Numéro 2 - Février 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2021

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE

Soc., 17 février 2021, n° 19-20.635, (P)

Cassation

Clause de non-concurrence – Indemnité de non-concurrence – Paiement – Exclusion – Cas – Conclusion d'une transaction – Clause de renonciation générale – Etendue – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 25 juin 2019) et les productions, Mme S... a été engagée, le 1er février 1988, par la société Markem Imaje Industries, en qualité d'assistante service ressources humaines.

2. Son contrat de travail prévoyait une clause de non-concurrence.

3. Le 16 mars 2015, elle a été licenciée pour motif personnel.

4. Les parties ont signé un protocole transactionnel le 30 mars 2015.

5. Le 27 juillet 2016, la salariée a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la salariée la somme de 39 969,96 euros, alors « que la transaction portant sur l'ensemble des droits résultant de l'exécution et la rupture du contrat de travail a autorité de la chose jugée quant aux prétentions en résultant nées à la date de sa signature ; que l'arrêt constate que, dans la transaction du 30 mars 2015, les parties se sont accordées sur les indemnités dues à Mme S..., qui a reconnu qu'elles constituaient le solde définitif et irrévocable de tout compte ; que la société lui a versé une indemnité « ayant vocation à réparer l'ensemble des préjudices tant professionnels que moraux que Mme S... prétend subir du fait des modalités d'exécution de son contrat de travail, de sa rupture, des conditions dans lesquelles elle est intervenue et au regard de ses conséquences de toute nature, et notamment ceux expressément invoqués dans le protocole », que Mme S... a « reconnu que les concessions de la société Markem Imaje Industries SASU étaient réalisées à titre transactionnel, forfaitaire et définitif, conformément aux articles 2044 et suivants du code civil et en particulier l'article 2052 du code civil, afin de la remplir de tous ses droits et pour mettre fin à tout différend né ou à naître des rapports de droit ou de fait ayant pu exister », a « déclaré expressément renoncer à toute prétention, réclamation, action ou instance de quelque nature qu'elle soit, pouvant avoir pour cause, conséquence ou objet, directement ou indirectement, l'exécution ou la cessation des fonctions qu'elle a exercées au sein de la société ou du groupe auquel elle appartient » et qu'elle a « renoncé à toute action ou instance liée à la rupture de son contrat de travail, indiqué n'avoir plus aucune demande à formuler à quelque titre que ce soit et a renoncé à toute instance ou action judiciaire relative au présent litige » ; qu'en ayant retenu que la salariée pouvait, malgré cette transaction, réclamer une indemnité de non-concurrence, motif pris que la transaction ne comprenait aucune mention dont il résulterait que les parties avaient réglé cette question, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que les parties avaient réglé l'ensemble des modalités de la rupture du contrat de travail et du solde de tout compte de la salariée et avaient mis fin à tout litige, né ou à naître, lié à l'exercice ou à la rupture du contrat de travail, a violé les articles 1134, 2044 et 2052 du code civil dans leur rédaction alors applicable, ensemble les articles 2048 et 2049 du même code. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2044 et 2052 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, et 2048 et 2049 du même code :

7. Il résulte de ces textes que les obligations réciproques des parties au titre d'une clause de non-concurrence sont comprises dans l'objet de la transaction par laquelle ces parties déclarent être remplies de tous leurs droits, mettre fin à tout différend né ou à naître et renoncer à toute action relatifs à l'exécution ou à la rupture du contrat de travail.

8. Pour faire droit aux demandes de la salariée, l'arrêt retient que l'employeur ne justifie pas avoir expressément levé la clause de non-concurrence prévue au contrat de travail tant à l'occasion du licenciement que postérieurement à ce dernier, que la transaction litigieuse ne comprend aucune mention dont il résulterait que les parties au protocole ont entendu régler la question de l'indemnité de non-concurrence due à la salariée, que l'employeur ne peut en conséquence exciper de l'autorité de la chose jugée s'attachant au protocole transactionnel du 30 mars 2015 pour s'opposer à la demande en paiement formée la salariée.

