Numéro 2 - Février 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2019

SECURITE SOCIALE, CONTENTIEUX

2e Civ., 14 février 2019, n° 18-12.377, (P)

Cassation

Contentieux général – Procédure – Instance – Saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale – Délai – Forclusion – Interruption – Cas – Incompétence du tribunal

Selon l'article R. 142-18, alinéa 1, du code de la sécurité sociale, le tribunal des affaires de sécurité sociale est saisi, après l'accomplissement, le cas échéant, de la procédure de recours amiable, dans un délai de deux mois à compter soit de la date de la notification de la décision de l'organisme, soit de l'expiration du délai d'un mois prévu par l'article R. 142-6 ; selon l'article 2241 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, la demande en justice, même portée devant une juridiction incompétente, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.

Viole ces textes la cour d'appel qui déclare irrecevable le recours formé devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Toulouse dans les deux mois de la notification du rejet de sa demande par la commission de recours amiable de la caisse, ce dont il résultait que le délai de forclusion de deux mois avait été interrompu.

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Vu les articles 2241 du code civil et R. 142-18, alinéa 1, du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, applicable au litige ;

Attendu, selon le second de ces textes, que le tribunal des affaires de sécurité sociale est saisi, après l'accomplissement, le cas échéant, de la procédure de recours amiable, dans un délai de deux mois à compter soit de la date de la notification de la décision de l'organisme, soit de l'expiration du délai d'un mois prévu par l'article R. 142-6 ; que selon le premier, la demande en justice, même portée devant une juridiction incompétente, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ariège (la caisse) ayant refusé de prendre en charge au titre de la législation professionnelle une pathologie de l'épaule gauche déclarée le 28 août 2013 par Mme Y..., celle-ci a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que, pour déclarer irrecevable le recours formé par Mme Y... devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Foix, l'arrêt relève que ce dernier n'a été saisi que le 12 septembre 2014 alors que le délai légal de contestation était écoulé ; que pour s'opposer à l'écoulement de ce délai, l'appelante déclare qu'elle a saisi, pendant le délai légal, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Toulouse et invoque l'ancien article 2246 du code civil, dont les dispositions figurent désormais à l'article 2241, qui disposait « La citation en justice, donnée même devant un juge incompétent, interrompt la prescription », mais que ce texte ne s'applique pas aux délais pour exercer les voies de recours ; qu'en outre, Mme Y... a acquiescé au non-enrôlement de son dossier auprès du tribunal des affaires de sécurité sociale de Toulouse ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que Mme Y... avait saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Toulouse dans les deux mois de la notification du rejet de sa demande par la commission de recours amiable de la caisse, ce dont il résultait que le délai de forclusion de deux mois avait été interrompu, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 février 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Pau.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. Decomble - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP de Nervo et Poupet ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article R. 142-18, alinéa 1, du code de la sécurité sociale ; article 2241 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008.

2e Civ., 14 février 2019, n° 17-27.759, (P)

Cassation

Contentieux général – Procédure – Procédure gracieuse préalable – Commission de recours amiable – Saisine – Conditions – Mise en demeure – Notification – Nécessité

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 244-2, R. 142-1, alinéa 3, et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige ;

