Numéro 2 - Février 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2020

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005)

Com., 5 février 2020, n° 18-22.569, (P)

Cassation partielle

Liquidation judiciaire – Clôture – Clôture pour insuffisance d'actif – Droit de poursuite individuelle – Conditions – Fraude du débiteur – Autorisation du tribunal de la procédure collective – Applications diverses – Juge saisi d'une instance en cours

Il résulte de l'article L. 643-11, IV, du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008, que tout créancier qui, invoquant une fraude commise à son égard, souhaite reprendre ses actions individuelles contre son débiteur après clôture de la liquidation judiciaire de celui-ci pour insuffisance d'actif, doit y être autorisé par le tribunal de la procédure collective si celui-ci n'a pas donné cette autorisation lors de la clôture.

En conséquence, le juge saisi d'une instance en cours au sens de l'article L. 622-21 du code de commerce ne peut, en cas d'ouverture, pendant l'instance, d'une liquidation judiciaire contre le débiteur suivie d'une clôture pour insuffisance d'actif, condamner celui-ci au paiement d'une somme d'argent sans constater au préalable que le créancier a obtenu l'autorisation de reprendre ses actions individuelles.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 643-11 IV du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008 ;

Attendu que tout créancier qui, invoquant une fraude commise à son égard, souhaite reprendre ses actions individuelles contre son débiteur après clôture de la liquidation judiciaire de celui-ci pour insuffisance d'actif, doit y être autorisé par le tribunal de la procédure collective si celui-ci n'a pas donné cette autorisation lors de la clôture ; que le juge saisi d'une instance en cours au sens de l'article L. 622-21 du code de commerce ne peut, en cas d'ouverture, pendant l'instance, d'une liquidation judiciaire contre le débiteur suivie d'une clôture pour insuffisance d'actif, condamner celui-ci au paiement d'une somme d'argent sans constater au préalable que le créancier a obtenu l'autorisation de reprendre ses actions individuelles ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que se plaignant de l'existence de défauts sur un véhicule acheté à M. R... après une réparation effectuée par M. V..., M. H... P..., Mme X... épouse P... et M. A... P... (les consorts P...), ont, le 2 octobre 2014, assigné M. R... et M. V... devant un tribunal de grande instance aux fins d'obtenir leur condamnation in solidum à leur payer des dommages-intérêts ; que par un jugement du tribunal de commerce de Mâcon du 29 mai 2015, M. V... a été mis en liquidation judiciaire, laquelle a été clôturée pour insuffisance d'actif, le 11 décembre 2015, sans que les consorts P... aient déclaré leur créance ;

Attendu que pour condamner M. V... à payer à M. et Mme P... la somme de 10 285,83 euros en réparation de leur préjudice, outre celle de 15,05 euros TTC par jour au titre des frais de gardiennage, l'arrêt, après avoir constaté que M. V... n'avait informé ni le tribunal, ni les autres parties de sa procédure collective, et qu'il n'avait pas avisé le liquidateur judiciaire de l'existence de l'instance en cours devant le tribunal de grande instance, retient qu'en dissimulant au liquidateur l'existence de ces créanciers potentiels, ce qui avait eu pour effet de priver ceux-ci de l'avertissement d'avoir à déclarer leurs créances, M. V... avait sciemment porté atteinte aux droits des consorts P... et que si l'article L. 643-11 IV du code de commerce dispose que le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur, il fait cependant exception à cette règle en cas de fraude à l'égard d'un ou de plusieurs créanciers ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans constater que le tribunal de commerce de Mâcon avait, lors de la clôture de la liquidation judiciaire de M. V..., autorisé la reprise des actions individuelles de tout créancier, pour fraude à l'égard d'un ou de plusieurs d'entre eux, ou que M. et Mme P... avaient obtenu cette autorisation, postérieurement à la clôture et avant qu'elle ne statue, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, infirmant le jugement, il condamne M. V... à payer à M. et Mme P... la somme de 10 285,83 euros en réparation de leur préjudice, outre celle de 15,05 euros TTC par jour à compter du 1er janvier 2015 et jusqu'au jour du paiement des condamnations permettant la réparation du véhicule, au titre des frais de gardiennage, et en ce qu'il statue sur les dépens et condamne M. V... à payer à M. et Mme P... la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 28 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;

Met hors de cause, à sa demande, M. R... dont la présence devant la cour de renvoi n'est plus nécessaire à la solution du litige.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Bélaval - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article L. 643-11, IV, du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008 ; article L. 622-21 du code de commerce.

Com., 5 février 2020, n° 18-23.961, (P)

Cassation partielle

Liquidation judiciaire – Jugement – Créanciers postérieurs – Régime de faveur – Domaine d'application – Créance née pour les besoins du déroulement de la procédure – Exclusion – Cas

Viole l'article L. 641-13 du code de commerce la cour d'appel qui juge que la créance résultant de l'obligation du preneur de prendre en charge les frais de dépollution d'un site, en application des articles L. 512-6-1 et L. 512-7-6 du code de l'environnement, doit être payée à son échéance, alors qu'une telle créance, à la supposer née, comme le retient la cour d'appel, de la cessation définitive de l'exploitation, postérieure à la liquidation judiciaire, n'est pas née pour les besoins du déroulement de la procédure.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société de prototypes et de circuits imprimés PCB (la SPCI PCB), a repris l'exploitation d'une installation classée pour la protection de l'environnement sur un terrain donné à bail par la société Foncière Morillon G.Corvol (la société FMGC) ; que la SPCI PCB a été mise en liquidation judiciaire le 15 janvier 2014, la société SMJ étant désignée liquidateur ; qu'après la remise des clés par ce dernier à la société FMGC, le 5 juin 2014, celle-ci l'a assigné en paiement d'une indemnité correspondant à la contre-valeur des travaux à réaliser pour la mise en sécurité du site et sa dépollution, et en paiement des loyers et/ou indemnités d'occupation postérieurs au jugement d'ouverture ;

