Numéro 2 - Février 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2019

PRET

1re Civ., 20 février 2019, n° 17-31.065, (P)

Rejet

Prêt d'argent – Prêteur – Etablissement de crédit – Obligations – Obligation d'information – Manquement – Défaut – Applications diverses – Prêt d'argent libellé en francs suisses et remboursable en euros

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 mai 2017), que, suivant offre de prêt acceptée le 3 juillet 2008, la société BNP Paribas Personal Finance (la banque) a consenti à Mme H... (l'emprunteur) un prêt libellé en francs suisses et remboursable en euros, dénommé Helvet immo, en vue de financer l'acquisition d'un bien immobilier ; qu'invoquant l'irrégularité de la clause contractuelle relative à l'indexation du prêt sur la valeur du franc suisse ainsi qu'un manquement de la banque à son obligation d'information, l'emprunteur a assigné celle-ci en annulation de la clause litigieuse et en indemnisation ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'emprunteur fait grief à l'arrêt de valider la clause litigieuse, alors, selon le moyen :

1°/ que la clause de monnaie de compte selon laquelle les versements mensuels de l'emprunteur, réalisés en euros, sont convertis dans une devise étrangère afin de procéder au remboursement du capital emprunté dans cette devise, constitue une clause d'indexation qui n'est que l'accessoire de l'obligation de remboursement en euros, prestation essentielle du contrat ; que la cour d'appel qui, après avoir relevé que les échéances du prêt litigieux devaient être payées en euros avant conversion en francs suisses afin de permettre le remboursement du capital emprunté dans cette devise, ce dont il résultait que cette clause d'indexation n'était qu'un accessoire de la prestation essentielle du contrat, a néanmoins retenu, pour refuser d'examiner le caractère abusif de celle-ci, qu'elle définissait l'objet principal du contrat, a violé l'article L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation ;

2°/ qu'en tout état de cause, une clause définissant la prestation essentielle du contrat peut être regardée comme abusive lorsqu'elle n'est pas rédigée de manière claire et compréhensible ; qu'en se bornant à se référer, pour juger que la clause de monnaie de compte était claire et compréhensible, à la clarté et la précision des termes employés pour décrire le mécanisme de prêt, qui n'aurait présenté aucun caractère de complexité, ainsi qu'à leur répétition et leur caractère compréhensible, c'est-à-dire au caractère intelligible de la clause sur un plan grammatical, sans rechercher si, notamment à l'aide d'exemples chiffrés, le contrat exposait de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme de conversion de la devise étrangère auquel se référait la clause litigieuse, de sorte que l'emprunteur fût mis en mesure d'évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découlaient pour lui, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation ;

3°/ que la clause d'indexation prévoyait que, à raison de l'évolution du taux de change euro/franc suisse, les échéances de remboursement en euros pouvaient augmenter sans limitation durant les cinq dernières années du prêt, afin que celui-ci soit apuré à l'issue de cette période ; qu'en retenant néanmoins que le contrat fixait une double limite, de la durée supplémentaire, qui ne peut être que de cinq ans et de la majoration des règlements en euros qui ne peut être supérieure à l'augmentation annuelle de l'indice INSEE des prix à la consommation (série France entière hors tabac)sur la période des cinq dernières années précédant la révision du taux d'intérêt, la cour d'appel a violé l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

Mais attendu, d'abord, qu'après avoir énoncé que l'appréciation du caractère abusif des clauses, au sens du premier alinéa de l'article L. 132-1, devenu L. 212-1 du code de la consommation, ne porte pas sur la définition de l'objet principal du contrat pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible, l'arrêt relève que l'offre préalable de prêt, dans laquelle s'insère la clause litigieuse, prévoit la conversion en francs suisses du solde des règlements mensuels en euros après paiement des charges annexes du crédit, que le prêt a pour caractéristique essentielle d'être un prêt en francs suisses remboursable en euros et que le risque de change, inhérent à ce type de prêt, a une incidence sur les conditions de remboursement du crédit ; qu'il en déduit, à bon droit, que la clause définit l'objet principal du contrat ;

Attendu, ensuite, que la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit (arrêt du 20 septembre 2018, C-51/17) que l'article 4, § 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que l'exigence selon laquelle une clause contractuelle doit être rédigée de manière claire et compréhensible oblige les établissements financiers à fournir aux emprunteurs des informations suffisantes pour permettre à ceux-ci de prendre leurs décisions avec prudence et en toute connaissance de cause ; que cette exigence implique qu'une clause relative au risque de change soit comprise par le consommateur à la fois sur les plans formel et grammatical, mais également quant à sa portée concrète, en ce sens qu'un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, puisse non seulement avoir conscience de la possibilité de dépréciation de la monnaie nationale par rapport à la devise étrangère dans laquelle le prêt a été libellé, mais aussi évaluer les conséquences économiques, potentiellement significatives, d'une telle clause sur ses obligations financières ;

