Numéro 2 - Février 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2019

POUVOIRS DES JUGES

2e Civ., 7 février 2019, n° 17-27.223, (P)

Cassation

Applications diverses – Assurance de personnes – Assurance-vie – Souscripteur – Renonciation prorogée – Faculté – Exercice – Appréciation de la finalité – Nécessité

Attendu, selon l'arrêt attaqué que M. X... a souscrit, le 28 novembre 2003, auprès de la société Nemian Life, aux droits de laquelle se trouve la société Allianz Life Luxembourg (l'assureur) un contrat d'assurance sur la vie dénommé « Cadre Plus » prenant effet au 1er janvier 2004 sur lequel il a investi la somme totale de 12 000 euros ; qu'estimant ne pas avoir reçu une information précontractuelle conforme aux exigences légales, M. X... a exercé son droit de renonciation le 9 juillet 2012 ; que l'assureur n'ayant pas donné suite à cette demande, M. X... l'a assigné en remboursement des primes versées et en paiement de dommages-intérêts ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que l'assureur fait grief à l'arrêt de juger que M. X... était en droit de renoncer au contrat d'assurance et de le condamner, en conséquence, à lui restituer la somme de 12 000 euros, outre les intérêts au taux légal, alors, selon le moyen, qu'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception est valablement délivrée dès lors qu'elle a été adressée et réceptionnée au domicile de son destinataire ; qu'en l'espèce, la cour a admis que l'assureur avait adressé à M. X... une lettre recommandée avec accusé de réception, retourné avec une signature datée du 2 août 2017 qui n'est pas celle de M. X... ; que pour décider que cette note ne pouvait être considérée comme ayant été remise à M. X..., la cour a retenu qu'il appartenait à l'assureur de vérifier que l'avis de réception de la lettre recommandée envoyée à son assuré à son adresse portait bien la signature de celui-ci et que tel n'était pas le cas ; qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants dès lors que la lettre avait été adressée et réceptionnée au domicile de M. X..., la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard de l'article L. 132-5-1 du code des assurances ;

Mais attendu, d'abord, que l'article L. 132-5-1 du code des assurances, dans sa rédaction alors applicable, prévoit que le défaut de remise des documents et informations qu'il énumère entraîne de plein droit la prorogation du délai de renonciation jusqu'au trentième jour suivant la remise effective de ces documents ; qu'ayant constaté que les documents d'information remis en 2003 ne satisfaisaient pas aux exigences de ce texte puis relevé que s'il était acquis que l'assureur avait adressé à M. X... une lettre recommandée à l'adresse "[...], [...]", la signature portée sur l'avis de réception du 2 août 2007 n'était manifestement pas la sienne mais celle d'une personne non identifiée, la cour d'appel a pu en déduire, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la première branche du moyen, que la note d'information dont se prévalait l'assureur ne pouvait être considérée comme ayant été remise à l'intéressé, de sorte que le délai de trente jours n'avait pas couru ;

Mais sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu l'article L. 132-5-1 du code des assurances dans sa rédaction alors applicable ;

Attendu que si la faculté prorogée de renonciation prévue par ce texte en l'absence de respect, par l'assureur, du formalisme informatif qu'il édicte, revêt un caractère discrétionnaire pour le preneur d'assurance, son exercice peut dégénérer en abus ;

Attendu que pour juger que M. X... était en droit de renoncer au contrat d'assurance et condamner l'assureur, en conséquence, à lui restituer la somme de 12 000 euros, outre les intérêts au taux légal, l'arrêt retient que le fait que M. X... ait été directeur d'une société de production de produits laitiers et qu'il dispose d'un patrimoine immobilier d'environ 150 000 euros, essentiellement constitué de sa résidence principale, ne permet pas de le qualifier d'assuré averti, ses connaissances spécifiques dans le domaine financier n'étant nullement démontrées ; qu'il ne peut être déduit du seul fait que M. X... a exercé son droit de renonciation neuf années après la souscription du contrat que ce dernier est de mauvaise foi et a commis un abus de droit dans l'exercice de celui-ci ; que M. X..., insuffisamment informé, n'a pas été en mesure d'apprécier la portée de son engagement, de sorte qu'il ne peut être considéré comme ayant d'une part, agi de mauvaise foi, d'autre part, commis un abus de droit ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher à la date d'exercice de la faculté de renonciation, au regard de la situation concrète de M. X..., de sa qualité d'assuré averti ou profane et des informations dont il disposait réellement, quelle était la finalité de l'exercice de son droit de renonciation et s'il n'en résultait pas l'existence d'un abus de droit, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Touati - Avocat général : M. Lavigne - Avocat(s) : SCP Boulloche ; SCP Rousseau et Tapie -

Textes visés :

Article L. 132-5-1 du code des assurances, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2005-1564 du 15 décembre 2005.