Sur le second moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article L. 641-13 du code de commerce ;

Attendu que pour condamner le liquidateur à payer à la société FMGC la somme de 74 000 euros au titre des frais d'enlèvement, transport et traitement des déchets du site de la SPCI PCB, l'arrêt, après avoir énoncé qu'aux termes des articles L. 512-6-1 et L. 512-7-6 du code de l'environnement, la charge de la dépollution incombe au dernier exploitant du bien pollué, en l'espèce, la SPCI PCB, en déduit que c'est la mise à l'arrêt définitif de l'exploitation du site classé du fait de la liquidation judiciaire qui constitue le fait générateur de l'obligation de dépollution à la charge du dernier locataire ; qu'il retient que cette créance de dépollution postérieure au jugement de liquidation judiciaire, née pour les besoins du déroulement de la procédure, eu égard à l'obligation légale du liquidateur de dépolluer le site, doit être payée à son échéance ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, à supposer que la créance résultant de l'obligation du preneur de prendre en charge les frais de dépollution du site soit née, ainsi que le retient l'arrêt, de la cessation définitive de l'exploitation, postérieure à la liquidation judiciaire, cette créance n'est pas née pour les besoins du déroulement de la procédure, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il condamne la société SMJ, en qualité de liquidateur de la société SPCI PCB, à payer à la société foncière Morillon G. Corvol, la somme de 74 000 euros au titre des frais d'enlèvement, transport et traitement des déchets du site de la société SPCI PCB et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 7 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat général : M. Richard de la Tour (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SARL Cabinet Briard -

Textes visés :

Article L. 641-13 du code de commerce ; articles L. 512-6-1 et L. 512-7-6 du code de l'environnement.

Com., 26 février 2020, n° 18-18.283, (P)

Rejet

Liquidation judiciaire – Jugement – Effets – Dessaisissement du débiteur – Changement de capacité (non) – Instance en cours – Interruption – Exclusion – Cas – Infirmation d'un jugement ayant mis une partie en liquidation judiciaire

Le dessaisissement du débiteur par l'effet de sa mise en liquidation judiciaire, qui ne porte que sur ses droits patrimoniaux et auquel échappent ses droits propres, n'emporte pas changement de capacité au sens de l'article 370 du code de procédure civile. En conséquence, l'infirmation d'un jugement ayant mis une partie en liquidation judiciaire n'emporte pas recouvrement, par cette partie, de sa capacité et ne constitue donc pas une cause d'interruption d'instance au sens du texte précité.

Liquidation judiciaire – Jugement – Effets – Instance en cours – Interruption – Causes – Changement de capacité – Exclusion – Cas – Infirmation d'un jugement ayant mis une partie en liquidation judiciaire

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 23 janvier 2018), que, par un jugement du 13 octobre 2006, M. E... a été mis en redressement judiciaire ; qu'un jugement du 14 décembre 2007 a arrêté un plan de redressement ; que par un acte authentique du 8 février 2012, M. I... a cédé à M. E... un ensemble immobilier incluant une maison d'habitation et des dépendances, en s'en réservant l'usufruit sa vie durant, pour un prix payé sous la forme d'une rente viagère payable mensuellement ; que M. I... a été placé sous curatelle renforcée par un jugement du 28 avril 2014, l'association ATMP étant désignée en qualité de curateur ; que M. E... ayant cessé de payer la rente à compter du mois d'août 2014, M. I... et son curateur l'ont assigné afin de voir constater l'acquisition de la clause résolutoire stipulée à l'acte de vente, ordonner la remise en état des lieux et condamner M. E... à des dommages-intérêts ; qu'un jugement du 27 juin 2016 a accueilli ces demandes ; qu'un jugement du 8 juillet 2016 a prononcé la résolution du plan de redressement de M. E... et ouvert une liquidation judiciaire à son égard, Mme N... étant désignée en qualité de liquidateur ; que cette dernière a relevé appel du jugement du 27 juin 2016 ; qu'une ordonnance du 7 février 2017 a suspendu l'exécution provisoire attachée au jugement du 8 juillet 2016 et un arrêt du 27 avril 2017, infirmant ce jugement, a dit n'y avoir lieu à l'ouverture d'une liquidation judiciaire à l'égard de M. E... ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. E... fait grief à l'arrêt de constater l'acquisition de la clause résolutoire, d'ordonner la restitution des lieux et de le condamner à des dommages-intérêts alors, selon le moyen, qu'en application de l'article 370 du code de procédure civile, à compter de la notification qui en est faite à l'autre partie, l'instance est interrompue par le recouvrement ou la perte par une partie de la capacité d'ester en justice ; qu'en l'espèce, ainsi qu'il résulte de constatations de l'arrêt attaqué, un jugement du 8 juillet 2016 a prononcé la résolution du plan de M. et Mme E... et ouvert une procédure de liquidation judiciaire ; qu'après suspension, par une ordonnance du 7 février 2017, de l'exécution provisoire attachée au jugement du 8 juillet 2016, un arrêt du 27 avril 2017 a infirmé ce jugement et dit n'y avoir lieu à ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de M. E... ; qu'ainsi, au cours de la procédure d'appel, M. E... a recouvré, quand il en était dépouillé au moment où l'appel a été formé, sa capacité d'ester en justice ; qu'en constatant que l'arrêt du 27 avril 2017 avait été porté à sa connaissance sans en tirer les conséquences quant à l'interruption d'instance, les juges du fond ont violé l'article 370 du code de procédure civile ;

Mais attendu que le dessaisissement du débiteur par l'effet de sa mise en liquidation judiciaire, qui ne porte que sur ses droits patrimoniaux, et auquel échappent ses droits propres, n'emporte pas changement de capacité au sens de l'article 370 du code de procédure civile, de sorte que l'infirmation d'un jugement ayant mis une partie en liquidation judiciaire n'emporte pas recouvrement, par cette partie, de sa capacité et ne constitue donc pas une cause d'interruption d'instance au sens du texte précité ; que le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Barbot - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot -

Textes visés :

Article 370 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Sur l'absence de changement de capacité au sens de l'article 531 du code de procédure civile, à rapprocher : Com., 18 mai 2016, pourvoi n° 14-25.997, Bull. 2016, IV, n° 73 (rejet).

