Numéro 2 - Février 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2021

APPEL CIVIL

2e Civ., 11 février 2021, n° 18-16.535, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Mise en cause d'un tiers – Conditions – Evolution du litige – Définition – Exclusion – Ouverture d'une procédure collective

Il résulte de l'article 555 du code de procédure civile que les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance, ou qui y ont figuré en une autre qualité, peuvent être appelées devant la cour d'appel, même aux fins de condamnation, quand l'évolution du litige implique leur mise en cause.

Ne constitue pas une évolution du litige au sens de ce texte l'ouverture, après la décision de première instance, d'une procédure collective à l'égard d'une partie. Cette procédure n'est, dès lors, pas de nature à permettre la mise en cause, pour la première fois devant la cour d'appel, de l'assureur de cette partie.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 14 mars 2018), la société General Motors Strasbourg a conclu avec la société Roide Doubs technique, devenue la société Sidéo Roide Doubs technique (la société Sidéo RDT), assurée auprès de la société Allianz IARD (la société Allianz), un contrat de fournitures de pièces constituant l'un des composants de boîtes automatiques destinées à équiper des véhicules automobiles.

2. La société Sidéo RDT a confié le traitement thermique de durcissement de ces pièces, nécessaire pour éviter leur usure prématurée, à la société Établissements Amyot (la société Amyot), assurée au titre de sa responsabilité civile par la société Generali IARD (la société Generali).

3. Ayant découvert, à l'occasion d'un contrôle interne, que certaines des pièces commandées n'avaient pas fait l'objet d'un traitement thermique, la société General Motors, aujourd'hui dénommée la société Punch Powerglide Strasbourg (la société PPS), a assigné la société Sidéo RDT en paiement de dommages-intérêts et de frais financiers.

4. Cette dernière a appelé en garantie la société Amyot, tandis que la société PPS a formé contre la société Allianz, intervenue volontairement dans la procédure, une demande de condamnation à garantir son assurée.

5. La société Amyot, condamnée par un jugement du 14 juin 2013 à garantir, dans une certaine limite, la société Sidéo RDT et son assureur Allianz des condamnations prononcées à leur encontre au bénéfice de la société PPS, a été placée, le 6 octobre 2014, en redressement judiciaire, puis, le 23 septembre 2015, en liquidation judiciaire, la SCP PL... ayant été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

6. Le 11 mai 2016, la société Allianz, qui avait interjeté appel le 25 juillet 2013 du jugement du 14 juin 2013, a assigné la société Generali en intervention forcée.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

7. La société Generali fait grief à l'arrêt de déclarer recevable sa mise en cause par la société Allianz et de dire qu'elle sera tenue in solidum avec la SCP PL..., en qualité de liquidateur en exercice de la société Amyot, de relever et garantir la société Sidéo RDT et la société Allianz de toutes condamnations prononcées à leur encontre, alors « que l'évolution du litige impliquant la mise en cause d'un tiers devant la cour d'appel n'est caractérisée que par la révélation d'une circonstance de fait ou de droit née du jugement ou postérieure à celui-ci modifiant les données juridiques du litige ; que la procédure collective ouverte contre l'assuré mis en cause, postérieurement au jugement de première instance le condamnant avec d'autres, ne constitue pas une évolution du litige permettant l'appel en garantie formé contre son assureur de responsabilité par un coauteur pour la première fois en cause d'appel ; qu'en l'espèce, il ressort de la procédure que la société Allianz IARD, assureur de la société Sideo RDT, est intervenue volontairement devant le tribunal de grande instance de Strasbourg afin de demander la condamnation de la société Amyot à les relever, elle et son assurée, de toute condamnation qui pourrait être prononcée à leur encontre ; que dès lors, en affirmant que la liquidation judiciaire de la société Amyot, prononcée postérieurement au jugement dont appel, caractérisait « une évolution du litige rendant recevable la mise en cause d'un tiers afin de garantir la société Amyot des condamnations prononcées à son encontre », tandis que l'appel en garantie formé par la société Allianz IARD contre la société Generali, assureur de la société Amyot, aurait pu l'être dès la première instance, puisque cette dernière avait été appelée en la cause à ce stade de la procédure, la cour d'appel a violé l'article 555 du code de procédure civile.»

