Numéro 2 - Février 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2020

CHOSE JUGEE

2e Civ., 27 février 2020, n° 18-23.972, (P)

Rejet

Identité de cause – Obligation de concentration des moyens – Domaine d'application – Moyens de nature à justifier le rejet total ou partiel de la demande – Applications diverses

Il incombe au défendeur de présenter, dès l'instance relative à la première demande, l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à justifier son rejet total ou partiel.

En conséquence, justifie légalement sa décision une cour d'appel, qui, ayant relevé que la demande tendant à voir prononcer la nullité du contrat de prêt que des emprunteurs avaient formée devant le tribunal d'instance concernait le même prêt que celui dont la banque avait poursuivi l'exécution devant le tribunal de grande instance, a fait par là même ressortir que cette demande de nullité ne tendait qu'à remettre en cause, en dehors de l'exercice des voies de recours, par un moyen non soutenu devant le tribunal de grande instance, une décision revêtue de l'autorité de la chose jugée à leur égard.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 octobre 2018), que la société CA Consumer finance (la société Consumer), se prévalant de la déchéance d'un prêt consenti à M. et Mme S... en 2009, les a assignés courant 2014 devant un tribunal de grande instance en paiement d'une certaine somme ; que M. et Mme S..., qui ont constitué avocat, n'ont pas conclu ; qu'un jugement du 20 mai 2015 a accueilli la demande de la société Consumer ; que, courant 2017, M. et Mme S... ont assigné la société Consumer devant un tribunal d'instance en paiement d'une certaine somme à titre de dommages-intérêts à compenser avec les sommes restant dues ; qu'ayant interjeté appel du jugement du tribunal d'instance, M. et Mme S... ont également demandé que soit prononcée la nullité du contrat de prêt et ordonnée la compensation des créances réciproques éventuelles ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la première branche du moyen unique annexée qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Attendu que M. et Mme S... font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable leur demande, alors, selon le moyen, qu'en déclarant irrecevable la demande des époux S... tendant à l'annulation du prêt de 75 000 euros et aux restitutions corrélatives au prétexte qu'elle aurait dû être formulée durant l'instance où l'exécution du prêt a été sollicitée et ayant donné lieu au jugement du tribunal de grande instance de Draguignan du 20 mai 2015, quand les exposants, qui lors de cette instance défendaient à la demande d'exécution du prêt émise par la banque, n'avaient pas à formuler une demande reconventionnelle en nullité dudit prêt et en restitutions corrélatives, la cour d'appel a violé l'autorité de chose jugée et l'article 1351, devenu 1355 du code civil ;

Mais attendu qu'il appartenait à M. et Mme S... de présenter dès l'instance devant le tribunal de grande instance l'ensemble des moyens qu'ils estimaient de nature à justifier le rejet total ou partiel de la demande de la société Consumer ; qu'ayant relevé que la demande de nullité qu'ils avaient formée devant le tribunal d'instance concernait le même prêt que celui dont la société Consumer avait poursuivi l'exécution devant le tribunal de grande instance, la cour d'appel, faisant par là-même ressortir que la demande de nullité ne tendait qu'à remettre en cause, en dehors de l'exercice des voies de recours, par un moyen non soutenu devant le tribunal de grande instance, une décision revêtue de l'autorité de chose jugée à leur égard, a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen, pris en sa seconde branche, n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Kermina - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article 1351, devenu 1355, du code civil.

Rapprochement(s) :

2 Civ., 27 février 2020, pourvoi n° 18-23.370, Bull. 2020, (rejet), et les arrêts cités.

2e Civ., 27 février 2020, n° 18-23.370, (P)

Rejet

Identité de cause – Obligation de concentration des moyens – Domaine d'application – Moyens de nature à justifier le rejet total ou partiel de la demande – Applications diverses

Est irrecevable la demande en répétition d'une somme payée en exécution d'un jugement les condamnant au titre de leur engagement que des cautions forment contre une banque, après avoir, dans une instance antérieure, agi en nullité de ce cautionnement, dès lors que cette demande ne tend, en réalité, qu'à remettre en cause, en dehors de l'exercice des voies de recours, une décision revêtue de l'autorité de la chose jugée à leur égard.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 26 juin 2018), que, se prévalant de l'absence de remboursement d'un prêt notarié contenant le cautionnement solidaire, par M. I... E... et Mme T... E... (les consorts E...), des engagements des emprunteurs, la Caisse de crédit mutuel de Fort-de-France Centre (la banque) les a assignés, ainsi que les emprunteurs, en paiement solidaire d'une certaine somme ; qu'un jugement du 25 avril 1995, confirmé par un arrêt du 24 juillet 1997, a accueilli la demande de la banque ; qu'ayant exécuté la condamnation prononcée à leur encontre, les consorts E..., ont, en 2010, assigné la banque devant un tribunal de grande instance en répétition de l'indu au motif qu'elle n'avait pas versé les fonds aux emprunteurs ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les consorts E... font grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevables leurs prétentions, alors, selon le moyen :