Com., 26 février 2020, n° 18-21.575, (P)

Rejet

Liquidation judiciaire – Réalisation de l'actif – Immeuble – Cession par adjudication – Autorisation – Ordonnance du juge-commissaire – Notification au domicile élu d'un créancier hypothécaire – Domicile inscrit dans l'inscription

Aucun domicile n'étant élu dans le cadre de la procédure collective, le domicile élu mentionné par l'article R. 642-23 du code de commerce, auquel doit avoir lieu la notification de l'ordonnance autorisant la vente de l'immeuble d'un débiteur en liquidation judiciaire faisant l'objet de l'hypothèque, ne peut être que celui élu par le créancier inscrit dans l'inscription elle-même.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 19 juin 2018), que la société In House France, a été mise en liquidation judiciaire le 15 décembre 2010, M. N... étant désigné liquidateur ; que le juge commissaire a, par ordonnance du 13 septembre 2017, autorisé le mandataire liquidateur à procéder à la vente d'un ensemble immobilier dont la société In House France était propriétaire ; que M. J..., créancier hypothécaire a, par déclaration du 13 novembre 2017, formé un recours contre cette ordonnance ;

Sur le second moyen :

Attendu que M. J... fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son recours et de le condamner à payer à M. N..., ès qualités, la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile alors, selon le moyen :

1°/ que l'ordonnance du juge-commissaire ordonnant la vente des immeubles du débiteur placé en liquidation judiciaire par voie d'adjudication judiciaire ou amiable doit être notifiée au domicile spécifiquement élu par les créanciers inscrits dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire ; qu'en jugeant que le greffier avait obligation de notifier l'ordonnance du juge-commissaire ayant autorisé la vente de l'immeuble de la société In House France à l'adresse de la société [...], dès lors que ce domicile avait été élu par M. J... au moment de l'inscription des hypothèques judiciaires, quand la notification ne pouvait être régulièrement effectuée qu'au domicile spécifiquement élu par le créancier hypothécaire dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire, la cour d'appel a violé l'article R. 642-23 du code de commerce ;

2°/ qu'en tout état de cause, qu'en retenant que l'ordonnance du juge-commissaire ordonnant la vente par adjudication des immeubles de la société In House France avait été notifiée à M. J... ayant élu domicile chez M. M... C..., sur le fondement du seul extrait de la liste des recommandés reçus par le greffe faisant état d'une notification à « M. J... Y... » reçue le 25 septembre 2017, quand ni le courrier de notification, ni l'accusé de réception de La Poste, n'avaient été versés aux débats, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 642-23 du code de commerce ;

Mais attendu, d'une part, qu'aucun domicile n'étant élu dans le cadre de la procédure collective, le domicile élu auquel doit avoir lieu la notification prévue par l'article R. 642-23 du code de commerce ne peut être que celui élu par le créancier inscrit dans l'inscription elle-même ; que la cour d'appel, qui relève que les hypothèques judiciaires inscrites au bénéfice de M. J... et de la société dont il est le gérant sur l'immeuble de la société In House France mentionnaient comme domicile élu la société [...], en a exactement déduit que l'ordonnance ayant autorisé la vente de cet immeuble devait être notifiée à M. J... à l' adresse de cette société ;

Et attendu, d'autre part, que l'arrêt, sans se fonder sur le seul extrait de la liste des avis de recommandés reçus par le greffe, relève non seulement que « M. N..., ès qualités, justifie que l'ordonnance a été notifiée à M. M... C..., AR reçu le 25 septembre 2017 », mais aussi que M. J... n'avait pas contesté la date de réception de la notification par la société [...] ;

Que le moyen, qui manque en fait en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Brahic-Lambrey - Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini -

Textes visés :

Article R. 642-23 du code de commerce.

Com., 5 février 2020, n° 18-21.754, (P)

Rejet

Procédure (dispositions générales) – Voies de recours – Décisions susceptibles – Ordonnances du juge-commissaire – Admission au passif – Ordonnance du juge-commissaire ayant également relevé de forclusion – Appel direct – Irrecevabilité

Selon l'article R. 621-21 du code de commerce, le recours contre l'ordonnance du juge-commissaire statuant sur une requête en relevé de forclusion, qui n'est soumis à aucun régime dérogatoire, est exercé devant le tribunal ayant ouvert la procédure collective, le jugement rendu sur ce recours étant seul susceptible d'appel.