Rapprochement(s) :

Sur la prorogation du délai de renonciation suite au défaut de remise des documents et informations précontractuels en matière d'assurance-vie, à rapprocher : 2e Civ., 13 juillet 2006, pourvoi n° 05-10.958, Bull. 2006, II, n° 205 (rejet). Sur le caractère abusif de l'exercice du droit de renonciation, à rapprocher : 2e Civ., 19 mai 2016, pourvoi n° 15-12.767, Bull. 2016, II, n° 138 (cassation), et les arrêts cités.

2e Civ., 7 février 2019, n° 17-27.099, (P)

Rejet

Applications diverses – Décision du Conseil constitutionnel – Portée

Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième, troisième et quatrième branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 14 septembre 2017), que l'Association hospitalière Nord Artois clinique (l'AHNAC), qui avait souscrit auprès de la Capaves prévoyance, aux droits de laquelle est venue Humanis prévoyance, un contrat de prévoyance complémentaire ayant pour objet de garantir collectivement les membres de son personnel contre les risques incapacité, invalidité et décès, ainsi que leurs conjoints et enfants à charge contre les risques décès, invalidité permanente et totale, a notifié le [...] à cette institution sa décision de résilier le contrat au 31 décembre 2010 ; que l'AHNAC n'ayant pas réglé l'indemnité de résiliation dont Humanis prévoyance lui avait demandé le versement sur le fondement des dispositions de l'article 31 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989, issu de l'article 26 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010, cette dernière l'a assignée en paiement ;

Attendu que l'AHNAC fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à Humanis prévoyance la somme de 435 253 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 20 novembre 2012, alors, selon le moyen :

1°/ que les organismes assureurs peuvent répartir les effets de l'article 18 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 reportant l'âge légal de la retraite à 62 ans sur le niveau des provisions prévues en application des articles 7 et 7-1 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989, au titre des contrats, conventions ou bulletins d'adhésion conclus au plus tard à la date de promulgation de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010, sur une période de six ans au plus à compter des comptes établis au titre de l'exercice 2010 ; qu'en cas de résiliation au cours de cette période transitoire, une indemnité de résiliation est due par le souscripteur ; que pour condamner l'AHNAC à verser une indemnité de résiliation à Humanis prévoyance au titre de la résiliation du contrat de prévoyance notifiée le 22 septembre 2010 à l'organisme assureur, la cour d'appel a retenu que la résiliation était intervenue au cours de la période transitoire ; qu'en statuant ainsi, cependant que cette période débutait « à compter des comptes établis au titre de l'année 2010 » de sorte que l'année 2010 était nécessairement exclue de la période transitoire et qu'ainsi la résiliation notifiée le 22 septembre 2010 n'ouvrait pas droit à indemnité, la cour d'appel a violé l'article 31 de la loi du 31 décembre 1989, créé par l'article 26 de la loi du 9 novembre 2010 ;

2°/ que, subsidiairement, l'article 31 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989, créé par l'article 26 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010, applicable à la cause, porte une atteinte injustifiée ou à tout le moins disproportionnée à la garantie des droits résultant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 en ce qu'il met à la charge du souscripteur d'un contrat de prévoyance qui a notifié à son assureur la résiliation du contrat à une date antérieure à l'adoption et à l'entrée en vigueur de la loi du 9 novembre 2010 une indemnité de résiliation, cette indemnité remettant en cause les effets que le souscripteur pouvait légitimement attendre d'une situation acquise ; que dès lors, il y a lieu de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel et à la suite de la déclaration d'inconstitutionnalité qui interviendra en application de l'article 62 de la Constitution, l'arrêt attaqué se trouvera censuré pour perte de fondement juridique ;