Attendu que l'arrêt relève que l'offre préalable de prêt détaille les opérations de change réalisées au cours de la vie du crédit et précise que le taux de change euros contre francs suisses sera celui applicable deux jours ouvrés avant la date de l'événement qui détermine l'opération et qui est publié sur le site de la Banque centrale européenne ; qu'il constate qu'il est mentionné dans l'offre que l'emprunteur accepte les opérations de change de francs suisses en euros et d'euros en francs suisses nécessaires au fonctionnement et au remboursement du crédit, et que le prêteur opérera la conversion en francs suisses du solde des règlements mensuels en euros après paiement des charges annexes du crédit ; qu'il énonce que l'offre indique que, s'il résulte de l'opération de change une somme inférieure à l'échéance en francs suisses exigible, l'amortissement du capital sera moins rapide et l'éventuelle part de capital non amorti au titre d'une échéance sera inscrite au solde débiteur du compte en francs suisses, et qu'il est précisé que l'amortissement du capital du prêt évoluera en fonction des variations du taux de change appliqué aux règlements mensuels, à la hausse ou à la baisse, que cette évolution peut entraîner l'allongement ou la réduction de la durée d'amortissement du prêt et, le cas échéant, modifier la charge totale de remboursement ; que l'arrêt ajoute que les articles « compte interne en euros » et « compte interne en francs suisses » détaillent les opérations effectuées à chaque paiement d'échéance au crédit et au débit de chaque compte, et que le contrat expose de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme de conversion de la devise étrangère ; que la cour d'appel a ainsi fait ressortir le caractère clair et compréhensible de la clause litigieuse ;

Attendu, enfin, que l'arrêt retient, sans dénaturation, que les stipulations prévoyant l'allongement de la durée du contrat et l'augmentation des règlements en euros pour permettre de payer le solde du compte, en cas de non-remboursement à l'échéance, font partie intégrante de la clause litigieuse et que le contrat fixe une double limite, de la durée supplémentaire de remboursement du prêt qui ne peut être que de cinq ans et de la majoration des règlements en euros qui ne peut être supérieure à l'augmentation annuelle de l'indice INSEE des prix à la consommation sur la période des cinq dernières années précédant la révision du taux d'intérêt ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que l'emprunteur fait grief à l'arrêt de dire que la banque n'a pas failli à son obligation d'information, alors, selon le moyen, que le banquier dispensateur d'un crédit en devise étrangère remboursable en euros doit, au titre de son devoir d'information, exposer de manière transparente, notamment à l'aide d'exemples chiffrés, le fonctionnement concret du mécanisme de conversion de la devise étrangère, de sorte que l'emprunteur soit mis en mesure d'évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découle pour lui ; qu'en se fondant, pour écarter le manquement de la banque à son devoir d'information, sur les seuls termes des clauses de l'offre de prêt et en retenant qu'il ne saurait être exigé du prêteur qu'il évalue de manière chiffrée le risque d'endettement, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Mais attendu que l'arrêt constate que l'offre de prêt informait l'emprunteur que le crédit était libellé en francs suisses et que le capital emprunté permettrait de débloquer le montant du prix de vente de l'immeuble chiffré en euros chez le notaire ; qu'il retient que le contrat explique sans équivoque le fonctionnement du prêt en devises, détaille les opérations effectuées à chaque paiement d'échéance et décrit les opérations de change pouvant avoir un impact sur le plan de remboursement ; qu'il relève que l'emprunteur a été informé sur le risque de variation du taux de change et son influence sur la durée du prêt, l'évolution de l'amortissement du capital et la charge totale du remboursement, et que la banque a informé l'emprunteur sur le coût total du crédit en cas de dépréciation de l'euro ; que, par ces seuls motifs, la cour d'appel a pu décider que la banque n'avait pas failli à son obligation d'information ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Avel - Avocat général : M. Chaumont - Avocat(s) : Me Goldman ; SCP Rocheteau et Uzan-Sarano -

Textes visés :

Article 4, § 2, de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs ; article L. 132-1, devenu L. 212-1 du code de la consommation ; article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 3 mai 2018, pourvoi n° 17-13.593, Bull. 2018, I, n° 80 (rejet), et les arrêts cités. Cf. : CJUE, arrêt du 20 septembre 2018, OTP Bank Nyrt. e.a, C-51/17.