Une cour d'appel en déduit exactement qu'un juge-commissaire ayant, par une même ordonnance, relevé un créancier de la forclusion qu'il avait encourue et prononcé l'admission de sa créance, le débiteur et son mandataire judiciaire, qui devaient d'abord exercer un recours devant le tribunal ayant ouvert la procédure collective, étaient irrecevables à former un appel direct contre cette ordonnance, le juge-commissaire aurait-il à tort, dans la même décision, prononcé le relevé de forclusion et admis la créance.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 22 mai 2018), que la SCI « Les Trois filles » (la SCI) a été mise en redressement judiciaire le 13 novembre 2014, le jugement d'ouverture étant publié le 12 décembre suivant ; que Mme P... a déclaré une créance le 5 mars 2015 ; que par une ordonnance du 10 novembre 2015, le juge-commissaire l'a relevée de la forclusion qu'elle avait encourue et a prononcé l'admission de sa créance ; que la SCI et Mme J..., son mandataire judiciaire, ont relevé appel de l'ordonnance ;

Attendu que ces derniers font grief à l'arrêt de déclarer leur appel irrecevable alors, selon le moyen, que le recours contre la décision du juge-commissaire statuant sur l'admission des créances est formé devant la cour d'appel quand bien même celui-ci se serait également prononcé dans la même décision sur une demande de relevé de forclusion ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable l'appel formé par Mme J... ès qualités et la SCI Les Trois Filles contre l'ordonnance du 10 novembre 2015 par laquelle le juge-commissaire a non seulement relevé Mme P... de sa forclusion mais encore prononcé l'admission de sa créance à hauteur de 49 000 euros, que cette admission n'avait pas été sollicitée et que le juge-commissaire ne pouvait en tout état de cause pas la prononcer au visa de l'article R. 622-25 du code de commerce, la cour d'appel a violé les articles L. 624-2, R. 621-21 et R. 624-7 du code de commerce ;

Mais attendu que, selon l'article R. 621-21 du code de commerce, seul applicable, le recours contre l'ordonnance du juge-commissaire statuant sur une requête en relevé de forclusion, qui n'est soumis à aucun régime dérogatoire, est exercé devant le tribunal ayant ouvert la procédure collective, le jugement rendu sur ce recours étant seul susceptible d'appel ; que la cour d'appel en a exactement déduit que la SCI et le mandataire judiciaire, qui devaient d'abord exercer un recours devant le tribunal, étaient irrecevables à former un appel direct contre l'ordonnance du juge-commissaire, celui-ci aurait-il à tort, dans la même décision, prononcé le relevé de forclusion et admis la créance ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Leduc et Vigand -

Textes visés :

Article R. 621-21 du code de commerce.

Rapprochement(s) :

Sous l'empire de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, en sens contraire : Com., 29 mai 1990, pourvoi n° n° 88-16.434, Bull. 1990, IV, n° 155 (cassation partielle).

Com., 5 février 2020, n° 18-19.576, (P)

Irrecevabilité

Procédure (dispositions générales) – Voies de recours – Pourvoi en cassation – Arrêt annulant un jugement arrêtant le plan de cession – Jugement ayant ordonné le transfert de titres au mépris de leur inaliénabilité conventionnelle – Irrecevabilité du pourvoi formé par l'administrateur

En application de l'article L. 631-22, alinéa 2, du code de commerce, en cas d'adoption d'un plan de cession, l'administrateur ne reste en fonction que pour passer les actes nécessaires à la réalisation de la cession, ce qui ne lui permet pas de discuter du périmètre de celle-ci, tel qu'arrêté par la cour d'appel. Il est donc irrecevable à former un pourvoi contre l'arrêt qui annule le jugement arrêtant le plan de cession, en ce qu'il a ordonné le transfert de titres au mépris de leur inaliénabilité conventionnelle.

Organes – Administrateur judiciaire – Pouvoirs – Actes nécessaires à la réalisation de la cession – Domaine d'application – Exclusion – Cas – Périmètre de la cession

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par les sociétés AJRS et [...], en qualité d'administrateurs judiciaires de la société Necotrans Holding, que sur le pourvoi incident relevé par les sociétés MJA et [...], en qualité de liquidateurs de la même société ;

Sur la fin de non-recevoir soulevée par la société Padang Trust Singapore, qui est recevable :

Vu l'article L. 631-22, alinéa 2, du code de commerce ;

Attendu qu'en cas d'adoption d'un plan de cession, l'administrateur ne reste en fonction que pour passer les actes nécessaires à la réalisation de la cession ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 mai 2018), que la société Necotrans Holding a été mise en redressement judiciaire le 29 juin 2017, les sociétés MJA et [...] étant désignées mandataires judiciaires et les sociétés F... J..., devenue AJRS et [...] administrateurs judiciaires ; que le 25 août 2017, le tribunal a arrêté le plan de cession de la société Necotrans Holding et ordonné la cession à la société Octavia des titres que la société débitrice détenait dans le capital de la société Necotrans Mining ; que la société Padang Trust Singapore, associée minoritaire de cette société, se prévalant d'une clause d'inaliénabilité convenue entre la société débitrice et elle-même ainsi que d'un droit de préemption, a formé tierce opposition-nullité au jugement arrêtant le plan, en soutenant que le tribunal avait commis un excès de pouvoir en ordonnant la cession des titres au mépris de leur inaliénabilité conventionnelle ; que le tribunal a déclaré irrecevable la tierce-opposition nullité ; que par l'arrêt attaqué, la cour d'appel a annulé ce jugement ainsi que celui arrêtant le plan de cession, en ce qu'il ordonnait le transfert des titres ;

Attendu que la mission des administrateurs de réaliser les actes nécessaires à la cession ne leur permettant pas de discuter du périmètre de celle-ci, tel qu'arrêté par la cour d'appel, le pourvoi formé par les sociétés AJRS et Thevenot Partners est irrecevable ;

Et attendu que l'irrecevabilité du pourvoi principal entraîne celle du pourvoi incident, formé par les liquidateurs après l'expiration du délai de dépôt du mémoire en demande ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DECLARE IRRECEVABLES les pourvois principal et incident.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau ; SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Article L. 631-22, alinéa 2, du code de commerce.

