Numéro 2 - Février 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2020

PRESCRIPTION CIVILE

2e Civ., 6 février 2020, n° 18-17.868, (P)

Cassation partielle

Interruption – Acte interruptif – Action en justice – Assurance responsabilité – Action directe de la victime – Assignation en référé – Communication sous astreinte du contrat d'assurance

Donne acte à la société Axa France IARD du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Verspieren ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que la société Agence Pacific, dont le gérant était M. H..., a exercé les fonctions de syndic de la copropriété de la résidence Le Pacific puis été désignée en qualité d'administrateur provisoire sur requête d'un copropriétaire, la société IKBF, dont M. H... était également le principal associé ; que par un jugement du 22 novembre 2010, devenu irrévocable, la responsabilité de la société Agence Pacific, placée en cours de procédure en liquidation judiciaire, a été retenue et la créance du syndicat des copropriétaires de la résidence Le Pacific (le syndicat des copropriétaires) au passif de cette société a été fixée à la somme de 55 389,53 euros en principal correspondant au montant des frais et honoraires perçus en tant qu'administrateur provisoire, à la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts et à celle de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ; que ces sommes n'ayant pu être recouvrées, le syndicat des copropriétaires a assigné le 13 août 2013 la société Axa France IARD, assureur de responsabilité de la société Agence Pacific (l'assureur) et la société Verspieren, par l'intermédiaire de laquelle le contrat d'assurance avait été conclu, afin d' obtenir le paiement des causes du jugement du 22 novembre 2010 ainsi que des dommages-intérêts pour résistance abusive ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'assureur fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement ayant déclaré recevables les demandes du syndicat des copropriétaires comme n'étant pas prescrites, alors, selon le moyen :

1°/ que l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, sauf lorsque les deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première ; que tel n'est pas le cas de l'action en référé tendant à obtenir la communication forcée d'un contrat d'assurance et l'action directe de la victime contre l'assureur, la première ne tendant pas à obtenir la garantie de l'assureur et n'en étant même pas le préalable nécessaire ; d'où il suit qu'en décidant le contraire pour déclarer que l'interruption résultant de l'action en référé introduite contre l'assureur et le courtier les 12 et 14 décembre 2012, tendant à la communication forcée d'une police d'assurance avait interrompu le délai d'exercice de l'action directe introduite par assignation du 13 août 2013, après l'expiration de la prescription quinquennale applicable, la cour d'appel a violé l'article 2241 du code civil ;

2°/ que l'interruption de la prescription en ce qui concerne le règlement de l'indemnité peut résulter de l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception de l'assuré à l'assureur ; d'où il suit qu'en décidant que l'envoi d'une lettre recommandée à l'assureur par la victime exerçant l'action directe, qui n'est pas l'assurée et ne se substitue pas à ce dernier mais exerce un droit propre, interrompait la prescription de l'action directe, la cour d'appel a violé l'article L. 114-2 du code des assurances ;

Mais attendu qu'en application de l'article 2241 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 une demande en justice, même en référé, interrompt la prescription ; qu'ayant constaté que le syndicat des copropriétaires avait introduit les 12 et 14 décembre 2012 une action en référé contre l'assureur et le courtier pour obtenir la communication sous astreinte du contrat d'assurance, la cour d'appel en a exactement déduit que la prescription de l'action directe avait été interrompue jusqu'à la date de l'ordonnance rendue le 23 mai 2013 et que l'action engagée le 13 août 2013 n'était pas prescrite ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en sa seconde branche, comme s'attaquant à des motifs erronés mais surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le second moyen, pris en sa première branche :

