Numéro 2 - Février 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2021

CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES

2e Civ., 4 février 2021, n° 19-23.638, (P)

Rejet

Article 6, § 1 – Droit d'accès au juge – Compatibilité – Délai de saisine de la juridiction de renvoi après cassation

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 27 juin 2019), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 19 octobre 2017, pourvoi n° 16-11.266), la société de droit luxembourgeois Gelied a relevé appel du jugement d'un tribunal de grande instance l'ayant déboutée d'une demande de condamnation à des dommages-intérêts qu'elle avait formée contre la SCI Les Chênes rouges.

2. La société Gelied a saisi la cour d'appel de renvoi par un acte du 17 mai 2018.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui est irrecevable.

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

4. La société Gelied fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa déclaration de saisine de la cour d'appel de Metz après renvoi de cassation, faite le 17 mai 2018, alors « que le délai de distance de deux mois s'applique au demandeur résidant à l'étranger qui doit saisir la cour de renvoi ; qu'en ayant jugé le contraire, la cour d'appel a violé les articles 643, 911-2 et 1034 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte de l'article 631 du code de procédure civile qu'en cas de renvoi après cassation l'instance se poursuit devant la juridiction de renvoi.

Par conséquent, l'article 643 du code de procédure civile, qui prévoit l'augmentation, au profit des personnes domiciliées à l'étranger, des délais de comparution, d'appel, d'opposition, de tierce opposition, de recours en révision et de pourvoi en cassation, ne s'applique pas au délai dans lequel doit intervenir la saisine de la juridiction de renvoi après cassation.

6. Le délai de saisine de la juridiction de renvoi est fixé, depuis le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, applicable à la cause, à une durée de deux mois et court, en application des articles 1034 et 1035 du code de procédure civile, à compter de la notification, que la partie reçoit ou à laquelle elle fait procéder, de l'arrêt de cassation, mentionnant de manière très apparente ce délai ainsi que les modalités selon lesquelles la juridiction de renvoi peut être saisie. Ces dispositions poursuivent le but légitime d'assurer la célérité et l'efficacité de la procédure, dans le respect des droits de la défense. Elles ne constituent, par conséquent, pas, par elles-mêmes, une entrave au droit d'accès au juge, garanti par l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. Ayant constaté que la société Gelied, établie au Luxembourg, l'avait saisie plus de deux mois suivant la signification de l'arrêt de cassation, à laquelle elle avait elle-même fait procéder, c'est sans violer les dispositions de l'article 643 du code de procédure civile, qui n'étaient pas applicables, ni méconnaître les exigences du droit à un procès équitable, que la cour d'appel a déclaré irrecevable la déclaration de saisine sur renvoi de cassation.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. de Leiris - Avocat(s) : SCP Le Bret-Desaché ; SCP Buk Lament-Robillot -

Textes visés :

Articles 631, 643, 1034 et 1035 du code de procédure civile ; décret n° 2017-891 du 6 mai 2017.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 27 mai 2004, pourvoi n° 02-17.897, Bull. 2004, II, n° 242 (rejet), et l'arrêt cité ; 2e Civ., 1 décembre 2016, pourvoi n° 15-25.972, Bull. 2016, II, n° 260 (rejet) ; 2e Civ., 4 juin 2020, pourvois n° 18-23.248, Bull. 2020, (rejet).

Com., 17 février 2021, n° 19-16.470, (P)

Rejet

Article 6, § 1 – Tribunal – Accès – Droit d'agir – Violation – Défaut – Cas – Tierce opposition à un jugement arrêtant un plan – Déclaration au greffe

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 4 septembre 2018), la société Hôtel Le Chamois d'Or ayant été mise en redressement judiciaire le 18 décembre 2013, puis cette procédure ayant été étendue à M. B..., le 18 mars 2015, et M. F... désigné mandataire judiciaire, le tribunal de commerce d'Annecy a, par un jugement du 6 octobre 2016, arrêté un plan de redressement d'une durée de dix ans. M. E..., dont la créance était incluse dans le plan, a formé tierce-opposition à ce jugement par une lettre recommandée de son conseil adressée au greffe.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

3. M. E... fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa tierce-opposition, alors :

« 1°/ que la déclaration est l'acte par lequel le demandeur saisit la juridiction sans que son adversaire ait été préalablement informé ; qu'elle peut être écrite ou orale, dès lors qu'elle est remise au greffe ; qu'en conditionnant la validité de la déclaration de tierce-opposition à la comparution du demandeur ou de son avocat au greffe, les juges du fond ont ajouté à la loi une condition qu'elle ne comprenait pas, violant ainsi les articles 58 du code de procédure civile et R. 661-2 du code de commerce ;

