Numéro 2 - Février 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2019

PRESCRIPTION CIVILE

2e Civ., 7 février 2019, n° 18-11.372, (P)

Cassation partielle

Prescription biennale – Domaine d'application – Avocat – Action en fixation des honoraires – Exclusion – Cas – Client de l'avocat – Personne morale

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, que M. Michel X... et la société par actions simplifiée X... MF ont confié la défense de leurs intérêts, à l'occasion notamment de diverses procédures judiciaires, à M. Z..., membre de la selarl Fuchs Cohana Reboul (l'avocat) ; qu'un désaccord s'étant élevé sur la rémunération de l'avocat, celui-ci a saisi, par lettre du 8 juillet 2014, le bâtonnier de son ordre d'une demande de fixation de ses honoraires ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen unique du pourvoi incident annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais, sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu l'article L. 137-2 du code de la consommation, devenu l'article L. 218-2 de ce code, ensemble l'article 2224 du code civil ;

Attendu que pour déclarer prescrite la demande de fixation d'honoraires de l'avocat à l'encontre de la société par actions simplifiée X... MF, l'ordonnance fait application des dispositions de l'article L. 137-2 du code de la consommation en retenant que cette société ayant pour secteur d'activité les installations sportives doit être regardée comme un consommateur au sens de ce texte ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le client de l'avocat était en l'espèce une personne morale, ce dont il se déduisait qu'il n'avait pas la qualité de consommateur, le premier président a violé les textes susvisés ;

Et sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa première branche :

Vu l'article 224 du code civil, ensemble l'article 13 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 ;

Attendu que pour déclarer prescrite la demande de fixation d'honoraires de l'avocat à l'encontre de la société X... MF, l'ordonnance retient le 30 novembre 2008 comme point de départ de la prescription en relevant que les quatre factures litigieuses ont été émises pour des périodes s'achevant au plus tard à cette date et que chacune d'elles marque l'achèvement de la mission pour ces périodes ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le point de départ du délai de la prescription biennale de l'action en fixation des honoraires d'avocat se situe au jour de la fin du mandat et non à celui, indifférent, de l'établissement de la facture, le premier président a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deux dernières branches du moyen unique du pourvoi principal :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare prescrite la demande de fixation des honoraires de la selarl Fuchs Cohana Reboul et associés formée à l'encontre de la société X... MF, l'ordonnance rendue le 28 novembre 2017, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Versailles.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Gelbard-Le Dauphin - Avocat général : M. Lavigne - Avocat(s) : SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot ; SCP Boullez -

Textes visés :

Article L. 137-2, devenu article L. 218-2, du code de la consommation ; article 2224 du code civil.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 26 mars 2015, pourvoi n° 14-15.013, Bull. 2015, II, n° 75 (cassation), et les arrêts cités.

2e Civ., 7 février 2019, n° 17-28.596, (P)

Cassation

Prescription de droit commun – Action en paiement – Retraite complémentaire – Délai – Point de départ – Détermination – Portée

L'action en paiement d'une retraite surcomplémentaire dont l'attribution a été refusée s'analyse en une action en contestation du refus de cette attribution, dont la prescription court, en application de l'article 2224 du code civil, à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Dès lors, prive sa décision de base légale la cour d'appel qui déclare prescrite l'action en contestation dont elle constate qu'elle a été engagée plus de cinq ans après le refus d'attribution, sans rechercher la date à laquelle son auteur avait eu connaissance du refus qui lui était ainsi opposé et qui constituait le point de départ du délai de prescription de son action.