1re Civ., 20 février 2019, n° 17-31.067, (P)

Rejet

Prêt d'argent – Prêteur – Etablissement de crédit – Obligations – Obligation d'information – Manquement – Défaut – Applications diverses – Prêt d'argent libellé en francs suisses et remboursable en euros

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 mai 2017), que, suivant offre de prêt acceptée le 16 mars 2009, la société BNP Paribas Personal Finance (la banque) a consenti à M. et Mme P... (les emprunteurs) un prêt libellé en francs suisses et remboursable en euros, dénommé Helvet immo, en vue de financer l'acquisition d'un bien immobilier ; qu'invoquant l'irrégularité de la clause contractuelle relative à l'indexation du prêt sur la valeur du franc suisse ainsi qu'un manquement de la banque à son obligation d'information, les emprunteurs ont assigné celle-ci en annulation de la clause litigieuse et en indemnisation ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les emprunteurs font grief à l'arrêt de valider la clause litigieuse, alors, selon le moyen :

1°/ que la clause de monnaie de compte selon laquelle les versements mensuels de l'emprunteur, réalisés en euros, sont convertis dans une devise étrangère afin de procéder au remboursement du capital emprunté dans cette devise, constitue une clause d'indexation qui n'est que l'accessoire de l'obligation de remboursement en euros, prestation essentielle du contrat ; que la cour d'appel qui, après avoir relevé que les échéances du prêt litigieux devaient être payées en euros avant conversion en francs suisses afin de permettre le remboursement du capital emprunté dans cette devise, ce dont il résultait que cette clause d'indexation n'était qu'un accessoire de la prestation essentielle du contrat, a néanmoins retenu, pour refuser d'examiner le caractère abusif de celle-ci, qu'elle définissait l'objet principal du contrat, a violé l'article L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation ;

2°/ qu'en tout état de cause, une clause définissant la prestation essentielle du contrat peut être regardée comme abusive lorsqu'elle n'est pas rédigée de manière claire et compréhensible ; qu'en se bornant à relever, pour dire que la clause de monnaie de compte était claire et compréhensible, que l'emprunteur avait été clairement et objectivement informé, par les offres de prêt, et leurs annexes, notamment par le biais de la notice illustrant les conséquences de la variation du taux de change par des exemples chiffrés, des caractéristiques du contrat, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la description figurant à la notice permettait d'envisager les conséquences d'un décrochage de la parité aussi important que celui qui s'est produit, ce qui n'était pas le cas, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation ;

3°/ que, dans un contrat de prêt en devise étrangère remboursable en euro, le déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties résulte de ce que le risque de change pèse exclusivement sur l'emprunteur ; qu'en se fondant, pour dire qu'il n'existerait pas de déséquilibre manifeste découlant du contrat à l'égard de l'emprunteur, sur la circonstance inopérante qu'en cas d'évolution favorable pour lui du taux de change la durée d'amortissement est raccourcie sans limite, de sorte qu'il paie moins d'échéances et que la rémunération du prêteur s'en trouve d'autant diminuée, ce qui n'était pas de nature à écarter le fait que le contrat faisait peser le risque de change exclusivement sur l'emprunteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation ;

4°/ que la clause d'indexation prévoyait que, à raison de l'évolution du taux de change euro/franc suisse, les échéances de remboursement en euros pouvaient augmenter sans limitation durant les cinq dernières années du prêt, afin que celui-ci soit apuré à l'issue de cette période ; qu'en retenant néanmoins que l'augmentation des mensualités était capée et que le contrat fixait une double limite, de la durée supplémentaire, qui ne peut être que de cinq ans et de la majoration des règlements en euros qui ne peut être supérieure à l'augmentation annuelle de l'indice INSEE des prix à la consommation (série France entière hors tabac) sur la période des cinq dernières années précédant la révision du taux d'intérêt, la cour d'appel a violé l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

Mais attendu, d'abord, qu'après avoir énoncé que l'appréciation du caractère abusif des clauses, au sens du premier alinéa de l'article L. 132-1, devenu L. 212-1 du code de la consommation, ne porte pas sur la définition de l'objet principal du contrat pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible, l'arrêt relève que l'offre préalable de prêt, dans laquelle s'insère la clause litigieuse, prévoit la conversion en francs suisses du solde des règlements mensuels en euros après paiement des charges annexes du crédit, que le prêt a pour caractéristique essentielle d'être un prêt en francs suisses remboursable en euros et que le risque de change, inhérent à ce type de prêt, a une incidence sur les conditions de remboursement du crédit ; qu'il en déduit, à bon droit, que la clause définit l'objet principal du contrat ;

