Numéro 2 - Février 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2021

AGENT IMMOBILIER

1re Civ., 3 février 2021, n° 19-21.403, (P)

Rejet

Collaborateur non salarié – Conditions d'exercice – Activités pour le compte de mandants titulaires de la carte professionnelle – Substitution du mandant personne morale par un mandataire personne physique – Possibilité – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 4 juillet 2019), la société Burger Real Estate finance (la société BREF), qui a pour dirigeant M. H..., a constitué notamment deux sociétés dont elle est l'associé unique : les sociétés Burger Real Estate et Les Trois caps ayant une activité d'agent immobilier et pour gérante Mme S....

Par contrat du 30 octobre 2013 complété par un avenant du 1er décembre 2015, signés par M. H... au nom de la société BREF, Mme S... s'est vu confier des fonctions de directrice commerciale.

Par deux contrats du 1er janvier 2015, les sociétés Burger Real Estate et Les Trois caps ont confié à Mme S... un mandat d'agent commercial de prospection et de transaction de vente d'appartements, maisons et terrains. Ces actes ont été signés par Mme S... et par M. H....

2. Du 29 septembre 2017 au 26 juin 2018, la société Océan 24, constituée par Mme S... qui en est la gérante, a émis dix factures d'honoraires ou commissions sur des ventes ou locations, l'une à l'égard de la société Les Trois caps et les neuf autres à l'égard de la société Burger Real Estate.

Les 31 décembre 2017 et 12 février 2018, Mme S... a émis à l'égard de la société BREF trois factures de primes conformes à l'avenant du 1er décembre 2015. Contestant les factures émises tant par la société Océan 24 que par Mme S..., la société BREF a rompu le contrat de direction générale conclu avec cette dernière.

Les sociétés Burger Real Estate et Les Trois caps ont révoqué Mme S... de ses fonctions de gérante et ont obtenu, par ordonnance de référé du 31 août 2018, l'autorisation de pratiquer une saisie conservatoire sur les biens et avoirs de la société Océan 24.

3. Par actes des 27 et 28 septembre 2018, la société Océan 24 a assigné les sociétés Burger Real Estate et Les Trois caps, devenues respectivement la société Côte d'Azur Sotheby's Cannes et la société Côte d'Azur Sotheby's Saint-Jean-Cap-Ferrat, aux fins de mainlevée des saisies pratiquées.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. Les sociétés Côte d'Azur Sotheby's Cannes et Côte d'Azur Sotheby's Saint-Jean-Cap-Ferrat font grief à l'arrêt de rétracter l'ordonnance du 31 août 2018 et d'ordonner la mainlevée des saisies-conservatoires, alors « que, pour établir l'existence de créances fondées en leur principe, la société Les Trois caps et la société Burger Real Estate se prévalaient de ce que les factures émises par la société Océan 24 ne correspondaient à aucune créance ; qu'à cet égard, elles soutenaient notamment que les conventions du 1er janvier 2015 invoquées par la société Océan 24 comme fondant les créances ayant donné lieu à factures, procédaient de conventions illicites pour n'être pas conformes aux règles gouvernant les conventions réglementées dans la mesure où Mme S... assumait la direction générale des deux sociétés ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, les juges du fond ont violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Ayant constaté que les contrats d'agent commercial conclus par les sociétés Burger Real Estate et Les Trois caps avec Mme S... avaient été signés par cette dernière ainsi que par M. H..., dirigeant de la société BREF, laquelle est l'unique associée de chacune des deux sociétés, la cour d'appel n'était pas tenue de répondre à un moyen inopérant.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

7. Les sociétés Côte d'Azur Sotheby's Cannes et Côte d'Azur Sotheby's Saint-Jean-Cap-Ferrat font grief à l'arrêt de statuer ainsi, alors :

« 1°/ que le premier juge, dont les motifs ont été adoptés, relève que les factures correspondent à des prestations accomplies en exécution des contrats d'agent commercial, et que Mme S... a strictement appliqué les conventions ; que l'arrêt lui-même constate que les conventions du 1er janvier 2015 conféraient à Mme S... un mandat d'agent commercial en vue de prospection et de transaction de vente d'appartements, maisons et terrains et que les factures émises visent des honoraires ou des commissions sur ventes ou locations ; qu'en refusant de rechercher, dans ces conditions, si, exercées par une personne morale dans le secteur de l'immobilier, comme il était constaté, les conventions conclues avec la société Océan 24 n'étaient pas illicites, excluant de ce fait l'existence de créances contractuelles, les juges du fond n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations et ont violé l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 4 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 ;

2°/ qu'en tout cas, eu égard aux constatations figurant à l'arrêt attaché ainsi qu'à l'ordonnance entreprise, les juges du fond ont à tout le moins privé leur décision de base légale faute de s'expliquer sur la nullité, au regard de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 4 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 ;

3°/ que les juges du second degré ont retenu : « les factures d'honoraires et de commissions [...] ne suffisent pas à écarter le caractère d'opérations non d'agent commercial comme prétendu par [la société Océan 24] au profit d'une activité licite d'agent immobilier telle qu'invoquée par les sociétés Les Trois caps et Burger Real Estate » ; que ce motif confortait à son tour l'idée qu'il y avait eu exercice par une personne morale d'une activité d'agent commercial dans le domaine de l'immobilier ; qu'en refusant néanmoins d'examiner le moyen de nullité invoqué par les sociétés Les Trois caps et Burger Real Estate, les juges du fond, qui n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations, ont violé l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 4 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 ;

4°/ que, si les juges du fond ont énoncé : « les factures d'honoraires et de commissions [...] ne suffisent pas à écarter le caractère d'opérations non d'agent commercial comme prétendu par [la société Océan 24] au profit d'une activité licite d'agent immobilier telle qu'invoquée par les sociétés Les Trois caps et Burger Real Estate », ce motif, fondé sur le libellé des factures, devait être regardé comme impropre à justifier l'absence de créance, dès lors qu'à supposer même que les libellés des factures aient été imprécis, de toute façon, les juges du fond avaient constaté par ailleurs que les factures avaient été émises par une personne morale en exécution d'actes relevant de l'activité d'agent immobilier et sur la base de conventions confiant à l'intermédiaire un mandat d'agent commercial dans le domaine immobilier ; qu'à cet égard, l'arrêt attaqué a été rendu en violation l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 4 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970. »

Réponse de la Cour

8. Si, en vertu de l'article 9 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972, un mandat d'agent commercial est confié à une personne physique, celle-ci peut, sous réserve de dispositions de ce contrat le prévoyant, se substituer une personne morale à la condition que cette dernière soit titulaire de la carte professionnelle d'agent immobilier.

9. Ayant estimé, par motifs propres et adoptés, que les deux contrats d'agent commercial consentis à Mme S... lui ouvraient une faculté de substitution, et relevé que la société Océan 24, que s'était substituée Mme S... dans l'exécution de ces deux contrats, exerçait elle-même l'activité d'agent immobilier, de sorte que les factures d'honoraires et de commissions émises par la société Océan 24 à l'égard des sociétés Burger Real Estate et Les Trois caps, qui correspondaient à des prestations effectivement accomplies, étaient valables, la cour d'appel en a justement déduit que les créances alléguées par ces deux dernières sociétés n'étaient pas justifiées et que la mainlevée des saisies conservatoires devait être ordonnée.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Le Gall - Avocat général : M. Lavigne - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh -

Textes visés :

Article 9 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 17 mars 2016, pourvoi n° 14-21.738, Bull. 2016, I, n° 59 (cassation partielle), et l'arrêt cité.

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