Numéro 2 - Février 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2020

ASSURANCE (règles générales)

3e Civ., 13 février 2020, n° 19-12.281, (P)

Cassation partielle

Prescription – Prescription biennale – Action dérivant du contrat d'assurance – Action exercée par le garant de livraison subrogé dans les droits du maître de l'ouvrage – Délai – Point de départ – Détermination

Désistement partiel

1. Il y a lieu de donner acte à la Caisse de garantie immobilière du bâtiment (la CGI BAT) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme J... et la société Mutuelle des architectes français (la MAF).

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 novembre 2018), le 5 février 2003, M. et Mme Y... et la société Constructions artisanales de Seine-et-Marne (la société CASM) ont conclu un contrat de construction de maison individuelle.

La société CASM a signé un contrat d'architecte avec Mme J..., assurée auprès de la MAF. Une assurance dommages-ouvrage a été souscrite auprès de la société Aviva assurances (la société Aviva).

La société CASM a délivré aux acquéreurs une garantie de livraison obtenue auprès de la société GFIM, aux droits de laquelle se trouve la CGI BAT.

3. Des difficultés étant survenues en cours de chantier, la société CASM a obtenu la désignation d'un expert. Elle a été mise en liquidation judiciaire par jugement du 24 juin 2008. M. et Mme Y... ont déclaré le sinistre à la société Aviva le 17 novembre 2008.

Le 1er avril 2011, en cours d'expertise, la CGI BAT a conclu avec M. et Mme Y... une transaction prévoyant le versement d'une somme globale et forfaitaire en indemnisation du préjudice subi du fait de l'arrêt du chantier, s'ajoutant à la somme déjà réglée au titre des pénalités de retard, ainsi que sa subrogation dans les droits des maîtres de l'ouvrage à l'égard de l'assureur dommages-ouvrage et de l'architecte.

4. Les 25 et 26 mai 2011, la CGI BAT a assigné en indemnisation la société Aviva, Mme J... et la société MAF.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa première branche

Énoncé du moyen

5. La CGI BAT fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande formée contre la société Aviva comme étant prescrite, alors « que, avant réception, l'assureur dommages-ouvrage garantit le paiement des réparations nécessaires lorsque, après mise en demeure, l'entreprise n'exécute pas ses obligations, ou s'avère dans l'incapacité de les respecter à raison de l'ouverture d'une procédure collective, celle-ci emportant résiliation du contrat ; que dans l'hypothèse où la garantie n'est due qu'à compter de cette dernière date, le délai de deux ans prévu à l'article L. 114-1 du code des assurances ne peut courir qu'à compter de cette date ; qu'en l'espèce, en l'absence de réception, l'inexécution et la résiliation du contrat ne sont intervenues qu'à la date du 24 juin 2008, date de l'ouverture de la liquidation judiciaire de l'entrepreneur ; qu'en fixant le point de départ du délai de deux ans à une date antérieure au 24 juin 2008, les juges du fond ont violé les articles L. 114-1 et L. 242-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 114-1 et L. 242-1 du code des assurances :

6. Aux termes du premier de ces textes, toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance.

7. Selon le second de ces textes, l'assurance dommages-ouvrage prend effet, avant la réception, après mise en demeure restée infructueuse, le contrat de louage d'ouvrage conclu avec l'entrepreneur étant résilié pour inexécution, par celui-ci, de ses obligations.

8. Si, pour les désordres apparus après réception, il est jugé que le point de départ du délai biennal est le jour où le maître de l'ouvrage a eu connaissance des désordres (1re Civ., 4 mai 1999, pourvoi n° 97-13.198, Bull. 1999, I, n° 141), il en va différemment pour les désordres survenus avant réception, dès lors que c'est seulement lorsque, après mise en demeure, l'entreprise n'exécute pas ses obligations et que le contrat est résilié que la garantie de l'assureur dommages-ouvrage peut être recherchée pour les désordres de nature décennale.

9. La formalité de la mise en demeure n'étant pas requise quand elle s'avère impossible ou inutile, notamment en cas de cessation de l'activité de l'entreprise (1re Civ., 23 juin 1998, pourvoi n° 95-19.340, Bull. 1998, I, n° 222) ou de liquidation judiciaire emportant résiliation du contrat de louage d'ouvrage (1re Civ., 3 mars 1998, pourvoi n° 95-10.293, Bull. 1998, I, n° 83), c'est cette circonstance qui constitue l'événement donnant naissance à l'action, au sens de l'article L. 114-1 du code des assurances, et, partant, le point de départ du délai de la prescription biennale.

10. Pour déclarer prescrite la demande de la CGI BAT, subrogée dans les droits de M. et Mme Y..., contre la société Aviva, l'arrêt retient que les maîtres de l'ouvrage avaient connaissance des désordres le 22 septembre 2006 et que, pour obtenir la garantie avant réception de l'assureur dommages-ouvrage, ils étaient tenus de mettre l'entreprise en demeure d'exécuter ses obligations et, faute par celle-ci de le faire, de résilier son contrat dans le délai de deux ans à compter du 22 septembre 2006, que M. et Mme Y..., qui ont régularisé leur déclaration de sinistre auprès de l'assureur dommages-ouvrage, le 17 novembre 2008, plus de deux ans après la connaissance des désordres, sans l'avoir mise en demeure d'exécuter ses obligations ni résilier son marché, étaient prescrits en leur action, que le placement en liquidation judiciaire de l'entreprise le 24 juin 2008 permettait aux maîtres de l'ouvrage d'agir en garantie dommages-ouvrage avant réception sans mise en demeure infructueuse et résiliation du marché de la société CASM, mais sans leur donner un nouveau délai de deux ans pour ce faire, et que la CGI BAT, subrogée dans les droits et actions de M. et Mme Y..., ne disposait pas de plus de droits que les maîtres de l'ouvrage de sorte que sa demande était prescrite.

11. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la résiliation du contrat n'était intervenue que le 24 juin 2008, date de l'ouverture de la liquidation judiciaire de l'entreprise, la cour d'appel, qui a fixé le point de départ du délai de deux ans à une date antérieure à celle de l'événement donnant naissance à l'action, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen unique, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit prescrite l'action de la CGI BAT contre la société Aviva en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage, et dit n'y avoir lieu à statuer sur le fond de la demande de la CGI BAT contre la société Aviva, l'arrêt rendu le 28 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Nivôse - Avocat général : M. Burgaud - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Sevaux et Mathonnet -

Textes visés :

Article L. 114-1 du code des assurances ; article L. 242-1 du même code.

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