Attendu, ensuite, que la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit (arrêt du 20 septembre 2018, C-51/17) que l'article 4, § 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que l'exigence selon laquelle une clause contractuelle doit être rédigée de manière claire et compréhensible oblige les établissements financiers à fournir aux emprunteurs des informations suffisantes pour permettre à ceux-ci de prendre leurs décisions avec prudence et en toute connaissance de cause ; que cette exigence implique qu'une clause relative au risque de change soit comprise par le consommateur à la fois sur les plans formel et grammatical, mais également quant à sa portée concrète, en ce sens qu'un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, puisse non seulement avoir conscience de la possibilité de dépréciation de la monnaie nationale par rapport à la devise étrangère dans laquelle le prêt a été libellé, mais aussi évaluer les conséquences économiques, potentiellement significatives, d'une telle clause sur ses obligations financières ;

Attendu que l'arrêt relève que l'offre préalable de prêt détaille les opérations de change réalisées au cours de la vie du crédit et précise que le taux de change euros contre francs suisses sera celui applicable deux jours ouvrés avant la date de l'événement qui détermine l'opération et qui est publié sur le site de la Banque centrale européenne ; qu'il constate qu'il est mentionné dans l'offre que les emprunteurs acceptent les opérations de change de francs suisses en euros et d'euros en francs suisses nécessaires au fonctionnement et au remboursement du crédit, et que le prêteur opérera la conversion en francs suisses du solde des règlements mensuels en euros après paiement des charges annexes du crédit ; qu'il énonce que l'offre indique que, s'il résulte de l'opération de change une somme inférieure à l'échéance en francs suisses exigible, l'amortissement du capital sera moins rapide et l'éventuelle part de capital non amorti au titre d'une échéance sera inscrite au solde débiteur du compte en francs suisses, et qu'il est précisé que l'amortissement du capital du prêt évoluera en fonction des variations du taux de change appliqué aux règlements mensuels, à la hausse ou à la baisse, que cette évolution peut entraîner l'allongement ou la réduction de la durée d'amortissement du prêt et, le cas échéant, modifier la charge totale de remboursement ; que l'arrêt ajoute que les articles « compte interne en euros » et « compte interne en francs suisses » détaillent les opérations effectuées à chaque paiement d'échéance au crédit et au débit de chaque compte, et que le contrat expose de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme de conversion de la devise étrangère ; que l'arrêt précise qu'a été jointe à l'offre de prêt une notice assortie de simulations chiffrées de l'impact des variations du taux de change sur le plan de remboursement afin d'éclairer les emprunteurs sur les risques inhérents à la souscription d'un prêt en devises ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de retenir le caractère clair et compréhensible de la clause litigieuse ;

Attendu, enfin, que l'arrêt retient, sans dénaturation, que les stipulations prévoyant l'allongement de la durée du contrat et l'augmentation des règlements en euros pour permettre de payer le solde du compte, en cas de non-remboursement à l'échéance, font partie intégrante de la clause litigieuse et que le contrat fixe une double limite, de la durée supplémentaire de remboursement du prêt qui ne peut être que de cinq ans et de la majoration des règlements en euros qui ne peut être supérieure à l'augmentation annuelle de l'indice INSEE des prix à la consommation sur la période des cinq dernières années précédant la révision du taux d'intérêt ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en sa troisième branche qui critique des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le second moyen :

Attendu que les emprunteurs font grief à l'arrêt de dire que la banque n'a pas failli à son obligation d'information, alors, selon le moyen :