2°/ que le juge ne doit pas faire preuve d'un formalisme excessif dans l'application des règles de procédure, conduisant à une atteinte à l'équité de cette dernière ; qu'en décidant qu'en dépit du silence du texte sur les formes que devait revêtir la déclaration au greffe, une déclaration par comparution était nécessaire, les juges du fond ont violé l'article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

3°/ que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ; qu'en décidant que l'irrégularité de forme de la déclaration de tierce-opposition était sanctionnée par une irrecevabilité, quand une telle irrégularité s'analysait en un vice de forme sanctionné par la nullité, lorsqu'il cause un grief pour le contradicteur, les juges du fond ont violé l'article 122 du code de procédure civile ;

4°/ que le juge ne doit pas faire preuve d'un formalisme excessif dans l'application des règles de procédure, conduisant à une atteinte à l'équité de cette dernière ; qu'en décidant que le défaut de comparution personnelle au greffe était sanctionné par une fin de non-recevoir, et non par une nullité de procédure pour vice de forme, soumise à la démonstration d'un grief, les juges du fond ont violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

4. En premier lieu, l'arrêt retient exactement que la lettre recommandée avec demande d'avis de réception ne peut être assimilée à la déclaration au greffe qu'exige l'article R. 661-2 du code de commerce et en déduit à bon droit que M. E... n'a pas respecté la forme requise puisqu'il a adressé au tribunal une déclaration par lettre sans que personne ne se soit présenté au greffe pour faire la déclaration.

5. En deuxième lieu, la tierce-opposition faite autrement que par déclaration au greffe étant irrecevable comme ne répondant pas au mode de saisine prescrit par la loi, et celui qui invoque l'irrecevabilité n'ayant pas, en conséquence, à justifier d'un grief, l'arrêt n'encourt pas la critique de la troisième branche.

6. En dernier lieu, la réglementation relative aux formalités à observer pour former un recours vise à assurer la bonne administration de la justice et le respect, en particulier, du principe de la sécurité juridique, les intéressés devant s'attendre à ce que ces règles soient appliquées. Toutefois, une réglementation, ou l'application qui en est faite, ne doit pas empêcher le justiciable de se prévaloir d'une voie de recours disponible, et si le droit d'exercer un recours est soumis à des conditions légales, les tribunaux doivent, en appliquant des règles de procédure, éviter à la fois un excès de formalisme qui porterait atteinte à l'équité de la procédure, et une souplesse excessive qui aboutirait à supprimer les conditions de procédure établies par les lois.

7. En l'espèce, après avoir relevé que les modalités formelles de la tierce-opposition, aussi strictes soient-elles, n'ont pas pour effet de priver les créanciers de l'exercice de ce recours, ceux-ci ayant toute latitude, en cas d'impossibilité pour eux de se déplacer au greffe, de mandater un avocat pour ce faire, et constaté que la déclaration par lettre recommandée avait été adressée au greffe par le conseil de M. E..., l'arrêt retient que l'exigence d'une présentation au greffe n'avait pas restreint l'accès ouvert à ce créancier d'une manière ou à un point tels que son droit d'accès à un tribunal s'en était trouvé atteint dans sa substance même, que cette exigence tendait à un but légitime, à savoir le traitement rapide des affaires compte tenu des enjeux économiques pour le débiteur, ses créanciers, mais aussi ses salariés, et qu'il existait un rapport raisonnable de proportionnalité entre l'exigence d'un déplacement pour faire la déclaration, assurant une fiabilité maximale sans pour autant induire des coûts importants pour les contestants, et le but visé.

Par ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'a pas fait preuve d'un formalisme excessif, n'a pas méconnu les exigences du procès équitable.

8. Le moyen n'est fondé en aucune de ses branches.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Bélaval - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Rocheteau et Uzan-Sarano -

Textes visés :

Article R. 661-2 du code de commerce ; article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Rapprochement(s) :

Sur la sanction d'une tierce opposition à une décision d'ouverture d'une procédure collective faite autrement que par déclaration au greffe, à rapprocher : Com., 6 juillet 1999, pourvoi n° 97-14.158, Bull. 1999, IV, n° 154 (rejet).