Réponse de la Cour

Vu l'article 555 du code de procédure civile :

8. Il résulte de ce texte que les personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité peuvent être appelées devant la cour d'appel, même aux fins de condamnation, quand l'évolution du litige implique leur mise en cause.

9. L'arrêt, pour déclarer recevable la mise en cause de la société Generali par la société Allianz retient que la première, qui n'était pas partie à l'instance, a été assignée en intervention forcée devant la cour d'appel le 11 mai 2016 et que la société Amyot a été placée en liquidation judiciaire le 23 septembre 2015, soit postérieurement au jugement dont appel, ce qui constitue une évolution du litige rendant recevable sa mise en cause afin de garantir la société Amyot des condamnations prononcées à son encontre.

10. En statuant ainsi, alors que l'ouverture, après le jugement, d'une procédure collective à l'égard de la société Amyot n'a pas eu pour effet de modifier les données juridiques du litige et ne constitue pas une évolution de celui-ci, permettant, pour la première fois devant la cour d'appel, la mise en cause de la société Generali, contre laquelle la société Allianz était déjà en mesure d'agir devant le premier juge, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

13. Il y a lieu de déclarer irrecevable l'appel en intervention forcée de la société Generali par la société Allianz.

Mise hors de cause

14. La Cour de cassation statuant sans renvoi, il n'y a pas lieu de prononcer de mise hors de cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare recevable la mise en cause de la société Generali IARD par la société Allianz IARD, en ce qu'il dit que la société Generali IARD sera tenue in solidum avec la SCP PL..., en qualité de liquidateur en exercice de la société Amyot, de relever et garantir la société Sidéo Roide Doubs technique et la société Allianz IARD de toutes condamnations prononcées à leur encontre, et en ce qu'il condamne la société Generali IARD aux dépens de l'appel, in solidum avec la société Amyot, l'arrêt rendu le 14 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DÉCLARE irrecevable l'appel en intervention forcée de la société Generali IARD par la société Allianz IARD.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Besson - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SCP Baraduc, Duhamel et Rameix ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Article 555 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 15 décembre 2010, pourvoi n° 09-68.894, Bull. 2010, III, n° 221 (rejet), et les arrêts cités ; 2e Civ., 23 juin 2011, pourvoi n° 10-20.563, Bull. 2011, II, n° 141 (cassation partielle), et les arrêts cités.

2e Civ., 4 février 2021, n° 19-23.615, (P)

Rejet

Procédure avec représentation obligatoire – Conclusions – Prétentions récapitulées sous forme de dispositif – Cour d'appel ne statuant que sur les prétentions énoncées au dispositif – Applications diverses – Contestation de la validité d'un acte de procédure

Il résulte de la combinaison des articles 562 et 954, alinéa 3, du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du mai 2017, que la partie qui entend voir infirmer le chef d'un jugement l'ayant déboutée d'une contestation de la validité d'un acte de procédure et accueillir cette contestation doit formuler une prétention en ce sens dans le dispositif de ses conclusions d'appel.

Par conséquent, se trouve légalement justifié l'arrêt d'une cour d'appel qui confirme un tel chef de jugement frappé d'appel, dès lors que les appelants se bornaient, dans le dispositif de leurs conclusions d'appel, à solliciter l'infirmation du jugement frappé d'appel, sans réitérer leur contestation, rejetée par le premier juge, de la validité de la signification d'une précédente décision.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 16 août 2019), M. et Mme F... ont été condamnés, l'un par un jugement du 11 avril 2006, et l'autre, par un arrêt du 4 mars 2008, à payer diverses sommes à la société banque Courtois (la banque).

