Numéro 2 - Février 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2019

PROCEDURE CIVILE

2e Civ., 21 février 2019, n° 17-31.350, (P)

Rejet

Droits de la défense – Moyen – Moyen soulevé d'office – Observations préalables des parties – Nécessité

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 octobre 2017), que sur des poursuites de saisie immobilière engagées par la société Beamtenheimstattenwerk Bausparkasse (la banque) à l'encontre de M. et Mme U..., ces derniers ont interjeté appel du jugement d'orientation qui avait rejeté leurs contestations et ordonné la vente amiable du bien, en limitant leur appel au rejet de leur demande de voir déclarer partiellement prescrite la créance de la banque ; qu'ils n'ont dirigé leur appel qu'à l'encontre de la banque, sans intimer les trois créanciers inscrits, parties au jugement d'orientation ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. et Mme U... font grief à l'arrêt de déclarer leur appel irrecevable, alors, selon le moyen, qu'une cour d'appel ne peut relever d'office un moyen de droit sans ordonner la réouverture des débats afin de permettre aux parties de s'expliquer contradictoirement sur ce moyen et de tirer les conséquences du moyen ainsi soulevé ; qu'en l'espèce, il ressort de la procédure que la cour d'appel a relevé d'office, à l'audience, le moyen tiré de l'irrecevabilité de l'appel de M. et Mme U... faute de mise en cause en appel des créanciers inscrits parties en première instance ; qu'en bornant à autoriser les parties à déposer des notes en délibéré pour s'expliquer sur ce moyen relevé d'office sans ordonner la réouverture des débats pour permettre aux parties de s'expliquer sur ce moyen, la cour d'appel a violé les articles 16, 442 et 444 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a soulevé la fin de non- recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel à l'audience des débats, a invité les parties à déposer sur ce point une note en délibéré ; que M. et Mme U..., usant de cette faculté, ont déposé une première note, puis une seconde, en réponse à celle de la banque ; qu'il s'ensuit qu'ils ont été mis en mesure de s'expliquer contradictoirement sur le moyen relevé d'office par la cour d'appel, sans que celle-ci soit tenue d'ordonner la réouverture des débats ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, pris en sa première branche :

Attendu que M. et Mme U... font encore le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen, qu'en l'absence d'indivisibilité du litige, l'appelant est libre de diriger son appel contre l'une ou certaines seulement des parties au jugement de première instance ; qu'est parfaitement divisible le litige relatif à la créance du créancier poursuivant qui ne tend pas à remettre en cause la procédure de saisie immobilière ; qu'en retenant, qu'en raison de l'indivisibilité de la procédure de saisie immobilière, l'appel du jugement d'orientation, dirigé uniquement contre le créancier poursuivant et non contre les autres créanciers inscrits parties en première instance, était irrecevable, quand l'appel de M. et Mme U... était strictement limité aux chefs du jugement relatifs à la créance du créancier poursuivant, et ne tendait pas à la remise en cause de la procédure de saisie immobilière et à l'autorisation de vente amiable accordée par le premier juge, de sorte que, ne tendant pas à la remise en cause de la procédure de saisie immobilière, il n'était pas susceptible d'aboutir à une décision qu'il aurait été impossible d'exécuter à l'égard des créanciers inscrits parties en première instance et non intimés, la cour d'appel a violé les articles 122 et 553 du code de procédure civile, ensemble l'article R. 322-19 du code des procédures civiles d'exécution ;

Mais attendu que la cour d'appel a exactement retenu qu'en matière de procédure de saisie immobilière il existe un lien d'indivisibilité entre tous les créanciers, de sorte qu'en application de l'article 553 du code de procédure civile, l'appel de l'une des parties à l'instance devant le juge de l'exécution, fût-il limité à la contestation de la créance du créancier poursuivant, doit être formé contre toutes les parties à l'instance, à peine d'irrecevabilité de l'appel ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen annexé, pris en sa seconde branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Leroy-Gissinger - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; Me Occhipinti -

Textes visés :

Articles 16, 442 et 444 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Sur l'obligation de rouvrir les débats en cas de moyen soulevé d'office en cours de délibéré, à rapprocher : 2e Civ., 29 janvier 2015, pourvoi n° 14-12.331, Bull. 2015, II, n° 17 (cassation).

