Numéro 2 - Février 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2019

TRAVAIL REGLEMENTATION, CONTROLE DE L'APPLICATION DE LA LEGISLATION

Com., 20 février 2019, n° 17-22.047, (P)

Cassation

Lutte contre le travail illégal – Prêt illicite de main-d'oeuvre – Prêt de main-d'oeuvre à but lucratif – Interdiction – Exclusion – Recours au travail à temps partagé – Domaine d'application – Détermination – Portée

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 1252-1 du code du travail, ensemble l'article 20 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Sirac Dijon, entreprise de travail à temps partagé, a mis un salarié comptable à la disposition de différentes entreprises utilisatrices ; qu'estimant que la société Sirac Dijon exerçait illégalement la profession d'expert-comptable, le conseil régional de l'ordre des experts-comptables Bourgogne Franche-Comté (le conseil régional de l'ordre) l'a assignée en référé pour qu'il lui soit ordonné, sous astreinte, de mettre fin à ces agissements ;

Attendu que pour écarter l'existence d'un trouble manifestement illicite et rejeter la demande, l'arrêt, après avoir exactement énoncé que les dispositions applicables aux entreprises de travail à temps partagé n'excluent pas, par elles-mêmes, le recours à des salariés comptables, constate qu'aux termes des contrats de travail conclus, les salariés mis à disposition devaient rester sous le contrôle, l'encadrement et la surveillance d'un responsable de la société utilisatrice, qui devait lui assurer les moyens d'exécution de sa mission, ce dont il déduit qu'existait entre la société utilisatrice et le salarié mis à disposition un lien de subordination, exclusif d'une intervention du salarié en son nom propre et sous sa responsabilité ;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs erronés tirés de l'existence d'un lien de subordination entre le salarié mis à disposition et l'entreprise utilisatrice, que le premier texte susvisé, exclut, et sans vérifier concrètement si les conditions d'exercice, par la société Sirac Dijon, de son activité d'entreprise de travail à temps partagé ne caractérisaient pas une fraude au monopole institué par le second, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 février 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : M. Gauthier - Avocat général : Mme Pénichon - Avocat(s) : SARL Cabinet Briard ; SCP Gatineau et Fattaccini -

Textes visés :

Article 20 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 ; article L. 1252-1 du code du travail.

2e Civ., 14 février 2019, n° 18-12.150, (P)

Cassation

Lutte contre le travail illégal – Travail dissimulé – Opérations de contrôle – Procès-verbal constatant le délit – Communication de l'inspecteur du recouvrement à l'employeur (non)

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article R. 243-59, alinéa 5, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable aux opérations de contrôle litigieuses ;

Attendu, selon ce texte, qu'à l'issue du contrôle, les inspecteurs du recouvrement communiquent à l'employeur ou au travailleur indépendant un document daté et signé par eux mentionnant l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle ; que ce document mentionne, s'il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l'indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements envisagés ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à l'issue d'un contrôle portant sur les années 2007 et 2008, l'URSSAF Provence Alpes-Côte d'Azur (l'URSSAF) a notifié, le 4 janvier 2010, à la société Ambulances Manière (la société), une lettre d'observations suivie, le 31 août 2010, d'une mise en demeure au titre, notamment, de la dissimulation d'emplois salariés ; que la société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que pour accueillir ce recours et annuler la procédure de contrôle, l'arrêt relève que l'URSSAF a précisé, dans sa lettre d'observations, que son contrôle avait été réalisé sur le fondement des articles L. 8221-1 et L. 8221-2 du code du travail et sur la base expressément indiquée d'un « procès-verbal 08110 » du 19 septembre 2008 établi par un contrôleur du travail et joint en « annexe 1 » ; que cette pièce n'a jamais été communiquée à la société, comme celle-ci le fait valoir, ni par le contrôleur du travail, ni par l'inspecteur de l'URSSAF, ni au cours de la procédure judiciaire ; que l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale impose à l'inspecteur de l'URSSAF « de mentionner... les documents consultés... les observations faites au cours du contrôle, etc... » ; que s'agissant d'un contrôle sur place, le défaut d'information relatif aux irrégularités relevées par l'inspection du travail constitue un manquement au principe du contradictoire et a privé la société contrôlée de présenter ses observations pendant le contrôle ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'URSSAF n'était pas tenue de joindre à la lettre d'observations le procès-verbal constatant le délit de travail dissimulé à l'origine du redressement litigieux, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Le Fischer - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini ; SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois -

Textes visés :

Article R. 243-59, alinéa 5, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable aux opérations de contrôle litigieuses.

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