1°/ que s'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci, il n'est pas tenu de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur les mêmes faits ; qu'en l'espèce, où l'action en répétition de l'indu exercée par les cautions qui ont exécuté leur obligation, fondée sur l'inexécution par le créancier de son obligation de verser les fonds au débiteur principal, avait un objet différent de la première action en nullité de l'acte de cautionnement fondée par les cautions sur les vices de forme affectant cet acte, la cour d'appel, qui a opposé aux cautions l'autorité de chose jugée de cette première action pour déclarer irrecevable leur action en répétition de l'indu, a violé l'article 1351, devenu 1355, du code civil ;

2°/ que, subsidiairement, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond ; qu'en l'espèce, où pour déclarer irrecevable l'action en répétition de l'indu formée par les cautions, elle a retenu que la cause du paiement réside dans la condamnation définitive passée en force de chose jugée et dûment exécutée au moyen de voies d'exécution elles-mêmes définitivement jugées valables par le juge compétent, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé l'existence d'une fin de non-recevoir, a violé l'article 122 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant, par motifs propres et adoptés, constaté que le remboursement des sommes prétendument indues était sollicité par les consorts E... à titre de contrepartie de l'obligation de cautionnement précédemment tranchée, de sorte que la demande ne tendait, en réalité, qu'à remettre en cause, en dehors de l'exercice des voies de recours, une décision revêtue de l'autorité de la chose jugée à leur égard, c'est sans encourir les griefs de la première branche du moyen que la cour d'appel a statué comme elle l'a fait ;

Et attendu, d'autre part, que la cour d'appel s'étant placée dans l'hypothèse où l'action en répétition de l'indu serait recevable pour énoncer que la dette existait, la seconde branche, qui critique un motif surabondant, est inopérante ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que les consorts E... font grief à l'arrêt de les condamner solidairement à payer à la banque la somme de 15 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, alors, selon le moyen :

1°/ que la cassation à intervenir du chef du premier moyen de cassation, qui reproche à la cour d'appel d'avoir déclaré irrecevable les prétentions de M. E... et Mme G...-E..., entraînera par voie de conséquence la cassation du chef de dispositif de l'arrêt attaqué les ayant condamnés à payer des dommages-intérêts à la Caisse de crédit mutuel pour procédure abusive, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

2°/ que le juge veille au bon déroulement de l'instance ; qu'il a le pouvoir d'impartir les délais et d'ordonner les mesures nécessaires ; qu'en l'espèce, en reprochant à M. E... et à Mme G...-E... la durée de la procédure, de huit ans depuis l'introduction de leur action pour retenir un acharnement procédural dirigé contre la banque pendant des années et leur responsabilité dans le préjudice prétendument subi par la banque, consistant notamment dans le temps perdu à répondre à leurs arguments, cependant qu'il appartenait aux seuls juges de prendre les mesures nécessaires pour réduire ces délais s'ils les jugeaient trop longs, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé de circonstances, imputables aux demandeurs à l'action, ayant fait dégénéré en abus l'exercice de leur droit d'agir, a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

Mais attendu, d'une part, que le premier moyen est rejeté, et, d'autre part, que, contrairement à ce que soutient le moyen, la cour d'appel a seulement reproché aux consorts E... d'avoir consacré le temps de la procédure à invoquer en pure perte, dans un esprit d'acharnement procédural, de manière déraisonnable et de mauvaise foi, des arguments contraires aux règles élémentaires du droit ;

D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Kermina - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : Me Le Prado ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article 1351, devenu 1355, du code civil.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 27 février 2020, pourvoi n° 18-23.972, Bull. 2020, (rejet) ; 1re Civ., 1er juillet 2010, pourvoi n° 09-10.364, Bull. 2010, I, n° 150 (rejet) ; Com., 6 juillet 2010, pourvoi n° 09-15.671, Bull. 2010, IV, n° 120 (cassation), et les arrêts cités ; 2e Civ., 1er février 2018, pourvoi n° 17-10.849, Bull. 2018, II, n° 16 (rejet), et l'arrêt cité ; 2e Civ., 20 mars 2014, pourvoi n° 13-14.738, Bull. 2014, II, n° 73 (cassation).

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