1re Civ., 6 février 2019, n° 17-28.878, (P)

Cassation

Fin de non-recevoir – Fin de non-recevoir d'ordre public – Cas – Défaut de pouvoir juridictionnel de l'ordre des avocats – Invocation pour la première fois devant la Cour de cassation – Possibilité

Le moyen tiré du défaut de pouvoir juridictionnel du conseil de l'ordre des avocats est une fin de non-recevoir d'ordre public qui peut être invoquée pour la première fois devant la Cour de cassation.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par décision du conseil de l'ordre des avocats au barreau d'Aix-en-Provence du 3 décembre 2014, M. X... a été admis à l'honorariat à compter du 31 décembre 2014 ; que, par décision du 8 décembre 2015, le conseil de l'ordre a prononcé son retrait de l'honorariat, lui reprochant d'être en infraction avec les règles régissant le statut de l'avocat honoraire ; que M. X... a formé un recours contre cette décision ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur la recevabilité du deuxième moyen, contestée par la défense :

Attendu que le moyen tiré du défaut de pouvoir juridictionnel du conseil de l'ordre est une fin de non-recevoir d'ordre public qui peut être invoquée pour la première fois devant la Cour de cassation ; qu'il est donc recevable ;

Et sur ce moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles 19 et 22 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, et l'article 184 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ;

Attendu que, pour confirmer la décision, prise par le conseil de l'ordre, de retirer l'honorariat à M. X..., l'arrêt retient qu'en faisant usage de la mention « avocat honoraire consultant », ce dernier a pris une qualité qui n'était plus la sienne, manquant ainsi à la probité, principe essentiel de la profession ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le retrait de l'honorariat pour infraction aux règles régissant le statut de l'avocat honoraire constitue une peine disciplinaire que seul le conseil de discipline a le pouvoir de prononcer, au terme de la procédure appropriée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 janvier 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Le Gall - Avocat général : M. Chaumont - Avocat(s) : Me Le Prado ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Articles 122 et 619 du code de procédure civile ; articles 19 et 22 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ; article 184 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991.

2e Civ., 21 février 2019, n° 18-13.467, (P)

Rejet

Instance – Désistement – Désistement d'appel – Désistement en vue de la formation d'un nouveau recours – Effets – Détermination

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 18 janvier 2018), que Mme P... a relevé appel du jugement d'un conseil de prud'hommes rendu dans une instance l'opposant à la société Colas ; qu'en considération de conclusions de désistement prises par Mme P..., le conseiller de la mise en état a donné acte à celle-ci de son désistement d'appel et a constaté l'extinction de l'instance et le dessaisissement de la cour d'appel ; que Mme P... a déféré cette ordonnance à la cour d'appel ;

Attendu que Mme P... fait grief à l'arrêt, rendu sur déféré, de confirmer l'ordonnance par laquelle le conseiller de la mise en état avait donné acte à Mme P... de son désistement d'appel et de constater l'extinction de l'instance et le dessaisissement de la cour d'appel, alors, selon le moyen, que lorsque le désistement de l'appel est effectué en considération d'un second appel formulé différemment, il ne peut emporter renonciation à l'appel et acquiescement au jugement que si ce second appel est efficace ; qu'à défaut, il est non avenu ; que la cour d'appel a confirmé l'ordonnance par laquelle le conseiller de la mise en état avait donné acte à Mme P... de son désistement d'appel et constaté l'extinction de l'instance et le dessaisissement de la cour d'appel, en relevant que « d'ailleurs, cette « seconde déclaration d'appel rectificative » a été effectuée », tout en estimant que « la cour, saisie sur requête contre l'ordonnance du 12 octobre 2017, n'est pas compétente pour statuer sur la validité de la déclaration d'appel du 2 octobre 2017 à la demande de la SA Colas » ; qu'en faisant ainsi produire effet au désistement du premier appel, intervenu en considération du second, motif pris de ce que ce second appel avait été effectué, tout en se déclarant incompétente pour statuer sur sa validité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 403 du code de procédure civile, ensemble les articles 405 et 397 du même code ;