9. En statuant ainsi, alors qu'aux termes de la transaction, les parties reconnaissaient que leurs concessions réciproques étaient réalisées à titre transactionnel, forfaitaire et définitif, conformément aux dispositions des articles 2044 et suivants du code civil, et en particulier de l'article 2052 de ce code, ceci afin de les remplir de tous leurs droits et pour mettre fin à tout différend né ou à naître des rapports de droit ou de fait ayant pu exister entre elles et déclaraient, sous réserve de la parfaite exécution de l'accord, être totalement remplies de leurs droits respectifs et renoncer réciproquement à toute action en vue de réclamer quelque somme que ce soit, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Van Ruymbeke - Avocat général : Mme Rémery - Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie ; SCP Boutet et Hourdeaux -

Textes visés :

Articles 2044 et 2052, dans leur rédaction antérieure à celle de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, 2048 et 2049 du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur la portée des termes d'une transaction, à rapprocher : Soc., 16 octobre 2019, pourvoi n° 18-18.287, Bull. 2019, (cassation partielle), et l'arrêt cité.

Soc., 17 février 2021, n° 18-15.972, (P)

Cassation partielle

Licenciement – Cause – Accident du travail ou maladie professionnelle – Suspension du contrat – Rupture pendant la période de suspension – Conditions – Détermination – Portée

Il résulte des articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail, qu'au cours des périodes de suspension du contrat de travail du salarié consécutives à un accident du travail ou une maladie professionnelle, l'employeur ne peut rompre ce contrat que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie, toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance de ces dispositions étant nulle.

Viole ces articles la cour d'appel qui retient que la rupture par la survenance du terme d'un contrat de mission de travail temporaire requalifié postérieurement en contrat à durée indéterminée constitue non un licenciement nul mais un licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors qu'elle avait constaté qu'à la date de cette rupture le contrat de travail était suspendu consécutivement au placement du salarié en arrêt de travail dès la survenance d'un accident du travail dont il avait été victime.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 2 mars 2018), M. E... a été engagé par les société SIM travail temporaire et SIM 50 pour être mis à la disposition de la société I... (la société), en qualité de manoeuvre BTP, dans le cadre de contrats de mission du 15 septembre 2008 au 31 octobre 2012.

2. A cette dernière date, il a été victime d'un accident du travail, à la suite duquel il a été en arrêt de travail puis en invalidité et placé sous la curatelle de l'UDAF de la Manche.

3. Le salarié assisté de son curateur a saisi la juridiction prud'homale de demandes de requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée et au titre de la rupture.

4. La société I... a été mise en liquidation judiciaire par jugement du 8 janvier 2019 et la Selarl [...] désignée en qualité de liquidatrice.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche

Énoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de limiter à une certaine somme le montant du rappel de salaire pour l'année 2012, alors « que toute décision judiciaire doit être motivée ; de sorte qu'en fixant le montant du rappel de salaire pour l'année 2012 à la somme de 991,72 euros, sans donner aucune explication sur la base de calcul de ce rappel de salaire, après avoir retenu, pour fixer le montant des indemnités de rupture, que le salaire mensuel moyen perçu par M. E... avant la cessation des relations contractuelles s'élevait à 1 930,52 euros, tout en contestant, par la suite, cette base de calcul pour fixer le montant de l'indemnité de requalification, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. La cour d'appel a souverainement retenu l'existence d'heures supplémentaires et fixé la créance s'y rapportant.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Énoncé du moyen

8. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires pour les années 2008, 2009, 2010 et 2011 et de limiter le montant de l'indemnité pour repos compensateur non pris à une certaine somme, alors « que les juges du fond ne peuvent rejeter une demande fondée sur l'accomplissement d'heures de travail impayées sans exiger de l'employeur qu'il fournisse des éléments précis de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; de sorte qu'en l'espèce, en rejetant la demande de rappel de salaire découlant de l'accomplissement d'heures supplémentaires en se fondant exclusivement sur le caractère insuffisamment étayé de la demande du salarié pour les années 2008, 2009, 2010 et 2011, tout en constatant la production d'un décompte d'heures qu'il prétendait avoir réalisées, auquel l'employeur pouvait répondre, sans exiger de l'employeur qu'il fournisse, comme il y était tenu, des éléments contraires, de nature à justifier précisément les horaires effectivement réalisés par le salarié au cours des années 2008, 2009, 2010 et 2011, la cour d'appel a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié et violé les dispositions de l'article 3171-4 du code du travail et 1315 du code civil dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :

9. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié.

La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

10. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

11. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

12. Pour débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires pour les années 2008 à 2011, l'arrêt retient que l'intéressé expose que la situation n'était pas nouvelle en 2012, que depuis le début de la relation de travail il accomplissait des heures supplémentaires attestées par son entourage et il présente, pour la période 2008-2011, un décompte (« forfaitaire » selon ses propres termes) établi sur la base du décompte de 2012. Il retient encore que la société ne fournit aucun élément de nature à justifier les horaires réalisés. Il ajoute que pour le surplus correspondant aux années antérieures à l'année 2012, la réclamation ne saurait être considérée comme étayée par la seule affirmation que « des heures supplémentaires ont été faites » et la présentation d'un décompte établi sur la base forfaitaire des heures réalisées en 2012.

13. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Énoncé du moyen

14. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de rappel de salaire pour les années 2008 à 2011, alors « que la cassation du chef du dispositif de l'arrêt attaqué à intervenir sur le premier moyen de cassation, relatif à la preuve des heures de travail accomplies au cours des années 2008 à 2011, aux motifs desquels la cour d'appel renvoie, entraînera, par voie de conséquence, la cassation du chef du dispositif rejetant la demande de rappel de salaire pour les années 2008 à 2011, ce en application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

15. La cassation à intervenir sur le premier moyen entraîne la cassation, par voie de conséquence, du chef du dispositif déboutant le salarié de sa demande de rappel de salaire pour ces mêmes années, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

Sur le troisième moyen

Énoncé du moyen

16. Le salarié fait grief à l'arrêt de décider que la rupture du contrat de travail ne devait pas s'analyser en un licenciement nul, alors « que lorsqu'un contrat de mission a été requalifié en contrat de travail à durée indéterminée, qu'un accident du travail est intervenu alors que le salarié se trouvait au service de l'entreprise utilisatrice et que la cessation des relations de travail est une conséquence directe et immédiate de l'accident du travail, la rupture du contrat de travail doit s'analyser en un licenciement nul, pour être intervenu en cours de suspension du contrat de travail provoquée par un accident du travail ; de sorte qu'en décidant que l'accident du travail survenu le 31 octobre 2012 n'avait pas fait obstacle à la survenance du terme du contrat à durée déterminée dans le cadre duquel M. E... était embauché et que la cause de la rupture n'avait pas été l'accident du travail mais la survenance de ce terme, tout en considérant, par ailleurs, que l'ensemble de la relation contractuelle devait être requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée de septembre 2008 à la cessation de la relation de travail, après avoir constaté que lors de l'accident M. E... était au service de la société I..., entreprise utilisatrice, dans le cadre d'un contrat de travail temporaire (ayant pour terme le 31 octobre au soir), sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'interruption de paiement de son salaire le jour même de son accident du travail et le fait qu'il n'ait jamais pu reprendre le travail par la suite compte tenu de la gravité des conséquences de son accident du travail n'avaient pas eu pour conséquence la rupture définitive des relations de travail le 31 octobre 2012, immédiatement après l'accident du travail, soit pendant la période de suspension, de sorte que la rupture du contrat de travail devait s'analyser en un licenciement nul, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail, dans leur rédaction applicable aux faits de l'espèce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail :

17. Selon ces textes, au cours des périodes de suspension du contrat de travail du salarié consécutives à un accident du travail ou une maladie professionnelle, l'employeur ne peut rompre ce contrat que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie, toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance de ces dispositions étant nulle.