3°/ que, subsidiairement, l'article 31 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989, créé par l'article 26 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010, porte une atteinte injustifiée ou à tout le moins disproportionnée au droit au maintien de l'économie des conventions légalement conclues découlant des articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 en ce qu'il met à la charge du souscripteur d'un contrat de prévoyance qui a notifié à son assureur la résiliation du contrat à une date antérieure à l'adoption et à l'entrée en vigueur de la loi du 9 novembre 2010 une indemnité de résiliation d'un montant potentiellement très conséquent, remettant en cause l'économie de la convention et les effets de sa résiliation initialement prévus ; que dès lors, il y a lieu de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel et à la suite de la déclaration d'inconstitutionnalité qui interviendra en application de l'article 62 de la Constitution, l'arrêt attaqué se trouvera censuré pour perte de fondement juridique ;

4°/ qu'en toute hypothèse, aux termes de l'alinéa 1 de l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens, nul ne pouvant être privé de sa propriété que pour une cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international sous réserve des exceptions prévues à l'alinéa 2 du texte précité ; que la mise à la charge du souscripteur d'un contrat de prévoyance d'une indemnité de résiliation au profit de l'assureur par une loi postérieure à la notification de la résiliation porte une atteinte au droit au respect des biens du souscripteur et à l'exigence de sécurité juridique ; qu'en l'espèce, en mettant à la charge de l'AHNAC qui a notifié à son assureur la résiliation de son contrat à une date antérieure à l'adoption et à l'entrée en vigueur de la loi du 9 novembre 2010 une indemnité de résiliation d'un montant d'un montant de 435 253 euros, indemnité inexistante et non prévisible à la date de notification de la résiliation, la cour d'appel a porté une atteinte injustifiée ou à tout le moins disproportionnée au droit de l'AHNAC au respect de ses biens et partant, a violé l'article 1er, alinéa 1 du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le principe de sécurité juridique ;

Mais attendu, d'abord, que l'autorité absolue que l'article 62, alinéa 3, de la Constitution confère à une décision du Conseil constitutionnel s'attache non seulement à son dispositif mais aussi à ses motifs, dès lors que ceux-ci sont le support nécessaire de celui-là ; que le Conseil constitutionnel ayant énoncé, dans sa décision n° 2018-728 QPC du 13 juillet 2018, qu'il résulte des dispositions de l'article 31 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989, issu de l'article 26 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010, éclairées par les travaux préparatoires, que le législateur a entendu fixer au 1er janvier 2010 le point de départ de la période transitoire de six ans pendant laquelle les organismes assureurs ont la possibilité d'étaler les provisionnements supplémentaires, et que l'indemnité due par le souscripteur en cas de résiliation, prévue par ces dispositions, s'applique aux contrats en cours d'exécution à la date de leur entrée en vigueur, la cour d'appel, qui a retenu que l'AHNAC avait résilié le contrat au 31 décembre 2010, après la promulgation de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 et pendant la période transitoire de six ans, a exactement décidé que celle-ci devait cette indemnité ;

Attendu, ensuite, que le Conseil constitutionnel a, par sa décision n° 2018-728 QPC du 13 juillet 2018, déclaré conformes à la Constitution les dispositions de l'article 31 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989, issu de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010, contestées par les deuxième et troisième branches ;

Attendu, enfin, que l'AHNAC n'ayant pas invoqué devant la cour d'appel, même en substance, la violation de l'article 1er du premier Protocole additionnel de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le moyen, mélangé de fait et de droit, est nouveau ;

D'où il suit que le moyen, qui est devenu inopérant en ses deuxième et troisième branches et est irrecevable en sa quatrième, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la dernière branche du moyen, annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. Boiffin - Avocat général : M. Lavigne - Avocat(s) : SCP Leduc et Vigand ; SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer -

Textes visés :

Article 62, alinéa 3, de la Constitution ; article 31 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989, issu de l'article 26 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010.

Rapprochement(s) :

Sur l'autorité de la chose jugée attachée aux décisions du Conseil constitutionnel, à rapprocher : 1re Civ., 15 décembre 2011, pourvoi n° 10-27.473, Bull. 2011, I, n° 216 (rejet) ; Soc., 15 mars 2016, pourvoi n° 14-16.242, Bull. 2016, V, n° 47 (cassation partielle) ; 1re Civ., 6 juillet 2016, pourvois n° 15-19.341 et 15-17.346, Bull. 2016, I, n° 156 (cassation partielle), et les arrêts cités ; Soc., 31 mai 2017, pourvoi n° 16-16.949, Bull. 2017, V, n° 96 (cassation). Sur l'indemnité de résiliation du contrat de prévoyance pendant la période transitoire, à rapprocher : Cons. Const., 13 juillet 2018, décision n° 2018-728 QPC.