Mais attendu que l'acte de désistement d'appel mentionnant être accompli en vue de la formation d'un nouveau recours, s'il n'emporte pas acquiescement au jugement et renonciation à l'exercice de ce recours, n'en produit pas moins immédiatement son effet extinctif de l'instance ; qu'ayant constaté que Mme P... avait indiqué s'être désistée de son instance d'appel, c'est à bon droit que la cour d'appel a constaté l'extinction de l'instance et son dessaisissement ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu, qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, pris en ses première et deuxième branches, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation, et en sa quatrième branche, qui est irrecevable ;

PAR CES MOTIFS :

Rejette le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. de Leiris - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; Me Le Prado -

Textes visés :

Articles 397, 403 et 405 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Sur l'effet du désistement fait sous réserve, à rapprocher : Soc., 27 janvier 2010, pourvoi n° 08-42.827, Bull. 2010, V, n° 23 (rejet).

3e Civ., 21 février 2019, n° 18-13.543, (P)

Cassation partielle

Instance – Instance en référé – Distinction avec l'instance au fond – Portée

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 11 janvier 2018), que, se plaignant de la transformation par la SCI Cerrone et Cie (la SCI) de son lot en chambres meublées, le syndicat des copropriétaires de la communauté immobilière du [...] (le syndicat) l'a assignée en référé ; qu'une ordonnance irrévocable a condamné la SCI à remettre les lieux dans leur état initial et à supprimer un branchement illicite d'eaux usées ; que la SCI a assigné le syndicat, devant le juge du fond, pour voir déclarer prescrite l'action du syndicat et non fondées les condamnations mises à sa charge ;

Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur les premier et troisième moyens, réunis :

Vu l'article 460 du code de procédure civile ;

Attendu que la nullité d'un jugement ne peut être demandée que par les voies de recours prévues par la loi ;

Attendu que l'arrêt déclare prescrite l'action en référé du syndicat en suppression du branchement des eaux usées et dit que le juge des référés a ordonné à tort la suppression matérielle des chambres meublées et la remise en état des lieux ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'était pas saisie d'une voie de recours contre l'ordonnance de référé irrévocable, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare prescrite l'action en référé du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [...] aux fins de voir supprimer le branchement des eaux usées de la SCI Cerrone et Cie sur la descente d'eaux pluviales en façade de l'immeuble et dit que le juge des référés a ordonné à tort la suppression matérielle des chambres meublées et la remise des lieux dans leur état initial, l'arrêt rendu le 11 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Jariel - Avocat général : M. Sturlèse - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot -

Textes visés :

Article 460 du code de procédure civile.

2e Civ., 21 février 2019, n° 16-25.266, (P)

Cassation partielle partiellement sans renvoi

Notification – Notification des actes à l'étranger – Signification par la voie diplomatique – Etat souverain destinataire – Traduction de l'acte signifié – Absente – Portée

Selon l'article 684, alinéa 2, du code de procédure civile, l'acte destiné à être notifié à un Etat étranger, à un agent diplomatique étranger en France ou à tout autre bénéficiaire de l'immunité de juridiction est remis au parquet et transmis par l'intermédiaire du ministère de la justice aux fins de signification par voie diplomatique, à moins qu'en vertu d'un règlement européen ou d'un traité international la transmission puisse être faite par une autre voie.