1°/ que le banquier dispensateur d'un crédit en devise étrangère remboursable en euros doit, au titre de son devoir d'information, exposer de manière transparente, notamment à l'aide d'exemples chiffrés, le fonctionnement concret du mécanisme de conversion de la devise étrangère, de sorte que l'emprunteur soit mis en mesure d'évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découle pour lui ; qu'en retenant, pour écarter le manquement de la banque à son devoir d'information, qu'il ne saurait être exigé du prêteur qu'il évalue de manière chiffrée le risque d'endettement, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ qu'en retenant encore qu'avait été fournie à l'emprunteur une notice contenant une simulation chiffré l'informant sur les risques liés aux opérations de change qui affecte le prêt et lui permettant d'apprécier l'influence de la fluctuation du taux de change sur le capital emprunté et la variation de la durée du prêt en résultant, en fonction d'une appréciation ou d'une dépréciation du franc suisse par rapport à l'euro, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la description figurant à la notice permettait d'envisager les conséquences d'un décrochage de la parité aussi important que celui qui s'est produit, ce qui n'était pas le cas, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Mais attendu que l'arrêt relève que l'offre de prêt informait les emprunteurs que le crédit était libellé en francs suisses, que le capital emprunté permettrait de débloquer le montant du prix de vente de l'immeuble chiffré en euros chez le notaire, que le contrat explique sans équivoque le fonctionnement du prêt en devises, détaille les opérations effectuées à chaque paiement d'échéance et décrit les opérations de change pouvant avoir un impact sur le plan de remboursement ; qu'il retient que les emprunteurs ont été clairement informés sur le risque de variation du taux de change et son influence sur la durée du prêt, l'évolution de l'amortissement du capital et la charge totale du remboursement ; qu'il ajoute que la banque a informé les emprunteurs sur le coût total du crédit en cas de dépréciation de l'euro ; que, de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a pu déduire que la banque n'avait pas failli à son obligation d'information ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Avel - Avocat général : M. Chaumont - Avocat(s) : Me Goldman ; SCP Rocheteau et Uzan-Sarano -

Textes visés :

Article 4, § 2, de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs ; article L. 132-1, devenu L. 212-1 du code de la consommation ; article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 3 mai 2018, pourvoi n° 17-13.593, Bull. 2019, I, (rejet), et les arrêts cités. Cf. : CJUE, arrêt du 20 septembre 2018, OTP Bank Nyrt. e.a, C-51/17.

Com., 13 février 2019, n° 17-14.785, (P)

Cassation partielle

Prêt d'argent – Prêteur – Etablissement de crédit – Responsabilité – Manquement au devoir de mise en garde – Préjudice – Perte d'une chance d'éviter le risque qui s'est réalisé – Condition nécessaire – Impossibilité pour l'emprunteur de faire face au paiement des sommes exigibles au titre du prêt

Sur le troisième moyen :

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 6 mars 2008, la société Banque Scalbert-Dupont CIN, devenue CIC Nord Ouest (la banque), a consenti à Mme B... un prêt destiné à financer l'acquisition d'un bien immobilier destiné à la location, remboursable in fine le 15 avril 2020 et garanti par le nantissement d'un contrat d'assurance vie souscrit par son intermédiaire ; que, le 14 juin 2013, Mme B... a assigné la banque en responsabilité pour avoir manqué à son obligation de mise en garde lors de l'octroi de ce prêt ;

Attendu que pour condamner la banque à payer à Mme B... la somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient, d'abord, que les performances du contrat d'assurance vie nanti, ainsi que des autres placements détenus par Mme B..., présentaient un caractère aléatoire et que si, à l'échéance du prêt le 15 avril 2020, Mme B... ne disposait pas des fonds nécessaires à son remboursement, elle s'exposerait à la vente de l'appartement financé sans avoir l'assurance qu'elle en retirerait un prix suffisant pour apurer sa dette ; qu'il retient, ensuite, que la banque ne prouve pas s'être assurée que Mme B..., emprunteuse profane, avait pris conscience du risque d'endettement excessif auquel l'exposait cette opération ; qu'il retient, enfin, que ce manquement a fait perdre à Mme B... une chance de ne pas contracter le prêt litigieux et que le préjudice subi doit être évalué à 40 % du montant total des intérêts, arrondi à la somme de 100 000 euros ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le manquement d'une banque à son obligation de mettre en garde un emprunteur non averti sur le risque d'endettement excessif né de l'octroi d'un prêt prive cet emprunteur d'une chance d'éviter le risque qui s'est réalisé, la réalisation de ce risque supposant que l'emprunteur ne soit pas en mesure de faire face au paiement des sommes exigibles au titre du prêt, et qu'il résultait de ses constatations que le terme du prêt, remboursable in fine, n'était pas échu, de sorte que le risque, sur lequel la banque s'était abstenue de mettre Mme B... en garde, ne s'était pas réalisé, la cour d'appel, qui a indemnisé un préjudice éventuel, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de Mme B... tendant à ce qu'il soit enjoint à la société CIC Nord Ouest de préciser les éléments pris en considération pour le calcul du taux effectif global et notamment de préciser si le coût du nantissement est inclus ou non, l'arrêt rendu le 15 décembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : M. Blanc - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : Me Le Prado ; Me Bouthors -

Textes visés :

Article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.

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