1re Civ., 17 février 2021, n° 19-24.780, (P)

Cassation partielle

Article 8 – Respect de la vie privée et familiale – Atteinte – Caractérisation – Cas – Office du juge – Recherche d'un équilibre entre les droits – Protection de l'intérêt le plus légitime

Article 10 – Liberté d'expression – Exercice – Caractère abusif – Applications diverses – Atteinte au respect de la vie privée

Article 8 – Respect de la vie familiale – Atteinte – Caractérisation – Cas – Divulgation d'un lien redirigeant vers un avis de décès émis par la famille sur un site internet

Article 8 – Respect de la vie privée et familiale – Atteinte – Caractérisation – Cas – Office du juge – Informations ou données personnelles dont la divulgation d'une manière ou dans une mesure excède ce à quoi les intéressés pouvaient raisonnablement s'attendre – Recherche nécessaire

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 septembre 2019), M. K..., représentant légal de la société [...], spécialisée dans la supplémentation nutritionnelle, a été déclaré coupable, par arrêt du 18 mars 2009, devenu définitif, des faits d'exercice illégal de la pharmacie, commercialisation de médicaments sans autorisation de mise sur le marché, infraction à la réglementation de la publicité des médicaments et, par arrêt du 4 mai 2011, de fraude fiscale et d'omission d'écritures en comptabilité, cette condamnation ayant été annulée par décision du 11 avril 2019 de la Cour de révision et de réexamen des condamnations pénales.

2. Par acte du 20 juillet 2016, M. K..., invoquant avoir découvert fortuitement qu'une page lui était consacrée sur le site Internet, accessible à l'adresse www.psiram.com, faisait état de ces condamnations pénales et invitait au moyen d'un lien hypertexte à consulter l'avis de décès de son père publié sur le site www.dansnoscoeurs.fr et soutenant que cette publication portait atteinte à l'intimité de sa vie privée, a assigné Mme T..., auteure de la page litigieuse, sur le fondement de l'article 9 du code civil, en indemnisation de son préjudice et suppression de cette page.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

3. M. K... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que le droit au respect dû à la vie privée d'une personne et le droit à la liberté d'expression ayant la même valeur normative, il appartient au juge saisi de rechercher un équilibre entre ces droits et, le cas échéant, de privilégier la solution la plus protectrice de l'intérêt le plus légitime ; que, pour effectuer cette mise en balance des droits en présence, il doit prendre en considération la contribution de la publication incriminée à un débat d'intérêt général, la notoriété de la personne visée, l'objet du reportage, le comportement antérieur de la personne concernée, le contenu, la forme et les répercussions de ladite publication, et procéder, de façon concrète, à l'examen de chacun de ces critères ; qu'en se bornant à relever, dans l'exposé des faits, que le site Internet litigieux se présentait comme ayant vocation à parler des « croyances irrationnelles » et traitait de sujets tels que la théorie du complot, l'homéopathie, l'ésotérisme, la guérison spirituelle ou encore l'électromagnétisme, sans identifier le sujet d'intérêt général abordé par les propos de Mme T... qui aurait été de nature à justifier la publication d'informations afférentes à la vie privée de M. K..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 8 et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 9 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 8 et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 9 du code civil :

4. Selon l'article 8 de cette convention, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. Si ce texte ne peut être invoqué pour se plaindre d'une atteinte à la réputation qui résulterait de manière prévisible des propres actions de la personne, telle une infraction pénale, la mention dans une publication des condamnations pénales dont une personne a fait l'objet, y compris à l'occasion de son activité professionnelle, porte atteinte à son droit au respect dû à sa vie privée (CEDH, arrêt du 28 juin 2018, M.L. et W.W. c. Allemagne, n° 60798/10 et 65599/10).

5. Selon son article 10, toute personne a droit à la liberté d'expression mais son exercice peut être soumis à certaines restrictions ou sanctions prévues par la loi qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, notamment à la protection de la réputation ou des droits d'autrui.

6. Le droit au respect de la vie privée, également protégé par l'article 9 du code civil, et le droit à la liberté d'expression ayant la même valeur normative, il appartient au juge saisi de mettre ces droits en balance en fonction des intérêts en jeu et de privilégier la solution la plus protectrice de l'intérêt le plus légitime.