La notification d'un acte judiciaire rendu en matière prud'homale à un Etat partie à la Convention du 15 novembre 1965 relative à la signification et à la notification à l'étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale est régie par cette convention, qui n'exige pas que l'acte notifié soit traduit dans la langue de l'Etat requis.

Notification – Notification des actes à l'étranger – Signification par la voie diplomatique – Etat souverain destinataire – Conditions – Détermination – Portée

Dès lors que l'Etat destinataire d'un acte n'a pas consenti à ce que la notification des actes par la voie diplomatique soit faite à son ambassadeur en France et que cet Etat a, par note diplomatique, refusé l'acte notifié en faisant connaître au ministère français des affaires étrangères que la voie diplomatique officielle n'avait pas été utilisée pour porter l'affaire à sa connaissance, la notification ne peut être regardée comme une notification régulière effectuée par la voie diplomatique conformément à l'article 9, alinéa 2, de la Convention du 15 novembre 1965.

Sur le pourvoi, qui est recevable :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que L... G... a été engagé par un contrat à durée déterminée, par l'ambassade des Etats-Unis d'Amérique à Paris, à compter du 17 janvier 1989 ; qu'ayant été licencié pour motif économique, il a saisi le conseil des prud'hommes de Paris d'une contestation des motifs de son licenciement et d'une demande d'indemnisation de ses préjudices ; qu'un premier jugement réputé contradictoire du 5 octobre 2009 a condamné solidairement l'ambassadeur des Etats-Unis d'Amérique en France et les Etats-Unis d'Amérique à verser à Mme X... E... G..., M. W... G... et Mme Q... G... (les consorts G...), agissant en qualité d'ayants droit de L... G..., décédé, la somme de 136 000 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du 3ème mois de la notification du jugement ; que le jugement a été remis au parquet de Paris et adressé par la voie diplomatique à l'ambassade de France aux Etats-Unis qui l'a notifié au Département d'Etat à Washington ; qu'un second jugement réputé contradictoire du 22 mai 2012 a condamné « Madame Monsieur l'ambassadeur des Etats Unis d'Amérique en France pris en sa qualité de représentant des Etats Unis et en qualité de chef de mission diplomatique », ainsi que « les Etats-Unis d'Amérique représentés par le chef du département de justice à Washington en France », à payer aux consorts G... la somme de 734 000 euros, avec intérêts au taux légal, au titre de la liquidation de l'astreinte ; que ce jugement a été remis au parquet de Paris, qui l'a fait parvenir au ministère de la justice à Paris, lequel l'a transmis au service du protocole du ministère des affaires étrangères, qui l'a remis à son tour à l'ambassade américaine à Paris le 9 octobre 2012 par une note verbale ; que par deux lettres recommandées du 8 juillet 2014, reçues au greffe de la cour d'appel de Paris le 9 juillet 2014, les Etats-Unis d'Amérique ont relevé appel des deux jugements ; que Mme Y..., ambassadeur des Etats-Unis en France, est intervenue volontairement à l'instance ; que les appels ont été joints ;

Sur les deuxième et troisième moyens réunis, qui sont préalables :

Attendu que les Etats-Unis d'Amérique, l'ambassadeur des Etats-Unis d'Amérique et Mme Y... font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables l'appel formé par les Etats-Unis d'Amérique à l'encontre du jugement rendu le 5 octobre 2009 et les interventions volontaires de Mme Y... et de l'ambassadeur des Etats-Unis d'Amérique en France, alors, selon le moyen :