Com., 5 février 2020, n° 18-21.529, (P)

Cassation partielle

Redressement judiciaire – Période d'observation – Contrats en cours – Contrat poursuivi après l'ouverture de la procédure collective – Faculté du débiteur – Absence d'administrateur – Consultation – Défaut – Responsabilité du mandataire (non)

En application de l'article L. 627-2 du code de commerce, c'est, en l'absence d'administrateur, au débiteur lui-même qu'il appartient, sur avis conforme du mandataire judiciaire, d'exercer la faculté de poursuivre les contrats en cours et de demander la résiliation du bail en application des articles L. 622-13 et L. 622-14 du même code, ce dont il résulte que le mandataire qui n'a pas été consulté par le débiteur ne peut être tenu pour responsable de la poursuite d'un contrat, au demeurant irrégulière, ni de l'absence de sa résiliation.

Organes – Mandataire judiciaire – Responsabilité – Décision de poursuivre les contrats en cours – Consultation du mandataire par le débiteur – Défaut – Portée

Statuant, tant sur le pourvoi principal formé par la société [...] que sur le pourvoi incident relevé par M. et Mme C... ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Le Monde d'Angkor a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 27 janvier et 15 juin 2011, la société [...] étant désignée mandataire judiciaire puis liquidateur ; qu'après la clôture de la liquidation judiciaire le 2 juillet 2013, M. U..., bailleur des locaux d'exploitation, qui avait délivré au liquidateur un commandement de payer visant la clause résolutoire pour les loyers postérieurs au jugement d'ouverture, a assigné en paiement solidaire M. et Mme C..., qui s'étaient rendus cautions des loyers, et le liquidateur ; qu'il a également assigné personnellement la société [...] en responsabilité pour ne pas avoir mis fin au bail et avoir laissé s'aggraver la dette de loyer ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal et sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 627-2 du code de commerce et 1382, devenu 1240, du code civil ;

Attendu que pour condamner la société [...] à payer à M. U... la somme de 34 361,53 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt relève que, pendant le redressement judiciaire, à défaut de désignation d'un administrateur, il appartenait au mandataire judiciaire, en application de l'article L. 627-2 du code de commerce, de donner un avis conforme sur la poursuite ou non des contrats en cours, et retient qu'en ne s'opposant pas à la poursuite du bail par les débiteurs, quand il ne pouvait ignorer que les loyers ne pouvaient plus être payés et que le fonds de commerce n'avait jamais dégagé le moindre chiffre d'affaires, le mandataire judiciaire a commis une faute ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'en application de l'article L. 627-2 du code de commerce, c'est, en l'absence d'administrateur, au débiteur lui-même qu'il appartient, sur avis conforme du mandataire judiciaire, d'exercer la faculté de poursuivre les contrats en cours et de demander la résiliation du bail en application des articles L. 622-13 et L. 622-14 du même code, ce dont il résulte que le mandataire qui n'a pas été consulté par le débiteur ne peut être tenu pour responsable de la poursuite d'un contrat, au demeurant irrégulière, ni de l'absence de sa résiliation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le second moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu les articles L. 641-12 du code de commerce et 1382, devenu 1240, du code civil ;

Attendu que pour condamner la société [...] à payer à M. U... la somme de 34 361,53 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient encore que, pendant la liquidation judiciaire, le liquidateur a choisi de ne pas résilier le bail et de tenter de vendre un fonds de commerce quasi-inexistant au détriment de M. U... qui ne pouvait pas récupérer son bien ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le bailleur avait mis le liquidateur en demeure de payer les loyers échus pendant la liquidation, et s'il avait demandé la résiliation judiciaire ou fait constater la résiliation de plein droit du bail comme l'y autorise l'article L. 641-12, 3°, du code de commerce, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société [...], à titre personnel, à payer à M. U... la somme de 34 361,53 euros à titre de dommages-intérêts, et en ce qu'il la condamne solidairement avec M. et Mme C... à verser à M. U..., en application de l'article 700 du code de procédure civile les sommes de 2 000 euros en première instance et 2 000 euros en cause d'appel, l'arrêt rendu le 7 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Met hors de cause, sur leur demande, M. et Mme C... dont la présence devant la cour de renvoi n'est plus nécessaire à la solution du litige.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre ; SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot -

Textes visés :

Article L. 627-2, L. 622-13 et L. 622-14 du code de commerce.

Com., 26 février 2020, n° 18-19.737, (P)

Rejet

Sauvegarde – Plan de sauvegarde – Adoption – Approbation par l'assemblée des obligataires – Droit de contestation – Limite

En application de l'article L. 626-34-1 du code de commerce, le tribunal statue dans un même jugement sur les contestations relatives à l'application des articles L. 626-30 à L. 626-32 et sur l'arrêté ou la modification du plan de sauvegarde et les créanciers ne peuvent former une contestation que contre la décision du comité ou de l'assemblée dont ils sont membres. En conséquence, un créancier titulaire d'obligations, membre de l'assemblée unique des obligataires [AUO], ne peut contester que l'adoption du projet de plan par cette assemblée et seulement lorsque les dispositions relatives à la constitution de cette assemblée, sa convocation, et les conditions de sa délibération telles que prévues par l'article L. 626-32 ne lui semblent pas avoir été correctement appliquées.

Il en résulte que ne sont pas recevables les demandes d'un tel créancier qui, sans discuter la régularité de la constitution de l'AUO, de sa convocation ou des conditions de sa délibération, conteste un élément de fond du plan de sauvegarde portant sur les modalités de remboursement des obligations selon leur nature et invoque un abus de majorité.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 mai 2018), la société CGG, société faîtière du groupe international CGG, a bénéficié, le 27 février 2017, d'une procédure de mandat ad hoc dans le cadre de laquelle elle a engagé des discussions avec ses principaux créanciers et actionnaires répartis en quatre groupes, dont celui des créanciers titulaires d'obligations à haut rendement dites obligations « High Yield » et celui des créanciers titulaires d'obligations convertibles en actions nouvelles ou existantes dites obligations Oceane.