Attendu que l'assureur fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de déclarer que la garantie responsabilité civile est acquise en faveur du syndicat des copropriétaires, de le condamner, en conséquence à payer au syndicat des copropriétaires les sommes de 43 527,53 euros et de 5 000 euros, avec les intérêts au taux légal depuis l'assignation initiale en date du 13 août 2013 et de le condamner solidairement avec la société Verspieren à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors, selon le moyen que l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré ; que la cour d'appel constate que M. M... H... était à la fois le gérant de l'agence Pacific, syndic de la copropriété litigieuse, et le principal associé de la SCI IKBF, propriétaires des lieux occupés par l'agence et copropriétaire au sein de la copropriété litigieuse ; que par l'effet de la requête en désignation d'un administrateur provisoire, M... H... ès qualité d'administrateur provisoire remplaçait M... H... ès qualité de syndic ; que le syndic avait commis une faute ayant consisté à ne pas convoquer dans les délais l'assemblée générale, sans motif légitime et la vacuité des motifs présidant à la requête en désignation d'un administrateur provisoire, ajoutant que « l'habile requête d'IKBF, qui omettait de préciser toutes les qualités de son principal associé, constituait une parade permettant de continuer la gestion quoi qu'il arrive soit couvert d'une administration provisoire, malgré la promesse non tenue d'une assemblée générale le 22 juillet, en invoquant des raisons techniques non démontrées » ; qu'elle énonce enfin que le syndic « promettant d'un côté de tenir l'assemblée générale en juillet, mais ne pouvant ignorer de l'autre côté en sa qualité d'associé principal que la SCI IKBG sollicitait sa nomination provisoire » et obtenu sous cette dernière casquette des honoraires sans commune mesure avec ceux qu'il aurait reçus en qualité de syndic ; qu'il résultait de l'ensemble de ces constatations que l'agence Pacific, syndic, avait, usant des différentes qualités d'M... H..., son gérant, manoeuvré de telle sorte qu'il avait sciemment organisé sa nomination en qualité d'administrateur provisoire, manoeuvre qui lui avait permis d'obtenir le versement d'honoraires sans commune mesure avec ceux qu'il aurait reçus en qualité de syndic, ce qui établissait qu'il s'était volontairement placé dans une situation dont il ne pouvait ignorer qu'elle conduirait inéluctablement au dommage occasionné ; qu'en estimant néanmoins que « la démonstration n'est pas certaine que la faute ayant entraîné sa responsabilité ait eu un caractère volontaire et dolosif au moment de sa commission » et que « la preuve n'est pas rapportée d'un scénario prémédité englobant l'abstention volontaire de convoquer l'assemblée générale, dans le dessein de se faire nommer administrateur provisoire jusqu'à ce que le juge du fond démontre scrupuleusement l'absence de démonstration des raisons invoquées à l'appui de la requête en désignation d'un administrateur provisoire », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances ;

Mais attendu qu' ayant retenu par une appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve soumis à son examen que la démonstration n'était pas certaine de ce que la faute ayant entraîné la responsabilité du syndic ait eu un caractère volontaire et dolosif, sa carence pouvant aussi bien résulter de sa négligence, de son imprévoyance, de son incompétence personnelle ou organisationnelle au sein de son cabinet, ce qui constituait une faute simple, seule démontrée avec certitude, puis relevé que la preuve n'était pas rapportée d'un scénario prémédité englobant l'abstention volontaire de convoquer l'assemblée générale, dans le dessein préconçu de se faire nommer administrateur provisoire, la cour d'appel a pu en déduire qu'il n'était pas justifié d'une faute dolosive au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour condamner l'assureur à payer diverses sommes, l'arrêt retient qu'il doit la garantie des conséquences de la faute du syndic, à hauteur de la taxation intervenue, la quantification du préjudice devant néanmoins tenir compte des honoraires que le syndicat des copropriétaires aurait dû en toute hypothèse supporter ;

Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de l'assureur qui soutenait qu'il y avait lieu de dire et juger opposable au syndicat des copropriétaires la franchise contractuelle d'un montant de 10 % par sinistre avec un minimum de 458 euros et un maximum de 1 600 euros, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Axa France IARD à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence Le Pacific les sommes de 43 527,53 euros et de 5 000 euros, avec intérêts au taux légal depuis l'assignation initiale en date du 13 août 2013 ainsi que la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, solidairement avec la société Verspieren, l'arrêt rendu le 15 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Touati - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article 2241 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008.

3e Civ., 13 février 2020, n° 19-12.281, (P)

Cassation partielle

Prescription biennale – Assurance – Action dérivant du contrat d'assurance – Action exercée par le garant de livraison subrogé dans les droits du maître de l'ouvrage – Délai – Point de départ – Détermination

Désistement partiel

1. Il y a lieu de donner acte à la Caisse de garantie immobilière du bâtiment (la CGI BAT) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme J... et la société Mutuelle des architectes français (la MAF).

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 novembre 2018), le 5 février 2003, M. et Mme Y... et la société Constructions artisanales de Seine-et-Marne (la société CASM) ont conclu un contrat de construction de maison individuelle.

La société CASM a signé un contrat d'architecte avec Mme J..., assurée auprès de la MAF. Une assurance dommages-ouvrage a été souscrite auprès de la société Aviva assurances (la société Aviva).

La société CASM a délivré aux acquéreurs une garantie de livraison obtenue auprès de la société GFIM, aux droits de laquelle se trouve la CGI BAT.

3. Des difficultés étant survenues en cours de chantier, la société CASM a obtenu la désignation d'un expert. Elle a été mise en liquidation judiciaire par jugement du 24 juin 2008. M. et Mme Y... ont déclaré le sinistre à la société Aviva le 17 novembre 2008.