2e Civ., 21 février 2019, n° 17-27.900, (P)

Rejet

Appréciation souveraine – Astreinte – Suppressioin – Suppression pour l'avenir – Conditions – Cause étrangère (non)

Sur le premier moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 23 octobre 2017), que statuant sur renvoi après cassation (3e Civ., 28 avril 2011, pourvoi n° 09-71.178), un arrêt a condamné sous astreinte l'Association communale de chasse agréée de Blesle (l'ACCA) à fournir divers documents à M. R... qui a saisi un juge de l'exécution aux fins de liquidation de l'astreinte et de fixation d'une astreinte définitive ;

Attendu que M. R... fait grief à l'arrêt de liquider l'astreinte mise à la charge de l'ACCA par l'arrêt de la cour d'appel de Riom en date du 21 mai 2012 ayant couru du 7 juillet 2012 au 2 septembre 2015 à la somme de 532,50 euros, de condamner l'ACCA à lui payer cette somme et de supprimer pour l'avenir cette astreinte et de préciser que celle-ci avait continué à courir entre le 3 septembre 2015 et le prononcé de sa décision sur la base du montant réduit à la somme de 0,50 euros par jour de retard alors, selon le moyen :

1°/ que le juge saisi de la liquidation d'une astreinte ne peut modifier les obligations mises à la charge du débiteur sans porter atteinte à l'autorité de la chose jugée attachée à la décision l'ayant prononcée ; que, pour supprimer l'astreinte pour l'avenir, la cour d'appel a jugé que l'ACCA avait pu, sans commettre de faute, détruire les registres de battues des années 2004-2005 et 2006-2007 et s'abstenir d'établir les registres relatifs aux plans de venaison des années 2004 à 2011 aux motifs qu'aucune disposition légale ou réglementaire ne l'obligeait à les maintenir à la disposition des adhérents ; qu'en statuant ainsi quand l'ACCA avait été définitivement condamnée à les communiquer à M. R..., la cour d'appel a méconnu l'autorité de chose jugée attachée à cet arrêt, violant, ce faisant, l'article 480 du code de procédure civile et 1355 du code civil ;

2°/ que la cause étrangère justifiant la suppression d'une astreinte provisoire ne peut procéder que d'un fait irrésistible et imprévisible ; qu'en jugeant, pour supprimer l'astreinte pour l'avenir, que l'ACCA "(se serait) trouvée confrontée à des causes étrangères l'empêchant de communiquer les registres de battues, à une impossibilité matérielle de communiquer les listes d'émargement des participants aux assemblées générales, les registres de venaison et les notes d'information » pour les années 2004 à 2011, quand il s'évinçait de ses propres constatations que l'ACCA avait détruit ou n'avait jamais établi ces documents antérieurement à sa condamnation, de sorte que de telles circonstances ne formaient pas un obstacle imprévisible à l'exécution de ces chefs de condamnation, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé, ce faisant, l'article 480 du code de procédure civile et 1355 du code civil, ensemble l'article L. 131-4, alinéa 3, du code des procédures civiles d'exécution ;

3°/ que la cassation du chef de dispositif par lequel la cour d'appel a supprimé l'astreinte pour l'avenir entraînera, par voie de conséquence, celle des chefs de dispositif par lesquels elle a liquidé l'astreinte mise à la charge de l'ACCA par l'arrêt de la cour d'appel de Riom en date du 21 mai 2012 ayant couru du 7 juillet 2012 au 2 septembre 2015 à la somme de 532,50 euros et condamné l'ACCA à payer cette somme à M. R..., par application de l'article 624 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la décision prononçant une astreinte étant dépourvue de l'autorité de la chose jugée, le juge peut décider, dans l'exercice de son pouvoir souverain, de la supprimer pour l'avenir sans avoir à relever l'existence d'une cause étrangère, l'article L. 131-4, alinéa 3, du code des procédures civiles d'exécution n'ayant vocation à s'appliquer qu'à la liquidation d'une astreinte ayant déjà couru ; que, dès lors, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel a décidé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, de supprimer l'astreinte pour l'avenir ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, et le second moyen, annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. Cardini - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article L. 131-4, alinéa 3, du code des procédures civiles d'exécution.