18. Pour dire que la rupture constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse et non un licenciement nul comme le soutenait le salarié, l'arrêt retient que l'accident du travail survenu le 31 octobre 2012 n'a pas fait obstacle à la survenance du terme du contrat à durée déterminée dans le cadre duquel le salarié était embauché et que la cause de la rupture n'a pas été l'accident du travail mais la survenance de ce terme.

19. En statuant ainsi, après avoir requalifié les contrats de mission de travail temporaire en contrat à durée indéterminée à compter du mois de septembre 2008, la cour d'appel, qui a constaté que le salarié avait été placé en arrêt de travail dès la survenance de son accident de travail jusqu'au 2 septembre 2015, en sorte qu'à la date de la rupture, le contrat de travail était suspendu, ce dont elle aurait dû déduire que la cessation de la relation contractuelle au cours de la période de suspension s'analysait en un licenciement nul, a violé les textes susvisés.

Et sur le quatrième moyen, pris en ses deux premières branches

Énoncé du moyen

20. Le salarié fait grief à l'arrêt de fixer le montant de l'indemnité de requalification à la somme de 1 555,24 euros, alors :

« 1°/ qu'il résulte de l'article L. 1251-41 du code du travail qu'en cas de requalification d'un contrat de mission en contrat à durée indéterminée, le juge doit accorder au salarié, à la charge de l'utilisateur, une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire ; que le salaire mensuel de référence ne peut être inférieur, non pas au salaire moyen perçu par le salarié, mais au dernier salaire mensuel perçu, avant la saisine de la juridiction, au sein de l'entreprise utilisatrice ; de sorte qu'en fixant à la somme de 1 555,24 euros le montant de l'indemnité de requalification sans vérifier si ce montant n'était pas inférieur au dernier salaire mensuel perçu, avant la saisine de la juridiction, au sein de l'entreprise qui avait conclu le contrat à durée déterminée, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 1251-41 du code du travail ;

2°/ qu'en excluant expressément, comme salaire de référence, le salaire de 1 930,52 euros, tout en confirmant les condamnations des premiers juges s'agissant des indemnités de préavis (1 930,52 euros x 2) et de licenciement (1 930,52 euros x [(4 années x 1/5) + (1/12 années x 1/5)]), retenant, implicitement mais nécessairement, le salaire de 1 930,52 euros comme salaire de référence, en se bornant à affirmer ensuite que l'examen des bulletins de paie ne faisait pas apparaître que « la dernière moyenne de salaire mensuel » s'élèverait à un montant supérieur à celui de 1 555,24 euros indiqué par la société I..., sans s'expliquer sur la différence entre le salaire mensuel moyen retenu pour fixer les indemnités de rupture et celui retenu pour fixer l'indemnité de requalification, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1251-41 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

21. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.

22. Pour fixer le montant de l'indemnité de requalification à la somme de 1 555,24 euros, l'arrêt retient que l'examen des bulletins de paie ne fait pas apparaître que la dernière moyenne de salaire mensuel s'élèverait à un montant supérieur à celui de 1 555,24 euros indiqué par la société.

23. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Mise hors de cause

24. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause les sociétés SIM travail temporaire et SIM 50, le pourvoi ne formulant aucune critique contre le chef de l'arrêt les ayant mis hors de cause, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

Met hors de cause les sociétés SIM travail temporaire et SIM 50 ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la rupture du contrat de travail constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse et non un licenciement nul, déboute M. E... de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement nul, le déboute de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires pour les années 2008, 2009, 2010 et 2011, limite le montant de l'indemnité pour repos compensateur non pris à la somme de 1 256,08 euros, et condamne la société I... à payer à M. E... la somme de 1 555,24 euros à titre d'indemnité de requalification, l'arrêt rendu le 2 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Prieur - Avocat général : Mme Rémery - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Dans le même sens, à rapprocher : Soc., 14 novembre 2018, pourvoi n° 17-18.891, Bull. 2018, (cassation partielle).

Soc., 10 février 2021, n° 19-20.397, (P)

Rejet

Licenciement – Nullité – Effets – Réintégration – Dispense – Impossibilité matérielle absolue de réintégrer – Cas – Salarié étant entré au service d'un autre employeur (non)

Le fait pour un salarié, dont le licenciement a été déclaré nul en application de l'article L. 1152-3 du code du travail, d'être entré au service d'un autre employeur n'est pas de nature à le priver de son droit à réintégration, dès lors que l'employeur ne justifie pas que la réintégration du salarié est matériellement impossible.

Licenciement – Nullité – Effets – Réintégration – Demande du salarié – Portée

Licenciement – Nullité – Effets – Réintégration – Obligation de l'employeur – Exclusion – Impossibilité matérielle absolue de réintégrer – Caractérisation – Nécessité – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 20 février 2019), rendu après cassation (Soc., 14 février 2018, pourvoi n° 16-22.360), M. N..., engagé le 17 mai 1995 par la société Air Corsica (la société), a été licencié le 31 mai 2012 pour motif personnel.

2. Soutenant que cette rupture était en lien avec des agissements de harcèlement moral dont il se considérait victime, le salarié a saisi la juridiction prud'homale en vue d'obtenir la nullité du licenciement.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal du salarié

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable.

Sur le moyen du pourvoi incident de la société

Enoncé du moyen

4. La société fait grief à l'arrêt d'ordonner la réintégration, par elle, du salarié dans l'emploi précédemment occupé ou dans un emploi équivalent, dans le même secteur géographique, à savoir celui de Marseille, avec le même niveau de rémunération, la même qualification et les mêmes perspectives de carrière, avec reprise de l'ancienneté au 1er septembre 2012 et paiement du salaire conventionnel à compter de la date de la réintégration, alors « qu'en présence d'un licenciement nul, le juge doit ordonner la réintégration du salarié si celui-ci la demande sauf si la réintégration est matériellement impossible ; qu'est matériellement impossible la réintégration du salarié qui se trouve lié par un contrat de travail en cours avec un autre employeur au jour où le juge statue sur sa demande de réintégration ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt qu'au jour où elle statuait, le salarié était titulaire d'un contrat de travail le liant à la commune d'Ajaccio renouvelé du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2021 et que sa réintégration n'était donc pas alors possible, le salarié devant préalablement démissionner de son emploi en respectant un préavis de deux mois ; qu'en jugeant néanmoins que sa réintégration n'était pas matériellement impossible, la cour d'appel a violé les articles L 1152-2 et L 1152-3 du code du travail. »

Réponse de la Cour

5. Après avoir constaté que la société ne justifiait pas que la réintégration du salarié était matériellement impossible, la cour d'appel a exactement retenu que le fait pour le salarié d'être entré au service d'un autre employeur n'était pas de nature à le priver de son droit à réintégration.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Rinuy - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article L. 1152-3 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur la constatation d'une impossibilité de réintégration dans l'entreprise, à rapprocher : Soc., 25 février 1998, pourvoi n° 95-44.019, Bull. 1998, V, n° 102 (cassation) ; Soc., 30 avril 2003, pourvoi n° 00-44.811, Bull. 2003, V, n° 152 (cassation partielle) ; Soc., 14 septembre 2016, pourvoi n° 15-15.944, Bull. 2016, V, n° 164 (cassation partielle), et les arrêts cités.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.