1°/ que, si même la notification d'une décision de justice à destination d'un Etat étranger relève du droit international public, en toute hypothèse, et eu égard à l'objet de la notification, qui est de permettre l'exercice des voies de recours, la notification doit indiquer précisément et clairement, entre autres, le délai de recours ; qu'en l'espèce, l'arrêt constate que le recto de la notification mentionnait un délai d'un mois à compter de la réception de l'acte, puis constate que, toujours selon le recto, les modalités plus précises de l'exercice du recours figuraient au verso et, enfin, que le verso prévoyait un délai de recours d'un mois plus deux mois ; qu'ainsi, les juges du fond ont mis en évidence que les mentions du recto portant que le délai était d'un mois, et celles du verso, prévoyant un délai de trois mois, étaient contradictoires ; que par suite, faute d'indiquer de façon précise et claire le délai de recours, la notification était inopposable et ne pouvait faire courir le délai d'appel ; qu'en considérant néanmoins qu'elle rendait l'appel irrecevable, à raison de sa tardiveté, les juges du fond ont violé les articles 528 et 680 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en cas de condamnation solidaire, l'appel de l'une des parties sauvegarde les droits du codébiteur solidaire dès lors que cet appel est formé dans les délais, peu important que le codébiteur soit lui-même forclos pour former un appel ; qu'en l'espèce, l'ambassadeur des Etats-Unis d'Amérique n'a pas reçu notification du jugement du 5 octobre 2009 ; que la condamnation ayant visé solidairement les Etats-Unis d'Amérique et l'ambassadeur des Etats-Unis d'Amérique en France, l'appel de l'ambassadeur des Etats Unis d'Amérique en France sauvegardait le droit pour les Etats-Unis d'Amérique de former appel, peu important qu'une notification ait provoqué à l'égard de ces derniers une forclusion ; qu'en déclarant l'appel des Etats-Unis d'Amérique irrecevable, les juges du fond ont violé les articles 549 et 552 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé que l'acte de notification du jugement du 5 octobre 2009 reproduisait au verso les dispositions de l'article 643 du code de procédure civile qu'il visait expressément et était accompagné d'un formulaire, traduit en anglais, précisant la voie de recours applicable, c'est sans encourir le grief du moyen que la cour d'appel, faisant ainsi ressortir que le délai de recours était clairement indiqué, a statué comme elle l'a fait ;

Et attendu qu'il ne ressort ni de l'arrêt ni des productions que l'ambassadeur des Etats-Unis d'Amérique, qui est intervenu volontairement à l'instance, a relevé appel du jugement du 5 octobre 2009 ;

D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en ses deuxième et troisième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les Etats-Unis d'Amérique, l'ambassadeur des Etats-Unis d'Amérique et Mme Y... font encore grief à l'arrêt de déclarer irrecevables l'appel formé par les Etats-Unis d'Amérique à l'encontre du jugement rendu le 5 octobre 2009 et les interventions volontaires de Mme Y... et de l'ambassadeur des Etats-Unis d'Amérique en France, alors, selon le moyen :

1°/ que, peu important que la formalité ne soit prévue, ni par une convention internationale, ni par un texte, l'exigence d'une traduction au titre de l'usage qu'impose la courtoisie internationale doit être sanctionnée par l'irrégularité de la notification ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 12 du code de procédure civile, ensemble l'usage, gouvernant les relations entre Etats, imposant qu'une notification à un Etat étranger soit accompagnée de sa traduction, ainsi que l'article 684 § 2 du code de procédure civile imposant la voie diplomatique ;

2°/ que, relevant des rapports entre Etats, les notifications à destination d'un Etat étranger, postulant l'usage de la voie diplomatique, ressortissent, non pas aux règles de la procédure civile, mais aux règles du droit international public ; qu'en opposant les dispositions du code de procédure civile et notamment les dispositions de l'article 117, quand elles étaient inapplicables, et que seule avait vocation à s'appliquer, s'agissant de la sanction, les règles du droit international public, les juges du fond ont violé l'article 12 du code de procédure civile, ensemble l'usage imposant, en cas de notification par voie diplomatique, l'existence d'une traduction, ainsi que l'article 684 § 2 du code de procédure civile imposant la voie diplomatique ;