7. Cette mise en balance doit être effectuée en prenant en considération la contribution de la publication incriminée à un débat d'intérêt général, la notoriété de la personne visée, l'objet du reportage, le comportement antérieur de la personne concernée, le contenu, la forme et les répercussions de ladite publication, ainsi que, le cas échéant, les circonstances de la prise des photographies (CEDH, arrêt du 10 novembre 2015, Couderc et Hachette Filipacchi associés c. France [GC], n° 40454/07, § 99, 100 et 102) et, même si le sujet à l'origine de l'article relève de l'intérêt général, il faut encore que le contenu de l'article soit de nature à nourrir le débat public sur le sujet en question (CEDH, arrêt du 29 mars 2016, Bédat c. Suisse [GC], n° 56925/08, § 64). Il incombe au juge de procéder, de façon concrète, à l'examen de chacun de ces critères (1re Civ., 21 mars 2018, pourvoi n° 16-28.741, Bull. 2018, I, n° 56).

8. Pour écarter l'existence d'une atteinte à la vie privée de M. K... et rejeter ses demandes, l'arrêt retient que les condamnations pénales ont été rendues publiquement et concernent son activité professionnelle et que celui-ci ne peut alléguer de l'ancienneté des faits et d'un droit à l'oubli, alors qu'à la date de leur publication sur le site Internet litigieux, ces condamnations n'avaient pas été amnistiées. Il ajoute que Mme T... a mentionné le fait que l'arrêt du 4 mai 2011 a été annulé par la décision de la Cour de révision et de réexamen des condamnations pénales.

9. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui incombait au regard de l'atteinte portée à la vie privée de M. K..., si la publication en cause s'inscrivait dans un débat d'intérêt général, justifiant la reproduction des condamnations pénales le concernant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

10. M. K... fait le même grief à l'arrêt, alors « que le fait que des informations d'ordre privé soient déjà dans le domaine public ne les soustrait pas à la protection du droit au respect de la vie privée ; qu'elles ne peuvent être utilisées d'une manière ou dans une mesure excédant ce à quoi l'intéressé pouvait raisonnablement s'attendre ; qu'en énonçant, pour écarter toute atteinte au droit au respect de la vie privée de M. K..., que l'avis de décès de son père avait été publié par la famille sur un site Internet nécrologique accessible à tout internaute, y compris plusieurs années après le décès, bien que cette circonstance n'autorisât pas Mme T... à le publier en annexe de l'article litigieux, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à justifier l'atteinte au droit au respect de la vie privée de M. K..., a privé sa décision de base légale au regard des articles 8 et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 9 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 8 et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 9 du code civil :

11. Le fait que des informations soient déjà dans le domaine public ne les soustrait pas nécessairement à la protection de l'article 8 de la Convention, l'intérêt à publier ces informations devant être mis en balance avec des considérations liées à la vie privée. Celles-ci entrent en jeu dans les situations où des informations ont été recueillies sur une personne bien précise, où des données à caractère personnel ont été traitées ou utilisées et où les éléments en question avaient été rendus publics d'une manière ou dans une mesure excédant ce à quoi les intéressés pouvaient raisonnablement s'attendre (CEDH, arrêt du 27 juin 2017, Satakunnan Markkinapörssi Oy et Satamedia Oy c. Finlande [GC], n° 931/13, § 134-136).

12. Pour rejeter les demandes de M. K..., l'arrêt retient que le faire-part de décès de son père a été publié par la famille sur un site Internet, accessible à tout internaute, y compris plusieurs années après le décès et que M. K... ne pouvait l'ignorer.

13. En se déterminant ainsi, alors que cette seule circonstance ne permettait pas d'écarter l'existence d'une atteinte à la vie privée consécutive à l'utilisation du faire-part dans la publication en cause, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare irrecevable l'exception tirée de la nullité de l'assignation et rejette la fin de non-recevoir tirée de la règle « una via electa », l'arrêt rendu le 25 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Serrier - Avocat général : Mme Legohérel - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Articles 8 et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; article 9 du code civil ; article 9 du code civil ; article 8 et de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 21 mars 2018, pourvoi n° 16-28.741, Bull. 2018, I, n° 56 (cassation partielle). Sur le principe de procéder à la mise en balance des droits en présence par le juge, cf. : CEDH, arrêt du 10 novembre 2015, Couderc et Hachette Filipacchi associés c. France, n° 40454/07, §§ 93 et 97. 1re Civ., 18 octobre 2017, pourvoi n° 16-19.740, Bull. 2017, I, n° 220 (rejet) ; Cf. : CEDH, arrêt du 27 juin 2017, Satakunnan Markkinapörssi Oy et Satamedia Oy c. Finlande [GC], n° 931/13, § 134-136.

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