2. M. et Mme F... ont fait assigner la banque devant un juge de l'exécution, en vue de la mainlevée de diverses mesures conservatoires et d'exécution forcée, que cette dernière avait pratiquer à leur encontre, puis ont relevé appel du jugement rejetant leurs demandes.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et le second moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen qui est irrecevable, et sur le second moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

4. M. et Mme F... font grief à l'arrêt de rejeter leurs contestations relatives à la validité de la signification du jugement du tribunal de commerce de Dax du 11 avril 2006 effectuée selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile, et, en conséquence, de rejeter les demandes tendant à voir juger non avenu le jugement précité, juger nuls et de nul effet les actes d'exécution réalisés en vertu de ce jugement, ordonner la mainlevée des inscriptions prises au service de la publicité foncière de Rennes 3 le 24 février 2016 et les 24 et 25 mai 2016 et ordonner la mainlevée de l'inscription de nantissement des parts sociales de M. F... dans la société RKcom, et de rejeter sa demande en paiement de dommages-intérêts, alors :

« 1°/ que lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte ; qu'une signification ne peut intervenir selon ces modalités que dans le cas où les diligences nécessaires, que l'huissier de justice est tenu d'accomplir, n'ont permis de découvrir ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail de la personne à qui l'acte doit être signifié ; qu'elle en a déduit que ces démarches étaient « nécessaires et suffisantes pour caractériser l'impossibilité pour l'huissier de remettre l'acte à son destinataire » ; que, pour juger que la signification du 31 août 2006 était régulière et ne saurait être annulée, la cour d'appel a relevé que « le procès-verbal mentionne les vérifications faites sur place par l'huissier, le constat que le destinataire de l'acte n'habite pas à l'adresse indiquée, les démarches auprès de la mairie et de la gendarmerie, les recherches sur Minitel, ainsi que celles effectuées pour retrouver le lieu de travail et la fonction exercée par son destinataire » ; qu'en statuant ainsi, alors qu'elle relevait par ailleurs que l'huissier connaissait l'adresse en poste restante des époux F... à Tosse, de sorte qu'il lui appartenait, avant de délivrer l'acte, de procéder aux vérifications nécessaires à Tosse, village de 2 000 habitants situé à proximité de Seignosse, pour pouvoir effectuer une signification à personne, la cour d'appel a violé les articles 659 et 693 du code de procédure civile ;

2°/ que lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte ; que le même jour ou au plus tard le premier jour ouvrable suivant, à peine de nullité, l'huissier envoie au destinataire à la dernière adresse connue, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, une copie du procès-verbal à laquelle est jointe une copie de l'acte objet de la signification ; que cette seconde formalité d'information en dernier recours, faute d'avoir retrouvé le destinataire de l'acte, doit être faite à la « dernière adresse connue », laquelle peut-être une adresse en poste restante ; qu'en l'espèce, en jugeant la signification du 31 août 2006 régulière cependant que les lettres recommandées et simples dont l'envoi est prévu par l'article 659 du code de procédure civile n'avaient pas été envoyés à l'adresse connue en « poste restante » de M. F..., la cour d'appel a violé l'article 659 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte de la combinaison des articles 562 et 954, alinéa 3, du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, que la partie qui entend voir infirmer le chef d'un jugement l'ayant déboutée d'une contestation de la validité d'un acte de procédure, et accueillir cette contestation doit formuler une prétention en ce sens dans le dispositif de ses conclusions d'appel.

6. Il ressort des énonciations de l'arrêt, se référant aux dernières conclusions d'appel déposées pour M. et Mme F..., que, dans le dispositif de leurs conclusions d'appel, ces derniers se bornaient à solliciter l'infirmation du jugement frappé d'appel, sans réitérer la contestation de la validité de la signification du jugement du tribunal de commerce rejetée par ce jugement.

7. Il en résulte que la cour d'appel ne pouvait que confirmer le jugement de ce chef.

8. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié de ce chef.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. de Leiris - Avocat(s) : SCP Delamarre et Jehannin ; SARL Cabinet Briard -

Textes visés :

Articles 562 et 954, alinéa 3, du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du mai 2017.

Rapprochement(s) :

Soc., 21 septembre 2017, pourvoi n° 16-24.022, Bull. 2017, V, n° 144 (1) (rejet), et l'arrêt cité ; 2e Civ., 21 mars 2019, pourvoi n° 17-28.516 ; 2e Civ., 6 juin 2019, pourvoi n° 18-17.910, Bull. 2019, (rejet), et l'arrêt cité.

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