Mais attendu que, selon l'article 684, alinéa 2, du code de procédure civile, l'acte destiné à être notifié à un Etat étranger, à un agent diplomatique étranger en France ou à tout autre bénéficiaire de l'immunité de juridiction est remis au parquet et transmis par l'intermédiaire du ministre de la justice aux fins de signification par voie diplomatique, à moins qu'en vertu d'un règlement européen ou d'un traité international, la transmission puisse être faite par une autre voie ; que les Etats-Unis d'Amérique sont partie à la Convention du 15 novembre 1965 relative à la signification et la notification à l'étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale ;

Et attendu que la notification d'un acte judiciaire à un Etat partie à la Convention du 15 novembre 1965 relative à la signification et la notification à l'étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale est régie par cette Convention ; que celle-ci n'exige pas que l'acte notifié soit traduit dans la langue de l'Etat requis ;

Que par ce motif de pur droit, substitué aux motifs critiqués, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le troisième moyen, pris en ses première et troisième branches, et sur le quatrième moyen, annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu la Convention du 15 novembre 1965 relative à la signification et la notification à l'étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale, notamment son article 9, alinéa 2, ensemble l'article 684 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour déclarer irrecevable l'appel formé par les Etats-Unis d'Amérique à l'encontre du jugement du 22 mai 2012, l'arrêt relève que la notification a été réalisée le 4 octobre 2012 par le circuit dit « court », par note verbale n° 3189/PRO/PIC du protocole à l'ambassade des Etats-Unis d'Amérique à Paris, que les Etats-Unis d'Amérique ne produisent pas de note générale antérieure à la notification d'octobre 2012 manifestant leur refus de principe de ce mode de notification diplomatique simplifiée, que la note diplomatique du 20 novembre 2012 accusant réception de la notification du 4 octobre 2012 de la décision du 22 mai 2012 ne peut être analysée comme un refus de la notification dont elle accuse réception et en déduit que le circuit dit « court » utilisé pour la notification de ce jugement était approprié et régulier ;

Qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, qu'il ne ressortait d'aucune de ses constatations que les Etats-Unis d'Amérique avaient consenti à ce que la notification des actes par la voie diplomatique soit faite à leur ambassade en France et, d'autre part, qu'elle relevait que par note diplomatique du 20 novembre 2012, l'ambassade des Etats-Unis d'Amérique en France avait refusé l'acte en faisant connaître au ministère français des affaires étrangères que la voie diplomatique officielle n'avait pas été utilisée pour porter l'affaire à la connaissance du destinataire de l'acte, ce dont il résultait que la notification litigieuse ne pouvait être regardée comme une notification régulière effectuée par la voie diplomatique conformément à l'article 9, alinéa 2, de la Convention du 15 novembre 1965, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable l'appel des Etats-Unis d'Amérique formé à l'encontre du jugement rendu le 22 mai 2012 par le conseil des prud'hommes de Paris et en ce qu'il a, par voie de conséquence, déclaré irrecevables les interventions volontaires de Mme Y... et de l'ambassadeur des Etats-Unis d'Amérique en France, l'arrêt rendu le 20 septembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi sur la recevabilité de l'appel des Etats-Unis d'Amérique ;

DÉCLARE RECEVABLE l'appel des Etats-Unis d'Amérique formé à l'encontre du jugement du 22 mai 2012 ;

Renvoie, pour le surplus, devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. Sommer - Avocat général : Mme Vassallo - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Ortscheidt -

Textes visés :

Article 684, alinéa 2, du code de procédure civile ; Convention du 15 novembre 1965 relative à la signification et la notification à l'étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale ; article 9, alinéa 2, de la Convention du 15 novembre 1965 relative à la signification et la notification à l'étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 14 novembre 1990, pourvoi n° 89-13.378, Bull. 1990, II, n° 236 (irrecevabilité). 1re Civ., 22 juin 1999, pourvoi n° 96-18.583, Bull. 1999, I, n° 212 (cassation).

