Numéro 2 - Février 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2020

PROCEDURE CIVILE

Com., 26 février 2020, n° 18-18.283, (P)

Rejet

Instance – Interruption – Causes – Changement de capacité – Exclusion – Cas – Infirmation d'un jugement ayant mis une partie en liquidation judiciaire

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 23 janvier 2018), que, par un jugement du 13 octobre 2006, M. E... a été mis en redressement judiciaire ; qu'un jugement du 14 décembre 2007 a arrêté un plan de redressement ; que par un acte authentique du 8 février 2012, M. I... a cédé à M. E... un ensemble immobilier incluant une maison d'habitation et des dépendances, en s'en réservant l'usufruit sa vie durant, pour un prix payé sous la forme d'une rente viagère payable mensuellement ; que M. I... a été placé sous curatelle renforcée par un jugement du 28 avril 2014, l'association ATMP étant désignée en qualité de curateur ; que M. E... ayant cessé de payer la rente à compter du mois d'août 2014, M. I... et son curateur l'ont assigné afin de voir constater l'acquisition de la clause résolutoire stipulée à l'acte de vente, ordonner la remise en état des lieux et condamner M. E... à des dommages-intérêts ; qu'un jugement du 27 juin 2016 a accueilli ces demandes ; qu'un jugement du 8 juillet 2016 a prononcé la résolution du plan de redressement de M. E... et ouvert une liquidation judiciaire à son égard, Mme N... étant désignée en qualité de liquidateur ; que cette dernière a relevé appel du jugement du 27 juin 2016 ; qu'une ordonnance du 7 février 2017 a suspendu l'exécution provisoire attachée au jugement du 8 juillet 2016 et un arrêt du 27 avril 2017, infirmant ce jugement, a dit n'y avoir lieu à l'ouverture d'une liquidation judiciaire à l'égard de M. E... ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. E... fait grief à l'arrêt de constater l'acquisition de la clause résolutoire, d'ordonner la restitution des lieux et de le condamner à des dommages-intérêts alors, selon le moyen, qu'en application de l'article 370 du code de procédure civile, à compter de la notification qui en est faite à l'autre partie, l'instance est interrompue par le recouvrement ou la perte par une partie de la capacité d'ester en justice ; qu'en l'espèce, ainsi qu'il résulte de constatations de l'arrêt attaqué, un jugement du 8 juillet 2016 a prononcé la résolution du plan de M. et Mme E... et ouvert une procédure de liquidation judiciaire ; qu'après suspension, par une ordonnance du 7 février 2017, de l'exécution provisoire attachée au jugement du 8 juillet 2016, un arrêt du 27 avril 2017 a infirmé ce jugement et dit n'y avoir lieu à ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de M. E... ; qu'ainsi, au cours de la procédure d'appel, M. E... a recouvré, quand il en était dépouillé au moment où l'appel a été formé, sa capacité d'ester en justice ; qu'en constatant que l'arrêt du 27 avril 2017 avait été porté à sa connaissance sans en tirer les conséquences quant à l'interruption d'instance, les juges du fond ont violé l'article 370 du code de procédure civile ;

Mais attendu que le dessaisissement du débiteur par l'effet de sa mise en liquidation judiciaire, qui ne porte que sur ses droits patrimoniaux, et auquel échappent ses droits propres, n'emporte pas changement de capacité au sens de l'article 370 du code de procédure civile, de sorte que l'infirmation d'un jugement ayant mis une partie en liquidation judiciaire n'emporte pas recouvrement, par cette partie, de sa capacité et ne constitue donc pas une cause d'interruption d'instance au sens du texte précité ; que le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Barbot - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot -

Textes visés :

Article 370 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Sur l'absence de changement de capacité au sens de l'article 531 du code de procédure civile, à rapprocher : Com., 18 mai 2016, pourvoi n° 14-25.997, Bull. 2016, IV, n° 73 (rejet).

Soc., 26 février 2020, n° 18-22.123, (P)

Rejet

Parties – Représentation – Mandat – Nécessité – Cas – Action en justice introduite par ou dirigée contre toutes les entités composant une unité économique et sociale

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée (président du tribunal de grande instance de Toulouse, 2 août 2018), statuant en la forme des référés, que la société Clinique de l'Union a assigné le 21 juin 2018 la Scop Arl Orque aux fins que les honoraires réclamés par la société Orque au titre d'une expertise diligentée à la demande du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de l'unité économique et sociale (UES) la clinique de l'Union et le Marquisat soient fixés à une somme inférieure à celle réclamée par l'expert ;

Attendu que les sociétés clinique le Marquisat et clinique de l'Union font grief à l'ordonnance de déclarer irrecevable la demande en contestation du coût de l'expertise formée par la société clinique de l'Union alors, selon le moyen :

1°/ que chaque entité juridique distincte composant une unité économique et sociale est recevable à agir seule en vue de contester le coût de l'expertise diligentée par le CHSCT de cette UES, même lorsque le périmètre de l'expertise concerne toute l'UES ; qu'en jugeant le contraire, le président du tribunal de grande instance a violé l'article 31 du code de procédure civile et l'article L. 4614-13 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, interprétés à la lumière de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette Convention ;

2°/ qu'à supposer que toutes les entités composant une unité économique et sociale doivent être présentes à l'instance tendant à contester le coût de l'expertise diligentée par le CHSCT sur le périmètre de l'UES, l'effet interruptif du recours exercé par l'une de ces entités dans le délai légal de quinze jours profite aux autres qui peuvent ainsi intervenir à l'instance jusqu'à ce que le juge statue ; qu'en l'espèce, il résulte de l'ordonnance attaquée que si une seule des deux sociétés composant l'UES avait saisi le président du tribunal de grande instance aux fins de contester le coût de l'expertise diligentée par le CHSCT dans le délai légal de quinze jours, la seconde société était intervenue avant que le juge statue ; qu'en jugeant cependant irrecevable la contestation du coût de l'expertise formée dans le délai légal par la première société composant l'UES au prétexte que la seconde société de l'UES était intervenue plus de quinze jours après l'assignation et par conséquent plus de quinze jours après la connaissance par ladite société du coût prévisionnel de l'expertise, le président du tribunal de grande instance a violé l'article 31 du code de procédure civile et l'article L. 4614-13 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, interprétés à la lumière de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés ;

Mais attendu que lorsqu'une action concerne l'exercice de sa mission par une institution représentative d'une UES, elle doit être, sous peine d'irrecevabilité, introduite par ou dirigée contre toutes les entités composant l'UES, ou par l'une d'entre elles ayant mandat pour représenter l'ensemble des sociétés de l'UES ;

Qu'il en résulte que le président du tribunal de grande instance, qui a constaté que l'action en contestation des honoraires de l'expert mandaté par le CHSCT de l'UES n'avait été introduite, dans le délai de forclusion, que par l'une des entreprises composant l'UES, et que l'autre entreprise n'était intervenue à l'instance que postérieurement à l'expiration de ce délai, a dit à bon droit la demande irrecevable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Pécaut-Rivolier - Avocat général : M. Weissmann - Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Article 31 du code de procédure civile ; article L. 4614-13 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur les conséquences procédurales de l'absence de personnalité juridique de l'unité économique et sociale, à rapprocher : Soc., 23 juin 2010, pourvoi n° 09-60.341, Bull. 2010, V, n° 148 (cassation sans renvoi), et les arrêts cités.

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