2. Par un jugement du 14 juin 2017, la société CGG a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, la société MJA, en la personne de Mme R..., étant désignée mandataire judiciaire et la société FHB, en la personne de Mme T..., administrateur. Quatorze procédures américaines dites de « Chapter 11 » ont été ouvertes aux Etats-Unis afin de mettre sous protection l'ensemble des actifs du groupe CGG.

3. Le 28 juillet 2017, le comité des établissements de crédits et assimilés et l'assemblée unique des obligataires (l'AUO) ont adopté respectivement à l'unanimité et à une majorité de 93,5 % le projet de plan de sauvegarde préparé par la société CGG et prévoyant notamment la conversion d'une grande partie de la dette obligataire en capital à un taux de conversion de 3,12 euros par action pour les obligations « High Yield » et de 10,26 euros pour les obligations Oceane et la possibilité pour les obligataires « High Yield » de souscrire à des émissions de titres.

4. Par une déclaration du 4 août 2017, les sociétés Keren Finance, Delta Alternative Management (la société Delta), [...] (la société [...]),

La Financière de l'Europe, Ellipsis Asset Management et HMG Finance, porteurs de 23 % des obligations Oceane, qui estimaient que le plan ne traitait pas équitablement les porteurs de dette « High Yield » et les détenteurs d'obligations Oceane, ont demandé au tribunal de rejeter le plan de sauvegarde de la société CGG comme étant contraire aux dispositions de l'article L. 626-32 du code de commerce.

Examen des moyens

Sur les premiers moyens des pourvois principal et incident, rédigés en termes identiques, réunis :

Enoncé du moyen

5. Les sociétés Delta,

La Financière de l'Europe, [...] et HMG finance font grief à l'arrêt de dire irrecevable la demande de rejet du plan, d'arrêter le plan de sauvegarde de la société CGG et de rejeter les demandes fondées sur un abus de majorité alors « que les dispositions de l'article L. 626-34-1 du code de commerce, prévoyant que " le tribunal statue dans un même jugement sur les contestations relatives à l'application des articles L. 626-30 à L. 626-32 et sur l'arrêté ou la modification du plan ", autorisent les créanciers et obligataires à former une contestation " à l'encontre de la décision du comité ou de l'assemblée dont ils sont membres " ; que le texte n'opère aucune restriction quant à la recevabilité de la contestation, dès lors que celle-ci, d'une part, porte sur l'application des articles L. 626-30 à L. 626-32 du code de commerce et, d'autre part, a pour objet la décision du comité ou de l'assemblée dont l'auteur de la contestation est membre ; que les sociétés appelantes, membres de l'assemblée unique des obligataires, ont contesté la décision prise par cette assemblée, d'approuver le plan de sauvegarde, opérant, sans justification, une différenciation disproportionnée entre les créanciers obligataires, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 626-32 du code de commerce ; qu'en affirmant cependant, pour confirmer le jugement entrepris ayant dit irrecevable leur contestation, que " les recours exercés par les créanciers ou les obligataires ne peuvent porter que sur les décisions des comités ou assemblée dont ils sont membres, et non sur le plan de sauvegarde lui-même, et sur les contestations relatives à la constitution et au vote des comités de créanciers ou de l'assemblée des obligataires ", quand aucune disposition n'interdit aux créanciers obligataires de contester la délibération de l'assemblée unique des obligataires, dont ils sont membres, en ce que cette délibération a approuvé un plan de sauvegarde, opérant, sans justification, une différenciation disproportionnée entre les créanciers obligataires, de sorte que le plan ne pouvait être arrêté, la cour d'appel a violé, par refus d'application les articles L. 626-32, L. 626-34-1 et L. 661-1 6° du code de commerce, ensemble et par fausse application de l'article 121 du code de procédure civile ».

Réponse de la Cour

6. Selon l'article L. 626-34-1 du code de commerce, le tribunal statue dans un même jugement sur les contestations relatives à l'application des articles L. 626-30 à L. 626-32 et sur l'arrêté ou la modification du plan, et les créanciers ne peuvent former une contestation que contre la décision du comité ou de l'assemblée dont ils sont membres. Il en résulte qu'un créancier titulaire d'obligations, membre de l'AUO, ne peut contester que l'adoption du projet de plan par cette assemblée et seulement lorsque les dispositions relatives à la constitution de cette assemblée, sa convocation, et les conditions de sa délibération telles que prévues par l'article L. 626-32 ne lui semblent pas avoir été correctement appliquées.

7. Ayant relevé que les sociétés Delta,

La Financière de l'Europe, [...] et HMG Finance ne contestaient ni la régularité de la tenue de l'AUO ou sa composition ni la régularité des votes mais contestaient la délibération de cette assemblée sur la modalité du plan de sauvegarde relative au traitement des porteurs d'obligations Oceane, qui serait, selon elles, différent de celui des porteurs d'obligations « High Yield » sans que cela soit justifié, la cour d'appel a exactement retenu que, ce faisant, ces sociétés faisaient indirectement appel du plan de sauvegarde lui-même et non de la délibération de l'AUO, en contestant un élément de fond du plan portant sur le remboursement des obligations selon leur nature, ce que les textes précités ne leur permettaient pas.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur les seconds moyens des pourvois principal et incident, rédigés en termes identiques, réunis :

Enoncé du moyen

9. Les sociétés Delta,

La Financière de l'Europe, [...] et HMG Finance font le même grief à l'arrêt alors :