Prescription quinquennale – Article 2224 du code civil – Domaine d'application – Action en paiement – Retraite complémentaire – Délai – Point de départ – Détermination – Portée

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., qui était employé en qualité de cadre, a été affilié au régime de retraite supplémentaire du Fonds de garantie de retraite des cadres, devenu le Fonds interprofessionnel de retraite surcomplémentaire (le FIRES) ; qu'ayant fait valoir ses droits à la retraite le 31 mai 2008, M. X... a formalisé une demande de liquidation de ses droits à compter du 1er juin 2008 auprès du FIRES qui, dans un courrier du 28 mai 2008, lui a dénié le bénéfice de ce régime ; que, le 17 juin 2013, M. X... a assigné le FIRES, aux droits duquel se trouve l'institution de prévoyance Humanis prévoyance, en paiement d'une pension de retraite surcomplémentaire pour l'année 2008 et pour chaque année suivante jusqu'à son décès ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de constater la prescription de son action et, en conséquence, de déclarer ses demandes irrecevables, alors, selon le moyen :

1°/ que le délai de prescription ne court qu'à compter de la date d'exigibilité de chacune des créances salariales ; qu'en affirmant, pour déclarer prescrites l'intégralité des demandes en paiement de la pension de retraite présentées par M. X..., non seulement pour l'année 2008 mais aussi au titre des années suivantes jusqu'à son décès, que selon l'article 2224 du code civil, « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer et qu'à la suite au refus de l'institution Humanis prévoyance en date du 28 mai 2008 de lui accorder le bénéfice dudit régime, ce n'est qu'à la date du 17 juin 2013 qu'il a engagé son action en paiement de cette pension de retraite surcomplémentaire » et « qu'à cette date, plus de cinq ans s'étant écoulés depuis la date à laquelle M. Henri X... a connu son droit », après avoir constaté que celui-ci « a engagé une action en paiement d'une pension de retraite (qui) s'analyse en une demande de sommes afférentes aux salaires dus au titre du contrat de travail auxquels elles se substituent », la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 2224 du code civil ;

2°/ que si l'article 2224 du code civil prévoit que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, l'article 2233, 3°, du même code précise que la prescription ne court pas à l'égard d'une créance à terme, jusqu'à ce que ce terme soit arrivé ; qu'ainsi, lorsqu'une dette est payable par termes successifs, le point de départ de la prescription ne peut pas être fixé pour l'ensemble de la créance à la date d'exigibilité du premier terme ; qu'en retenant, pour considérer que les demandes en paiement d'une pension de retraite de M. X..., non seulement pour l'année 2008 mais aussi au titre des années suivantes et jusqu'à son décès, sont prescrites, que la prescription a commencé à courir le 28 mai 2008 tandis que M. X... n'a engagé son action en paiement que le 17 juin 2013, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 2224 du code civil et, par refus d'application, l'article 2233, 3°, du même code ;

Mais attendu que, s'il retient inexactement que l'action de M. X... en contestation du refus du FIRES de lui accorder le bénéfice du régime de retraite supplémentaire était une action en paiement d'une pension de retraite qui s'analysait en une demande de sommes afférentes aux salaires dus au titre du contrat de travail auxquels elles se substituent, c'est à bon droit que l'arrêt fait application de l'article 2224 du code civil qui dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître le fait lui permettant de l'exercer, qui, en l'espèce, était le refus de l'institution de prévoyance de lui accorder le bénéfice du régime de retraite ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu l'article 2224 du code civil ;

Attendu, selon ce texte, que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ;

Attendu que pour déclarer l'action de M. X... prescrite, l'arrêt retient que, suite au refus du FIRES en date du 28 mai 2008 de lui accorder le bénéfice du régime de retraite, ce n'est qu'à la date du 17 juin 2013 que M. X... a engagé son action en paiement de la pension de retraite surcomplémentaire ; qu'à cette date, plus de cinq ans s'étaient écoulés depuis la date à laquelle il avait connu son droit ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher la date à laquelle M. X... avait eu connaissance du refus qui lui était ainsi opposé et qui constituait le point de départ du délai de prescription de son action, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. Besson - Avocat général : M. Lavigne - Avocat(s) : SCP Ortscheidt ; SCP Bouzidi et Bouhanna -

Textes visés :

Article 2224 du code civil.