Le 1er avril 2011, en cours d'expertise, la CGI BAT a conclu avec M. et Mme Y... une transaction prévoyant le versement d'une somme globale et forfaitaire en indemnisation du préjudice subi du fait de l'arrêt du chantier, s'ajoutant à la somme déjà réglée au titre des pénalités de retard, ainsi que sa subrogation dans les droits des maîtres de l'ouvrage à l'égard de l'assureur dommages-ouvrage et de l'architecte.

4. Les 25 et 26 mai 2011, la CGI BAT a assigné en indemnisation la société Aviva, Mme J... et la société MAF.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa première branche

Énoncé du moyen

5. La CGI BAT fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande formée contre la société Aviva comme étant prescrite, alors « que, avant réception, l'assureur dommages-ouvrage garantit le paiement des réparations nécessaires lorsque, après mise en demeure, l'entreprise n'exécute pas ses obligations, ou s'avère dans l'incapacité de les respecter à raison de l'ouverture d'une procédure collective, celle-ci emportant résiliation du contrat ; que dans l'hypothèse où la garantie n'est due qu'à compter de cette dernière date, le délai de deux ans prévu à l'article L. 114-1 du code des assurances ne peut courir qu'à compter de cette date ; qu'en l'espèce, en l'absence de réception, l'inexécution et la résiliation du contrat ne sont intervenues qu'à la date du 24 juin 2008, date de l'ouverture de la liquidation judiciaire de l'entrepreneur ; qu'en fixant le point de départ du délai de deux ans à une date antérieure au 24 juin 2008, les juges du fond ont violé les articles L. 114-1 et L. 242-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 114-1 et L. 242-1 du code des assurances :

6. Aux termes du premier de ces textes, toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance.

7. Selon le second de ces textes, l'assurance dommages-ouvrage prend effet, avant la réception, après mise en demeure restée infructueuse, le contrat de louage d'ouvrage conclu avec l'entrepreneur étant résilié pour inexécution, par celui-ci, de ses obligations.

8. Si, pour les désordres apparus après réception, il est jugé que le point de départ du délai biennal est le jour où le maître de l'ouvrage a eu connaissance des désordres (1re Civ., 4 mai 1999, pourvoi n° 97-13.198, Bull. 1999, I, n° 141), il en va différemment pour les désordres survenus avant réception, dès lors que c'est seulement lorsque, après mise en demeure, l'entreprise n'exécute pas ses obligations et que le contrat est résilié que la garantie de l'assureur dommages-ouvrage peut être recherchée pour les désordres de nature décennale.

9. La formalité de la mise en demeure n'étant pas requise quand elle s'avère impossible ou inutile, notamment en cas de cessation de l'activité de l'entreprise (1re Civ., 23 juin 1998, pourvoi n° 95-19.340, Bull. 1998, I, n° 222) ou de liquidation judiciaire emportant résiliation du contrat de louage d'ouvrage (1re Civ., 3 mars 1998, pourvoi n° 95-10.293, Bull. 1998, I, n° 83), c'est cette circonstance qui constitue l'événement donnant naissance à l'action, au sens de l'article L. 114-1 du code des assurances, et, partant, le point de départ du délai de la prescription biennale.

10. Pour déclarer prescrite la demande de la CGI BAT, subrogée dans les droits de M. et Mme Y..., contre la société Aviva, l'arrêt retient que les maîtres de l'ouvrage avaient connaissance des désordres le 22 septembre 2006 et que, pour obtenir la garantie avant réception de l'assureur dommages-ouvrage, ils étaient tenus de mettre l'entreprise en demeure d'exécuter ses obligations et, faute par celle-ci de le faire, de résilier son contrat dans le délai de deux ans à compter du 22 septembre 2006, que M. et Mme Y..., qui ont régularisé leur déclaration de sinistre auprès de l'assureur dommages-ouvrage, le 17 novembre 2008, plus de deux ans après la connaissance des désordres, sans l'avoir mise en demeure d'exécuter ses obligations ni résilier son marché, étaient prescrits en leur action, que le placement en liquidation judiciaire de l'entreprise le 24 juin 2008 permettait aux maîtres de l'ouvrage d'agir en garantie dommages-ouvrage avant réception sans mise en demeure infructueuse et résiliation du marché de la société CASM, mais sans leur donner un nouveau délai de deux ans pour ce faire, et que la CGI BAT, subrogée dans les droits et actions de M. et Mme Y..., ne disposait pas de plus de droits que les maîtres de l'ouvrage de sorte que sa demande était prescrite.

11. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la résiliation du contrat n'était intervenue que le 24 juin 2008, date de l'ouverture de la liquidation judiciaire de l'entreprise, la cour d'appel, qui a fixé le point de départ du délai de deux ans à une date antérieure à celle de l'événement donnant naissance à l'action, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen unique, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit prescrite l'action de la CGI BAT contre la société Aviva en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage, et dit n'y avoir lieu à statuer sur le fond de la demande de la CGI BAT contre la société Aviva, l'arrêt rendu le 28 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Nivôse - Avocat général : M. Burgaud - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Sevaux et Mathonnet -

Textes visés :

Article L. 114-1 du code des assurances ; article L. 242-1 du même code.

Com., 26 février 2020, n° 18-25.036, (P)

Rejet

Prescription quinquennale – Article 2224 du code civil – Point de départ – Connaissance des faits permettant l'exercice de l'action – Cas – Action en paiement du prix d'une prestation de service – Achèvement des prestations

L'article L. 441-3 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, impose au vendeur de délivrer sa facture dès la réalisation de la prestation de service et, si ce texte prévoit aussi que l'acheteur doit réclamer la facture qui mentionne la date à laquelle le règlement doit intervenir, l'obligation au paiement du client prend naissance au moment où la prestation commandée a été exécutée.

Après avoir fait ressortir que le créancier connaissait, dès l'achèvement de ses prestations, les faits lui permettant d'exercer son action en paiement de leur prix, une cour d'appel a exactement retenu que l'action en paiement introduite par lui plus de cinq ans après cet achèvement était prescrite, peu important la date à laquelle il avait décidé d'établir sa facture.

Prescription quinquennale – Actions personnelles ou mobilières – Point de départ – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 27 septembre 2018), la société Hydroc a réalisé trois études en mars 2008 et octobre 2009 pour le compte de la société 2C aménagement, à la suite de trois devis du 14 décembre 2007, acceptés.

2. Le 4 juin 2010, la société Hydroc a établi trois factures, restées impayées, et, le 2 février 2015, a assigné la société 2C aménagement, qui lui a opposé la prescription de son action en paiement.

Examen du moyen unique

Enoncé du moyen

3. La société Hydroc fait grief à l'arrêt de déclarer son action en paiement prescrite et ses demandes irrecevables alors :

« 1°/ que le point de départ du délai de prescription quinquennale de l'action en paiement d'une facture adressée par un professionnel pour les services qu'il fournit se situe au jour de l'établissement de la facture correspondant à leur exécution ; que dès lors, en fixant le point de départ du délai de prescription de l'action en paiement de la société Hydroc, au titre des factures établies pour les études géologiques réalisées par celle-ci, au jour de la réalisation des prestations et non au jour de l'établissement desdites factures, la cour d'appel a violé l'article L. 110-4 du code de commerce ;

2°/ que le point de départ du délai de prescription quinquennale de l'action en paiement d'une facture adressée par un professionnel pour les services qu'il fournit se situe au jour de l'établissement de la facture correspondant à leur exécution ; qu'en retenant, pour juger les demandes de la société Hydroc prescrites, que les factures litigieuses avaient été établies tardivement au regard des dispositions de l'article L. 441-3 du code de commerce exigeant l'établissement des factures par le professionnel dès la réalisation de la prestation de service, cependant que l'éventuel non-respect des dispositions de ce texte ne peut avoir pour effet de modifier le point de départ de la prescription de l'action en paiement dont dispose le professionnel pour les biens et services qu'il fournit, la cour d'appel a violé les articles L. 110-4 et L. 441-3 du code de commerce ; »

Réponse de la Cour

4. Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent pas cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

5. Après avoir énoncé que, selon l'article L. 110-4 du code de commerce, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants se prescrivent par cinq ans, l'arrêt relève que les prestations dont le paiement est demandé ont été exécutées en mars 2008 et octobre 2009. Il rappelle que l'article L. 441-3 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, impose au vendeur de délivrer sa facture dès la réalisation de la prestation de service et que, si ce texte prévoit aussi que l'acheteur doit réclamer la facture qui mentionne la date à laquelle le règlement doit intervenir, l'obligation au paiement du client prend naissance au moment où la prestation commandée a été exécutée.

6. En l'état de ces énonciations, constatations et appréciations, faisant ressortir que la société Hydroc connaissait, dès l'achèvement de ses prestations, les faits lui permettant d'exercer son action en paiement de leur prix, la cour d'appel a exactement retenu que l'action en paiement introduite par cette société le 2 février 2015 était prescrite, peu important la date à laquelle elle avait décidé d'établir sa facture.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Fevre - Avocat(s) : SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois ; Me Le Prado -

Textes visés :

Article L. 441-3 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019.

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