2e Civ., 21 février 2019, n° 17-28.285, (P)

Rejet

Procédure de la mise en état – Conseiller de la mise en état – Ordonnance du conseiller de la mise en état – Voies de recours – Déféré – Requête – Délai – Point de départ – Détermination – Portée

En application de l'article 916 du code de procédure civile la requête en déféré doit être formée dans les quinze jours de la date de l'ordonnance du conseiller de la mise en état déférée à la cour d'appel. Cette disposition poursuit un but légitime de célérité de traitement des incidents affectant l'instance d'appel, en vue du jugement de celui-ci dans un délai raisonnable et l'irrecevabilité frappant le déféré formé au-delà de ce délai ne constitue pas une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge, dès lors que les parties sont tenues de constituer un avocat, professionnel avisé, en mesure d'accomplir les actes de la procédure d'appel, dont fait partie le déféré, dans les formes et délais requis.

Procédure de la mise en état – Conseiller de la mise en état – Ordonnance du conseiller de la mise en état – Voies de recours – Déféré – Requête – Recevabilité – Conditions – Détermination

Procédure de la mise en état – Conseiller de la mise en état – Ordonnance du conseiller de la mise en état – Voies de recours – Déféré – Modalités – Portée

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Cayenne, 3 octobre 2017), que M. et Mme O... W... et la société W... ont relevé appel du jugement d'un tribunal de grande instance ayant débouté la société W... d'une demande dirigée contre la société FSP et ayant condamné les appelants au paiement de diverses sommes au profit de cette dernière et de la société Oceanic agence ; que par requête remise au greffe le 28 avril 2018, les appelants ont déféré à la cour d'appel une ordonnance du conseiller de la mise en état, rendue le 5 avril 2017, ayant déclaré caduque la déclaration d'appel ;

Attendu que M. et Mme O... W... et la société W... font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la requête en déféré pour cause de tardiveté, alors, selon le moyen, que les conditions de recevabilité d'un acte de procédure ne peuvent restreindre l'exercice du droit à un tribunal, dont le droit d'accès concret et effectif constitue un aspect, au point de l'atteindre dans sa substance même ; que le délai imparti à un justiciable pour accomplir un acte conditionnant l'accès au juge ne peut donc courir à compter de la date d'un jugement, que si le justiciable en a eu effectivement connaissance à cette date ; que M. et Mme O... W... et la société W... faisaient valoir que l'ordonnance déférée ne leur avait été notifiée que le 13 avril 2017 ; qu'en se bornant à relever que les ordonnances du conseiller de la mise en état pouvaient être déférées à la cour d'appel par simple requête dans les quinze jours de leur date, et qu'en l'espèce, un délai de vingt-trois jours s'était écoulé entre le prononcé de l'ordonnance et le dépôt de la requête, le 28 avril 2017, pour déclarer cette dernière irrecevable, sans rechercher si les requérants avaient eu effectivement connaissance de l'ordonnance déférée avant le 13 avril 2017, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 916 du code de procédure civile et de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu qu'en application de l'article 916 du code de procédure civile la requête en déféré doit être formée dans les quinze jours de la date de l'ordonnance du conseiller de la mise en état déférée à la cour d'appel ; que cette disposition poursuit un but légitime de célérité de traitement des incidents affectant l'instance d'appel, en vue du jugement de celui-ci dans un délai raisonnable ; que l'irrecevabilité frappant le déféré formé au-delà de ce délai ne constitue pas une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge, dès lors que les parties sont tenues de constituer un avocat, professionnel avisé, en mesure d'accomplir les actes de la procédure d'appel, dont fait partie le déféré, dans les formes et délais requis ;

Qu'ayant constaté que la requête avait été remise au greffe plus de quinze jours suivant la date de l'ordonnance que la partie appelante entendait déférer, c'est à bon droit que la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche invoquée par le grief, l'a déclarée irrecevable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. de Leiris - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel -

Textes visés :

Article 916 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Sur le point de départ du délai de la requête en déféré, à rapprocher : 2e Civ., 21 janvier 1998, pourvoi n° 96-16.751, Bull. 1998, II, n° 23 (rejet).

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