2e Civ., 7 février 2019, n° 18-10.767, (P)

Rejet

Prescription quinquennale – Article 2224 du code civil – Domaine d'application – Avocat – Action en restitution d'un excédent d'honoraires – Délai – Point de départ – Détermination

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 7 novembre 2017), que, le 13 mai 2003, Mme Y..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de tutrice de son fils, M. Z..., a signé une convention avec Mme X... (l'avocat) stipulant que celle-ci s'engageait à assurer leur défense et leur conseil, devant toute juridiction, sauf devant la Cour de cassation, pour obtenir la réparation du dommage corporel de M. Z..., victime d'un accident de la circulation, et prévoyant un honoraire forfaitaire de 500 euros HT ainsi qu'un honoraire de résultat de 10 % HT ; qu'un jugement, assorti de l'exécution provisoire à hauteur des deux tiers, statuant sur l'indemnisation de M. Z... est intervenu le 16 février 2007 et a été frappé d'appel ; que le 16 mars 2007, Mme Y... a autorisé l'avocat à prélever la somme de 200 000 euros sur le compte CARPA, à titre d'honoraires ; que Mme Y... a dessaisi l'avocat le 4 mai 2011 ; que par arrêt du 13 janvier 2014, la cour d'appel a diminué l'indemnisation de M. Z... ; que Mme Y... a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats afin d'obtenir la restitution d'une partie des honoraires versés ; que l'avocat a formé un recours contre la décision rendue le 19 décembre 2014 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'avocat fait grief à l'ordonnance de rejeter la fin de non-recevoir tirée de l'acquisition de la prescription quinquennale qu'elle avait opposée et en conséquence de fixer les honoraires lui revenant, alors, selon le moyen :

1°/ que dans le cadre d'une procédure ayant donné lieu à intervention de l'avocat en première instance puis en appel, le point de départ du délai de prescription s'apprécie au regard de chacune des procédures ; que dans ses conclusions d'appel, l'avocat avait soutenu qu'à la suite du prononcé du jugement du 7 février 2007, les parties avaient convenu du règlement par Mme Y..., agissant en son nom personnel et en qualité de tutrice de son fils M. Z..., d'un honoraire forfaitaire de 200 000 euros pour services rendus, les honoraires pour les diligences d'appel étant fixé sur la base d'un pourcentage de 10 % appliqué au différentiel entre les condamnations obtenues en appel et celles de première instance ; qu'en fixant le point de départ du délai de prescription au jour de la rupture des relations entre les clients et l'avocat pour les deux instances sans s'expliquer sur ce moyen, le premier président n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que dans le cadre d'une procédure ayant donné lieu à intervention de l'avocat en première instance puis en appel, le point de départ du délai de prescription s'apprécie au regard de chacune des procédures ; que dans ses conclusions d'appel, l'avocat avait soutenu qu'à la suite du prononcé du jugement du 7 février 2007, les parties avaient convenu du règlement par Mme Y..., agissant en son nom personnel et en qualité de tutrice de son fils M. Z..., d'un honoraire forfaitaire de 200 000 euros pour services rendus, les honoraires pour les diligences d'appel étant fixé sur la base d'un pourcentage de 10 % appliqué au différentiel entre les condamnations obtenues en appel et celles de première instance ; qu'en fixant le point de départ du délai de prescription au jour de la rupture des relations entre les clients et l'avocat pour les deux instances sans rechercher si la mission initiale de l'avocat ne s'était pas achevée à la date du paiement de l'honoraire forfaitaire de 200 000 euros, le premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2224 du code civil ;

Mais attendu que le point de départ de la prescription de l'action en restitution d'honoraires se situe au jour de la fin du mandat de l'avocat ;

Qu'ayant, implicitement mais nécessairement, souverainement estimé que le mandat de l'avocat incluait la représentation en cause d'appel, c'est à bon droit que le premier président, qui a ainsi répondu aux conclusions dont fait état la première branche du moyen et a procédé à la recherche visée par la seconde, a décidé que le délai de prescription de l'action de Mme Y... avait commencé à courir au jour de la rupture des relations entre les parties, soit le 4 mai 2011, et qu'engagée le 21 avril 2014, cette action n'était pas prescrite ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le deuxième moyen : Publication sans intérêt

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les troisième, quatrième, cinquième, sixième et septième moyens, annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Isola - Avocat général : M. Lavigne - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Article 2224 du code civil.

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