Rapprochement(s) :

Sur le fait que la décision prononçant une astreinte est dépourvue de l'autorité de la chose jugée, à rapprocher : 2e Civ., 30 avril 2002, pourvoi n° 00-13.815, Bull. 2002, II, n° 83 (rejet). Sur le pouvoir souverain du juge de supprimer l'astreinte pour l'avenir sans avoir à relever l'existence d'une cause étrangère, à rapprocher : 2e Civ., 2 juillet 2009, pourvoi n° 08-17.335, Bull. 2009, II, n° 178 (rejet).

1re Civ., 13 février 2019, n° 18-14.627, (P)

Rejet

Appréciation souveraine – Etranger – Placement en rétention – Notification des droits attachés au placement – Retard – Absence de grief

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 22 novembre 2017), et les pièces de la procédure, que M. B... O..., de nationalité colombienne, en situation irrégulière sur le territoire national, a été interpellé à l'issue d'un contrôle d'identité réalisé le 17 novembre 2017, présenté à l'officier de police judiciaire et a reçu notification de ses droits afférents à la retenue pour vérification de son droit au séjour, par le truchement d'un interprète en langue espagnole ; qu'à l'issue de cette retenue, le préfet a pris une décision de placement en rétention administrative de l'intéressé ; que, le lendemain, le juge des libertés et de la détention a été saisi par celui-ci d'une contestation de cette décision et, le 19 novembre, par le préfet, d'une demande de prolongation de la mesure ;

Attendu que M. B... O... fait grief à l'ordonnance d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en cas de retenue pour vérification du droit au séjour, la notification différée de ses droits à la personne retenue ne peut être admise qu'en présence de circonstances insurmontables qu'il appartient au juge de caractériser ; que le seul recours à un interprète est à cet égard insuffisant ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations du délégué du premier président qu'entre l'interpellation et la notification des droits de l'intéressé il s'était écoulé un délai de deux heures quarante ; qu'en se fondant uniquement, par des motifs impropres à caractériser les circonstances insurmontables auxquelles auraient été confrontés les fonctionnaires de police pour différer la notification de ses droits à la personne retenue, sur la nécessité d'un recours à un interprète après avoir expressément constaté l'absence d'explication autre que le recours audit interprète, le premier président de la cour d'appel a violé les articles L. 522-13 et L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

2°/ que tout retard dans la mise en oeuvre de la notification des droits et de l'information du parquet prévues à l'article L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non justifié par des circonstances insurmontables, fait nécessairement grief aux intérêts de la personne retenue ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations du délégué du premier président qu'entre l'interpellation et la notification des droits de l'intéressé en présence d'un interprète il s'était écoulé un délai de deux heures quarante ; qu'en décidant cependant que l'intéressé n'alléguait ni ne justifiait d'aucune atteinte à ses droits au visa de l'article L. 552-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le délégué du premier président de la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé de circonstances insurmontables, a violé les textes susvisés ;

Mais attendu que l'ordonnance retient, d'une part, qu'à l'issue du contrôle effectué à 7 heures 50, M. B... O... a été présenté, à 8 heures 39, à l'officier de police judiciaire qui a décidé de son placement en retenue, et qu'un interprète en langue espagnole a été immédiatement requis, en présence duquel ses droits lui ont été notifiés à 10 heures 30, d'autre part, que l'intéressé n'allègue ni ne justifie d'aucune atteinte à ses droits résultant de cette notification dans le délai de deux heures quarante après son interpellation ; qu'ayant ainsi souverainement apprécié l'absence de grief résultant de ce retard, le premier président, qui n'avait pas à s'expliquer sur d'éventuelles circonstances insurmontables, a pu en déduire que les conditions de l'article L. 552-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'étaient pas réunies ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Gargoullaud - Avocat général : Mme Caron-Deglise - Avocat(s) : SCP Le Bret-Desaché ; SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois -

Textes visés :

Articles L. 552-13 et L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Rapprochement(s) :

Sur le contrôle exercé par le juge quant à l'atteinte aux droits de l'étranger placé en rétention administrative en cas de retard non justifié dans la mise en oeuvre de la notification de ses droits, à rapprocher : 1re Civ., 18 décembre 2013, pourvoi n° 13-50.010, Bull. 2013, I, n° 247 (cassation sans renvoi) ; 1re Civ., 7 décembre 2016, pourvoi n° 15-19.990, Bull. 2016, I, n° 241 (rejet), et l'arrêt cité.

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