1°/ « que l'abus de majorité se définit comme la prise d'une décision, par les détenteurs de la majorité des voix, non conforme à l'intérêt de la collectivité et prise dans l'unique dessein de favoriser le groupe majoritaire au détriment de la minorité ; que, s'agissant de la délibération de l'assemblée unique des obligataires, l'intérêt devant être pris en considération est celui des obligataires membres de l'assemblée et non celui de l'entreprise ; qu'en affirmant, cependant, pour écarter l'abus de majorité invoqué, qu' " il existe un abus de majorité lorsqu'une décision est prise contrairement à l'intérêt social ", que " la finalité d'un plan de sauvegarde est d'assurer la pérennité de l'activité, le maintien des emplois et l'apurement du passif " et que " les appelantes ne soutiennent pas que la délibération adoptée à la majorité, relative au remboursement des obligations Oceane, serait contraire à l'intérêt social ", quand l'abus de majorité devait s'apprécier au regard du seul intérêt de la collectivité des obligataires et non de celui de l'entreprise ou de la finalité d'un plan de sauvegarde, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 626-34-1 du code de commerce ;

2°/ que le juge ne peut dénaturer les termes des écrits qui lui sont soumis ; que, dans leurs conclusions, les appelantes faisaient expressément valoir, pour justifier de l'abus de majorité, que la délibération prise, adoptant le plan proposé, prévoyait, de manière disproportionnée, un traitement bien plus défavorable pour les porteurs d'obligations Oceane, membres minoritaires de l'assemblée, par rapport aux porteurs d'obligations High Yield, majoritaires, alors que cette distinction ne reposait sur aucune justification objective et n'était pas nécessaire pour la reprise de l'entreprise ; qu'en affirmant cependant, pour écarter l'abus de majorité invoqué, que les appelantes ne soutiennent pas que cette délibération aurait été adoptée par la majorité à leur détriment, la cour d'appel a méconnu les termes clairs et précis des conclusions des appelantes, en violation du principe interdisant au juge de dénaturer les écrits qui lui sont soumis ;

3°/ que dans leurs conclusions, les sociétés appelantes observaient que l'approbation du plan, lors de l'assemblée unique des obligataires, par une partie des porteurs d'obligations Oceane s'expliquait par le vote favorable des sociétés DNCA, investisseur institutionnel présent de longue date au sein de la société CGG et ayant participé à la négociation et la conclusion de ce plan, qui détenaient tout à la fois des obligations Oceane mais également des obligations High Yield ; qu'en ce qu'elle se serait fondée, pour écarter l'abus de majorité invoqué, sur le constat que " la majorité des porteurs d'obligations Oceane a voté en faveur de la délibération litigieuse ", sans s'expliquer sur le moyen tiré de ce que les porteurs des deux types d'obligations, Oceane et High Yield, avaient approuvé un plan qui leur était favorable, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que le projet de plan ne peut établir un traitement différencié entre les créanciers obligataires que si les différences de situation le justifient ; que, dans leurs conclusions, les appelantes faisaient valoir et démontraient que le traitement différencié des porteurs d'obligation n'était justifié ni par une subordination des obligations Oceane aux obligations High Yield, ni par une prétendue différence de nature des obligations, pas plus que par la valeur des " garanties " dont les obligations High Yield bénéficient ; qu'elles observaient que l'expert désigné par le tribunal, à la demande de la société CGG, qui n'avait pas cru utile de procéder à leur audition, n'avait pas pu établir la valeur économique des garanties, censée justifier la différence de traitement et elles produisaient, à l'appui de leurs dires, un rapport de M. G..., expert agréé auprès de la cour d'appel de Paris, qui, se fondant sur des estimations chiffrées, démontrait l'absence de justification, quelle que soit l'approche retenue, de l'écart de traitement entre les porteurs d'obligations High Yield et les porteurs d'obligations Oceane ; qu'en se bornant, pour rejeter la demande fondée sur l'abus de majorité, à affirmer que " la délibération relative au remboursement des obligations offre aux porteurs d'Oceane un traitement plus favorable qu'en l'absence de plan de sauvegarde " et, par motifs éventuellement adoptés des premiers juges, qu' " il résulte des éléments fournis au tribunal et particulièrement du rapport du technicien B...-I..., en date du 25 octobre 2017, désigné par Monsieur le juge-commissaire par ordonnance du 9 octobre 2017, que le traitement différencié entre les créanciers est raisonnable et justifiable ", que " le traitement différencié des porteurs d'Oceane et des obligataires High Yield est fondé sur des données et des arguments objectifs " et que " le plan de sauvegarde est satisfaisant au regard de l'intérêt des créanciers ", sans examiner, fut-ce brièvement, le rapport d'expertise produit, ni rechercher, comme il lui était demandé, s'il ne ressortait pas de ce rapport la preuve de l'absence de fondement des conclusions du technicien B...-I... et la preuve de l'absence de justification et de nécessité de l'écart de traitement entre les porteurs d'obligations High Yield et les porteurs d'obligations Oceane, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 626-34-1 du code de commerce, ensemble le principe d'égalité de traitement. »

Réponse de la Cour

10. Les sociétés Delta,

La Financière de l'Europe, [...] et HMG Finance sont sans intérêt à critiquer le rejet par la cour d'appel de leur demande fondée sur un abus de majorité dès lors que, un tel abus ne relevant pas des contestations concernant la constitution de l'AUO, sa convocation ou les conditions de sa délibération, cette demande était irrecevable en application de l'article L. 626-34-1 du code de commerce.

11. Le moyen est donc irrecevable.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi principal et le pourvoi incident.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Bélaval - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP Gaschignard ; SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre ; SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin -

Textes visés :

Articles L. 626-30 à L. 626-32 et L. 626-34-1 du code de commerce.

Rapprochement(s) :

Com., 21 février 2012, pourvoi n° 11-11.696, Bull. 2012, IV, n° 45 (rejet).

Com., 26 février 2020, n° 18-18.680, (P)

Rejet

Sauvegarde – Plan de sauvegarde – Exécution du plan – Résolution – Cas – Ouverture d'une procédure collective – Demande de résolution du plan pour cessation des paiements – Recevabilité – Conditions – Créance certaine, liquide et exigible

Dès lors que la cessation des paiements conduit à la résolution du plan de sauvegarde et à l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire du débiteur, le créancier qui demande la résolution du plan de son débiteur pour cessation des paiements doit, à peine d'irrecevabilité de sa demande, justifier d'une créance certaine, liquide et exigible.

