas répondu, dans un délai de trente jours, à la discussion sur sa créance instaurée par le mandataire judiciaire, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 622-27 du code de commerce ;

3°/ qu'en énonçant que le courrier du 7 mai 2015 adressé par la société Cooperl Arc Atlantique s'analyse comme une nouvelle déclaration de créances alors que par ce courrier, le créancier se bornait à confirmer le solde d'une créance d'ores et déjà admise au plan de sauvegarde, la cour d'appel a méconnu les termes clairs et précis du courrier du 7 mai 2015, violant ainsi l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause. »

Réponse de la Cour

3. Si c'est à tort que la cour d'appel a opposé à la société Cooperl Arc Atlantique son absence de réponse, dans le délai de trente jours prévu par l'article L. 622-27 du code de commerce, à la contestation par le liquidateur du caractère privilégié de sa créance, dès lors que celle-ci, admise au passif de la procédure de sauvegarde, devait, en l'absence de toute modification, être admise de plein droit au passif de la liquidation judiciaire sous la seule déduction des sommes déjà perçues, cette créance n'étant pas soumise à une nouvelle vérification ni, par conséquent, à la sanction de l'article L. 622-27 précité, l'arrêt n'encourt pas, pour autant, la censure.

4. En effet, si l'admission de la même créance à la procédure de sauvegarde permettait au créancier, en application de l'article L. 626-27 du code de commerce, de ne pas la déclarer à nouveau à la procédure de liquidation ouverte après résolution d'un plan ainsi que les warrants qui la garantissaient, elle ne le dispensait pas, conformément à l'article L. 342-7, alinéa 3, du code rural et de la pêche maritime, de renouveler l'inscription de ces derniers après l'expiration du délai de cinq ans fixé par ce texte et jusqu'au paiement ou à la consignation du prix des choses warrantées.

L'autorité de la chose jugée attachée à l'admission à titre privilégié n'a pas d'effet conservatoire pour l'avenir des sûretés qui ne sont pas renouvelées,

et cet effet ne résulte pas davantage de l'existence d'un plan de sauvegarde ou de la faculté offerte par l'article L. 626-27 précité au créancier, en cas de résolution de celui-ci et d'ouverture consécutive d'une nouvelle procédure collective, de ne pas y déclarer à nouveau ses sûretés, ce texte ne dérogeant nullement à l'obligation de procéder, le cas échéant, à leur renouvellement.

5. Le liquidateur et la société débitrice, dont la discussion ne portait que sur le caractère privilégié de la créance, ayant fait valoir expressément, dans leurs conclusions d'appel, qu'il n'était « pas contesté que les warrants [...] n'avaient pas fait l'objet, avant leur expiration, d'un renouvellement » et qu'il était « constant que, lors de la résolution du plan de sauvegarde et au moment de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, le 2 mars 2015, la coopérative Cooperl avait perdu le bénéfice de sa sûreté », la société Cooperl Arc Atlantique n'a pas, en réplique à ces conclusions, prétendu qu'elle aurait procédé au renouvellement de l'inscription des warrants.

6. En conséquence, le moyen, en ce qu'il tend à contester la proposition d'admission à titre chirographaire du liquidateur, est inopérant.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh ; SCP Spinosi et Sureau -

Textes visés :

Article L. 626-27 du code de commerce ; article L. 342-7, alinéa 3, du code rural et de la pêche maritime.

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