Attendu que la mise en demeure notifiée, en application du premier de ces textes, par l'organisme de recouvrement à l'issue des opérations de contrôle et de redressement, laquelle constitue la décision de recouvrement, est seule susceptible de faire l'objet, dans les conditions fixées par les deuxième et troisième textes, d'un recours contentieux ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite d'un contrôle portant sur les années 2010 à 2012, l'URSSAF Nord Pas-de-Calais (l'URSSAF) a adressé à la société Credipar (la société) une lettre d'observations comportant plusieurs chefs de redressement, qu'elle a confirmé, dans une lettre du 29 novembre 2013, en réponse aux observations formulées par la société, avant de notifier, le 19 décembre 2013, une mise en demeure pour le recouvrement des sommes faisant l'objet du redressement ; que la commission de recours amiable de l'URSSAF ayant rejeté sa réclamation à l'encontre de la lettre du 29 novembre 2013, la société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que, pour déclarer recevable le recours de la société et annuler l'un des chefs de redressement, l'arrêt retient que la lettre adressée par l'URSSAF à la société, le 29 novembre 2013, en réponse à la contestation soulevée, est ambigue ; que du point de vue de l'URSSAF, la mise en demeure n'a alors pas encore été émise, raison pour laquelle il ne serait pas possible de saisir la commission de recours amiable, mais que toutefois l'emploi de l'indicatif dans ce courrier tend à assimiler la décision, en l'espèce, le maintien du chef de redressement n° 4 à une mise en demeure, puisqu'aussi bien la société avait demandé le dégrèvement du montant redressé ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que la société n'avait pas contesté la mise en demeure qui lui avait été régulièrement notifiée par l'URSSAF, mais le rejet de ses observations dans le cadre de la procédure contradictoire de contrôle et de redressement, de sorte que le recours était irrecevable, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Coutou - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini ; SCP Bouzidi et Bouhanna -

Textes visés :

Articles L. 244-2, R. 142-1, alinéa 3, et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige.

Rapprochement(s) :

Soc., 21 mars 1996, pourvoi n° 94-15.696, Bull. 1996, V, n° 110 (cassation).

2e Civ., 14 février 2019, n° 18-12.150, (P)

Cassation

Preuve – Procès-verbaux des contrôleurs de la sécurité sociale – Communication des observations des agents à l'assujetti – Documents joints – Exclusion – Cas – Procès-verbal constatant le délit de travail dissimulé à l'origine du redressement

Le procès-verbal constatant le délit de travail dissimulé à l'origine du redressement opéré par l'URSSAF n'a pas à figurer dans les documents communiqués à l'employeur par l'organisme de recouvrement à l'issue du contrôle.

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article R. 243-59, alinéa 5, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable aux opérations de contrôle litigieuses ;

Attendu, selon ce texte, qu'à l'issue du contrôle, les inspecteurs du recouvrement communiquent à l'employeur ou au travailleur indépendant un document daté et signé par eux mentionnant l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle ; que ce document mentionne, s'il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l'indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements envisagés ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à l'issue d'un contrôle portant sur les années 2007 et 2008, l'URSSAF Provence Alpes-Côte d'Azur (l'URSSAF) a notifié, le 4 janvier 2010, à la société Ambulances Manière (la société), une lettre d'observations suivie, le 31 août 2010, d'une mise en demeure au titre, notamment, de la dissimulation d'emplois salariés ; que la société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que pour accueillir ce recours et annuler la procédure de contrôle, l'arrêt relève que l'URSSAF a précisé, dans sa lettre d'observations, que son contrôle avait été réalisé sur le fondement des articles L. 8221-1 et L. 8221-2 du code du travail et sur la base expressément indiquée d'un « procès-verbal 08110 » du 19 septembre 2008 établi par un contrôleur du travail et joint en « annexe 1 » ; que cette pièce n'a jamais été communiquée à la société, comme celle-ci le fait valoir, ni par le contrôleur du travail, ni par l'inspecteur de l'URSSAF, ni au cours de la procédure judiciaire ; que l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale impose à l'inspecteur de l'URSSAF « de mentionner... les documents consultés... les observations faites au cours du contrôle, etc... » ; que s'agissant d'un contrôle sur place, le défaut d'information relatif aux irrégularités relevées par l'inspection du travail constitue un manquement au principe du contradictoire et a privé la société contrôlée de présenter ses observations pendant le contrôle ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'URSSAF n'était pas tenue de joindre à la lettre d'observations le procès-verbal constatant le délit de travail dissimulé à l'origine du redressement litigieux, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Le Fischer - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini ; SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois -

Textes visés :

Article R. 243-59, alinéa 5, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable aux opérations de contrôle litigieuses.

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