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que la société Amarante a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde le 17 avril 2012, la société Actis étant désignée mandataire judiciaire et la société [...] administrateur judiciaire ; qu'un plan de sauvegarde a été arrêté le 16 juillet 2013, la société [...] devenant commissaire à l'exécution du plan ; que la société Aareal Bank AG (la société Aareal Bank) a déclaré sa créance ; que cette créance ayant été contestée, le juge-commissaire a, par une ordonnance du 24 juin 2014, constaté que la contestation ne relevait pas de sa compétence ; qu'invoquant la cessation des paiements de la société Amarante, les sociétés Natixis Lease immo et Fortis Lease, créancières, ont assigné celle-ci en résolution du plan et ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire ; que la société Aareal Bank est intervenue volontairement à l'instance, en demandant également la résolution du plan et l'ouverture de la liquidation judiciaire ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Aareal Bank fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son intervention volontaire alors, selon le moyen :

1°/ que lorsque la cessation des paiements du débiteur est constatée au cours de l'exécution du plan de sauvegarde, le tribunal qui a arrêté ce dernier décide sa résolution et ouvre une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire et peut être saisi à ces fins par tout créancier dont la créance apparaît fondée en son principe, peu important qu'elle fasse l'objet d'une contestation et donc qu'elle ne soit pas certaine, liquide et exigible, conditions qui ne sont exigées d'un créancier que s'il assigne directement son débiteur en redressement ou liquidation judiciaire hors toute procédure préalable de sauvegarde ; qu'en exigeant au contraire que le créancier saisissant le tribunal aux fins de résolution du plan de sauvegarde du fait d'une cessation des paiements au cours de l'exécution dudit plan justifie d'une créance certaine, liquide et exigible, pour en déduire que l'intervention volontaire d'un créancier dont la créance était contestée devait être déclarée irrecevable, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, en lui ajoutant des conditions qu'il ne prévoit pas, l'article L. 626-27 du code de commerce ;

2°/ que l'absence de liquidité d'une créance ne la rend pas infondée en son principe et ne rend donc pas le créancier irrecevable à saisir le tribunal en constatation de la cessation des paiements advenue au cours de l'exécution du plan de sauvegarde et en résolution dudit plan ; qu'en se fondant néanmoins sur l'absence de fixation du montant de la créance de la société Aareal Bank pour regarder cette dernière comme irrecevable à intervenir volontairement aux fins de résolution du plan de sauvegarde, la cour d'appel a violé l'article L. 626-27 du code de commerce, ensemble l'article 325 du code de procédure civile ;

3°/ qu'une créance ne devient pas infondée en son principe du fait d'un appel interjeté contre un jugement de première instance ayant statué à son sujet, à plus forte raison lorsque ledit jugement a, non pas constaté la créance concernée, mais écarté une demande en nullité de l'acte contractuel fondant la créance ; qu'en s'appuyant néanmoins, pour déclarer la société Aareal Bank irrecevable en son intervention volontaire, sur l'existence d'un appel formé par la débitrice contre le jugement ayant débouté cette dernière de sa demande en nullité de l'acte notarié de prêt fondant la créance de société Aareal Bank, la cour d'appel a violé de plus fort les textes susvisés ;

4°/ qu'en visant, au soutien de sa décision, les contestations émises par la société Amarante, sans rechercher, comme l'y avait invitée la société Aareal Bank, si le jugement rendu le 28 septembre 2017, revêtu de l'exécution provisoire, par lequel le tribunal de commerce de Paris avait rejeté la demande formée par la débitrice en nullité du prêt, n'établissait pas l'absence totale de sérieux et le caractère artificiel et dilatoire des contestations de celle-ci, et s'il n'en résultait pas que la créance de la société Aareal Bank était fondée en son principe et qu'elle avait le droit d'agir en justice en résolution du plan de sauvegarde, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés.

Mais attendu que le créancier qui demande la résolution du plan de sauvegarde de son débiteur pour cessation des paiements doit, à peine d'irrecevabilité de sa demande, justifier d'une créance certaine, liquide et exigible, dès lors que la cessation des paiements conduit à la résolution du plan et à l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire du débiteur ; que l'arrêt, qui statue en ce sens, n'encourt pas la censure ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la société Aareal Bank fait grief à l'arrêt de dire que la société Amarante n'était pas en état de cessation des paiements et n'y avoir lieu à résolution du plan de sauvegarde ni à ouverture à l'égard de cette société d'une procédure de liquidation judiciaire alors, selon le moyen, que la cour d'appel, ayant déclaré irrecevable l'intervention volontaire de la société Aareal Bank, a statué au fond sur l'état de cessation des paiements de la société Amarante sans examiner l'argumentation développée à cet égard par la société Aareal Bank ; qu'il existe dès lors un lien de dépendance nécessaire entre le chef de dispositif du présent arrêt relatif au fond et celui relatif à la recevabilité de l'intervention de la société Aareal Bank, les règles du procès équitable imposant que chaque personne partie à une procédure, même en simple qualité d'intervenante, puisse être entendue de manière effective en ses arguments et que la juridiction apporte à ceux-ci une réponse concrète ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen du présent pourvoi, du chef de la recevabilité de l'intervention, devra emporter, par voie de conséquence, cassation du chef de la cessation des paiements, de la résolution du plan de sauvegarde et de l'ouverture d'une procédure collective, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

Mais attendu que le premier moyen ayant été rejeté, le moyen, qui invoque une cassation par voie de conséquence, est sans portée ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Brahic-Lambrey - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre ; SCP Ortscheidt ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Article L. 626-27 du code de commerce.

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